ARRET N°
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03 Mai 2023
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N° RG 21/00163 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CBQU
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[B] [M]
C/
CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET DE LA SANTE AU TRAVAIL DU SUD-EST (CARSAT)
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Décision déférée à la Cour du :
09 juin 2021
Pole social du TJ d'AJACCIO
20/00149
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : TROIS MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANT :
Monsieur [B] [M]
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 2]
Comparant
INTIMEE :
CAISSE D'ASSURANCE RETRAITE ET DE LA SANTE AU TRAVAIL DU SUD-EST (CARSAT)
[Adresse 3]
[Localité 1]
Représentée par Mme [S] [H], munie d'un pouvoir
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 novembre 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme COLIN, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre,
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 mars 2023, a été prorogé au 17 mai puis avancé au 03 mai 2023.
ARRET
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Le 21 janvier 2019, la caisse d'assurance retraite et de santé au travail (CARSAT) du Sud-Est a avisé M. [B] [M], né le 25 octobre 1937, de l'attribution d'une retraite personnelle et de l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) à compter du 1er juillet 2018.
Le 05 novembre 2019, M. [M] a saisi la commission de recours amiable de la CARSAT d'une contestation portant sur la date d'effet de cette retraite personnelle et de son ASPA ainsi que sur le montant du rappel d'arrérages servi pour la période du 1er juillet 2018 au 31 décembre 2018.
Par courrier conjoint du 25 novembre 2019, M. [M] a été informé par la caisse des dépôts et consignations (CDC) et la mutualité sociale agricole (MSA) du changement de gestionnaire de l'ASPA à compter du 1er janvier 2020, la MSA prenant le relais de la CDC pour la gestion de ce minimum vieillesse.
Par décision du 1er octobre 2020, la commission de recours amiable de la CARSAT a rejeté le recours formé par l'allocataire.
Le 17 octobre 2020, M. [M] a porté sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire d'Ajaccio qui, par jugement contradictoire du 09 juin 2021, a :
- débouté M. [M] de sa demande ;
- condamné M. [M] au paiement des dépens.
Par lettre recommandée avec accusé de réception adressée au greffe de la cour le 02 juillet 2021, M. [M] a interjeté appel de l'entier dispositif de cette décision qui lui avait été notifiée le 11 juin 2021.
L'affaire a été appelée à l'audience du 08 novembre 2022 au cours de laquelle M. [M] a comparu sans l'assistance d'un avocat et la CARSAT était représentée.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Au terme de ses conclusions des 16 août 2021, 05 septembre 2022 et 02 novembre 2022, réitérées et complétées oralement à l'audience, M. [B] [M], appelant, demande à la cour de':
- déterminer 'une date cohérente et justifiée' pour le point de départ de ses droits au versement d'une pension de retraite ;
- procéder à un réexamen complet de sa carrière à compter de l'âge de 16 ans.
Au soutien de ses prétentions, l'appelant fait notamment valoir que :
- le jugement de première instance a été rendu hors la présence des assesseurs et sans que la CARSAT ne soit présente à l'audience du 14 avril 2021 qui s'est tenue devant le pôle social d'[Localité 4] ;
- il n'a été avisé du changement de gestionnaire de l'ASPA qu'a posteriori et non a priori, tout en admettant que le courrier du 25 novembre 2019 émanant de la CDC avait permis d'éclaircir la situation ;
- les organismes sociaux étaient tenus de lui présenter dès 2012 une information générale sur ses droits à la retraite conformément aux prescriptions des articles L. 161-17-1 et L. 161-17-2 du code de la sécurité sociale ;
- les organismes sociaux ont eu l'intention délibérée de le priver de ses droits ;
- le choix de la date du 1er juillet 2018 comme point de départ de ses droits à pension de retraite lui a été imposée sans consultation préalable ;
- il a travaillé 'dans la branche agricole' de ses 16 ans à la fin de sa 20e année avant d'effectuer son service militaire en Algérie dont il est reparti atteint de troubles psychiques et physiques, puis a travaillé de manière intermittente au sein de la société [6] au début des années 60 avant d'exercer dans le domaine immobilier, M. [M] s'étonnant que ces activités alors déclarées n'aient laissé aucune trace.
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Au terme de ses écritures, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la CARSAT du Sud-Est, intimée, demande à la cour de':
'Constater qu'il a été fait à Monsieur [M] une juste application des dispositions en vigueur en matière d'assurance vieillesse et notamment des dispositions des articles R. 351-37 et R. 815-33 du code de la sécurité sociale ;
Et par voie de conséquence,
Confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 09 juin 2022 [erreur matérielle : 09 juin 2021] par le tribunal judiciaire d'Ajaccio ;
Constater la nouveauté des autres demandes et les déclarer irrecevables en application de l'article R. 142-1 du code de la sécurité sociale ;
Condamner Monsieur [M] aux entiers dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du CPC'.
L'intimée réplique notamment que l'attribution d'une retraite personnelle à compter du 1er juillet 2018 a été faite conformément à la demande de M. [M], qui a par ailleurs adressé à la caisse de nombreuses écritures dont certaines étaient contradictoires.
Une stricte application des dispositions de l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale aurait même dû conduire à une attribution au 1er août 2018, M. [M] ayant déposé son dossier le 17 juillet 2018. Une mesure de faveur lui a donc été accordée en dépit d'une jurisprudence constante établissant que la date d'effet de la retraite ne peut pas être fixée antérieurement au premier jour du mois suivant le dépôt de la demande, ce quelle que soit la cause du retard apporté à la présentation de cette demande.
La CARSAT souligne également que l'appelant ne précise pas la date à laquelle il souhaiterait faire débuter son droit à perception d'une retraite et qu'en tout état de cause, toute modification de la date du 1er juillet 2018 engendrerait l'annulation des 21 trimestres d'ajournement dont il a bénéficié.
L'intimée fait en outre valoir que M. [M] ne totalise au cours de sa carrière que 13 trimestres d'assurance valable tous régimes confondus dont seulement trois trimestres relatifs à des cotisations et que c'est grâce à l'ajout des 21 trimestres d'ajournement qu'il atteint un total de 34 trimestres.
S'agissant du défaut d'information allégué, la CARSAT rappelle que M. [M] ne dépend plus du régime général de sécurité sociale depuis 1988 et que la Cour de cassation a jugé que les caisses n'avaient pas à rechercher les personnes relevant antérieurement de leur régime. Quant aux dispositions du décret n°2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l'information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale, il n'est pas applicable à l'appelant au regard de son année de naissance.
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Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
La recevabilité de l'appel interjeté par M. [M] n'étant pas contestée, il ne sera pas statué sur celle-ci.
Il sera également indiqué à titre liminaire que contrairement à ce qu'affirme l'appelant, la CARSAT était représentée par Me Liria Prietto lors de l'audience qui s'est tenue le 14 avril 2021 devant le pôle social d'[Localité 4] - ainsi qu'en attestent les notes de ladite audience - et que le juge de première instance est en capacité de siéger à juge unique dans certains cas comme celui d'espèce.
- Sur la recevabilité de la demande de M. [M] tendant au réexamen complet de sa carrière
En application de l'article 564 du code de procédure civile, 'A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'
L'article 565 du même code précise que 'Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.'
Enfin, l'article 566 du même code ajoute que 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire'.
En l'espèce, il ressort de la lecture du dossier de première instance que la demande de M. [M] tendant au réexamen complet de sa carrière pour le calcul du montant de sa retraite personnelle n'avait pas été formée devant le pôle social du tribunal judiciaire d'Ajaccio et qu'il s'agit donc d'une demande nouvelle devant cette cour.
L'attention de l'appelant a été appelée sur ce point lors de l'audience qui s'est tenue le 08 novembre 2022 devant la chambre sociale, mais celui-ci a maintenu sa prétention.
Les exceptions énumérées par les articles susvisés n'étant pas caractérisées en l'espèce, la demande de M. [M] ne pourra qu'être déclarée irrecevable.
- Sur le point de départ de ses droits au bénéfice d'une retraite personnelle
En application des dispositions du premier alinéa de l'article R. 351-37 du code de la sécurité sociale, 'chaque assuré indique la date à compter de laquelle il désire entrer en jouissance de sa pension, cette date étant nécessairement le premier jour d'un mois et ne pouvant être antérieure au dépôt de la demande. Si l'assuré n'indique pas la date d'entrée en jouissance de sa pension, celle-ci prend effet le premier jour du mois suivant la réception de la demande par la caisse chargée de la liquidation des droits à pension de vieillesse.'
Des dispositions similaires sont prévues à l'article R. 815-33 du même code concernant l'ASPA.
En l'espèce, il ressort de l'analyse attentive des pièces versées aux débats par les deux parties que M. [M] a déposé le 17 juillet 2018 une demande de retraite personnelle mentionnant la date du 1er juillet 2018 comme étant celle à laquelle il souhaitait entrer en jouissance de sa pension.
A la même date, M. [M] a sollicité également l'attribution d'une allocation de solidarité aux personnes âgées.
La notification d'attribution de retraite personnelle prenant effet au 1er juillet 2018 a été adressée à M. [M] le 21 janvier 2019, sur la base de 34 trimestres au régime général au taux maximum de 50%.
Depuis le 1er juillet 2018, M. [M] est donc bénéficiaire d'une retraite personnelle assortie d'une ASPA, outre sa pension militaire d'invalidité et sa pension d'ancien combattant.
Ainsi que le soulignent à juste titre la CARSAT et le premier juge, cette date du 1er juillet 2018 constitue une faveur accordée à M. [M] puisqu'en application des dispositions de l'article R. 351-37, c'est celle du 1er août 2018 qui aurait dû être retenue par les services de la caisse.
En tout état de cause, l'appelant ne précise pas la date à laquelle il souhaiterait faire débuter son droit à perception d'une retraite.
S'agissant du défaut d'information allégué par M. [M], la cour ne peut que constater que ce dernier est né en 1937 et n'entre pas dans l'une des tranches d'âge mentionnées à l'article 3 du décret n°2006-708 du 19 juin 2006 relatif aux modalités et au calendrier de mise en oeuvre du droit des assurés à l'information sur leur retraite et modifiant le code de la sécurité sociale. En effet, l'obligation d'information mise à la charge des caisses ne saurait être étendue au-delà des prévisions de l'article L. 161-17 du code de la sécurité sociale, lequel oblige ces organismes à adresser un relevé de situation individuelle à partir du 1er juillet 2007 pour les bénéficiaires atteignant l'âge de 50 ans au cours de l'année 2007, et à adresser une estimation indicative globale du montant des pensions de retraite à la date à laquelle la pension pourra intervenir, à partir du 1er juillet 2007 pour les bénéficiaires atteignant l'âge de 58 ans en 2007. Or, M. [M] a eu 50 ans en 1987 et 58 ans en 1995.
Quant à l'obligation générale de l'article R. 112-2 du même code, elle suppose une demande préalable de l'assuré sur ses droits à retraite, requête que M. [M] ne démontre pas avoir effectuée.
Aucun manquement au devoir d'information incombant à la CARSAT n'est donc caractérisé en l'espèce.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [M] de sa demande.
- Sur les dépens
L'alinéa 1er de l'article 696 du code de procédure civile dispose que 'la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie'.
M. [M] devra donc supporter la charge des entiers dépens exposés en cause d'appel, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamné au paiement des dépens de première instance.
- Sur les frais irrépétibles
Il n'est pas inéquitable de laisser à la CARSAT la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel.
L'intimée sera donc déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
DECLARE IRRECEVABLE la demande formée par M. [B] [M] tendant au réexamen complet de sa carrière pour le calcul du montant de sa retraite personnelle ;
CONFIRME en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 09 juin 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Ajaccio ;
Y ajoutant,
CONDAMNE M. [B] [M] au paiement des entiers dépens exposés en cause d'appel ;
DEBOUTE la caisse d'assurance retraite et de santé au travail du Sud-Est de sa demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT