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22/03/2023 | FRANCE | N°21/00054

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 22 mars 2023, 21/00054


ARRET N°

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22 Mars 2023

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N° RG 21/00054 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CAJY

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S.A.R.L. SOCIÉTÉ [5] ([5])

C/

URSSAF DE LA CORSE

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Décision déférée à la Cour du :

08 février 2021

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA

20/00120

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Copie exécutoire délivrée le :




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à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : VINGT DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS





APPELANTE :



S.A.R.L. SOCIÉTÉ [5] ([5]) prise en la personne de son rep...

ARRET N°

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22 Mars 2023

-----------------------

N° RG 21/00054 - N° Portalis DBVE-V-B7F-CAJY

-----------------------

S.A.R.L. SOCIÉTÉ [5] ([5])

C/

URSSAF DE LA CORSE

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

08 février 2021

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA

20/00120

------------------

Copie exécutoire délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT DEUX MARS DEUX MILLE VINGT TROIS

APPELANTE :

S.A.R.L. SOCIÉTÉ [5] ([5]) prise en la personne de son représentant légal, domicilié audit siège

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Stéphanie LAURENT, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMEE :

URSSAF DE LA CORSE

Contentieux

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représentée par Mme [E] [R], munie d'un pouvoir

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 juin 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme COLIN, conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Conseillère

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 21 septembre 2022 puis a fait l'objet de prorogations au 11 janvier, 15 mars et 22 mars 2023.

ARRET

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société à responsabilité limitée [5] ([5]), affiliée à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de la Corse en qualité d'employeur, a fait l'objet d'un contrôle de son activité portant sur les années 2016 et 2017.

Par lettre d'observations du 1er juillet 2019, l'URSSAF a notifié à la société cotisante quinze chefs de redressement entrainant un rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garanties des salaires à hauteur de 184 468 euros, outre des majorations de retard au montant indéterminé à ce stade.

Le 10 juillet 2019, l'entreprise a formulé ses remarques en réponse à la lettre d'observations et contesté à ce stade neuf des quinze chefs de redressement.

Dans un courrier du 17 décembre 2019, l'inspecteur du recouvrement a partiellement pris en compte ces remarques concernant un chef de redressement et abaissé le montant réclamé à la somme de 175 502 euros.

Le 17 janvier 2020, la société [5] a été mise en demeure de régler la somme de 194 596 euros se décomposant comme suit :

- 175 503 euros au titre des cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garantie des salaires pour les années 2016 et 2017 ;

- 19 093 euros au titre des majorations de retard.

Le 10 mars 2020, la société a saisi la commission de recours amiable (CRA) de l'URSSAF de la seule contestation de deux chefs de redressement :

- le chef n°11 relatif à certaines factures d'entretien d'espaces verts émises par la société [3],

- le chef n°15 relatif aux indemnités de repas.

Le 30 mai 2020, en présence d'une décision implicite de rejet de la CRA, la société [5] a porté sa contestation devant le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia.

Par jugement contradictoire du 08 février 2021, la juridiction a :

- ordonné la jonction des procédures ;

- débouté la société [5] de l'ensemble de ses demandes ;

- dit que le redressement opéré par l'URSSAF à l'égard de la société [5] était pleinement fondé ;

- validé la mise en demeure du 17 janvier 2020 pour son entier montant de 194 596 euros ;

- confirmé la décision implicite de rejet de la CRA subséquente ;

- condamné en conséquence la société [5] à verser à l'URSSAF la somme de 194 596 euros au titre du redressement opéré ;

- condamné la société [5] à verser à l'URSSAF la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société [5] au paiement des entiers dépens.

Par courrier électronique du 03 mars 2021, la société [5] a interjeté appel de l'entier dispositif de la décision, sauf en ce qu'elle a ordonné la jonction des procédures.

L'affaire a été appelée à l'audience du 14 juin 2022, au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses écritures, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la société [5], appelante, demande à la cour de :

'Déclarer que le recours formé par la SARL [5] est recevable et régulier.

Infirmer le jugement en date du 8 février 2021 rendu par le Pôle social du Tribunal judiciaire de Bastia en ce qu'il a :

- Débouté la SARL [5] de l'ensemble de ses demandes ;

- Dit que le redressement opéré par l'URSSAF de Corse à l'égard de la SARL [5] est pleinement fondé ;

- Validé la mise en demeure du 27 janvier 2020 [date erronée] pour son entier montant de 194.596 € ;

- Confirmé la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable subséquente ;

- Condamné par voie de conséquence la SARL [5] à verser à l'URSSAF de Corse la somme de 194.596 € au titre du redressement opéré ;

- Condamné la SARL [5] à verser à l'URSSAF de Corse la somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la SARL [5] aux entier dépens.

Statuant à nouveau,

Annuler le chef de redressement n°14, notifié par lettre d'observation du 17 décembre 2019 par l'URSSAF de la Corse, afférent au rappel prononcé au titre des indemnités de restauration d'un montant de 16.809 € et les majorations y afférentes,

Annuler la réintégration des factures comme avantage en nature, émises par [3] pour un montant total de 12.557,74 €, et les majorations y afférentes, prononcée au sein du chef de redressement n°11, notifié par lettre d'observation du 17 décembre 2019 par l'URSSAF de la Corse,

En conséquence,

Annuler la mise en demeure en date du 17 janvier 2020 d'un montant total de 194.596 €,

Condamner l'URSSAF de la Corse à porter et payer à la Société [5] ([5]) la somme de 2.800 €uros par application du 2° alinéa 2 de l'article 700 du Code de procédure civile.

Condamner l'URSSAF de la Corse aux entiers dépens, par application du 1° de l'article 700 du Code de procédure civile.'

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait notamment valoir, s'agissant des indemnités de repas, que les salariés encadrant l'usine de blanchisserie ne disposent pas de pause méridienne et sont soumis à des conditions particulières de travail puisqu'ils sont en décalage avec le personnel qu'ils encadrent et ne peuvent donc regagner leur domicile pour déjeuner. Elle souligne également que seuls les cadres affectés à la production perçoivent cette prime, à la différence des cadres administratifs.

L'appelante fait en outre valoir que 'la pause déjeuner de vingt minutes [de son personnel encadrant] était prise sur leur seule appréciation dans leur journée de travail', que les plannings produits démontrent que le temps de repas réservé aux encadrants était fixé en dehors de la plage horaire établie pour les autres salariés de l'usine et que les adresses figurant sur les bulletins de paie de ces cadres attestent de l'impossibilité pour ces derniers de rejoindre leur domicile pour seulement vingt minutes.

La société [5] affirme au surplus que les pièces versées démontrent la nécessité, pour les services de préparation et de maintenance, de réaliser les tâches leur incombant en continu, ce qui exclut une pause déjeuner de deux heures. Elle ajoute que le montant forfaitaire alloué à ses salariés étant de 6,30 euros, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de restauration est réputée utilisée conformément à son objet jusqu'à 5 euros.

S'agissant des factures d'entretien d'espaces verts émises par la société [3], l'appelante soutient qu'il incombe à l'URSSAF d'établir qu'un acte de gestion est étranger à l'intérêt de l'entreprise et que selon le Conseil d'Etat, la production par une entreprise d'une facture régulière a pour effet de renverser la charge de la preuve au détriment de l'administration.

Elle relève en outre que ces factures - dont l'absence de signature est indifférente et les montants n'ont rien d'anormaux - correspondent à l'entretien des espaces verts entourant les locaux professionnels qu'elle loue dans le cadre d'un bail commercial, par ailleurs non remis en cause lors des opérations de contrôle.

*

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, l'URSSAF de la Corse, intimée, demande à la cour de :

'RECEVOIR l'URSSAF de la Corse en ses conclusions d'intimée

CONFIRMER l'intégralité des dispositions du jugement rendu le 08/02/2021 en ce qu'il a débouté la société [5] de l'ensemble de ses prétentions, validé la mise en demeure du 27/01/2020 [date erronée] pour son entier montant de 194.596,00 euros, confirmé la décision implicite de rejet de la Commission de recours amiable subséquente, condamné la société [5] à verser à l'URSSAF la somme de 194.596,00 euros au titre du redressement opéré et condamné la société à verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 CPC ansi qu'aux entiers dépens.

DEBOUTER la société [5] de l'ensemble des ses prétentions, mal fondées en droit et en fait

EN CONSEQUENCE,

CONFIRMER que seuls les points n°11 en partie et 15 du redressement s'élevant à 25 567 euros (12461 euros au titre du chef 11 et 15 106 au titre du chef 15) sont contestés dans le cadre de ce recours

CONFIRMER le bien-fondé du chef de redressement n°11 opéré par l'URSSAF de la CORSE en raison de l'absence de justification au titre des factures émises par la SCI [3] ayant engendré un rappel en cotisations de l'ordre de 12 461 euros en 2017

CONFIRMER le bien-fondé du chef de redressement n°15 opéré par l'URSSAF de la CORSE en raison de l'impossibilité de qualifier l'indemnité repas versée de frais professionnels, ayant engendré un rappel en cotisations d'un montant de 15 106,00 euros

CONFIRMER le rejet de l'argumentation de la société [5]

CONFIRMER la décision implicite de rejet de la Commission de recours amiable

CONFIRMER la validation du redressement opéré par l'URSSAF de la CORSE pour son entier montant s'élevant à 175 503,00 euros

CONFIRMER la validation de la mise en demeure pour son entier montant s'élevant à 194 596,00 euros

RECONVENTIONNELLEMENT :

CONFIRMER la condamnation de la société [5] au paiement de la somme de 194 596,00 euros

CONDAMNER la société [5] au paiement de la somme de 3000,00 euros au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens'.

L'intimée réplique notamment que la contestation de l'appelante ne porte que sur une partie du chef de redressement n°11 pour un montant de 12 461 euros, ainsi que sur le chef de redressement n°15 d'un montant de 15 106 euros, soit 27 567 euros contestés sur les 175 502 euros sollicités.

Concernant le chef de redressement n°15 relatif à la réintégration des indemnités de repas dans l'assiette des cotisations, l'URSSAF souligne d'abord une erreur de montant, l'appelante mentionnant la somme de 16 809 euros au lieu des 15 106 euros visés par le redressement.

L'intimée expose ensuite que ces indemnités de repas ne sauraient être qualifiées de frais professionnels bénéficiant d'un régime exonératoire de charges sociales, et doivent ainsi être réintégrées dans l'assiette des cotisations, faute pour l'employeur d'avoir prouvé :

- l'existence d'une dépense supplémentaire engagée par le salarié ;

- la circonstance que cette dépense s'impose au salarié comme résultant de conditions spéciales de travail.

Elle souligne en outre que l'organisation en journée continue - invoquée par la société comme une condition spéciale de travail justifiant la qualification des indemnités repas en frais professionnels - ne résulte pas d'un fonctionnement nécessaire à l'activité de l'entreprise mais résulte d'un choix d'organisation.

Elle précise que le travail continu doit, au surplus, être prévu par la convention collective, un accord de branche ou d'entreprise ou bien être accordé par dérogation par l'inspection du travail, après consultation des délégués syndicaux et avis du comité social et économique, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Concernant le chef de redressement n°11 relatif à la réintégration des frais d'entretien des espaces verts dans l'assiette des cotisations sociales, l'intimée soutient que ces frais ne constituent pas des frais professionnels mais correspondent vraisemblablement à des dépenses personnelles de l'ancien gérant de la société, M. [C], dont la gestion est qualifiée de malhonnête par l'appelante elle-même.

L'URSSAF souligne en outre le caractère excessif des factures émises au regard de la masse salariale et de l'activité de la société [3] prétendument chargée de cet entretien, société par ailleurs dirigée par le même gérant que la société [5], un bail commercial liant au surplus les deux sociétés.

*

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées par les parties. Les "'dire et juger'", "'donner acte'" ou "'constater'" n'étant - hormis les cas prévus par la loi - que le rappel des moyens invoqués et non des demandes conférant des droits, la cour ne statuera pas sur ceux-ci dans son dispositif.

- Sur la recevabilité de l'appel

L'appel du 03 mars 2021 ayant été interjeté par la société [5] dans les formes et délai légaux, il sera déclaré recevable.

- Sur la validité du chef de redressement n°15 relatif aux indemnités de repas

En application des dispositions de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, tout avantage en argent ou en nature alloué en contrepartie ou à l'occasion du travail doit être soumis à cotisations, à l'exclusion des sommes représentatives de frais professionnels, dans les conditions et limites fixées par arrêté ministériel.

L'article 1 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale précise que 'Les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions.

Les sommes à déduire de l'assiette des cotisations de sécurité sociale au titre des frais professionnels, tels que prévus à l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, sont celles qui sont versées aux travailleurs salariés ou assimilés, à l'exception des allocations forfaitaires prévues au 2° de l'article 2 ci-dessous perçues par les personnes visées aux 11°, 12° et 23° de l'article L. 311-3 dudit code pour l'exercice de leur fonction de dirigeant.'

L'article 3 de ce même arrêté, dans sa version en vigueur au moment du contrôle, ajoute que 'Les indemnités liées à des circonstances de fait qui entraînent des dépenses supplémentaires de nourriture sont réputées utilisées conformément à leur objet pour la fraction qui n'excède pas les montants suivants :

1° Indemnité de repas :

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement professionnel et empêché de regagner sa résidence ou lieu habituel de travail, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 15 Euros par repas ;

2° Indemnité de restauration sur le lieu de travail :

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est contraint de prendre une restauration sur son lieu effectif de travail, en raison de conditions particulières d'organisation ou d'horaires de travail, telles que travail en équipe, travail posté, travail continu, travail en horaire décalé ou travail de nuit, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de restauration est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 5 Euros ;

3° Indemnité de repas ou de restauration hors des locaux de l'entreprise :

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est en déplacement hors des locaux de l'entreprise ou sur un chantier, et lorsque les conditions de travail lui interdisent de regagner sa résidence ou son lieu habituel de travail pour le repas et qu'il n'est pas démontré que les circonstances ou les usages de la profession l'obligent à prendre ce repas au restaurant, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de repas est réputée utilisée conformément à son objet pour la fraction qui n'excède pas 7,5 Euros.

Lorsque le travailleur salarié ou assimilé est placé simultanément au cours d'une même période de travail dans des conditions particulières de travail énoncées aux 1°, 2° et 3°, une seule indemnité peut ouvrir droit à déduction.'

Il résulte de ces dispositions qu'en matière d'indemnités de restauration sur le lieu de travail, l'exonération est admise sous réserve qu'il soit justifié que le salarié a réellement engagé des frais supplémentaires de nourriture ET qu'il est contraint de se nourrir dans les locaux de l'entreprise en raison de conditions particulières de travail.

Il convient ainsi dans un premier temps de démontrer que le salarié a engagé, de manière effective et au regard d'une organisation atypique de son travail, des dépenses excédant ses frais habituels de nourriture.

Il est en outre constant que la charge de la preuve de la réalité de la dépense supplémentaire incombe à l'employeur, qui est tenu d'en tenir un état détaillé afin de pouvoir justifier de l'utilisation, conformément à leur objet, des indemnités allouées.

Les sommes que l'employeur est autorisé à déduire sont celles correspondant :

- soit au remboursement des dépenses réellement engagées par le salarié,

- soit au forfait alloué à celui-ci, sous réserve que ce forfait soit utilisée par le salarié conformément à son objet.

L'autorité réglementaire a par ailleurs allégé la charge de la preuve incombant à l'employeur en instituant une présomption d'utilisation conforme par le salarié de cette somme forfaitaire, dès lors que celle-ci ne dépasse pas un montant précis, en l'espèce 05 euros.

A défaut, les sommes versées au salarié par l'employeur ne revêtent plus le caractère d'une indemnisation de frais professionnels, mais constituent des éléments de rémunération ayant vocation à être réintégrés dans l'assiette soumise à cotisations et contributions sociales.

Par ailleurs, aux termes du premier alinéa de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur au moment des opérations de contrôle, '[...] Les agents chargés du contrôle sont assermentés et agréés dans des conditions définies par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale. Ces agents ont qualité pour dresser en cas d'infraction auxdites dispositions des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve du contraire. [...]'

*

Au regard des dispositions normatives précitées, le raisonnement doit être opéré en deux temps. Sera ainsi recherchée par la cour dans un premier temps l'existence de frais professionnels exposés par le salarié et, uniquement en cas de réponse affirmative, seront analysées dans un second temps les modalités d'indemnisation de ces frais par l'employeur.

A titre liminaire, la cour observe que l'appelante, dans le dispositif de ses écritures soutenues oralement à l'audience, lui demande d''Annuler le chef de redressement n°14, notifié par lettre d'observation du 17 décembre 2019 par l'URSSAF de la Corse, afférent au rappel prononcé au titre des indemnités de restauration d'un montant de 16.809 € et les majorations y afférentes'. Si le numéro de chef de redressement et la date de la lettre d'observations sont erronés, le montant des sommes litigieuses est en revanche exact - contrairement à ce qu'indique l'URSSAF - puisqu'à l'issue du réexamen de la situation par l'inspecteur du recouvrement, le chef n°15 a été porté à la somme de 8 590 euros pour l'année 2016 et 8 219 euros pour l'année 2017, soit un total de 16 809 euros en brut réintégré à l'assiette des cotisations au titre des indemnités de repas.

En l'espèce, il ressort de l'analyse des pièces versées aux débats par les parties les éléments suivants.

Lors de ses opérations de contrôle, l'inspecteur du recouvrement de l'URSSAF a pu constater que l'entreprise versait des 'indemnités de panier' intégralement exonérées de cotisations et de contributions sociales à certains de ses salariés.

Si la société [5] a été en mesure de fournir les documents sollicités par l'inspecteur du recouvrement s'agissant des chauffeurs-livreurs, elle n'a en revanche pas pu effectuer la même démonstration en ce qui concerne son personnel sédentaire.

En effet, comme le soutient à juste titre l'URSSAF, il convient de distinguer le travail continu - impliquant pour le salarié l'absence d'interruption de son activité - de l'organisation du travail en journée continue caractérisée par des temps de pause différents pour les salariés mais ne supposant pas nécessairement la prise des repas sur le lieu de travail.

Comme l'ont souligné à juste titre les premiers juges, les contrats de travail de M. [F] [V] et de Mme [U] [K] stipulent que ces salariés disposent 'de la plus large autonomie pour l'accomplissement des tâches qui [leur] sont confiées par la Société et dans la gestion et l'orgnaisation de [leur] temps de travail.' Ces mêmes contrats ajoutent que le salarié 'assume par conséquent la responsabilité pleine et entière du temps qu'il y consacre et de ce fait, il ne peut être soumis à un horaire collectif de travail'.

Aucune contrainte horaire ne ressort donc de la lecture de ces deux contrats de travail.

S'agissant des autres salariés, c'est à bon droit que l'URSSAF souligne qu'ils ne sont pas soumis au travail continu au sens du droit du travail, aucun accord d'entreprise l'établissant n'étant produit ni, à défaut, de dérogation accordée par la DIRECCTE.

Les documents descriptifs de l'activité des différents services de l'entreprise ne mettent pas évidence l'atypisme de l'organisation du travail au sens de l'article 3 de l'arrêté susvisé, ni l'impossibilité pour les salariés de se nourrir ailleurs que sur leur lieu de travail, étant précisé - en réponse à l'appelante - qu'il n'est pas nécessaire d'offrir une pause méridienne de deux heures aux salariés pour qualifier leurs horaires de travail de normaux.

Au mieux, ces pièces établissent qu'il est inopportun que les salariés d'un même service s'absentent en même temps au moment de la pause méridienne.

La pièce intitulée 'Suivi des livraisons' concerne les livraisons du 21 au 23 juin 2021 et non celles effectuées en 2016 et 2017, et l'appelante procède par pure affirmation lorsqu'elle indique que le rythme est identique quelle que soit la période considérée.

Quant aux plannings fournis et constitués par la seule appelante, ils ne sont ni datés ni confirmés par d'autres pièces telles que des attestations des salariés, de sorte qu'ils ne sauraient emporter la conviction de la cour.

Enfin, aucune des pièces produites ne vient démontrer ni même n'évoque l'existence de dépenses supplémentaires exposées par les salariés sédentaires.

Dès lors, il sera considéré, à la suite des premiers juges, que l'indemnisation de frais de repas accordée à des salariés sédentaires travaillant dans des conditions normales ne couvre pas des frais professionnels.

Par ailleurs, l'appelante soutient que le montant forfaitaire alloué à ses salariés étant de 6,30 euros, l'indemnité destinée à compenser les dépenses supplémentaires de restauration est réputée utilisée conformément à son objet jusqu'à 5 euros. Quand bien même le raisonnement opéré par l'appelante serait le bon - ce qui n'est pas le cas - elle n'explique à aucun moment en quoi la somme de 1,30 euros dépassant le forfait couvre une dépense supplémentaire.

Ainsi, l'analyse des pièces versées aux débats ne peut qu'amener la cour à considérer que l'appelante n'a pas rapporté la preuve qui lui incombait de l'exposition de ses salariés à des frais supplémentaires de nourriture causés par des conditions particulières d'organisation ou d'horaires de travail qui les auraient contraints à se nourrir sur leur lieu de travail.

Dès lors qu'il n'est pas démontré que les indemnités versées compensaient des frais supplémentaires réellement mis à la charge des salariés, la présomption d'utilisation conforme dans les limites réglementaires ne saurait jouer en l'espèce.

En conséquence, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a validé ce chef de redressement n°15.

- Sur la validité du chef de redressement n°11 relatif aux factures émises par la société [3]

Le litige porte sur la somme de 12 461 euros correspondant à la réintégration dans l'assiette des cotisations des factures émises par la société [3], les autres sommes sollicitées au titre du chef de redressement n°11 n'étant pas contestées.

Il est admis par les parties qu'un bail commercial a été conclu entre la société civile immobilière (SCI) [3], gérée par M. [C], et la société [5], alors gérée par ce même M. [C], pour une durée de neuf ans ayant débuté le 1er janvier 2016. La société [3] est signataire de ce bail en qualité de bailleur et la société [5] en qualité de preneur. Le bail, confus sur ce point, porte soit sur une 'superficie totale d'environ 600 m2 au sol plus un espace mezzanine aménagé de 250 m2", soit sur 'un ensemble immobilier d'une superficie totale de 760 m2 environ'. Il en sera déduit que la superficie louée par la société [5] comporte pour l'essentiel un bâtiment, de sorte que les espaces verts, si tant est qu'ils soient inclus dans le bail, n'ont nécessairement qu'une taille réduite.

La cour observe en outre que la société [3] est identifiée dans ce document uniquement comme une SCI et que son éventuelle activité dédiée à l'entretien des espaces verts n'est nullement mentionnée.

Les factures produites par l'appelante de novembre 2016 à mai 2017 indiquent simplement 'entretien espace verts' ainsi que le mois concerné, sans que le détail des prestations exécutées (par exemple élagage, tonte pelouse, taille haies, etc...) ne soit précisé. Leur montant total s'élève à la somme de 15 069,05 euros pour 7 mois de prestations, soit une moyenne mensuelle de 2 152,72 euros consacrés à l'entretien d'espaces verts sur la base des seules factures versées par l'appelante, qui ne couvrent pas l'ensemble de la période apparaissant sur le compte contrôlé.

Il est ici intéressant de remarquer qu'au pied de chacune de ces factures, l'adresse électronique de la société [3] est [Courriel 4].

Par ailleurs, au vu des pièces produites par l'appelante, un seul salarié a fait l'objet d'une déclaration préalable à l'embauche en avril 2016. Cet effectif unique est confirmé par le détail de la déclaration de l'année 2016 de la société [3] versé par l'URSSAF. En 2016, cette société ne déclarait que 1446 euros de salaires pour l'année entière. Au 31 décembre 2017, la société ne disposait d'aucun effectif et ne déclarait que 815 euros de salaires pour l'année complète. Pourtant, le contrôle comptable opéré par l'inspecteur du recouvrement démontre qu'en 2017, la société [3] aurait réalisé pour 12 558 euros de prestations. Il est donc impossible que l'unique salarié, qui a manifestement quitté l'entreprise en début d'année 2017 au vu du faible salaire déclaré (815 euros), ait entretenu les espaces verts de la société [5] pour la somme totale de 12 558 euros.

La cour constate également que l'activité déclarée par la société [3] auprès de l'URSSAF est décrite en ces termes : 'LOC. TERRAIN ET AUTRES BIENS IMMOBILIERS', sans qu'aucune référence à l'entretien des espaces verts n'apparaisse.

Au regard de ces éléments, il sera jugé que l'URSSAF démontre que les factures émises par la société [3] ne correspondent pas à des frais professionnels, leur caractère excessif au regard de la masse salariale et de l'activité de la société [3] étant parfaitement établi en l'espèce.

Le jugement querellé sera donc également confirmé en ce qu'il a validé ce chef de redressement.

*

Ainsi, la décision des premiers juges sera confirmée qu'elle a :

- débouté la société [5] de l'ensemble de ses demandes ;

- dit que le redressement opéré par l'URSSAF à l'égard de la société [5] était pleinement fondé ;

- validé la mise en demeure du 17 janvier 2020 pour son entier montant de 194 596 euros ;

- confirmé la décision implicite de rejet de la CRA subséquente ;

- condamné en conséquence la société [5] à verser à l'URSSAF la somme de 194 596 euros au titre du redressement opéré.

- Sur les dépens

L'article 696 du code de procédure civile dispose, en son premier alinéa, que 'La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.'

La société [5] succombant dans ses prétentions, elle devra supporter la charge des entiers dépens exposés en cause d'appel. Le jugement déféré sera par ailleurs confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement des dépens de première instance.

- Sur les frais irrépétibles

En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'appelante sera condamnée à payer à l'URSSAF la somme de 1 500 euros.

La société [5] sera donc déboutée de sa demande formée sur ce fondement, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour,

DECLARE recevable l'appel interjeté le 03 mars 2021 par la société [5] ;

CONFIRME en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 08 février 2021 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société [5] au paiement des entiers dépens exposés en cause d'appel ;

CONDAMNE la société [5] à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Corse la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 21/00054
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.00054 ?
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