ARRET N°
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19 Juin 2024
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N° RG 22/00193 - N° Portalis DBVE-V-B7G-CFM2
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[B] [E] épouse [O]
C/
MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE
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Décision déférée à la Cour du :
21 novembre 2022
Pole social du TJ de BASTIA
22/00190
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : DIX NEUF JUIN DEUX MILLE VINGT QUATRE
APPELANTE :
Madame [B] [E] épouse [O]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Représentée par Me Christian FINALTERI, avocat au barreau de BASTIA, substitué par Me Francesca PIERUCI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEE :
MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE DE LA CORSE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Gilles ANTOMARCHI, avocat au barreau de BASTIA, substitué par Me Stéphanie ANTOMARCHI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 avril 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Brunet, président de chambre.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur BRUNET, président de chambre,
Madame BETTELANI, conseillère
Mme ZAMO, conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 juin 2024
ARRET
- Contradictoire
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
- Signé par Monsieur BRUNET, président de chambre et par Madame CARDONA, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [B] [E], épouse [O], née le 20 juillet 1968, a été affiliée à la caisse de mutualité sociale agricole (MSA) de la Corse en qualité de cheffe d'exploitation d'un élevage porcin situé à [Localité 2].
Le 10 juin 2020, l'organisme a notifié à Mme [E] sa radiation auprès de ses services à compter du 1er janvier 2020.
Le 21 juillet 2020, Mme [E] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable (CRA) de la caisse qui, lors de sa séance du 5 mai 2022, a rejeté sa demande.
Le 5 août 2022, Mme [E] a porté sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia.
Par jugement contradictoire du 21 novembre 2022, la juridiction saisie a :
- débouté Mme [B] [O] de l'ensemble de ses demandes ;
- condamné Mme [O] aux entiers dépens.
Par courrier électronique du 21 décembre 2022, Mme [E] a interjeté appel de l'entier dispositif de cette décision qui lui avait été notifiée le 22 novembre 2022.
L'affaire a été appelée à l'audience du 16 avril 2024 au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.
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En parallèle, le 27 mai 2022, Mme [E] a contesté devant le juge de l'exécution de Bastia la saisie-attribution effectuée par la caisse de la mutualité sociale agricole de la Corse à son encontre sur le fondement de quatre contraintes, pour obtenir le paiement des cotisations et majorations de retard dues au titre des années 2014, 2015, 2016, 2017, 2018 et 2019.
Aux termes de l'arrêt mixte du 21 février 2024, la cour d'appel de Bastia a :
- déclaré recevable l'appel interjeté par la caisse de mutualité sociale agricole de la Corse,
- rejeté la fin de non recevoir relative à la prescription de l'action en recouvrement et le bien-fondé de la procédure de saisie-attribution effectuée le 21 avril 2022 par la caisse de mutualité sociale agricole de la Corse,
- déclaré recevables les actions en recouvrement et en exécution forcée, pratiquées le 21 avril 2022, par la caisse de mutualité sociale agricole de la Corse,
- sursis à statuer concernant le caractère exigible des cotisations réclamées postérieurement au 10 janvier 2017 et le surplus des demandes en découlant, dans l'attente de l'arrêt au fond de la chambre sociale de la cour d'appel de Bastia,
- renvoyé la présente procédure à la mise en état du 5 juin 2014,
- réservé le paiement des dépens.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, Madame [B] [E] épouse [O], appelante, demande à la cour de':
' JUGER l'appel interjeté par Madame [B] [O] parfaitement recevable et bien fondé ;
INFIRMER le jugement rendu le 21 novembre 2022 par le Tribunal Judiciaire de BASTIA, en ce qu'il a débouté Madame [B] [O] de l'ensemble de ses demandes ;
STATUANT A NOUVEAU :
INFIRMER la décision rendue par la Commission de recours amiable de la Mutualité Sociale Agricole de la Corse en date du 22 juin 2022 ;
FIXER la date de radiation de Madame [B] [O] auprès de la Mutualité Sociale Agricole de la Corse au 10 janvier 2017, pour les raisons décrites aux motifs ;
CONDAMNER la Mutualité Sociale Agricole de la Corse à payer à Madame [B] [O] la somme de 1.500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, correspondant aux frais irrépétibles de première instance ;
CONDAMNER la Mutualité Sociale Agricole de la Corse à payer à Madame [B] [O] la somme de 2.500,00 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile, correspondant aux frais irrépétibles d'appel ;
CONDAMNER la Mutualité Sociale Agricole de la Corse aux entiers dépens.'
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait notamment valoir :
- qu'elle a procédé à la déclaration de sa cessation d'activité le 10 janvier 2017,
- que son fils, M. [W] [O], a repris l'activité le 19 janvier 2017,
- qu'elle a immédiatement transmis ces informations à la MSA, de sorte qu'elle a parfaitement respecté le délai de trente jours énoncé aux articles R. 722-19 et D. 781-36 du code rural et de la pêche maritime,
- qu'elle justifie d'une activité qui a débuté le 1er octobre 2009 et s'est achevée le 31 décembre 2016.
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Au terme de ses écritures, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la mutualité sociale agricole de la Corse, intimée, demande à la cour de':
'Statuer ce que de droit sur la recevabilité en la forme de l'appel interjeté par Madame [B] [E] [O]
Au fond l'en débouter et en conséquence,
Confirmer le Jugement déféré en toutes ses dispositions
Condamner Madame [B] [O] au paiement de la somme de 840 e par application des dispositions de l'Article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens'.
L'intimée réplique notamment que la déclaration de radiation, faisant état d'une cessation d'activité au 10 janvier 2017, n'a été transmise à ses services par l'assurée que le 04 juin 2020, soit plus de trois ans après la date invoquée.
L'organisme rappelle que cette démarche n'est de surcroît que déclarative et ne saurait donc constituer une preuve de l'arrêt de l'activité professionnelle de l'assurée.
La MSA précise en outre que ces renseignements devaient être fournis 'dans les 30 jours suivant la date à laquelle l'intéressé a rempli ou cessé de remplir les conditions d'assujettissement à l'assurance', conformément aux dispositions des articles R. 722-19 et D. 781-36 du code rural et de la pêche maritime.
La caisse soulève enfin qu'entre la date prétendue de cessation d'activité et la date de radiation retenue, l'appelante s'est vue adresser des relevés de situation portant appel de cotisations, des mises en demeure et trois contraintes qu'elle n'a pas cru utile de contester.
La MSA fait enfin grief à Mme [E] de n'apporter aucune preuve démontrant l'arrêt de son activité professionnelle à la date du 10 janvier 2017.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
- Sur la recevabilité de l'appel
L'appel formé par Mme [E], interjeté dans les formes et délai légaux, sera déclaré recevable.
- Sur la fixation de la date de radiation
L'article R. 722-19 du code rural et de la pêche maritime dispose que 'Pour l'application de l'article R. 722-16, les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole sont tenus dans les conditions fixées par arrêté du ministre de l'agriculture de fournir à la caisse de mutualité sociale agricole dont ils relèvent, dans les trente jours suivant la date à laquelle l'intéressé a rempli ou cessé de remplir les conditions d'assujettissement à l'assurance, tous renseignements nécessaires à l'immatriculation ou à la radiation :
1° D'eux-mêmes et de leurs conjoints ;
2° De leurs aides familiaux et des conjoints de ces derniers ;
3° Des enfants mineurs de seize ans ou assimilés à la charge des uns et des autres.
Les titulaires de pension de retraite ou allocations de vieillesse mentionnés au 3° de l'article L. 722-10 sont soumis à la même obligation tant en ce qui les concerne personnellement qu'en ce qui concerne leurs conjoints et les enfants mineurs de seize ans ou assimilés à leur charge.
Il en est de même des sociétés d'exploitation ou entreprises agricoles en ce qui concerne leurs membres ainsi que les conjoints et les enfants mineurs ou assimilés à leur charge.
Les déclarations établies à cet effet par les intéressés doivent être conformes au modèle approuvé par le ministre chargé de l'agriculture.
Les déclarations prévues à l'alinéa précédent doivent être assorties des pièces justificatives prévues à l'article R. 113-5 du code des relations entre le public et l'administration et, en ce qui concerne les enfants autres que légitimes, d'un certificat établi par la mairie de la résidence des intéressés attestant que ces derniers ont les enfants à leur charge.'
L'article D. 781-36 du même code établit que 'Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole sont tenus, dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, de fournir aux caisses générales de sécurité sociale territorialement compétentes, dans les trente jours suivant la date à laquelle ils ont rempli ou cessé de remplir les conditions d'assujettissement à l'assurance, tous renseignements nécessaires à l'immatriculation ou à la radiation :
1° D'eux-mêmes et de leurs conjoints ;
2° De leurs aides familiaux et des conjoints de ces derniers ;
3° Des enfants mineurs de seize ans ou assimilés à la charge des uns et des autres.
Les titulaires de la retraite ou de l'allocation de vieillesse agricole entrant dans le champ d'application de l'assurance sont soumis aux mêmes obligations tant en ce qui les concerne qu'en ce qui concerne leurs conjoints et les enfants mineurs de seize ans ou assimilés à leur charge.
Il en est de même des sociétés d'exploitation agricole et des groupements agricoles d'exploitation en commun en ce qui concerne leurs membres non salariés entrant dans le champ d'application de l'assurance, les conjoints de ceux-ci et les enfants mineurs de seize ans ou assimilés à leur charge.
Les déclarations sont établies sur un document conforme au modèle approuvé par les ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale. Elles sont assorties de copies des justificatifs mentionnés à l'article R. 113-5 du code des relations entre le public et l'administration et, en ce qui concerne les enfants autres que les enfants légitimes, d'un certificat établi par la mairie de la résidence des intéressés attestant que ces derniers ont les enfants à leur charge.'
Dans le cas présent, le litige porte sur la fixation de la date de radiation de Mme [B] [E] auprès des services de la MSA, ceux-ci retenant la date du 1er janvier 2020 tandis que l'assurée se prévaut de la date du 10 janvier 2017.
Mme [E] fait notamment valoir qu'elle a procédé à la déclaration de cessation de son activité le 10 janvier 2017 et, au soutien de ses prétentions, expose que :
- son fils, M. [W] [O] a repris son activité le 19 janvier 2017,
- elle a immédiatement transmis ces informations à la MSA,
- le site société.com fait effectivement état de la fermeture de son établissement le 10 janvier 2017.
Il résulte cependant de l'analyse attentive des pièces transmises à la procédure que la date du 10 janvier 2017 retenue par Mme [E] n'est attestée que par ses propres déclarations, sans qu'aucun élément probant ne vienne corroborer ses dires, déclarations qui présentent en outre des incohérences par rapport aux pièces justificatives présentées.
En effet, si Mme [E] déclare dans le courrier de saisine de la CRA que 'mon activité agricole a pris fin à la date de reprise de l'exploitation de mon fils [O] [W] en 2017 et non pas en 2019', la déclaration de radiation montre que celle-ci a été effectuée le 5 juin 2020 pour une transmission la veille soit le 4 juin 2020.
En outre, Mme [E] se prévaut d'une pièce intitulée 'consultation de l'exploitation de Mme [O]'. La cour constate toutefois que cette pièce, qui consiste en une capture d'écran dont l'origine n'est pas renseignée, est transmise en deux exemplaires (pièces 1 et 7), qui présentent de surcroît des divergences entre elles. Ainsi :
- la pièce 1 mentionne une période d'activité du 1er octobre 2009 au 1er janvier 2017, tandis que cette ligne est vide dans la seconde pièce n°7,
- les numéros d'exploitation sont différents : 20302050 pour la première et 20313003 pour la seconde,
- la date de fin d'activité est fixée au 1er janvier 2017 dans la pièce 1 et au 31 décembre 2016 dans la pièce 7,
- la pièce 1 fait état d'une date de dernière mise à jour au 18 décembre 2019 et la pièce 7 au 16 octobre 2009.
Mme [E] explique ensuite que son fils, M. [W] [O], a repris l'activité de la mère le 19 janvier 2017, ce qui corroborerait la date de cessation de son activité. Or, la cour constate à nouveau des divergences remettant en cause le caractère probant des pièces versées. En effet, les pièces 8 et 9 intitulées 'Déclaration de création de l'entreprise de Monsieur [O] en date du 09/01/2017' et 'extrait de consultation de l'exploitation de Monsieur [O]' :
- mentionnent des lieux d'exploitation différents de ceux mentionnés dans les pièces relatives à l'activité de Mme [E] ('[Localité 1]' contre '[Adresse 5]),
- la pièce 9 indique une date de début d'activité au 1er janvier 2017, et non au 19 janvier 2017,
- porte un numéro d'exploitation différent de celui de Mme [E] (20313005 contre 20302050 ou 20313003 - pièces 1 et 7 susmentionnées),
- fait état d'une mise à jour au 19 janvier 2017,
- fait état d'une création d'entreprise et non d'une reprise, ainsi qu'il résulte de l'intitulé de la pièce 8, document CERFA titré 'Déclaration de création d'une entreprise agricole - création d'une entreprise personne physique'.
Enfin, Mme [E] présente en pièce 12 un 'extrait du site société.com'. Cependant, la cour relève que la nature de l'activité exercée par Mme [E] indiquée par cette pièce correspond à la 'culture d'autres fruits d'arbres ou d'arbustes et de fruits à coque' et non à l'élevage d'ovins, tout comme la date de la dernière mise à jour effectuée le 06 juin 2020, soit le lendemain de la transmission aux services de la MSA de la déclaration de cessation d'activité effectuée par Mme [E], sont de nature à en remettre en cause le caractère probant.
Il sera ainsi considéré que Mme [E] ne démontre pas, autrement que par ses seules déclarations, avoir cessé son activité le 10 janvier 2017, ni avoir rempli les démarches prescrites par les dispositions légales en vigueur, de sorte qu'il convient de retenir la date indiquée dans la déclaration de cessation d'activité transmise aux services de la MSA de la Corse, seul document probant.
Le jugement querellé sera donc confirmé en toutes ses dispositions déférées.
- Sur les dépens
L'alinéa 1er de l'article 696 du code de procédure civile dispose que 'la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie'.
Mme [B] [E] devra donc supporter la charge des entiers dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
- Sur les frais irrépétibles
L'équité commande de laisser à chacune des parties la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'elles ont été contraintes d'exposer en cause d'appel.
La caisse de la MSA de la Corse et Mme [B] [E] seront donc déboutées de leurs demandes formées sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
CONFIRME en toutes ses dispositions déférées le jugement rendu le 21 novembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia ;
Y ajoutant,
CONDAMNE Madame [B] [E] au paiement des entiers dépens exposés en cause d'appel ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT