ARRET N°
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15 Février 2023
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N° RG 20/00147 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B7C6
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[S] [P] épouse [N]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE
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Décision déférée à la Cour du :
14 septembre 2020
Pole social du TJ de BASTIA
18/00420
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Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : QUINZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANTE :
Madame [S] [P] épouse [N]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Martine CAPOROSSI POLETTI, avocat au barreau de BASTIA, substituée par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2020/1785 du 05/11/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMEE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE
Service Contentieux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 mars 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme COLIN, conseillère chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre,
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022 puis a fait l'objet de prorogations au 21 septembre, 11 janvier et 15 février 2023.
ARRET
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.
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EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
Mme [S] [P] épouse [N] a exercé une activité professionnelle de vendeuse du 14 mai 2012 au 08 février 2016.
Elle bénéficie par ailleurs d'une pension d'invalidité de première catégorie depuis le 1er décembre 2005.
Le 10 décembre 2015, Mme [N] a déclaré une maladie professionnelle (syndrôme du canal carpien gauche) prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Haute-Corse au titre de la législation professionnelle.
La Dre Corinne Gherardi, médecin-conseil de la caisse, a fixé la date de consolidation de l'état de santé de Mme [N] au 1er janvier 2017.
Cette date ayant été contestée par l'assurée, une expertise médicale a été confiée au Dr [T] [D] qui, dans son rapport du 30 mars 2017, a confirmé la date du 1er janvier 2017 comme celle de la consolidation de l'état de Mme [N].
Des indemnités journalières au titre de sa maladie professionnelle ont donc été versées à l'assurée du 08 février 2016 au 1er janvier 2017.
Mme [N] n'a pas repris son activité professionnelle le 02 janvier 2017 et a continué à fournir des certificats de prolongation d'arrêt de travail au titre de sa maladie professionnelle jusqu'au 1er avril 2017.
Le 14 avril 2017, le Dr [K] [X], médecin généraliste constatant une nouvelle affection, a délivré un certificat médical initial d'arrêt de travail au titre de la maladie ordinaire, suivi de certificats de prolongation jusqu'au 28 juillet 2017.
Du 29 juillet 2017 au 31 décembre 2017, Mme [N] a de nouveau été indemnisée au titre de sa maladie professionnelle dans le cadre d'une rechute.
Le 16 novembre 2018, Mme [N] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Corse d'une demande de paiement de la somme de 6 539,52 euros correspondant selon elle aux indemnités journalières qui auraient dû lui être versées pour la période du 02 janvier 2017 au 28 juillet 2017.
Par jugement avant dire droit du 13 janvier 2020, la juridiction - devenue pôle social du tribunal judiciaire de Bastia - a ordonné la réouverture des débats et invité la CPAM à faire valoir ses moyens au fond.
Par jugement contradictoire du 14 septembre 2020, le pôle social a :
- débouté Mme [N] de tous les chefs de sa demande ;
- débouté la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Mme [N] aux dépens.
Par courrier électronique du 24 septembre 2020, Mme [N] a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande d'allocation de la somme de 6 539,52 euros et condamnée au paiement des dépens.
L'affaire a été appelée à l'audience du 08 mars 2022 au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, Mme [S] [N], appelante, demande à la cour de':
'Réformant le jugement du 14 septembre 2020,
Recevoir la contestation de madame [S] [N],
Condamner la CPAM de la Haute-Corse à lui payer, au titre des indemnités journalières pour la période courant du 14 avril 2017 au 28 juillet 2017, la somme de 3301,20 € (trois mille trois cent un euros vingt centimes), à raison de 31,44 € x 104 jours.'
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait valoir que :
- l'arrêt de travail du 14 avril 2017 a été prolongé durant plus de six mois de façon continue, de sorte qu'elle peut bénéficier des dispositions de l'article R. 313-3 du code de la sécurité sociale ;
- les périodes au cours desquelles elle a été empêchée de travailler en raison à la fois de son invalidité et de sa maladie professionnelle sont assimilées à des périodes de travail pour l'ouverture du droit aux prestations en espèces, dans les conditions définies à l'article R. 313-8 du même code (soit six heures de travail salarié par journée indemnisée) ;
- à la date du 14 avril 2017, elle justifiait de douze mois d'affiliation à la CPAM
et de 1 572 heures de travail, soit plus que les 600 heures requises, de sorte qu'elle est éligible au versement d'indemnités journalières pour la période du 14 avril 2017 au 28 juillet 2017.
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Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la CPAM de la Haute-Corse, intimée, demande à la cour de':
' Confirmer la décision du Pôle Social du Tribunal Judiciaire de BASTIA du 14 septembre 2020,
Débouter Madame [N] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
Condamner Monsieur [N] à verser à la Caisse Primaire la somme de 500 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile,
Condamner Madame [N] aux entiers dépens d'instance.'
L'intimée réplique notamment que Mme [N] ne remplit pas les conditions d'ouverture de droits prévues par l'article R. 313-3 du code de sécurité sociale, l'assurée n'ayant pas exercé d'activité professionnelle entre le 02 janvier et le 13 avril 2017.
Elle fait en outre observer que l'attribution d'une pension d'invalidité depuis 2015 empêche Mme [N] de bénéficier du régime de maintien du droit aux prestations en espèces défini à l'article L. 161-8 du même code.
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Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
La recevabilité de l'appel interjeté par Mme [N] n'étant pas contestée, il ne sera pas statué sur celle-ci.
- Sur le droit à prestations sociales en espèces pour la période du 14 avril 2017 au 28 juillet 2017
L'article L. 321-1 du code de la sécurité sociale dispose que 'L'assurance maladie assure le versement d'indemnités journalières à l'assuré qui se trouve dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant, selon les règles définies par l'article L. 162-4-1, de continuer ou de reprendre le travail [...].'
L'article L. 313-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, ajoute que ' I.- Pour avoir droit :
1° (abrogé) ;
2° Aux prestations prévues à l'article L. 321-1 pendant une durée déterminée ;
3° Aux prestations en espèces des assurances maternité et décès,
l'assuré social doit justifier, au cours d'une période de référence, soit avoir cotisé sur la base d'un salaire au moins égal à un montant fixé par référence au salaire minimum de croissance, soit avoir effectué un nombre minimum d'heures de travail salarié ou assimilé.
II.- Pour bénéficier :
1° Des prestations prévues à l'article L. 321-1, sans interruption, au-delà de la durée fixée en application du 2° du I ;
2° Des indemnités journalières de l'assurance maternité,
l'assuré doit, en outre, justifier d'une durée minimale d'affiliation.'
L'article R. 313-1 du même code précise que 'Les conditions d'ouverture du droit prévues à l'article L. 313-1 sont appréciées en ce qui concerne :
1°) (abrogé)
2°) les prestations en espèces de l'assurance maladie, au jour de l'interruption de travail ; [...]'.
L'article R. 313-3 du même code, dans sa version applicable en l'espèce, indique que ' 1° Pour avoir droit aux indemnités journalières de l'assurance maladie pendant les six premiers mois d'interruption de travail, aux allocations journalières de maternité et aux indemnités journalières de l'assurance maternité, l'assuré social doit justifier aux dates de référence prévues aux 2° et 3° de l'article R. 313-1 :
a) Soit que le montant des cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès assises sur les rémunérations qu'il a perçues pendant les six mois civils précédents est au moins égale au montant des mêmes cotisations dues pour un salaire égal à 1 015 fois la valeur du salaire minimum de croissance au premier jour de la période de référence ;
b) Soit avoir effectué au moins 150 heures de travail salarié ou assimilé au cours des trois mois civils ou des quatre-vingt-dix jours précédents.
L'assuré doit en outre justifier de dix mois d'immatriculation à la date présumée de l'accouchement pour bénéficier des indemnités journalières de l'assurance maternité.
2° Lorsque l'arrêt de travail se prolonge sans interruption au-delà du sixième mois, l'assuré social, pour avoir droit aux indemnités journalières après le sixième mois d'incapacité de travail, doit avoir été immatriculé depuis douze mois au moins à la date de référence prévue au 2° de l'article R. 313-1.
Il doit justifier en outre :
a) Soit que le montant des cotisations dues au titre des assurances maladie, maternité, invalidité et décès assises sur les rémunérations qu'il a perçues pendant les douze mois civils précédant l'interruption de travail est au moins égal au montant des mêmes cotisations dues pour un salaire égal à 2 030 fois la valeur du salaire minimum de croissance au 1er janvier qui précède immédiatement le début de cette période ;
b) Soit qu'il a effectué au moins 600 heures de travail salarié ou assimilé au cours des douze mois civils ou des 365 jours précédant l'interruption de travail.'
Enfin, aux termes de l'article R. 313-8 du même code, ' Pour l'ouverture du droit aux prestations prévues par les articles R. 313-3 à R. 313-6 ci-dessus, est considérée comme équivalant à six fois la valeur du salaire minimum de croissance au 1er janvier qui précède immédiatement la période de référence ou à six heures de travail salarié :
1°) chaque journée indemnisée au titre de la maladie, de la maternité, de la paternité ou de l'invalidité ainsi que chaque journée de perception de l'allocation journalière de maternité à l'exclusion des journées indemnisées en application des articles L. 161-8 et L. 311-5 ;
2°) chaque journée d'interruption de travail due à la maladie au titre de laquelle l'assuré n'a pas perçu l'indemnité journalière de l'assurance maladie soit parce qu'elle est comprise dans les trois premiers jours de l'incapacité de travail, à condition que l'arrêt de travail ait donné lieu par la suite à l'attribution d'indemnités journalières, soit parce que l'assuré a épuisé ses droits à indemnisation tels qu'ils sont fixés par les articles L. 323-1 et R. 323-1, à condition que l'incapacité physique de reprendre ou de continuer le travail soit reconnue par le médecin conseil ;
3°) chaque journée d'incapacité temporaire donnant lieu au versement des indemnités journalières au titre de la législation sur les accidents du travail ainsi que chaque journée pendant laquelle l'assuré a perçu, au titre de la même législation, une rente ou allocation correspondant à une incapacité permanente d'au moins 66 2/3 % ;
4°) chaque journée de stage effectuée dans un établissement de rééducation mentionné à l'article R. 481-1 par le titulaire d'une rente allouée en vertu de la législation sur les accidents du travail, quel que soit le taux de l'incapacité à laquelle cette rente correspond ;
5°) chaque journée pendant laquelle l'assuré fait l'objet d'une détention provisoire.
Pour l'ouverture du droit aux prestations prévues par les articles R. 313-3 à R. 313-6, chaque journée de perception de l'allocation journalière de présence parentale est considérée comme équivalant à quatre fois la valeur du salaire minimum de croissance au 1er janvier qui précède immédiatement la période de référence ou à quatre heures de travail salarié.'
Il résulte de ces dispositions que les conditions d'ouverture du droit aux prestations sociales en espèces s'apprécient au jour de l'interruption du travail. Pour prétendre au bénéfice des indemnités journalières de l'assurance maladie pendant les six premiers mois suivant l'interruption de travail, l'assuré doit remplir l'une des deux conditions posées à l'article R. 313-3 susvisé. S'agissant de la condition tenant à l'accomplissement d'au moins 150 heures de travail salarié ou assimilé au cours des trois mois précédant l'arrêt de travail, il est à noter que chaque jour indemnisé au titre de la maladie ou de l'invalidité équivaut à six heures de travail salarié.
En l'espèce, Mme [N] a été en arrêt de travail et indemnisée au titre de sa maladie professionnelle du 08 février 2016 au 1er janvier 2017. Du 02 janvier 2017 au 13 avril 2017, au regard de la consolidation de son état, elle aurait dû reprendre son activité professionnelle tout en continuant de percevoir, comme auparavant, sa pension d'invalidité.
Mme [N] sollicite en cause d'appel le versement d'indemnités journalières au titre de la maladie ordinaire du 14 avril 2017 - date du certificat médical initial du Dr [X] - au 28 juillet 2017 - veille de la prise en charge d'une rechute de sa maladie professionnelle. Les indemnités dont le paiement est réclamé concernent ainsi les six premiers mois suivant l'arrêt de travail du 14 avril 2017 et relèvent donc du régime prévu au 1° de l'article R. 313-3 susvisé.
Dès lors, Mme [N] peut bénéficier des prestations sollicitées si elle justifie, pour la période s'étendant du 14 janvier 2017 au 14 avril 2017 :
- soit de 150 heures de travail salarié ;
- soit de 25 jours indemnisés au titre de l'invalidité.
Si elle ne justifie pas d'une activité salariée au cours de cette période, elle justifie en revanche de la perception d'une pension d'invalidité en versant aux débats la notification de l'attribution de cette pension à compter du 1er décembre 2005. La CPAM reconnaît en outre dans ses écritures que 'Madame [N], du 2 janvier au 13 avril 2017, a été bénéficiaire d'une pension d'invalidité.'
Le moyen soulevé par l'intimée au terme duquel le bénéficiaire d'une pension d'invalidité ne peut percevoir d'indemnités journalières n'est pas étayé et entre en contradiction tant avec les dispositions de l'article R. 313-8 susmentionné qu'avec la situation antérieure de l'assurée qui cumulait sa pension d'invalidité avec les indemnités journalières perçues au titre de la législation professionnelle.
En conséquence, il sera jugé que Mme [N] justifie bien de 150 heures de travail assimilé entre le 14 janvier 2017 et le 14 avril 2017, et qu'elle peut prétendre au bénéfice des prestations en espèces de l'assurance maladie pour la période du 14 avril 2017 au 28 juillet 2017.
Le jugement querellé sera donc infirmé en toutes ses dispositions déférées à la cour et la CPAM condamnée à payer à Mme [N] la somme de 3 301,20 euros, somme dont les modalités de calcul ne sont d'ailleurs pas discutées par l'intimée.
- Sur les dépens
L'alinéa 1er de l'article 696 du code de procédure civile dispose que 'la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie'.
La CPAM, partie succombante, devra supporter la charge des entiers dépens exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
- Sur les frais irrépétibles
Il n'est pas inéquitable de laisser à la CPAM la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel.
L'intimée sera donc déboutée de sa demande présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
INFIRME en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 14 septembre 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire de Bastia ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse à payer à Mme [S] [P] épouse [N] la somme de 3 301,20 euros au titre des indemnités journalières dues pour la période du 14 avril 2017 au 28 juillet 2017 ;
CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse au paiement des dépens exposés en première instance et en cause d'appel ;
DEBOUTE la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse de ses demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT