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22/03/2023 | FRANCE | N°21/00065

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 22 mars 2023, 21/00065


ARRET N°

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22 Mars 2023

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N° RG 21/00065 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CAN7

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URSSAF DE [Localité 3]

C/

S.A.S. [4]

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Décision déférée à la Cour du :

08 mars 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BASTIA

20/00159

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Copie exécutoire délivrée le :









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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : VINGT DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS





APPELANTE :



URSSAF DE [Localité 3]

Contentieux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par...

ARRET N°

-----------------------

22 Mars 2023

-----------------------

N° RG 21/00065 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CAN7

-----------------------

URSSAF DE [Localité 3]

C/

S.A.S. [4]

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

08 mars 2021

TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de BASTIA

20/00159

------------------

Copie exécutoire délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

APPELANTE :

URSSAF DE [Localité 3]

Contentieux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Mme [B] [C], munie d'un pouvoir

INTIMEE :

S.A.S. [4] agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice domicilié ès qualités audit siège

[Adresse 1]

Lieu-dit-[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Olivier PELLEGRI, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 juin 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme COLIN, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Conseillère

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2022 puis a fait l'objet de prorogations au 11 janvier, 15 mars et 22 mars 2023.

ARRET

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 17 mai 2017, la société par actions simplifiée [4], affiliée à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de [Localité 3] en qualité d'employeur dans l'hôtellerie et la restauration, a fait l'objet d'un contrôle de son activité par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE).

A l'issue de ce contrôle, un procès-verbal de travail dissimulé a été établi.

Par jugement contradictoire du 28 mars 2018, le tribunal correctionnel de Bastia a :

- déclaré M. [W] [S], directeur général de la société [4], coupable d'avoir intentionnellement omis de procéder à la déclaration préalable à l'embauche (DPAE) de quatre employés (M. [G] [V], Mme [M] [H], M. [E] [Y] [U] et M. [D] [J]) ;

- dispensé de peine M. [S].

L'URSSAF a, à son tour, diligenté un contrôle de l'activité de la société cotisante.

Le 13 mars 2019, l'organisme a adressé à l'entreprise une lettre d'observations sollicitant, outre le règlement de majorations de retard au montant non spécifié, le paiement de la somme de 31 008 euros se décomposant comme suit :

- 20 359 euros de redressement forfaitaire au titre du rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garanties des salaires ;

- 2 348 euros au titre de l'annulation des réductions générales de cotisations ;

- 157 euros au titre de l'annulation des réductions patronales dites 'loi TEPA' ;

- 8 144 euros au titre de la majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé.

Par courrier du 27 avril 2019, la société [4] a formulé ses remarques en réponse à la lettre d'observations.

Le 22 mai 2019, l'inspecteur du recouvrement a partiellement pris en compte ces remarques en annulant le redressement forfaitaire concernant deux des quatre employés (Mme [H] et M. [A]) et en abaissant la somme réclamée à :

- 10 202 euros de redressement forfaitaire au titre du rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garanties des salaires ;

- 2 348 euros au titre de l'annulation des réductions générales de cotisations ;

- 157 euros au titre de l'annulation des réductions patronales dites 'loi TEPA' ;

- 4 081 euros au titre de la majoration de redressement complémentaire pour travail dissimulé ;

soit un montant total de 16 788 euros, outre les majorations de retard.

Le 04 février 2020, la société a été mise en demeure de régler la somme totale de 16 458 euros se décomposant comme suit :

- 12 712 euros au titre des cotisations dues (redressement forfaitaire + annulation des réductions générales + annulation des réductions 'loi TEPA') ;

- 2 552 euros au titre de la majoration de redressement complémentaire pour infraction de travail dissimulé ;

- 1 194 euros au titre de majorations de retard.

Par courrier du 03 avril 2020, la société [4] a contesté ce redressement devant la commission de recours amiable (CRA) de l'URSSAF.

Le 19 juin 2020, la CRA a confirmé le redressement et validé la mise en demeure du 04 février 2020 dans son entier montant.

Le 28 juillet 2020, la société a porté sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia qui, par jugement contradictoire du 08 mars 2021, a :

- annulé la mise en demeure du 04 février 2020 ;

- annulé la décision de rejet de la CRA subséquente ;

- dit que le redressement opéré au titre de la taxation forfaitaire par l'URSSAF de [Localité 3] n'était pas fondé ;

- dit que le redressement opéré au titre de l'annulation des réductions générales et TEPA était fondé ;

- ordonné à l'URSSAF de [Localité 3] de tirer toutes les conséquences de droit de cette décision en procédant éventuellement à un nouveau calcul du montant pouvant être réclamé au titre du redressement effectué à l'égard de la société [4] ;

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné l'URSSAF de [Localité 3] au paiement des entiers dépens.

Par déclaration au greffe de la cour le 18 mars 2021, l'URSSAF de [Localité 3] a interjeté appel de l'entier dispositif de ce jugement, sauf en ce qu'il a :

- dit que le redressement opéré au titre de l'annulation des réductions générales et TEPA était fondé ;

- dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

L'affaire a été appelée à l'audience du 14 juin 2022 au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF de [Localité 3], appelante principale, demande à la cour de':

'RECEVOIR l'URSSAF de [Localité 3] en son appel

INFIRMER le jugement rendu le 08/03/2021 en ce qu'il a annulé la mise en demeure du 04/02/2020, annulé la décision de la Commission de recours amiable subséquente, dit que le redressement opéré au titre de la taxation forfaitaire par l'URSSAF de [Localité 3] n'est pas fondé, ordonné à l'URSSAF de [Localité 3] de tirer toutes les conséquences de droit de cette décision en procédant éventuellement à un nouveau calcul du montant pouvant être réclamé au titre du redressement effectué à l'égard de la SAS [4]

CONFIRMER le jugement rendu le 08/03/2021 en ce qu'il a dit que le redressement opéré au titre de l'annulation des réductions générales et TEPA est fondé

DEBOUTER la SAS [4] de l'ensemble de ses demandes, complètement infondées tant en droit qu'en fait

EN CONSEQUENCE ET STATUANT A NOUVEAU,

CONFIRMER que l'infraction de travail dissimulé est bien constituée en l'état de l'absence de déclaration préalable à l'embauche pour quatre salariés

VALIDER le redressement opéré au titre de la taxation forfaitaire par l'URSSAF de [Localité 3] et le dire bien-fondé en l'absence de preuve contraire concernant la durée réelle d'emploi et la rémunération versée

CONFIRMER que l'annulation des réductions générales et TEPA est parfaitement justifiée

CONFIRMER la décision de la CRA du 19/06/2020

VALIDER la mise en demeure du 04/02/2020 pour un montant de 16.458,00 euros

RECONVENTIONNELLEMENT,

CONDAMNER la SAS [4] au règlement de la somme de 16.458,00 euros

CONDAMNER la SAS [4] au règlement de la somme de 1500,00 euros au titre de l'article 700 CPC ainsi qu'aux entiers dépens'.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait notamment valoir que, en application de l'article 8221-5 du code du travail, l'absence de déclaration préalable à l'embauche suffit à fonder le redressement opéré à la suite de la constatation de l'infraction de travail dissimulé qui, au surplus, a été reconnue par l'employeur, a été constatée par un procès-verbal et a fait l'objet de poursuites pénales ainsi que d'une condamnation par le juge répressif.

Elle souligne que la bonne foi ou l'absence d'élément intentionnel ne constitue pas un motif d'annulation du redressement et que l'obligation déclarative repose sur le seul employeur, qui ne peut invoquer la négligence du comptable de l'entreprise pour s'en affranchir.

Concernant le bien-fondé des sommes réclamées, l'URSSAF soutient que l'entreprise n'a fourni les documents permettant de prouver la durée du travail et la rémunération de MM. [V] et [U] qu'après les opérations de contrôle, et non au cours de celles-ci comme l'exige la jurisprudence en la matière.

Enfin, l'organisme affirme que les réductions générales et les réductions dites 'loi TEPA' ont vocation à être annulées en cas d'infraction de travail dissimulé, en application des dispositions de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale.

*

Au terme de ses écritures, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la société [4], intimée et appelante incidente, demande à la cour de :

'CONFIRMER le jugement du 08.03.2021 en ce qu'il a :

- Annulé la mise en demeure du 4 février 2020,

- Annulé la décision de rejet de la commission de recours amiable subséquente,

- Dit que le redressement opéré au titre de la taxation forfaitaire par l'URSSAF de [Localité 3] n'est pas fondé ;

- Dit n'y avoir lieu à faire application de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamné l'URSSAF de [Localité 3] aux entiers dépens.

INFIRMER le jugement susvisé en ce qu'il a :

- Dit que le redressement opéré au titre de l'annulation des réductions générales et TEPA est fondé,

- Ordonné à l'URSSAF de [Localité 3] de tirer toutes les conséquences de droit de cette décision en procédant éventuellement à un nouveau calcul du montant pouvant être réclamé au titre du redressement effectué à l'égard de la SAS [4].

ET STATUANT A NOUVEAU :

1) A titre principal,

CONSTATER que la SAS [4] n'a pas tenté de dissimuler intentionnellement l'activité salariée de Messieurs [U] et [V],

DIRE ET JUGER que l'infraction de travail dissimulé n'est pas constituée

Par voie de conséquence,

- ANNULER purement et simplement la mise en demeure du 04.02.2020 et par conséquent le redressement dans son intégralité (rappel de cotisations et contributions, majorations diverses, annulation de réductions...)

- ANNULER purement et simplement la décision explicite de rejet de la CRA rendue le 19.06.2020 et réceptionnée par le Conseil de la Société le 27.07.2020

- CONDAMNER l'URSSAF au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens

- ORDONNER à l'URSSAF de bien vouloir procéder à l'annulation de toutes les pénalités et/ou majorations de retard.

2) A titre subsidiaire et en tout état de cause

CONSTATER à titre liminaire qu'il existe un certain nombre d'incohérences dans les divers documents transmis par l'URSSAF tant sur les montants que sur l'imputabilité

CONSTATER que l'URSSAF disposait des éléments probants suffisants concernant la période d'emploi, la durée de travail et le montant des rémunérations versées pour évaluer le montant des cotisations et contributions dues

CONSTATER de fait que le calcul forfaitaire évalué à 25 %% du plafond annuel défini à l'article L241-3 du Code de la sécurité sociale au moment du constat de délit de travail dissimulé ne se justifiait pas

CONSTATER de surcroît que la SAS [4] s'est régulièrement acquittée de l'ensemble des cotisations et contributions sociales dues sur les rémunérations versées en contrepartie du travail effectué par les deux salariés concernés

CONSTATER que la majoration pour travail dissimulé ne se justifiait pas plus tenant l'absence de caractère intentionnel et la bonne foi avérée de la Société

Pour les mêmes raisons,

CONSTATER que l'annulation des réductions générales de cotisations à la suite du constat de travail dissimulé ainsi que des déductions patronales Loi TEPA ne se justifiaient pas plus

Par voie de conséquence,

- ANNULER purement et simplement la mise en demeure du 04.02.2020 et par conséquent le redressement dans son intégralité (rappel de cotisations et contributions, majorations diverses, annulation de réductions...)

- ANNULER purement et simplement la décision explicite de rejet de la CRA rendue le 19.06.2020 et réceptionnée par le Conseil de la Société le 27.07.2020

- CONDAMNER l'URSSAF au paiement de la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

- ORDONNER à l'URSSAF de bien vouloir procéder à l'annulation de toutes les pénalités et/ou majorations de retard.'

La société [4] réplique notamment que l'infraction de travail dissimulé n'est pas caractérisée en l'espèce, en raison de l'absence d'intention de dissimuler l'emploi de ses salariés et de sa bonne foi manifeste. Elle fait notamment valoir que :

- elle n'était pas informée du défaut de déclaration préalable à l'embauche qui aurait du être effectuée par son cabinet d'expertise comptable ;

- elle a fourni de nombreux documents attestant de la durée effective de travail et de la rémunération des salariés litigieux (bulletins de salaire, feuilles de présence, registre d'entrée et de sortie du personnel) ;

- elle s'est acquittée du paiement des cotisations sociales afférentes à ces salariés ;

- ni l'URSSAF ni les salariés n'ont subi de préjudice.

Elle relève par ailleurs qu'existe une différence de montant entre la mise en demeure (16 458 euros) et le courrier de l'inspecteur du recouvrement du 22 mai 2019 (16 788 euros).

*

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées par les parties. Les "'dire et juger'", "'donner acte'" ou "'constater'" n'étant - hormis les cas prévus par la loi - que le rappel des moyens invoqués et non des demandes conférant des droits, la cour ne statuera pas sur ceux-ci dans son dispositif.

- Sur la recevabilité de l'appel principal

L'appel du 18 mars 2021 ayant été formé par l'URSSAF dans les formes et délai légaux, il sera déclaré recevable.

- Sur l'infraction de travail dissimulé

L'article L. 8221-5 du code du travail dispose qu''Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.'

L'article L. 1221-10 du même code prévoit en effet que 'L'embauche d'un salarié ne peut intervenir qu'après déclaration nominative accomplie par l'employeur auprès des organismes de protection sociale désignés à cet effet.

L'employeur accomplit cette déclaration dans tous les lieux de travail où sont employés des salariés.'

En outre, il est de jurisprudence constante que la décision pénale statuant définitivement sur l'action publique a au civil autorité absolue en ce qui concerne l'existence du fait incriminé, sa qualification et la culpabilité ou l'innocence de ceux auxquels le fait est imputé.

En l'espèce, il résulte du jugement du 28 mars 2018 rendu par le tribunal correctionnel de Bastia que M. [S], directeur général de la société [4], a été déclaré coupable du délit de travail dissimulé commis le 17 mai 2017 à Corte. Ce jugement, prononcé en présence du prévenu qui était par ailleurs assisté, sera considéré comme définitif, aucune des parties ne faisant état de l'exercice d'une voie de recours. Cette décision pénale dispose ainsi de l'autorité de la chose jugée notamment quant à l'imputabilité de l'infraction de travail dissimulé à M. [S] et à la réunion des éléments constitutifs de ce délit, qu'il s'agisse de l'élément matériel ou de l'élément intentionnel.

Dès lors, l'existence d'un travail dissimulé par dissimulation des emplois salariés de MM. [V] et [U] est parfaitement caractérisée en l'espèce, ainsi que l'a à bon droit retenu le premier juge.

Il sera surabondamment observé que l'obligation de déclarer les salariés préalablement à leur embauche pèse sur le seul employeur, qui ne saurait donc invoquer la négligence d'un tiers - en l'espèce son expert comptable - pour s'en affranchir. Il appartient en effet à l'employeur de veiller à ce que les personnes auxquelles il délégue une partie de ses attributions les exécutent avec diligence.

- Sur le caractère forfaitaire du redressement

En application des dispositions de l'article L. 243-7-5 du code de la sécurité sociale, 'Les organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 et L. 752-4 peuvent procéder au redressement des cotisations et contributions dues sur la base des informations contenues dans les procès-verbaux de travail dissimulé qui leur sont transmis par les agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail. Ces organismes mettent en recouvrement ces cotisations et contributions.'

L'article L. 242-1-2 du même code précise, en son alinéa premier et dans sa version applicable au présent litige, que 'Pour le calcul des cotisations et contributions de sécurité sociale et par dérogation à l'article L. 242-1, les rémunérations qui ont été versées ou qui sont dues à un salarié en contrepartie d'un travail dissimulé au sens des articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du code du travail sont, à défaut de preuve contraire en termes de durée effective d'emploi et de rémunération versée, évaluées forfaitairement à 25 % du plafond annuel défini à l'article L. 241-3 du présent code en vigueur au moment du constat du délit de travail dissimulé. Ces rémunérations sont soumises à l'article L. 242-1-1 du présent code et sont réputées avoir été versées au cours du mois où le délit de travail dissimulé est constaté.'

Il résulte de ces dispositions que pour éviter un redressement forfaitaire et bénéficier d'un redressement au réel, l'employeur est tenu d'apporter la preuve de la durée réelle de l'emploi du travailleur dissimulé ainsi que du montant exact de la rémunération perçue par celui-ci durant cette période.

Il est constant que cette preuve doit être fournie lors des opérations de contrôle, et après celles-ci, afin de se prémunir d'une éventuelle velléité de l'employeur de se constituer pour lui-même des preuves a posteriori.

En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement, dans son courrier du 22 mai 2019, a indiqué renoncer au redressement forfaitaire concernant Mme [H] et M. [A] au motif que, 'bien que les DPAE n'aient pas été adressées, des bulletins de salaire avaient été formalisés et transmis aux agents de la DIRECCTE' lors des opérations de contrôle.

L'inspecteur poursuit en précisant qu''en revanche, pour Messieurs [V] et [U], le redressement est maintenu', aucun bulletin de salaire n'ayant pu être présenté aux inspecteurs du travail en raison, selon l'employeur, de leur arrivée récente au sein de l'entreprise.

Ainsi, contrairement à ce que soutient l'intimée, ces quatre salariés n'étaient pas dans une situation identique.

Il n'est pas contestée par l'employeur que les DPAE n'ont été formalisées que le 17 juin 2017, soit un mois après la constatation de l'infraction de travail dissimulé.

Les pièces versées aux débats par l'entreprise ont toutes été non seulement produites mais également établies postérieurement aux opérations de contrôle du 17 mai 2017.

Dès lors, il sera considéré que l'employeur n'a pas produit, lors des opérations de contrôle qui se sont déroulées le 17 mai 2017, les éléments de preuve relatifs à la durée effective d'emploi et au montant des rémunérations réellement versées à MM. [V] et [U] avant le contrôle, éléments pourtant nécessaires à la détermination de l'assiette des cotisations litigieuses.

C'est donc à bon droit que l'URSSAF a procédé à un redressement de nature forfaitaire.

Par ailleurs, si la société [4] démontre avoir réglé la somme de 30 077 euros au titre des cotisations dues pour le 2e trimestre 2017 pour l'ensemble des salariés composant l'entreprise durant cette période, ce paiement est cependant sans lien avec le redressement forfaitaire opéré du seul fait de la commission de l'infraction de travail dissimulé.

Enfin, s'il existe une différence sur le montant de la majoration de redressement complémentaire pour travail dissimulé entre le courrier du 22 mai 2019 de l'inspecteur du recouvrement et la mise en demeure, il sera observé que cette différence est nettement en faveur de la cotisante.

- Sur l'annulation des réductions générales de cotisation et des déductions patronales dites 'loi TEPA'

Aux termes du deuxième aliéna de l'article L. 133-4-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la date du contrôle, 'Lorsque l'infraction définie aux articles L. 8221-3 et L. 8221-5 du même code est constatée par procès-verbal dans les conditions déterminées aux articles L. 8271-7 à L. 8271-12 du même code, l'organisme de recouvrement procède, dans la limite de la prescription applicable en matière de travail dissimulé, à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions mentionnées au premier alinéa du présent article et pratiquées au cours d'un mois civil, lorsque les rémunérations versées ou dues à un ou des salariés dissimulés au cours de ce mois sont au moins égales à la rémunération mensuelle minimale définie à l'article L. 3232-3 du même code.'

En l'espèce, l'infraction de travail dissimulé étant caractérisée comme démontré précédemment, c'est à bon droit que l'inspecteur du recouvrement a procédé l'annulation des réductions générales et des déductions patronales dites 'loi TEPA' dont avait bénéficié la société [4] sur la période litigieuse.

*

Au regard de l'ensemble de ces éléments, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a dit que le redressement opéré au titre de l'annulation des réductions générales et TEPA était fondé, mais infirmé en ce qu'il a :

- annulé la mise en demeure du 04 février 2020 ;

- annulé la décision de rejet de la CRA subséquente ;

- dit que le redressement opéré au titre de la taxation forfaitaire par l'URSSAF de [Localité 3] n'était pas fondé ;

- ordonné à l'URSSAF de [Localité 3] de tirer toutes les conséquences de droit de cette décision en procédant éventuellement à un nouveau calcul du montant pouvant être réclamé au titre du redressement effectué à l'égard de la société [4] ;

- condamné l'URSSAF de [Localité 3] au paiement des entiers dépens.

Statuant à nouveau, la cour validera l'intégralité des chefs de redressement opérés au titre de la taxation forfaitaire ainsi que la mise en demeure du 04 février 2020, et condamnera la société [4] à payer à l'URSSAF la somme de 16 458 euros.

Par ailleurs, il sera rappelé que si l'article L.142-4 du code de la sécurité sociale subordonne la saisine du tribunal judiciaire à la mise en oeuvre préalable d'un recours non contentieux devant la commission de recours amiable instituée par l'article R.142-1 au sein du conseil d'administration de chaque organisme social, ces dispositions ne confèrent pas pour autant compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur le bien-fondé de la décision de cette commission, qui revêt un caractère administratif. C'est pourquoi la décision de la commission de recours amiable du 19 juin 2020 ne saurait être ni confirmée ni infirmée.

- Sur les majorations de retard

En application de l'article R. 243-20 du code de la sécurité sociale, 'Les cotisants peuvent formuler une demande gracieuse en remise totale ou partielle des majorations et pénalités mentionnées au 1° de l'article R. 243-19. Cette requête n'est recevable qu'après règlement de la totalité des cotisations et contributions ayant donné lieu à application des majorations ou lorsque le cotisant a souscrit un plan d'apurement avec l'organisme de recouvrement dont il relève. Dans ce dernier cas, la décision accordant une remise peut être prise avant le paiement desdites cotisations et contributions, cette remise n'est toutefois acquise que sous réserve du respect du plan.

Néanmoins, la majoration mentionnée au deuxième alinéa de l'article R. 243-16 ne peut faire l'objet d'une remise que lorsque les cotisations ont été acquittées dans le délai de trente jours qui suit la date limite d'exigibilité ou à titre exceptionnel, en cas d'événements présentant un caractère irrésistible et extérieur.

Il ne peut pas être accordé de remise des majorations et des pénalités mentionnées au 2° de l'article R. 243-19.

Le directeur de l'organisme de recouvrement est compétent pour statuer sur les demandes portant sur des montants inférieurs à un seuil fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. A partir de ce seuil, il est statué sur proposition du directeur par la commission de recours amiable. L'arrêté mentionné au présent alinéa peut fixer un seuil spécifique pour les travailleurs indépendants.

Les décisions tant du directeur que de la commission de recours amiable sont motivées.'

La société [4] a formé cette demande devant le premier juge qui n'y a pas répondu.

L'entreprise ne démontrant ni avoir réglé la totalité des cotisations dues, ni avoir souscrit un plan d'apurement, ni encore avoir saisi le directeur de l'organisme d'une demande de remise gracieuse des majorations de retard mises à sa charge, elle ne pourra qu'être déboutée de sa demande tendant à voir 'ordonner à l'URSSAF de bien vouloir procéder à l'annulation de toutes les pénalités et/ou majorations de retard'.

- Sur les dépens

L'article 696 du code de procédure civile dispose, en son premier alinéa, que 'La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.'

La société [4] succombant dans ses prétentions, elle devra supporter la charge des entiers dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.

- Sur les frais irrépétibles

L'équité commande en l'espèce de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront donc déboutées de leurs demandes formées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

DECLARE recevable l'appel interjeté le 18 mars 2021 par l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de [Localité 3] ;

INFIRME en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 08 mars 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia, sauf en ce qu'il a dit que le redressement opéré au titre de l'annulation des réductions générales et TEPA était fondé ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

VALIDE le redressement opéré au titre de la taxation forfaitaire ;

VALIDE la mise en demeure du 04 février 2020 en son entier montant ;

CONDAMNE en conséquence la société par actions simplifiée [4] à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de [Localité 3] la somme de 16 458 euros ;

CONDAMNE la société par actions simplifiée [4] au paiement des entiers dépens exposés en première instance et en cause d'appel ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 21/00065
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.00065 ?
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