ARRET N°
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17 Mai 2023
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N° RG 21/00083 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CAUK
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[N] [O]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE
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Décision déférée à la Cour du :
08 mars 2021
Pole social du TJ de BASTIA
20/00005
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
AVANT DIRE DROIT
ARRET DU : DIX SEPT MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANT :
Monsieur [N] [O]
[Adresse 2]
[Localité 4]/France
Représenté par Me Bernard GIANSILY, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/001857 du 18/10/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE
Service Contentieux
[Adresse 6]
[Localité 5]
Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur JOUVE, Président de chambre et Madame COLIN, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 février 2023, puis a fait l'objet de prorogations au 15 mars et 17 mai 2023.
ARRET
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière, présente lors de la mise à disposition de la décision.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 15 mars 2011, M. [N] [O] a été victime d'un accident pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Corse au titre de la législation sur les risques professionnels. L'état de santé de M. [O] a été consolidé au 30 août 2015 et un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 14% lui a été attribué.
Le 13 juin 2016, M. [O] a été victime d'une rechute prise en charge par la CPAM.
Le 06 février 2019, la CPAM a notifié à l'assuré sa décision de fixer la date de consolidation de son état de santé au 17 février 2019, suivant l'avis émis par la Dre [Z] [E], médecin conseil.
M. [O] a contesté cette date et a sollicité de la caisse la mise en oeuvre d'une expertise médicale technique. Celle-ci a été confiée au Dr [C] [F] qui, dans son rapport du 02 juillet 2019, a confirmé que la consolidation était acquise au 17 février 2019.
Le 11 juillet 2019, la CPAM a donc notifié à M. [O] sa décision de maintenir la date de consolidation de son état au 17 février 2019.
Le 04 septembre 2019, M. [O] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable (CRA) de la caisse qui a, le 31 octobre 2019, rejeté le recours formé par l'assuré.
M. [O] a en parallèle fait l'objet d'une expertise médicale privée réalisée le 27 janvier 2020 par le Dr [J] [S] et concluant à l'absence de consolidation de son état à cette date.
Le 10 janvier 2020, M. [O] a porté sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia qui, par jugement avant dire droit du 07 septembre 2020, a ordonné une nouvelle expertise médicale technique confiée au Dr [Y] [V].
Dans son rapport du 14 octobre 2020, le Dr [V] a conclu au maintien de la date de consolidation de l'état de santé de M. [O] au 17 février 2019, a indiqué qu'après la consolidation, l'assuré devait être placé en congé de maladie ordinaire pour les suites de son accident coronarien, a préconisé sa mise en invalidité professionnelle au regard de ses multiples pathologies puis a précisé que si M. [O] subissait l'intervention programmé sur son genou, cette opération devait être réalisée sous le régime de la législation professionnelle.
Par jugement contradictoire du 08 mars 2021, le pôle social de Bastia a :
- confirmé la décision prise le 11 juillet 2019 par la CPAM fixant la date de consolidation de l'accident de travail subi le 15 mars 2011 par M. [O] au 17 février 2019 ;
- déclaré irrecevables les demandes de l'assuré tendant à son placement en congé de maladie ordinaire après la consolidation de son état pour les suites de son accident coronarien, à son placement en invalidité professionnelle du fait de ses multiples pathologies et à enjoindre à la caisse de lui proposer un taux d'IPP sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
- rappelé que cette décision était assortie de l'exécution provisoire ;
- dit de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné M. [O] au paiement des entiers dépens à l'exception des frais issus de l'expertise médicale restant à la charge de la CPAM.
Par courrier électronique du 07 avril 2021, M. [O] a interjeté appel de l'entier dispositif de ce jugement, sauf en ce qu'il a dit ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'affaire a été appelée à l'audience du 11 octobre 2022 au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, M. [N] [O], appelant, demande à la cour de':
'DIRE RECEVABLE ET BIEN FONDE l'appel interjeté par Monsieur [O] ;
Infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a :
- confirmé la décision prise par la CPAM le 11 juillet 2019 fixant la date de consolidation de l'accident de travail du 15 mars 2011 de Monsieur [N] [O] à la date du 17 février 2019 ;
- déclaré irrecevable les demandes de Monsieur [N] [O] visant à dire qu'après consolidation de l'accident du travail, il pouvait être placé en congé de maladie ordinaire, pour les suites de son accident coronarien, et, du fait de ses multiples pathologies, devait être placé en invalidité professionnelle ainsi que sa demande d'enjoindre à la caisse, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui proposer un taux d'IPP ;
- condamné Monsieur [N] [O] aux dépens.
REJUGER A NOUVEAU :
Avant dire droit : désigner un nouvel expert judiciaire afin de dire si Monsieur [O] était consolidé au 17 février 2019 ;
Au fond :
ANNULER la décision du 11 juillet 2019 ainsi que celle du 6 février 2019 ;
ANNULER la décision de la CRA en date du 31 octobre 2019 ;
DIRE ET JUGER que l'état de santé de Monsieur [O] n'est pas consolidé ;
CONDAMNER la CPAM de Haute-Corse à verser à Monsieur [O] le rappel des indemnités journalières ;
Subsidiairement :
HOMOLOGUER le rapport d'expertise en ce qu'il a estimé qu'
'Après la consolidation de l'AT Mr [O] devait être placé en congé de maladie ordinaire, pour les suites de son accident coronarien.
De plus compte tenu des multiples pathologies, hanche, rachis, gonarthrose bilatérale, état psychiatrique Mr [O] doit être placé en invalidité professionnelle.
Si Mr [O] est opéré de son genou gauche, cette intervention doit se faire sous le régime de l'AT.'
ENJOINDRE à la CPAM de Haute-Corse, sous astreinte de 100,00 € par jour de retard, de proposer un taux d'IPP à Monsieur [O].'
Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait notamment valoir que son état de santé n'était pas consolidé à la date du 17 février 2019, comme en attestent les certificats médicaux des Drs [K] [B], [J] [S] et [R] [I], établis postérieurement à l'expertise du Dr [V], et que c'est à tort que ce dernier a indiqué qu'il n'y aurait plus de soins actifs après le 17 février 2019.
M. [O] relève en outre des contradictions au sein du rapport du Dr [F] et entre les décisions de la CPAM des 06 février 2019 et 11 juillet 2019 concernant l'existence de séquelles.
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Au terme de ses écritures, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, intimée, demande à la cour de':
' Confirmer le jugement du Pôle Social du 8 mars 2021 en tout point,
Confirmer la décision de la Caisse Primaire de Haute Corse, notifiée le 11 juillet 2019 et par extension homologuer le rapport du Docteur [F],
Entériner le rapport d'expertise du Docteur [V] concernant uniquement la date de consolidation,
Rejeter le rapport sur les autres remarques pour les motifs évoqués plus haut,
Rejeter Monsieur [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner Monsieur [O] aux dépens d'appel,
Condamner Monsieur [O] à payer à la Caisse Primaire de Haute-Corse la somme de 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.'
L'intimée réplique notamment que deux experts affirment de manière claire et non équivoque que l'état de santé de M. [O] était consolidé à la date du 17 février 2019.
La caisse estime en outre que la mise en congé pour maladie ordinaire ainsi que la mise en invalidité préconisées par le Dr [V], qui aurait dû se borner à émettre un avis sur la date de consolidation et s'abstenir de ces remarques complémentaires, n'entrent pas dans l'objet du présent recours, l'appel étant circonscrit à la décision de la CPAM déterminant la date de consolidation de l'état de santé de M. [O].
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Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
- Sur la recevabilité de l'appel
L'appel de M. [O], interjeté dans les formes et délai légaux, sera déclaré recevable.
- Sur la demande avant dire droit d'expertise
A titre liminaire, il convient d'indiquer que les prétendues contradictions relevées par l'appelant en page 4 de ses écritures ne sont pas constatées par la cour puisque la notion de consolidation induit nécessairement l'existence de séquelles. En l'absence de séquelles, les médecins utilisent le terme de guérison.
En l'espèce, le Dr [F] a conclu le 02 juillet 2019 qu''aucune aggravation ou amélioration ne pouvant être démontrée depuis le 17/02/19, la consolidation peut donc être considérée comme acquise avec séquelles traumatologiques et psychiatriques à cette date'. Cette analyse a été confirmée par le Dr [V] dans son expertise du 14 octobre 2020.
Cependant, le Dr [S], expert en évaluation du dommage corporel, a conclu le 27 janvier 2020 que 'l'état global de Monsieur [O], tant orthopédique que psychiatrique, paraît clairement toujours évolutif au vu des divers certificats qui ont été établis et la chronologie des événements' et que 'la consolidation ne paraissait donc pas raisonnable au 17 févrer 2019 ni même au 13 juin 2019".
Surtout, le Dr [S], dans un rapport d'expertise privée complémentaire rendu le 29 novembre 2020 - soit postérieurement au rapport du Dr [V] - 'confirme les termes de [son] expertise du 27 janvier 2020, à savoir qu'à cette date la situation physiologique et psychique de Monsieur [O] [N] s'était aggravée'. Il ajoute qu'il 'n'était alors pas encore possible de se prononcer sur des soins actifs pendant une rééducation cardiologique qui aurait pu améliorer son état pour aller vers des opérations prévues. Une proposition de taux d'IPP en rapport avec son AT ne pouvait être envisagée qu'à la consolidation ultérieure, pas avant août 2019.'
Le Dr [B], dans un certificat médical du 26 novembre 2020, affirme à son tour que l'état de santé de M. [O] 'ne pouvait pas être consolidé au mois de février 2019 mais au minimum en août 2019 compte tenu de l'évolution de sa pathologie'.
Quant au Dr [I], médecin traitant de l'assuré, il souligne également dans un certificat du 29 novembre 2020 que si son patient 'n'a plus eu de soins actifs après le 17 février 2019, ce n'est pas parce que ses lésions étaient consolidées mais parce qu'il ne pouvait en être autrement sans faire courir un risque vital au patient. En février 2019, à cause de ces pathologies cardiaques, aucune consolidation ne pouvait être possible. Cette consolidation pouvait être envisagée uniquement à compter de la contre-expertise mise en place à la fin du mois de juillet 2019, soit au 1er août 2019. [...] Actuellement, [...] le patient présente d'importants troubles de l'humeur, du sommeil, de la libido et de la concentration qui sont eux-mêmes entretenus par les douleurs. Son état de santé ne peut donc pas être considéré comme étant consolidé à ce jour, pas plus qu'il ne l'était en février.'
Par ailleurs, sur l'état anxiodépressif, il convient de souligner une contradiction apparente entre les certificat et rappport des Drs [F] et [S] qui évoquent un 'syndrome anxiodépressif avec état antérieur sévère', et le certificat du 13 juin 2019 du Dr [G], médecin psychiatre, indiquant que 'dans ses antécédents, on ne retrouve pas d'élément psychiatrique avant les traumatismes vertébraux'.
Ainsi, au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient d'ordonner avant dire droit une expertise judiciaire visant à déterminer la date de consolidation de l'état de santé de M. [O], expertise qui sera confiée au Dr [X] selon les modalités précisées au dispositif du présent arrêt.
- Sur les autres demandes et les dépens
Dans l'attente du retour du rapport d'expertise du Dr [X], il sera sursis à statuer sur les autres demandes et les dépens de la présente instance seront réservés.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
DECLARE recevable l'appel interjeté le 07 avril 2021 par M. [N] [O] ;
Avant dire droit,
ORDONNE une expertise médicale et désigne pour y procéder le Dr [K] [X] :
Cabinet médical - [Adresse 7]
[Localité 3]
Tél : [XXXXXXXX01]
Courriel : [Courriel 8]
qui aura pour mission de :
1/ se faire communiquer le dossier médical complet de M. [O], avec l'accord de celui-ci, et en prendre connaissance ; en tant que de besoin, se faire communiquer par tout tiers détenteur les pièces médicales nécessaires à l'expertise, avec l'accord susvisé ;
2/ examiner M. [N] [O] ;
3/ dire si l'état de santé de M. [N] [O], consécutivement à la rechute du 13 juin 2016 de son accident du travail du 15 mars 2011, était consolidé à la date du 17 février 2019 ;
4/ dans la négative et dans l'hypothèse où l'état de santé de M. [N] [O] aurait depuis cette date été consolidé, déterminer la date de cette consolidation ;
5/ dans l'hypothèse où l'état de santé de M. [N] [O] n'est toujours pas consolidé à la date de l'examen, le préciser ;
6/ faire toute observation utile à la résolution de ce litige ;
ENJOINT à M. [N] [O] de remettre à l'expert immédiatement toutes pièces médicales ou para-médicales utiles à l'accomplissement de sa mission, en particulier les certificats médicaux, certificats de consolidation, documents d'imagerie médicale, compte-rendus opératoires et d'examen, expertises ;
DIT qu'à défaut d'obtenir la remise des pièces qui lui sont nécessaires, l'expert pourra être autorisé par le conseiller chargé du contrôle des expertises à déposer son rapport en l'état ; que toutefois, il pourra se faire communiquer directement, avec l'accord de la victime ou par tous tiers : médecins, personnels para-médicaux, établissements hospitaliers et de soins, toutes pièces médicales qui ne lui auraient pas été transmises par les parties et dont la production lui paraîtrait nécessaire ;
DIT que l'expert s'assurera, à chaque réunion d'expertise, de la communication aux parties des pièces qui lui sont remises, dans un délai permettant leur étude, conformément au principe de la contradiction ; que les documents d'imagerie médicale pertinents seront analysés de façon contradictoire lors des réunions d'expertise ;
DIT que l'expert devra convoquer toutes les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple, les avisant de la faculté qu'elles ont de se faire assister par le médecin-conseil de leur choix ;
DIT que l'expert procédera à l'examen clinique, en assurant la protection de l'intimité de la vie privée de la personne examinée et le secret médical pour des constatations étrangères à l'expertise ; qu'à l'issue de cet examen, en application du principe du contradictoire, il informera les parties et leurs conseils de façon circonstanciée de ses constatations et de leurs conséquences ;
DIT que l'expert pourra recueillir des informations orales, ou écrites, de toutes personnes susceptibles de l'éclairer ;
DIT que l'expert répondra de manière précise et circonstanciée aux observations des parties qui devront être annexées au rapport définitif, dans lequel devront figurer impérativement la liste exhaustive des pièces par lui consultées, le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise, le nom des personnes présentes, la date de chacune des réunions tenues, les déclarations des éventuels tiers entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leurs liens éventuels avec les parties ;
DIT que les frais d'expertise seront pris en charge par la caisse nationale d'assurance maladie, par l'intermédiaire de la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse ;
DIT que l'expert déposera son rapport au greffe de la cour d'appel, chambre sociale, dans les quatre mois de sa saisine, et en transmettra une copie à chacune des parties ;
DESIGNE Madame Gaëlle COLIN, conseillère, pour contrôler les opérations d'expertises ;
RENVOIE l'affaire à l'audience de la chambre sociale du 12 décembre 2023 à 9 h 00 ;
DIT que la notification du présent arrêt par le greffe vaut convocation des parties à cette audience ;
SURSOIT à statuer sur les autres demandes ;
RESERVE les dépens.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT