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19/06/2024 | FRANCE | N°23/00020

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 19 juin 2024, 23/00020


ARRET N°

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19 Juin 2024

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N° RG 23/00020 - N° Portalis DBVE-V-B7H-CF3B

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[S] [V]

C/

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE

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Décision déférée à la Cour du :

30 janvier 2023

Pole social du TJ de BASTIA

20/00065

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Copie exécutoire délivrée le :









à :
r>RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE



AVANT DIRE DROIT





ARRET DU : DIX NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE





APPELANT :



Monsieur [S] [V]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représenté par Me ...

ARRET N°

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19 Juin 2024

-----------------------

N° RG 23/00020 - N° Portalis DBVE-V-B7H-CF3B

-----------------------

[S] [V]

C/

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

30 janvier 2023

Pole social du TJ de BASTIA

20/00065

------------------

Copie exécutoire délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

AVANT DIRE DROIT

ARRET DU : DIX NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE

APPELANT :

Monsieur [S] [V]

[Adresse 7]

[Localité 5]

Représenté par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 6]

Représentée par Me Gilles ANTOMARCHI, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Bruent, président de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur BRUNET, président de chambre,

Madame BETTELANI, conseillère

Mme ZAMO, conseillère

GREFFIER :

Madame CARDONA, greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 juin 2024

ARRET

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur BRUNET, président de chambre et par Madame CARDONA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LES TERMES DU LITIGE :

M. [S] [V] a été embauché par la SCA [11] le 10 novembre 2008 en qualité d'ouvrier d'élevage avicole chargé d'effectuer tous les travaux nécessaires au bon déroulement de la production d'élevage de poulets.

Puis a occupé le poste de responsable du couvoir à compter de mars 2011 jusqu'à la rupture de son Contrat à durée indéterminée le 8 novembre 2017.

Le 1er février 2019, M. [V] a demandé une reconnaissance de Maladie Professionnelle relevant du Tableau N°57 bis du régime agricole prévu à l'article R 461-3 pour « rachis cervicodorsolombaire dégénératif avec hernie discale», avec pour date de première constatation le 1er février 2019.

Après réponse par M. [V] au questionnaire de la MSA par courrier du 12 juin 2019, la MSA a rejeté le 20 septembre 2019 sa demande de reconnaissance de maladie professionnelle au motif que « les éléments médicaux produits ne sont pas en rapport avec la maladie listée au tableau ».

Par courrier du 18 novembre 2019, M. [V] a saisi la commission de recours amiable de la MSA, puis en l'absence de réponse dans le délai de deux mois le pôle social du tribunal judiciaire par courrier du 27 février 2020.

Par jugement avant dire droit en date du 10 mai 2021, le pôle social a ordonné un examen médical technique en vertu des dispositions de l'article L 141 du Code de la sécurité sociale, confié au docteur [H], qui a déposé son rapport le 7 novembre 2022, en concluant que 'la pathologie de lombalgies sans sciatique ni cruralgie n'entre pas dans le cadre du tableau 57 bis', et entre 'en relation avec l'activité professionnelle de la victime', mais 'pour une incapacité inférieure à 25%'.

En lecture de cet examen médical technique, le pôle social a pris la décision suivant, par jugement en date du 30 janvier 2023 :

« DÉBOUTE monsieur [S] [V] de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE monsieur [S] [V] aux dépens, à l'exception des frais issus de l'expertise technique qui demeure à la charge de la caisse. »

M. [V] a interjeté appel et sollicite l'infirmation dudit jugement en toutes ses dispositions. Avant d'être

Et sollicite de la cour, dans ses écritures du 19 octobre 2023 réitérées et soutenues oralement en audience publique, de voir :

Infirmer le jugement entrepris du 30 janvier 2023 ;

Et STATUANT à NOUVEAU ;

Designer avant dire droit un nouvel expert aux fins de dire si la pathologie présentée par monsieur [V] relève d'une affection répertoriée au tableau des maladies professionnelles, et notamment du tableau 57 bis ;

Designer un CRRMP aux fins de dire s'il existe un lien de causalité direct entre la maladie professionnelle et le travail habituel de M. [V],

A titre principal :

Annuler la décision de la MSA en date du 20 septembre 2019

Dire que M. [V] peut se prévaloir de la maladie professionnelle 57bis

A titre subsidiaire, dire encore que M. [V] peut se prévaloir de la maladie hors tableau ;

Ordonner la désignation d'un expert médical afin de dire et juger si cette pathologie a entraîné un taux d'incapacité supérieur à 25% et dire dans ce cas si la pathologie apparaît être essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime.'

A cet effet, M. [V] entend faire valoir qu'il ne peut être contesté, au regard des pièces produites aux débats, que son métier implique nécessairement des Travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes.

Et fournit au soutien de sa voie de recours le détail précis des tâches effectuées du lundi au dimanche, représentant chaque semaine un total de 8770Kg de charges minimales soulevées à bout de bras.

Ainsi que le concernant, les tableaux horaires officiels des poulets bastiais visant M. [V] et les plannings hebdomadaires des ramassages couvoir des poulets bastiais, outre le document officiel des poulets bastiais « plan de nettoyage » détaillant la journée de travail au couvoir.

Ce document devant permettre de constater les tâches, les cadences, et les travaux de manutention manuelle accomplis par l'appelant.

Avant de verser au débat judiciaire l'avis d'inaptitude à son poste du médecin du travail suivant avis du 11 octobre 2017, précisant clairement que son maintien dans son emploi serait gravement préjudiciable pour son état de santé.

Sa situation personnelle s'étant d'ailleurs traduite par le licenciement de M. [V], intervenu le 10 novembre 2017.

Ainsi M. [V] demande à la cour de dire que les tâches professionnelles de M. [V] ayant impliqué des travaux de manutention manuelle habituelle de charges lourdes, le lien entre la maladie déclarée et la profession est établi.

Et de tenir compte, sur le rapport du docteur [H], que non seulement l'expert n'a pas été clair avec M. [V] au regard des documents attendus mais n'a pas plus sollicité de documents au conseil de M. [V], alors que l'assuré social a été opéré en janvier 2022 d'un mélanome avec traitement lourd l'ayant empêché de passer immédiatement les IRM du rachis en totalité, utiles à la procédure judiciaire.

Dans ses conclusions d'intimée communiquées le 10 mai 2024, la Caisse de Mutualité Sociale Agricole de la Région CORSE (la MSA) entend soutenir essentiellement :

- d'une part le rejet de la demande de reconnaissance de maladie professionnelle au titre du tableau maladie professionnelle 57 bis, dans la mesure où l'instruction du dossier de M. [V] et ses IRM lombaires ne montraient pas de hernie discale, mais des lésions d'arthrose massif articulaires postérieurs ;

- d'autre part, dans l'hypothèse d'une maladie déclarée non visée dans un tableau, l'absence de taux d'IPP supérieur à 25%.

Avant de conclure dans ses écritures au débouté de M. [V] et en conséquence à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions.

Et y ajoutant,

à la condamnation de M. [V] au paiement de la somme de 840 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

A l'audience publique tenue le 14 mai 2024, le conseil de la MSA a fait connaître son absence d'opposition à l'institution par la cour d'une expertise médicale judiciaire ou à la consultation d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles aux fins de rechercher s'il existe un lien direct entre la maladie désignée au tableau MP57 bis et le travail habituel de la victime.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l'article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE,

Pour statuer comme il l'a fait, le premier juge a pris en considération les diligences accomplies, en vertu des dispositions de l'article L 141-1 du Code de la sécurité sociale alors encore en vigueur, par le docteur [H] lors de l'examen médical technique ayant donné lieu au dépôt de son rapport le 7 novembre 2022.

L'examen médical technique réalisé par le docteur [H] s'est traduit par la confirmation de la position initiale de l'organisme de protection sociale défavorable à M. [V], dans la mesure où sa pathologie de lombalgies sans sciatique ni cruralgie n'entre pas dans le cadre du tableau 57 bis'.

Avant toutefois de conclure qu'elle entre 'en relation avec l'activité professionnelle de la victime', mais 'pour une incapacité inférieure à 25%'.

La cour est saisie d'une situation relevant de la législation sur les risques professionnels, régie par les dispositions de l'article L 461-1 du Code de la sécurité sociale dans sa dernière rédaction issue de la loi n°2017-1836 du 30 décembre 2017, ainsi libellée :

'(...) Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1".

La maladie dont souffre M. [V], pour relever du Tableau 57 bis du régime agricole, doit correspondre pour être prise en charge au titre de la législation sur les risques professionnels, à la désignation suivante:

'Sciatique par hernie discale L4-L5 ou L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante'

Ou

'Radiculalgie crurale par hernie discale L2-L3 ou L3-L4 ou L4-L5 avec atteinte radiculaire de topographie concordante ;'

Il ressort des éléments contradictoirement débattus que M. [V] n'atteint pas un taux d'incapacité permanente de 25%.

En revanche plusieurs documents relevant de l'imagerie médicale n'ont pu être présentés au médecin désigné en phase d'examen médical technique en raison du traitement lourd suivi par M. [V] pour un mélanome empêchant le recours aux examens de la sphère radiologique, à savoir :

- l'IRM du rachis lombaire réalisé le 20 décembre 2021 ;

- L'IRM du rachis en totalité du 29 novembre 2022 ;

- la radiographie des épaules et des genoux du 28 novembre 2022 ;

- la radiographie du rachis lombo-sacré et du bassin, du 30 novembre 2022.

Ainsi il apparaît en phase décisive d'appel que le recours à un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles n'est pas susceptible d'éclairer le litige en son état d'avancement dans la mesure où la question du lien direct et essentiel entre d'une part la maladie de M. [V] pouvant se situer en dehors du tableau n°57 bis du régime agricole, et d'autre part son travail habituel pendant sa période d'activité au sein de la SCA [11], ne souffre pas difficulté.

Tenant compte du dernier échange d'argumentation entre parties à la faveur de l'oralité des débats, la cour décide de recourir à une expertise médicale obéissant aux règles issues de la méthode médico-légale, confiée au docteur [Z] qui reçoit mission notamment de fournir tous éléments permettant à la juridiction saisie de déterminer le taux d'incapacité permanente de

M. [V] à partir des éléments médicaux non encore disponibles lors de l'examen médical technique réalisé par le docteur [H] jusqu'au dépôt de son rapport le 7 novembre 2022.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

ORDONNE avant dire droit une expertise répondant aux exigences médico-légales, et désigne pour y procéder :

le docteur [W] [Z]

exerçant Clinique [9]

[Adresse 3]

[Localité 4]

Tél: [XXXXXXXX01]

Portable: [XXXXXXXX02]

Courriel: [Courriel 8]

Lui donne pour mission, après avoir convoqué les parties, de :

- se faire remettre l'ensemble des documents médicaux figurant ou mentionnés au dossier de la procédure et tout autre document qu'il estimerait nécessaire ;

- procéder à l'examen de Monsieur [V] , si nécessaire en présence d'un interprète ;

- décrire l'ensemble des troubles allégués par Monsieur [V] principalement au niveau de son rachis ;

- dire éventuellement si ces troubles surviennent sur un état antérieur au certificat médical initial du 1er février 2019 ;

- fournir tous éléments permettant de dire :

- si les lésions objectivées sont susceptibles de relever du tableau n°57 bis des maladies professionnelles du régime agricole inscrite à l'annexe II du Code rural et de la pêche maritime à la rubrique 'Affections chroniques du rachis lombaire provoquées par la manutention manuelle habituelle de charges lourdes' ;

- si elles présentent un lien direct avec le travail habituel de l'assuré social ; - si à défaut de relever du tableau n°57 Bis des maladies professionnelles du régime agricole, + l'évaluation à déterminer du taux d'incapacité permanente du patient, atteignant 25% au regard notamment du guide-barème pour l'évaluation des déficiences et incapacités des personnes handicapées figurant en annexe 2-4 du code de l'action sociale et des familles, est de nature à faire considérer les affections de Monsieur [V] essentiellement et directement causées par son travail habituel ;

Ou si la situation médicale de Monsieur [V] ne relève d'aucune de ces trois hypothèses d'appréciation médico-légale ;

- faire toute observation médicale utile à la parfaite appréciation de la situation de Monsieur [V] ;

DIT que Monsieur [V] pourra se faire assister du médecin de son choix ;

DIT que les frais d'expertise seront avancés par la Caisse de Mutualité Sociale Agricole de la Région CORSE (la MSA) ;

DIT que l'expert déposera son rapport au greffe de la cour d'appel, chambre sociale, dans les quatre mois de sa saisine, et transmettra une copie de ses diligences à chacune des parties ;

DESIGNE Thierry BRUNET, président de chambre, pour suivre les opérations d'expertise ;

RENVOIE l'examen de la situation en litige à l'audience de la chambre sociale de la cour d'appel de BASTIA du 12 novembre 2024 à 09h00 ;

DIT que la notification du présent arrêt par le greffe vaut convocation des parties à cette audience ;

SURSEOIT à statuer sur les autres demandes ;

RESERVE les dépens.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 23/00020
Date de la décision : 19/06/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-06-19;23.00020 ?
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