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17/04/2024 | FRANCE | N°22/00152

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 17 avril 2024, 22/00152


ARRET N°

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17 Avril 2024

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N° RG 22/00152 - N° Portalis DBVE-V-B7G-CFAY

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S.A. [9]

C/

[Y] [I], CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE

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Décision déférée à la Cour du :

26 septembre 2022

Pole social du TJ de BASTIA

21/00232

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Copie exécutoire délivrée le :




r>



à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE





APPELANTE :



S.A. [9] agissant poursuites et diligences de son rep...

ARRET N°

-----------------------

17 Avril 2024

-----------------------

N° RG 22/00152 - N° Portalis DBVE-V-B7G-CFAY

-----------------------

S.A. [9]

C/

[Y] [I], CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

26 septembre 2022

Pole social du TJ de BASTIA

21/00232

------------------

Copie exécutoire délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE VINGT QUATRE

APPELANTE :

S.A. [9] agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Claudine ORABONA, avocat au barreau de BASTIA

INTIMES :

Monsieur [Y] [I]

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représenté par Me Caroline GOEURY-GIAMARCHI, avocat au barreau de BASTIA

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 février 2024 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Brunet, président de chambre.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur BRUNET, Président de chambre,

Madame BETTELANI, Conseillère

Mme ZAMO, Conseillère

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 avril 2024

ARRET

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur BRUNET, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 13 octobre 2014, M. [Y] [I] a été embauché par la société anonyme (S.A.) [9] sous contrat de travail à durée déterminée en tant qu'agent de production avant d'être salarié le 1er juin 2015 en vertu d'un contrat à durée indéterminée, puis pour y exercer les fonctions de conducteur routier à compter du 24 juillet 2017.

Le 20 juin 2018, un événement dommageable est survenu sur la personne de [Y] [I], pris en charge d'emblée par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Corse au titre de la législation professionnelle applicable en matière d'accident du travail.

Le 25 octobre 2021, M. [I] a sollicité de l'organisme de protection sociale la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur.

Le 10 novembre 2021, la caisse lui ayant répondu être dans l'incapacité d'organiser la tentative préalable obligatoire de conciliation, M. [I] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia d'une demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de la société [9] dans la survenance de son accident.

Par jugement mixte mis à disposition contradictoirement le 26 septembre 2022, la juridiction saisie a :

- dit que l'accident du travail de M. [Y] [I] du 20 juin 2018 résultait d'une faute inexcusable de son employeur, la S.A. [9] ;

En conséquence,

- dit que M. [Y] [I] avait le droit à une indemnisation complémentaire, conforme à l'article L. 452-1du Code de la sécurité sociale en prenant la forme d'une majoration de la rente forfaitaire, ainsi qu'à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de possibilités de promotion professionnelle ;

- précisé que la CPAM devrait faire l'avance de l'indemnisation et des frais d'expertise ;

- ordonné, avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices, une expertise médicale de M. [I] ;

- désigné en qualité d'expert le Dr [R] [P] afin d'y procéder ;

- dit que l'expert accomplirait sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile et que, sauf conciliation des parties, il déposera son rapport au greffe dans les quatre mois de sa saisine ;

- dit que l'expert pourra recueillir les déclarations de toutes personnes informées ;

- déclaré le présent jugement commun et opposable à la CPAM de la Haute-Corse qui fera l'avance des indemnités allouées, à charge pour elle d'en obtenir le remboursement par la S.A. [9] ;

- condamné la S.A. [9] au paiement des entiers dépens.

Par courrier électronique du 18 octobre 2022, la société [9] a interjeté appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 28 septembre 2022, appel limité aux chefs critiqués en ce qu'elle a :

'- dit que l'accident du travail de M. [Y] [I] du 20 juin 2018 résultait d'une faute inexcusable de son employeur, la S.A. [9] ;

- dit que M. [Y] [I] avait le droit à une indemnisation complémentaire, conforme à l'article L. 452-1 qui prenait la forme d'une majoration de la rente forfaitaire, ainsi qu'à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de possibilités de promotion professionnelle ;

- ordonné, avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices, une expertise médicale de M. [I] ;

- désigné en qualité d'expert le Dr [R] [P] afin d'y procéder ;

- déclaré le présent jugement commun et opposable à la CPAM de la Haute-Corse qui fera l'avance des indemnités allouées, à charge pour elle d'en obtenir le remboursement par la S.A. [9] ;

- condamné la S.A. [9] au paiement des entiers dépens'.

L'affaire a été utilement appelée à l'audience du 13 février 2024, au cours de laquelle les parties, non comparantes, étaient représentées.

EXPOSE DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la S.A. [9] agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié es qualité au siège social, appelante, demande à la cour de':

'Infirmer la décision rendue en date du 26 septembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de BASTIA en ce qu'elle a dit que l'accident du travail de M. [Y] [I] du 20 juin 2018 résulte d'une faute inexcusable de la S.A. [9], dit que M. [Y] [I] a droit à une indemnisation complémentaire, conforme l'article L. 452-1 qui prenait la forme d'une majoration de la rente forfaitaire, ainsi qu'à la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément et du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de possibilités de promotion professionnelle ; avant dire droit sur l'indemnisation des préjudices ordonne une expertise médicale de Mr [I], désigne en qualité d'expert le Dr [R] [P], déclare le présent jugement commun et opposable à la CPAM de la Haute-Corse qui fera l'avance des indemnités allouées, à charge pour elle d'en obtenir le remboursement par la S.A. [9], condamne [9] aux entiers dépens.

Statuant à nouveau

Débouter Mr [I] [Y] de toutes ses demandes.

Le condamner aux dépens.'   

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait notamment valoir qu'elle n'a commis aucune faute inexcusable, a dispensé toutes les formations requises et pris toutes les précautions nécessaires et que l'accident est uniquement dû à la faute du salarié.

Concernant l'obligation de formation, la S.A. [9] reproche à M. [I] de n'avoir jamais invoqué l'article R. 4323-55 du code du travail sur la méconnaissance par l'employeur de son obligation de formation, et précise que celui-ci est titulaire des formations adéquates, à savoir :

- que M. [I] détient les permis C1, C, D1 et D ;

- qu'il est titulaire d'une carte de qualification de conducteur routier, qui a d'ailleurs été renouvelée le 21 septembre 2019, postérieurement à son accident ;

- qu'il a effectué la Formation Initiale Minimale Obligatoire (FIMO) - qui comporte un élément relatif à la manipulation des hayons élévateurs - et la Formation Continue Obligatoire (FCO)-Transport de Marchandises dans son précédent emploi, de sorte qu'il a toute qualification pour non seulement se servir du hayon élévateur mais également pour dispenser lui-même des formations ;

- qu'il était précédemment chauffeur poids lourd et qu'il avait donc utilisé ce matériel à de nombreuses reprises.

L'appelante indique en outre s'être acquittée de cette obligation et notamment :

- a communiqué lors de l'embauche des consignes de sécurité chargement/déchargement ;

- a mis en place un marquage (empreinte des deux pieds à l'encre rouge) qui stipule où l'agent doit se trouver lors du déchargement du hayon ;

- a précisé que le déchargement devait s'effectuer en poussant les containers.

L'employeur fait en outre grief à M. [I] d'avoir adopté une mauvaise position, en ayant tiré au lieu de pousser la structure, en méconnaissance des règles élémentaires de sécurité pourtant connues de lui depuis quatre ans. Il explique ensuite que ce positionnement a une incidence directe sur l'accident en ce qu'il détermine la visibilité qu'avait le salarié sur la position du hayon et qu'en l'occurrence, si M. [I] avait poussé le container vide au lieu de le tirer, il aurait ainsi eu une parfaite vision du hayon élévateur.

L'employeur en conclut que le salarié, de par son action inadéquate, est responsable de son accident.

Concernant l'obligation de contrôle du hayon, l'appelante soutient avoir respecté ses obligations de vérification périodiques contenues aux articles 22 et 23 de l'arrêté du 1er mars 2004. A cette fin, elle fournit deux rapports effectués les 11 juin 2018 et 04 décembre 2018 déclarant tous les deux que le hayon était conforme, ainsi que le rapport de la société chargée de la vérification du matériel après la survenue de l'accident.

En outre, la S.A. [9] indique que la détérioration du soufflet du vérin et de la télécommande mentionnés n'ont eu aucune incidence sur la chute du hayon, de sorte qu'elle ne pouvait avoir aucune conscience d'un quelconque danger auquel aurait été exposé le salarié.

L'appelante rajoute que, contrairement à ce que soutient M. [I], seul le véhicule utilitaire doit être soumis tous les deux ans à un contrôle technique, et non le hayon élévateur, et que ces contrôles ont bien été effectués auprès d'un centre de contrôle agréé.

Enfin, la S.A. [9] reproche à l'intimé d'avoir produit sa pièce n°41 intitulée 'lettre de l'inspection du travail à Monsieur le directeur de la Poste du 22 février et annexes' en violation du secret de l'enquête pénale, celle-ci faisant état d'extraits de procès-verbaux d'audition pénale.

*

Aux termes de ses écritures, réitérées et soutenues oralement à l'audience, M. [Y] [I], intimé, demande à la cour de':

'Confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que l'accident du travail de monsieur [Y] [I] du 20 juin 2018 résultait d'une faute inexcusable de son employeur, la S.A. [9] ;

Y ajoutant,

Retenir la faute de l'employeur s'agissant de l'absence de réalisation des contrôles règlementaires du hayon défectueux ;

Condamner la S.A. [9] à verser à monsieur [I] la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du CPC'.

L'intimé réplique notamment qu'il n'a commis aucune faute et qu'en tout état de cause, la faute de la victime d'un accident n'a pas pour effet d'exonérer l'employeur de la responsabilité qu'il encourt en raison de sa faute inexcusable.

Le salarié indique en effet n'avoir eu d'autre choix que de procéder au déchargement en tirant le container et en reculant sur le hayon, étant au début du déchargement du camion et ne pouvant ainsi contourner le conteneur afin de le pousser.

M. [I] ajoute que :

- cette procédure est d'ailleurs expressément mentionnée dans les consignes spécifiques du centre de tri dans le cadre du début du déchargement d'un camion ;

- ce positionnement est conforté par le fait que les conteneurs sont équipés de poignées et de freins situés à l'arrière et que pour enclencher ou libérer ce frein, le chauffeur doit nécessairement être placé devant le conteneur.

M. [I] précise que le dysfonctionnement du hayon, qui s'est abaissé en dehors de toute action de sa part, causant ainsi sa chute, est corroboré par les tests effectués immédiatement après son accident à l'aide de la télécommande par deux collègues, M. [J] et M. [W], qui ont pu constater que le hayon redescendait en position basse sans parvenir à se bloquer en hauteur.

En second lieu, M. [I] fait grief à l'employeur de n'avoir pas procédé aux vérifications obligatoires du hayon élévateur litigieux, vérifications requises en vertu de l'article R. 233-11 du code du travail, de sorte que celui-ci a manqué à l'obligation de sécurité énoncée dans l'article L. 4121-1 du code du travail, se rendant ainsi coupable d'une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale.

L'intimé expose en effet que :

- le hayon a subi une réparation le 18 janvier 2018 sans qu'ait été réalisé le contrôle règlementaire subséquent ;

- le 11 juin 2018, soit 9 jours avant l'accident, le contrôle semestriel mentionnait une 'détérioration soufflet de vérin' et que cette détérioration persistait à l'issue du contrôle semestriel suivant, effectué le 04 décembre 2018 ;

- les tests pratiqués par la [11] le 21 juin 2018, lendemain de l'accident, ne sont pas ceux prévus par l'arrêté du 1er mars 2004 applicable en cette matière ;

- les contrôles n'ont pas été réalisés par des contrôleurs agréés ;

- l'employeur n'a pas communiqué le rapport de vérification du hayon ni le registre de sécurité (L. 620-6 du code du travail).

Enfin, l'intimé fait grief à l'employeur de n'avoir pas respecté son obligation de formation en ne lui dispensant pas de formation spécifique dédiée à l'utilisation d'un hayon.

A cet effet, M. [I] soutient qu'il a suivi une formation manutention mécanique destinée à la conduite des voiturettes permettant le déchargement des soutes sur la zone aéroportuaire et que le fait d'avoir suivi une FIMO et une FCO dans son précédent emploi ne remplace en rien la formation adéquate, celle reçue ayant en outre un tout autre objet et ne comportant aucun enseignement concernant le fonctionnement des hayons et groupes élévateurs.

*

La CPAM de la Haute-Corse, intimée, indique s'en remettre à la sagesse de la cour.

*

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

A titre liminaire, il sera observé que la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur suppose l'existence préalable d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

En l'espèce, la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident subi par M. [Y] [I] est admise par l'ensemble des parties et ne sera donc pas discutée ici.

Il est en outre constant que cet accident est survenu à l'occasion du déchargement, dans les entrepôts de la S.A. [9], d'un véhicule poids lourd.

M. [I] a ainsi procédé deux fois à la procédure consistant à mettre le hayon à hauteur de la caisse du camion avant d'entrer dans le véhicule afin de récupérer les chariots métalliques vides pour les placer sur le hayon élévateur en le faisant ensuite descendre au niveau du sol à l'aide d'une commande électrique.

A la troisième reprise, M. [I] a effectivement tiré à reculons un conteneur, mais le hayon étant redescendu au sol en dehors de toute intervention humaine, a ainsi causé sa chute, le conteneur tombant à sa suite en lui écrasant tout le côté gauche.

- Sur la faute inexcusable de l'employeur

En application du premier alinéa de l'article L. 4121-1 du code du travail, 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'

L'article L. 4121-2 du même code ajoute que 'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l'article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'

L'article L. 4121-3 du même code précise que 'L'employeur, compte tenu de la nature des activités de l'établissement, évalue les risques pour la santé et la sécurité des travailleurs, y compris dans le choix des procédés de fabrication, des équipements de travail, des substances ou préparations chimiques, dans l'aménagement ou le réaménagement des lieux de travail ou des installations, dans l'organisation du travail et dans la définition des postes de travail. Cette évaluation des risques tient compte de l'impact différencié de l'exposition au risque en fonction du sexe.'

Il résulte de ces dispositions que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des personnes en situation de travail en veillant notamment à mettre en place des actions d'information et de formation, de nature à éviter les risques, à évaluer les risques ne pouvant être évités et à adapter le travail des salariés, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production.

L'employeur est ainsi tenu, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, à une obligation de sécurité, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et maladies professionnelles.

Le manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, ces deux critères étant cumulatifs.

En outre, il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident subi par le salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes - notamment celle de la victime - auraient concouru au dommage.

Sur la conscience du danger

La conscience du danger exigée de l'employeur est analysée in abstracto et ne vise pas une connaissance effective et précise de celui-ci.

Et s'apprécie au moment ou pendant la période de l'exposition au risque.

Il ressort à cet égard des pièces produites par l'appelante que la S.A. [9] avait nécessairement connaissance des risques que représentent pour ses salariés les opérations de chargement et de déchargement à l'aide d'un hayon élévateur. En effet, la pièce n°14 de l'appelante intitulée 'consignes sécurité spécifiques chauffeur hayon' indique, sous l'encart 'Risques spécifiques pouvant exister au poste de travail' que 'les conseils et préconisations sur l'utilisation des matériels, sur les comportements et gestes adaptés ont pour but de limiter les risques identifiés dans le DU (document unique) : routiers, liés à la manutention manuelle, liés aux chutes de hauteur '.

En outre, la pièce n°12 intitulée 'utilisation et manipulation de hayons' comportant le logo de la société [9], mentionne à de nombreuses reprises les dangers liés à l'utilisation d'un hayon, notamment en page 18 'HAYON = DANGER' ou encore en page 27 : 'les manoeuvres de chargement et de déchargement doivent obéir à des règles strictes pour réduire les risques d'accidents'.

Par ailleurs, le manuel de l'utilisateur joint à la pièce 12 indique en page A 21, en légende de la figure 5.23 : 'Lors du déchargement de la plateforme sur le sol, poussez toujours la charge sur le sol et ne la tirez pas. En poussant la charge depuis une position plus élevée, l'opérateur évite que la charge roule/tombe sur lui ou qu'elle le heurte'.

L'employeur, dans sa pièce n°15 'Document d'analyse d'un AT', à la question n°2 'quels sont les risques spécifiques sur cet outillage, cette machine, ce véhicule' ' répond : 'chute de hauteur du camion, chute de hauteur des structures du hayon'.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que la société [9] avait nécessairement conscience du danger inhérent aux opérations de déchargement d'un véhicule poids lourd ainsi que des risques générés par l'utilisation d'un hayon élévateur.

Sur les mesures nécessaires

' les formations

L'article R. 4323-55 du code du travail dispose que 'La conduite des équipements de travail mobiles automoteurs et des équipements de travail servant au levage est réservée aux travailleurs qui ont reçu une formation adéquate.

Cette formation est complétée et réactualisée chaque fois que nécessaire.'

L'appelante affirme avoir satisfait à ses obligations en matière de sécurité au moyen d'une part de consignes de sécurité relatives au chargement et déchargement communiquées au salarié lors de 'l'accueil sécurité', d'autre part d'un marquage au sol stipulant le lieu où l'agent doit se trouver lors du déchargement du hayon, marquage consistant en une empreinte à l'encre rouge de deux pieds.

La S.A. [9] indique en outre que M. [I] était titulaire des formations adéquates, à savoir :

- que M. [I] détient les permis C1, C, D1 et D ;

- qu'il est titulaire d'une carte de qualification de conducteur routier, qui a d'ailleurs été renouvelée le 21 septembre 2019, postérieurement à son accident ;

- qu'il a effectué la FIMO - qui comporte un élément relatif à la manipulation des hayons élévateurs - et la FCO dans son précédent emploi, de sorte qu'il a toute qualification pour non seulement se servir du hayon élévateur mais également pour dispenser lui-même des formations ;

- qu'il était précédemment chauffeur poids lourd et qu'il avait donc utilisé ce matériel à de nombreuses reprises.

M. [I], quant à lui, fait grief à l'employeur de n'avoir pas respecté son obligation de formation en ne lui dispensant pas de formation spécifique dédiée à l'utilisation d'un hayon.

Dans la situation en litige, il ressort de l'analyse des pièces versées à la procédure que M. [I] n'a pas reçu de formation dédiée à l'utilisation d'un hayon élévateur à l'issue de son embauche au sein de la société [9], ayant uniquement suivi une formation 'accueil sécurité' et une formation relative à la 'conduite en sécurité d'engin de manutention électrique' de type TRACMA utilisé dans le secteur aéronautique.

Il apparaît déterminant de la solution du litige de relever à ce stade que la formation dispensée lors de 'l'accueil sécurité' de M. [I] consistait en des consignes générales et spécifiques mais ne comprenait cependant aucune mention de l'utilisation d'un appareil automoteur ou d'un appareil servant au levage.

Ainsi est-il indiqué 'non' dans la case 'conduite véhicule' relative aux consignes spécifiques et dans la case 'TRACMA'.

Si M. [I] a ultérieurement reçu - les 21 et 22 mars 2017 - une formation spécifique relative à la 'conduite en sécurité d'engin de manutention électrique', dispensée sur l'engin TRACMA, à savoir un chariot automoteur de manutention de catégorie C2, ce type de véhicule n'est pas muni d'un hayon, ainsi que l'ont précisé les premiers juges.

Par ailleurs, la catégorie C visée par cette formation représente les véhicules compacts et sont assimilés légalement aux tracteurs agricoles (R. 311-1 du code de la route), et ont d'abord été utilisés dans les aéroports, les compagnies aériennes ayant un besoin spécifique pour remplacer les tracteurs agricoles afin de remorquer les groupes de démarrage et chariots à bagages.

Il en résulte que la formation 'TRACMA' dispensée par l'entreprise n'a pu concerner l'utilisation d'un hayon élévateur.

L'appelante produit en outre un manuel relatif à 'l'utilisation et manipulation de hayons' (pièce n°12) comportant le logo de la société [9], corroborant ainsi le fait que ce sujet faisait effectivement l'objet d'une formation spécifique, en plus de la formation d'accueil et de la formation 'TRACMA'.

Or, aucune pièce n'établit que cette formation spécifique ait effectivement été suivie par M. [I], aucune attestation, à l'instar de la formation précédente, n'étant fournie par l'employeur.

Au surplus, ce document comporte à la fin un test théorique intitulé 'contrôle des connaissances données'. Or, ce quizz est vierge, ce qui tend à confirmer que M. [I] n'y a pas participé.

Cependant, s'agissant des formations que M. [I] a suivi lors de son emploi précédent, il n'est pas contesté par les parties que le salarié est titulaire de la formation initiale minimale obligatoire (FIMO) et qu'il était, le 20 juin 2018, jour de son accident, à jour de la formation continue obligatoire (FCO) qui doit être renouvelée tous les cinq ans, toutes deux obligatoires pour l'exercice du métier de conducteur de véhicules poids lourds.

De surcroît, Il ressort de la pièce n° 40 de l'intimé que la FIMO comporte bien, contrairement à ce que soutient M. [I], une 'application pratique manoeuvre professionnelle' concernant la 'mise à quai - Hayon élévateur - basculement cabine - Dételage/attelage (EC)', dispensée pendant 4h dont 1h en individuel.

En conséquence, il sera considéré que, bien que l'employeur n'ait pas dispensé à M. [I] de formation spécifique à l'utilisation spécifique des hayons élévateurs, celui-ci avait bien été formé sur ce sujet lors de l'obtention de la formation initiale minimale obligatoire (FIMO), ainsi qu'indiqué dans le curriculum vitae fourni à l'occasion de son embauche dans l'entreprise.

La faute inexcusable de la S.A. [9] ne ressort pas à ce stade de l'examen de la situation en litige d'un manquement de formation reçue par M. [Y] [I].

' Sur l'obligation de vérification et de contrôle du véhicule et du hayon

L'article R. 4323-28 du code du travail dispose que 'Des arrêtés des ministres chargés du travail ou de l'agriculture déterminent les équipements de travail et les catégories d'équipements de travail pour lesquels l'employeur procède ou fait procéder à une vérification, dans les conditions prévues à la sous-section 2, lors de leur remise en service après toute opération de démontage et remontage ou modification susceptible de mettre en cause leur sécurité, en vue de s'assurer de l'absence de toute défectuosité susceptible de créer des situations dangereuses.'

L'article R. 4323-24 du même code précise que ' les vérifications générales périodiques sont réalisées par des personnes qualifiées, appartenant ou non à l'établissement, dont la liste est tenue à la disposition de l'inspection du travail.

Ces personnes sont compétentes dans le domaine de la prévention des risques présentés par les équipements de travail soumis à vérification et connaissent les dispositions réglementaires afférentes.'

L'arrêté du 1er mars 2004 relatif aux vérifications des appareils et accessoires de levage dispose en son article 1er que 'Le présent arrêté détermine les équipements de travail utilisés pour le levage de charges, l'élévation de postes de travail ou le transport en élévation de personnes auxquels s'appliquent les vérifications générales périodiques, les vérifications lors de la mise en service et les vérifications lors de la remise en service après toute opération de démontage et remontage ou modification susceptible de mettre en cause leur sécurité, prévues par les articles R4323-23 à R4323-27, R4535-7, R4721-11, R4323-22 et R4323-28 du code du travail, à la charge du chef d'établissement dans lequel ces équipements de travail sont mis en service ou utilisés.

Cet arrêté définit, pour chacune de ces vérifications, leur contenu, les conditions de leur exécution et, le cas échéant, leur périodicité.'

L'article 2 a) dudit arrêté du 1er mars 2004 indique que 'Les équipements de travail dont la liste suit doivent subir les vérifications définies à l'article 1er :

a) Les appareils de levage définis ci-après et leurs supports :

machines, y compris celles mues par la force humaine employée directement, et leurs équipements, conduits par un ou des opérateurs qui agissent sur les mouvements au moyen d'organes de service dont ils conservent le contrôle, dont au moins une des fonctions est de déplacer une charge constituée par des marchandises ou matériels et, le cas échéant, par une ou des personnes, avec changement de niveau significatif de cette charge pendant son déplacement, la charge n'étant pas liée de façon permanente à l'appareil. N'est pas considéré comme significatif un changement de niveau correspondant à ce qui est juste nécessaire pour déplacer la charge en la décollant du sol et n'est pas susceptible d'engendrer de risques en cas de défaillance du support de charge'.

Dans cet arrêté, le terme appareils de levage désigne également les installations de levage répondant à la définition donnée précédemment et précisée par l'annexe au présent arrêté.

L'annexe du présent arrêté précise que sont notamment visés par la définition des appareils de levage les hayons élévateurs.

L'article 22 de l'arrêté du 1er mars 2004 mentionne que 'les appareils de levage visés au a) de l'article 2 du présent arrêté, utilisés dans un établissement visé à l'article L. 4221-1 du code du travail, doivent, conformément aux articles R. 4323-23 à R. 4323-27, R. 4535-7 et R. 4721-11 dudit code, faire l'objet d'une vérification générale effectuée selon la périodicité définie à l'article 23 ci-après'.

L'article 23 de l'arrêté du 1er mars 2004 précise que 'la vérification générale périodique des appareils de levage soumis à l'article 22 doit avoir lieu tous les douze mois.

Toutefois, cette périodicité est de :

a) Six mois pour les appareils de levage ci-après :

- appareils de levage listés aux II et III de l'article 20 ;

- appareils de levage, mus par une énergie autre que la force humaine employée directement, utilisés pour le transport des personnes ou pour déplacer en élévation un poste de travail'.

L'article 19 de l'arrêté du 1er mars 2004 dispose que 'I.-En application de l'article R. 4323-28 du code du travail, la vérification lors de la remise en service des appareils de levage visés au a de l'article 2 comprend :

a) L'examen d'adéquation prévu à l'article 5-I ;

b) Le cas échéant, l'examen de montage et d'installation prévu à l'article 5-II ;

c) L'examen de l'état de conservation prévu à l'article 9 ;

d) L'épreuve statique prévue à l'article 10 ;

e) L'épreuve dynamique prévue à l'article 11.

L'appareil et ses supports doivent subir les deux épreuves précisées aux d et e ci-dessus sans défaillance.

II.-Son fonctionnement, ainsi que l'efficacité des dispositifs qu'il comporte, notamment des freins et limiteurs de course, doivent se montrer entièrement satisfaisants. Il doit en être de même en ce qui concerne les limiteurs de charge et de moment de renversement dont la valeur de déclenchement doit être vérifiée à l'issue des épreuves.'

Le I. de l'article 20 de l'arrêté du 1er mars 2004 ajoute que 'La vérification lors de la remise en service des appareils de levage, prévue à l'article 19, doit être effectuée dans les cas suivants :

a) En cas de changement de site d'utilisation ;

b) En cas de changement de configuration ou des conditions d'utilisation, sur un même site ;

c) A la suite d'un démontage suivi d'un remontage de l'appareil de levage ;

d) Après tout remplacement, réparation ou transformation importante intéressant les organes essentiels de l'appareil de levage ;

e) A la suite de tout accident provoqué par la défaillance d'un organe essentiel de l'appareil de levage.'

*

Dans la situation en débat judiciaire, il n'est pas contesté par les parties que la chute de M. [I] est due au dysfonctionnement du hayon élévateur qui n'est pas resté bloqué en position haute mais s'est abaissé au niveau du sol, et cela en dehors de toute intervention humaine.

Il ressort des textes règlementaires susvisés qu'en tant qu'appareil de levage, le hayon élévateur doit faire l'objet d'un contrôle semestriel ainsi que d'un contrôle supplémentaire en cas de remise en service de l'appareil suite à une opération de démontage et remontage.

Les pièces versées à la procédure permettent d'établir l'historique des opérations concernant le hayon élévateur DHLM20 DHOLLANDIA, numéro de série 16080258 :

- 15 avril 2016 : mise en service du hayon ;

- 18 janvier 2018 : réparations effectuées par la société [10] (SA [12]) ([8]) ;

- 20 février 2018 : rapport de contrôle réglementaire (vérification générale périodique)

- 11 juin 2018 : contrôle réglementaire semestriel effectué par la société [12], faisant état d'une 'détérioration de la commande auxiliaire' et d'une 'détérioration soufflet de vérin' ;

- 11 juin 2018 : rapport de contrôle réglementaire mentionnant que ce contrôle a été réalisé conformément à l'arrêté du 30 novembre 2001 et indiquant que

'les observations relevées et notifiées sur la fiche de visite ne remettent pas en cause la conformité du hayon, ni son utilisation : le hayon est déclaré conforme' ;

- 21 juin 2018 : tests (non précisés) effectués à la suite de l'accident de travail de M. [I] du 20 juin 2018 par la SARL [11] à l'issue desquels la société conclut 'nous vous confirmons que votre véhicule immatriculé [Immatriculation 7] était bien présent dans notre atelier le 21 juin 2018 pour un problème de hayon. Nous avons effectué divers tests et contrôles au niveau du hayon et tout fonctionne normalement' ;

- 04 décembre 2018 : contrôle réglementaire semestriel effectué par la société [12], mentionnant une 'détérioration télécommande' et 'soufflet protection vérin HS'

- 04 décembre 2018 : rapport de contrôle réglementaire mentionnant que ce contrôle a été réalisé conformément à l'arrêté du 30 novembre 2001 et indiquant que

'les observations relevées et notifiées sur la fiche de visite ne remettent pas en cause la conformité du hayon, ni son utilisation : le hayon est déclaré conforme'.

Il résulte de l'analyse attentive des pièces du dossier que le hayon litigieux a fait l'objet d'une opération de démontage et de remontage le 18 janvier 2018. En effet, la pièce n°5 décrit les réparations effectuées : 'contrôle fonctionnement du hayon : plate-forme déchirée, dépose de celle-ci pour soudure et remise en état, repose de l'ensemble et réglage du hayon. Remplacement et remise en état des rails d'arrimage, réparation fixation rétroviseur côté chauffeur. Contrôle final et essais routier après travaux'.

Conformément aux articles 19 et 20 de l'arrêté du 1er mars 2004, le hayon devait ainsi faire l'objet d'un contrôle supplémentaire à l'issue de cette réparation, lors de sa remise en service.

Or, aucun document n'atteste de l'exécution de ces différentes vérifications, telles qu'énumérées à l'article 19 de l'arrêté du 1er mars 2004, notamment l'épreuve statique qui consiste à tester la capacité de levage de l'appareil en soulevant une masse pendant un temps déterminé.

Par ailleurs, la cour souligne que la S.A. [9] opère une confusion entre d'une part le contrôle technique dont le véhicule poids lourd doit faire l'objet tous les ans - et non tous les deux ans comme indiqué dans les conclusions de l'appelante - et d'autre part les contrôles semestriels des appareils de levage (hayon élévateur) dont les conditions sont définies par l'arrêté du 1er mars 2004.

L'article R. 4323-24 du code du travail susvisé précise à cet égard que 'les vérifications générales périodiques sont réalisées par des personnes qualifiées, appartenant ou non à l'établissement, dont la liste est tenue à la disposition de l'inspection du travail'.

En l'occurrence, les contrôles réglementaires semestriels du hayon élévateur ont été effectués par la société [12].

Cependant, aucun document ne permet à cette cour de déterminer si le personnel de cette structure intervenante est qualifié pour l'exercice des vérifications réglementaires.

Surtout, c'est à raison que l'intimé fait remarquer que l'entreprise avait connaissance de la défectuosité d'éléments du hayon, telle que la télécommande et le soufflet du vérin hydraulique. Il ressort a fortiori des procès-verbaux d'audition de MM. [O] [J] et [B] [W], qu'ils ont testé le fonctionnement du hayon immédiatement après l'accident à l'aide de la télécommande, impliquant par là-même qu'il s'agissait d'un élément nécessaire à l'utilisation du hayon élévateur.

Il sera en outre observé que l'appelante ne verse pas aux débats le rapport de vérification du hayon, et pas davantage le registre de sécurité dans lequel doit être consigné le résultat des vérifications périodiques, conformément à l'article L. 620-6 du code du travail.

Ainsi, il ressort de ces éléments que, si la S.A. [9] a bien fait procéder aux contrôles semestriels réglementaires, elle n'a pas respecté son obligation de vérifications requise à l'issue de l'opération de démontage et de remontage du 18 janvier 2018.

-Sur la faute invoquée du salarié:

L'employeur reproche à M. [I] d'avoir adopté un mauvais positionnement lors du déchargement du camion, tirant à reculons le conteneur au lieu de le pousser, commettant ainsi une faute et se rendant en conséquence responsable de son accident, au mépris du respect des consignes données par l'entreprise.

La S.A. [9] explique que ce positionnement a une incidence directe sur l'accident en ce qu'il détermine la visibilité qu'avait le salarié sur la position du hayon et qu'en l'occurrence, si M. [I] avait poussé le container vide au lieu de le tirer, il aurait ainsi eu une parfaite vision du hayon élévateur.

En l'espèce, la procédure que la société [9] a mise en place pour le chargement et déchargement des camions ressort de ses pièces n°12 'programme de formation utilisation hayons' et 14 'consignes sécurité spécifiques chauffeur hayon' et est ainsi décrite :

- sous l'encart 4 intitulé 'Les chutes de hauteur' : 'utiliser les freins des conteneurs ou structures ainsi que les butées STOP ROLL lors des opérations de chargement/déchargement'

- dans la rubrique 'comportements et gestes adaptés à respecter : toujours regarder la position du hayon avant son chargement ou son déchargement'.

Or, il résulte de l'analyse attentive des pièces versées à la procédure, et notamment de la pièce n° 12 de l'appelante et de la pièce n° 37 de l'intimé, que, lors du début d'un déchargement, lorsque le hayon est stabilisé en position haute, il est impossible pour le chauffeur de respecter la procédure de déchargement indiquée, qui consiste à bloquer les freins du conteneur lorsque celui-ci atteint la butée escamotable du hayon, la position des freins, de la butée et des poignées l'obligeant au contraire à tirer le conteneur.

En outre, la pièce n°33 de l'intimé, également intitulée 'consignes spécifiques 'Chargement- Déchargement camion'' - mais différente de la pièce 14 produite par l'appelante - prescrit de 'pousser un seul conteneur à la fois. Ne pas le tirer, sauf cas exceptionnel (ex : sortie d'un conteneur d'un monte-charge, début de déchargement d'un camion)'.

Force est de constater que ce cas particulier du déchargement des premiers conteneurs était ainsi connu de l'entreprise, consciente que la procédure indiquée ne pouvait être suivie dans ce cas précis.

Par ailleurs, les photographies des conteneurs, reproduites en pièce n°38 de l'intimé, mettent en évidence que, contrairement à ce que soutient la société [9], le conteneur est constitué d'une grande 'porte' pleine qui, même lorsque celui-ci est vide, limite grandement la visibilité de ce qui se situe au-delà du chariot.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments que M. [I], qui a respecté les instructions et consignes données par l'employeur, ne s'est rendu coupable d'aucune faute ou comportement inadéquat, sa chute résultant uniquement du dysfonctionnement du hayon qui ne s'est pas maintenu en position haute lors du déchargement du camion.

En tout état de cause, comme le précise justement l'intimé, la faute éventuelle de la victime n'exonère pas l'employeur de sa responsabilité.

*

Il résulte en phase décisive de l'ensemble de ces éléments qu'est établi le lien de causalité entre le dommage subi par M. [I] et les carences de la société [9] en matière de contrôle et de vérification de la conformité des appareils de levage.

Dès lors, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a dit que l'accident du travail dont a été victime M. [I] le 20 juin 2018 résulte de la faute inexcusable de l'employeur, la S.A. [9].

- Sur les dépens

L'alinéa 1er de l'article 696 du code de procédure civile dispose que 'la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie'.

La S.A. [9] devra donc supporter la charge des entiers dépens exposés en cause d'appel et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamné au paiement des dépens de première instance.

- Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à M. [I] la charge des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel.

La société [9], partie succombante, sera donc condamnée à payer à M.[I] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

CONFIRME le jugement rendu le 26 septembre 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de BASTIA en toutes ses dispositions querellées ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société S.A. [9] au paiement des entiers dépens exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE la société S.A. [9] à payer à M. [Y] [I] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 22/00152
Date de la décision : 17/04/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 23/04/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-04-17;22.00152 ?
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