ARRET N°
-----------------------
15 Février 2023
-----------------------
N° RG 20/00004 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B5Z7
-----------------------
S.A.R.L. [13]
C/
[Y] [S], CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux, S.A. [12]
----------------------
Décision déférée à la Cour du :
11 décembre 2019
Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale d'AJACCIO
18/00118
------------------
Copie exécutoire délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : QUINZE FEVRIER DEUX MILLE VINGT TROIS
APPELANTE :
S.A.R.L. [13] prise en la personne de son représentant légal en exercice, demeurant et domicilié es qualité audit siège
N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 4]
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 1]
Représentée par Me Philippe JOBIN, avocat au barreau de BASTIA et par Me Laétitia MARICOURT-BALISONI, avocat au barreau d'AJACCIO
INTIMES :
Monsieur [Y] [S]
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 2]
Représenté par Me Laurence GAERTNER DE ROCCA SERRA, avocat au barreau de BASTIA substituée par Me Prescillia CESARI, avocat au barreau de BASTIA
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 3]
Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA
S.A. [12] prise en la personne de son représentant légal en exercice
[Adresse 9]
[Localité 5]
Représentée par Me Martine CAPOROSSI POLETTI, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 février 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur JOUVE, Président de chambre et Madame COLIN, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Monsieur JOUVE, Président de chambre
Madame COLIN, Conseillère
Madame BETTELANI, Conseillère
GREFFIER :
Madame CARDONA, Greffière lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 01 juin 2022, puis a fairt l'objet de prorogations au 22 juin, 21 septembre, 11 janvier et 15 février 2023.
ARRET
- CONTRADICTOIRE
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière, présente lors de la mise à disposition de la décision.
***
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Le 02 novembre 2010, M. [Y] [S] a conclu avec la société [13] (exerçant sous l'enseigne [8]) un contrat à durée indéterminée afin d'occuper un poste de conducteur de véhicules poids lourds et super poids lourds.
Le 12 juin 2014, M.[S] a été victime d'un accident du travail pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Corse-du-Sud au titre de la législation relative aux risques professionnels.
La date de consolidation de son état de santé a été fixée au 22 mai 2017.
Le 20 juillet 2017, M. [S] a saisi la CPAM d'une demande de conciliation en vue de faire reconnaître la faute inexcusable de son employeur.
Le 15 mars 2018, en l'absence de réponse de la société [13], la CPAM a notifié à l'assuré l'échec de la procédure de conciliation et la faculté de saisir le tribunal des affaires de sécurité sociale (TASS) de la Corse-du-Sud.
Le 26 mars 2018, M. [S] a saisi cette juridiction d'une demande tendant à voir reconnaître la faute inexcusable de la société [13].
Par jugement mixte rendu contradictoirement le 11 décembre 2019, le TASS - devenu pôle social du tribunal de grande instance d'Ajaccio - a :
- dit que l'accident du travail dont a été victime M. [Y] [S] le 12 juin 2014 était dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [13] ;
- ordonné la majoration à son maximum de l'indemnité en rente allouée à M. [Y] [S] ;
- rappelé que la CPAM de la Corse-du-Sud était fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de la société [13], s'agissant des conséquences financières de la faute inexcusable ;
Avant dire droit pour le surplus,
- ordonné une expertise médicale et commis pour y procéder le Dr [L] [D] ;
- dit que la CPAM de la Corse-du-Sud avancerait les frais de l'expertise médicale, fixés à 500 euros, par consignation auprès de la régie d'avance et de recettes du tribunal de grande instance d'Ajaccio, avant le 15 janvier 2020 ;
- dit que, conformément aux dispositions de l'article 272 du code de procédure civile, chacune des parties ou tout mandataire pouvait interjeter appel de cette décision sur autorisation du premier président, statuant en la forme des référés, s'il est justifié d'un motif grave et légitime ;
- condamné la société [13] à verser à M. [Y] [S] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- réservé les dépens.
Par courrier électronique du 09 janvier 2020, la société [13] a interjeté appel de ce jugement - qui lui avait été notifié le 13 décembre 2019 - en ce qu'il a :
- dit que l'accident du travail dont a été victime M. [Y] [S] le 12 juin 2014 était dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [13] ;
- ordonné la majoration à son maximum de l'indemnité en rente allouée à M. [Y] [S] ;
- rappelé que la CPAM de la Corse-du-Sud était fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de la société [13], s'agissant des conséquences financières de la faute inexcusable ;
Avant dire droit pour le surplus,
- ordonné une expertise médicale et commis pour y procéder le Dr [L] [D] ;
- condamné la société [13] à verser à M. [Y] [S] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- débouté la société [13] de l'ensemble de ses demandes.
L'affaire a été appelée à l'audience du 08 février 2022 au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la société [13], appelante, demande à la cour de :
' INFIRMER le jugement rendu le 11 Décembre 2019 par le Tribunal de grande Instance pôle social en ce qu'il a :
- DIT que l'accident de travail dont a été victime M. [Y] [S] le 12 juin 2014 est dû à la faute inexcusable de son employeur, la société [13].
- ORDONNÉ la majoration à son maximum de l'indemnité en rente allouée à M. [Y] [S],
- RAPPELÉ que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de Corse du Sud est fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de la société [13], s'agissant des conséquences financières de la faute inexcusable.
Avant dire droit sur l'indemnisation article L 453-3 code de sécurité sociale,
- ORDONNÉ une expertise-médicale qui devra être diligentée dans le respect des règles du contradictoire édictées par le Code de Procédure Civile et commet pour y procéder le Dr [L] [D]
- CONDAMNÉ la société [13] à verser à M. [Y] [S] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
A titre principal
CONSTATER la prescription de la présente action,
A titre subsidiaire,
DEBOUTER Monsieur [S] de l'ensemble de ses demandes,
CONSTATER l'absence de faute inexcusable de l'employeur,
CONSTATER que Monsieur [S] n'a pas respecté les mesures de sécurité qui lui étaient imposées,
CONSTATER que Monsieur [S] n'a pas contrôlé son chargement conformément au règlement intérieur,
CONSTATER que Monsieur [S] a pris l'initiative de décharger seul la marchandise du camion sans même prendre la précaution d'immobiliser la marchandise,
RETENIR la faute inexcusable de Monsieur [S],
A titre infiniment subsidiaire,
DIRE que la Compagnie [12] devra relever garantie de l'ensemble des condamnations de la Société [13],
En tout état de cause :
CONDAMNER Monsieur [S] au paiement de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.'
Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait notamment valoir que :
- l'accident du travail étant survenu le 12 juin 2014, l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, introduite plus de deux ans après, est forclose en application des dispositions de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale ;
- M. [S] ne démontre pas l'existence d'une faute inexcusable de son employeur, l'accident n'étant pas dû à un défaut d'arrimage de la remorque mais à la seule faute inexcusable commise par le salarié lors du déchargement du camion, ce dernier ayant pris l'initiative de retirer les sangles maintenant les marchandises, sans attendre l'arrivée des chariots élévateurs chargés de stabiliser les matériaux ;
- le salarié était titulaire lors de son embauche de la formation initiale minimale obligatoire (FIMO), seul stage utile à la maîtrise des règles de sécurité et d'arrimage des charges, la formation continue obligatoire (FCO) n'en étant qu'une simple actualisation des connaissances acquises initialement, de sorte que l'absence de FCO à jour au moment de l'accident ne pouvait être la cause de ce dernier ;
- aucune autre formation obligatoire n'existe ;
- le salarié avait bénéficié de la supervision d'un tuteur durant ses premiers mois de fonction et avait plus de 300 déchargements à son actif lors de l'accident ;
- la société [13] est une entreprise de négoce en matériaux et non de transport, et le cas d'espèce ne portant pas sur une transaction entre deux entreprises mais sur un transport de marchandises interne à l'entreprise, aucun protocole de sécurité n'était obligatoire ;
- en tout état de cause, les protocoles de sécurité sont affichés à l'entrée des dépôts, et l'utilisation de chariots élévateurs lors des phases de déchargement des camions avait été imposée aux salariés avant l'accident ;
- il appartenait à M. [S] de contrôler la solidité de l'arrimage de la marchandise ;
- si la marchandise avait été mal arrimée comme le soutient l'intimé, la compagnie maritime de transport aurait refusé l'embarquement du camion ;
- le salarié n'a pas usé de son droit de réserve pour s'opposer au déchargement d'un camion qu'il aurait jugé périlleux ;
- il était impossible pour l'employeur d'anticiper l'acte insensé commis par M. [S], qui revêt le caractère d'un événement imprévisible et irrésistible ;
- la juridiction de sécurité sociale est compétente pour statuer sur la demande d'appel en garantie de son assureur par l'employeur.
*
Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, M. [Y] [S], intimé, demande à la cour de :
' CONFIRMER la décision entreprise en toutes ses dispositions et ce faisant :
- Constater le caractère inexcusable de la faute commise par l'employeur de Monsieur [Y] [S], dans l'accident par lui subi le 12 juin 2014,
- Dire et Juger que Monsieur [Y] [S] aura droit à une majoration de sa rente AT au maximum du taux légal,
- Aux fins de pouvoir liquider l'ensemble des préjudices par lui subis, ordonner une expertise médicale confiée à un médecin expert inscrit sur la liste de la Cour d'Appel de BASTIA, avec mission habituelle,
- Dire et Juger qu'à réception du rapport d'expertise, le dossier sera transmis pour réenrôlement, au Pôle Social près le Tribunal Judiciaire d'AJACCIO afin qu'il soit procédé à la liquidation des différents préjudices de Monsieur [Y] [S],
- Réserver les dépens,
- Y rajoutant condamner l'ETS [13] à régler à Monsieur [Y] [S] la somme de 2.500 € HT, soit 3.000 € TTC au titre de l'Article 700 du CPC concernant les diligences accomplies devant la Chambre Sociale près la Cour d'Appel de BASTIA.'
L'intimé rétorque notamment que :
- le délai de deux ans prévu à l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale court à compter de la date de cessation du paiement des indemnités journalières, qui correspond à celle de consolidation de l'état de santé de la victime, soit en l'espèce le 22 mai 2017 ;
- les photographies et photocopies de 'consignes de sécurité' produites en cause d'appel par l'appelante ne sont ni datées ni localisées et ne peuvent être rattachées à la société [13], qui ne démontre donc pas avoir transmis de telles consignes à son salarié depuis l'embauche de ce dernier ;
- la FCO, qui comporte un module sur le chargement, l'arrimage et la manutention des marchandies, n'avait pas été accomplie durant les quatre années séparant sa date d'embauche en 2010 de celle de l'accident en 2014 ;
- si l'employeur avait rempli son obligation de formation, le salarié aurait su qu'il commettait une faute d'imprudence en desserrant sans précaution les sangles de serrage ;
- l'attestation de M. [P] [J], chef de parc, ne fait nullement état d'un tutorat ;
- l'obligation de formation à la sécurité en entreprise posée à l'article L. 4141-2 du code du travail est générale et doit être offerte à tous les salariés nouvellement embauchés ;
- l'employeur n'a mis en oeuvre aucun protocole de sécurité ni aucun document permettant l'information du conducteur sur les processus à respecter relativement à l'arrimage, les salariés s'exécutant selon des usages totalement informels et non-écrits ;
- la remorque était dénuée d'équipements de sécurité tels qu'un tapis anti-glisse et des barres latérales ;
- l'appelante est confuse quant au rôle attribué à M. [S] lors des opérations de chargement et de déchargement de la marchandise.
*
Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la société [12], intimée, demande à la cour de :
'Infirmer la décision déférée, en ce qu'elle a reconnu la faute inexcusable de l'appelante.
Constater que le demandeur a commis une faute grave lors du déchargement de la remorque, en ne respectant pas les consignes de sécurité de l'entreprise, et qu'il est seul responsable des conséquences de son acte.
Dire et juger en conséquence qu'aucune faute inexcusable ne peut être retenue à l'encontre de l'employeur, qui a dispensé les formations nécessaires et appropriées à ses salariés.
Débouter monsieur [S] de ses demandes.
Subsidiairement et pour le cas où il en serait jugé autrement, dire et juger que la mission d'expertise qui serait ordonnée ne pourra comprendre la détermination de la date de consolidation, la CPAM étant seule compétente pour la déterminer.
Confirmer la décision déférée en ce qu'elle a jugé que le Pôle social du TGI d'Ajaccio ne peut connaître d'un appel en garantie, qui ne relève pas du contentieux général de la Sécurité sociale, l'assureur pouvant seulement se voir opposer la décision (article L142-1 du code de la Sécurité Sociale et Cassation civile 2 12/03/2016 n°15-14561).
Statuer ce que de droit sur les dépens.'
L'assureur fait notamment valoir que :
- le salarié n'aurait pas dû prendre l'initiative de décharger le camion sans l'aide des chariots élévateurs, alors que ses collègues de travail émettaient un avis contraire ;
- que ce salarié avait déjà reçu quatre avertissements ;
- que l'employeur avait mis en place des protocoles de sécurité et des formations.
*
Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la CPAM de la Corse-du-Sud, intimée, demande à la cour de :
' RECEVOIR la Caisse en ses conclusions,
CONSTATER qu'elle s'en remet à la Cour sur la reconnaissance du caractère inexcusable de la faute éventuellement commise par l'employeur, et sur le montant qui pourrait être attribué, en réparation des préjudices,
DIRE que la majoration de la rente et des indemnités éventuelles seront récupérées par la Caisse auprès de l'employeur conformément aux articles L 452-1 et suivants du Code de la Sécurité Sociale.'
La caisse fait observer notamment que l'action de M. [S] n'est pas prescrite puisqu'ayant cessé de percevoir des indemnités journalières le 22 mai 2017 - date de la consolidation de son état de santé - il avait jusqu'au 22 mai 2019 pour solliciter la reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur, ce qu'il a fait dès le 25 juillet 2017.
*
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Les « dire et juger », « prendre ou donner acte » et « constater » n'étant - hormis les cas prévus par la loi - que le rappel des moyens invoqués, la cour ne statuera pas sur ceux-ci dans son dispositif.
Par ailleurs, il sera observé que la reconnaissance d'une faute inexcusable de l'employeur suppose l'existence préalable d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.
En l'espèce, la prise en charge au titre de la législation professionnelle de l'accident subi par M. [Y] [S] le 12 juin 2014 est admise par l'ensemble des parties et ne sera donc pas discutée ici.
Il est en outre constant que cet accident est survenu à l'occasion du déchargement, dans les entrepôts de la société [13], d'un véhicule poids lourd en provenance d'[Localité 6] et transportant notamment des armatures en fer.
A la suite du desserrage des sangles, ces matériaux ont chuté sur M. [S] qui a subi les fractures de la clavicule gauche, de la première côte gauche, des quatre métatarsiens du pied gauche et d'une vertèbre, ainsi qu'un traumatisme du genou droit.
Son état de santé a été consolidé au 22 mai 2017 et son taux d'incapacité fixé à 19%.
Le 19 octobre 2017, M. [S] a fait l'objet d'un licenciement dont la cause n'est pas portée à la connaissance de la cour, l'employeur évoquant une inaptitude tandis que le salarié verse aux débats la convocation à un entretien préalable en vue d'un licenciement pour motif personnel précédé d'une mise à pied conservatoire.
- Sur la recevabilité de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable
L'appelante soulève une fin de non-recevoir tenant à la prescription de l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur introduite par M. [S].
Si cette fin de non-recevoir a été soulevée par la société [13] dès la première instance et si les premiers juges y ont répondu dans le corps de leur jugement, la cour non sans avoir constaté que ces derniers ont omis d'y répondre dans leur dispositif, statuera comme suit.
Les deux premiers alinéas de l'article L. 431-2 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, dispose que 'Les droits de la victime ou de ses ayants droit aux prestations et indemnités prévues par le présent livre se prescrivent par deux ans à dater :
1°) du jour de l'accident ou de la cessation du paiement de l'indemnité journalière ; [...]'
Il résulte de ces dispositions que le délai de prescription biennale applicable à l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur commence à courir soit à compter de la date de survenance de l'accident du travail, soit de celle de consolidation de l'état de santé de la victime à partir de laquelle les indemnités journalières cessent de lui être versées par l'organisme social.
En l'espèce, il n'est pas contesté par les parties que la date de consolidation de l'état de santé de M. [S] est intervenue le 22 mai 2017.
Par un courrier du 20 juillet 2017, reçu le 25 juillet 2017 par la CPAM, M. [S] a saisi la caisse d'une demande de mise en oeuvre de la procédure de conciliation, préalable nécessaire à l'introduction d'une instance en reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur.
Dès lors, comme l'ont souligné à bon droit M. [S] et la CPAM, le point de départ du délai de prescription pouvait être situé à la date de consolidation de l'état de santé du salarié, et pas uniquement à celle de l'accident du travail comme soutenu par la société [13], de sorte que M. [S] avait jusqu'au 22 mai 2019 pour engager son action.
L'action de M. [S] ne pourra donc qu'être déclarée recevable.
- Sur la faute inexcusable de l'employeur
En application du premier alinéa de l'article L. 4141-1 du code du travail, 'L'employeur organise et dispense une information des travailleurs sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier.'
L'article L. 4141-2 du même code ajoute que 'L'employeur organise une formation pratique et appropriée à la sécurité au bénéfice :
1° Des travailleurs qu'il embauche ;
2° Des travailleurs qui changent de poste de travail ou de technique ;
3° Des salariés temporaires, à l'exception de ceux auxquels il est fait appel en vue de l'exécution de travaux urgents nécessités par des mesures de sécurité et déjà dotés de la qualification nécessaire à cette intervention ;
4° A la demande du médecin du travail, des travailleurs qui reprennent leur activité après un arrêt de travail d'une durée d'au moins vingt et un jours.
Cette formation est répétée périodiquement dans des conditions déterminées par voie réglementaire ou par convention ou accord collectif de travail.'
L'article L. 4141-3 du même code précise que 'L'étendue de l'obligation d'information et de formation à la sécurité varie selon la taille de l'établissement, la nature de son activité, le caractère des risques qui y sont constatés et le type d'emploi des travailleurs.'
Il résulte de ces dispositions que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en veillant notamment à mettre en place des actions d'information et de formation, à éviter les risques, à évaluer les risques ne peuvant être évités et à adapter le travail des salariés, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production.
L'employeur est ainsi tenu, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, à une obligation de sécurité, notamment en ce qui concerne les accidents du travail et maladies professionnelles.
Le manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, ces deux critères étant cumulatifs.
Il est indifférent que la faute inexcusable commise par l'employeur ait été la cause déterminante de l'accident subi par le salarié, mais il suffit qu'elle en soit une cause nécessaire pour que la responsabilité de l'employeur soit engagée, alors même que d'autres fautes - notamment celle de la victime - auraient concouru au dommage.
Sur la conscience du danger
La conscience du danger exigée de l'employeur est analysée in abstracto et ne vise pas une connaissance effective et précise de celui-ci. Elle s'apprécie au moment ou pendant la période de l'exposition au risque.
Il ressort des pièces produites par l'appelante que la société [13] avait nécessairement connaissance des risques que représentent pour ses salariés les opérations de chargement, de transport et de déchargement de lourds et volumineux matériaux de construction acheminés par les voies maritime et routière. En effet :
- la FIMO contient un module relatif au respect de consignes de sécurité lors du chargement, de l'arrimage et de la manutention des marchandises ;
- le formulaire adressé en fin de formation comporte un encart ainsi rédigé : 'Attention ! C'est pendant le chargement ou le déchargement que survient la majorité des accidents' (page 8 de la pièce n°13) et signale que 'toute marchandise qui risque de se déplacer est un danger';
- le protocole de sécurité chargement/déchargement (pièce n°15) rappelle que '70% des accidents surviennent véhicule à l'arrêt, au cours d'opérations de chargement et/ou de déchargement dans une entreprise d'accueil.'
Il résulte également des pièces versées par l'employeur que celui-ci avait conscience des risques d'un mauvais arrimage, la lettre d'avertissement du 1er octobre 2013 adressée à M. [S] par la société [13] faisant état 'd'une atteinte grave au non-respect des règles de sécurité' lors de la chute de marchandises sur la route à l'occasion de deux transports assurés par M. [S].
Il ressort de ces élèments que la société [13] avait bien conscience du danger inhérent aux opérations de déchargement d'un véhicule poids lourd ainsi que des risques générés par un mauvais arrimage de la cargaison.
Sur les mesures nécessaires
' les mesures de sécurité
L'appelante affirme avoir satisfait à ses obligations en matière de sécurité au moyen de consignes affichées au sein de ses locaux, ces consignes consistant en un document regroupant '10 règles d'or' et une affiche intitulée 'circulation - chargement - déchargement-livraisons' située selon elle à l'entrée du site.
La société [13] précise dans ses conclusions que le déchargement intervient en présence du chef de parc, de deux caristes en charge des chariots élévateurs et du chauffeur qui 'doit se contenter de garer son camion chargé'. Ce dernier doit patienter 'le temps que les deux caristes au volant de leurs chariots procèdent au déchargement du camion'. Le chauffeur ne prend part à l'opération qu'en cas d'absence d'un cariste, qu'il remplacerait alors au volant d'un chariot élévateur.
L'appelante ajoute qu''il va de soi que ces opérations ne pouvaient se faire à main nue mais uniquement à l'aide d'un chariot élévateur'.
Or, pour étayer ces propos purement affirmatifs, la société [13] ne verse aucun document attestant du respect des obligations mises à sa charge en matière de sécurisation des opérations de déchargement, et en particulier aucune pièce démontrant qu'elle avait imposé à ses salariés l'usage de chariots élévateurs avant tout dessanglage.
En effet, l'affiche susmentionnée ne contient que les consignes suivantes :
- s'adresser à l'accueil,
- respecter le plan de circulation et les aires de (dé)chargement,
- l'interdiction d'accéder aux zones de stockage extérieures et aux hangars sans l'accompagnement d'un membre du personnel,
- l'interdiction d'approcher d'un engin en mouvement dans un rayon de 5 mètres,
- le (dé)chargement effectué par le personnel de l'entreprise,
- contrôler l'arrimage de son chargement,
- respecter les charges admissibles autorisées,
- la signature obligatoire d'un protocole de (dé)chargement,
- porter des équipements de protection (chaussures, gants, casques et gilets),
Outre le fait que ce panneau d'affichage ne contient aucune référence aux chariots élévateurs, il est manifeste qu'il a été établi à l'attention des personnes étrangères à l'entreprise.
Quant aux '10 règles d'or', elles recommandent de :
- porter ses équipements et protections individuelles,
- assurer un périmètre de sécurité d'au moins 2 mètres autour des véhicules en mouvement,
- respecter la règle des trois points d'appui pour descendre d'un véhicule,
- enclencher sa ceinture de sécurité au volant d'un chariot,
- ne pas monter sur les fourches d'un chariot,
- adapter l'arrimage au véhicule et au chargement,
- ne pas surcharger les camions,
- respecter le plan de circulation sur le parc,
- stocker en sécurité sur les rayonnages,
- se stationner en marche arrière.
Force est de constater qu'aucune de ces règles ne mentionne l'obligation d'utiliser des chariots élévateurs ni n'indique plus largement de procédure à respecter pour sécuriser les opérations de déchargement.
Surtout, comme le soutient à juste titre M. [S], ces pièces ne peuvent être - en l'absence par exemple de constat d'huissier - ni datées, ni localisées, ni donc rattachées avec certitude à la société [13].
Et quand bien même ces 'règles d'or' seraient-elles attribuées à cette entreprise, aucune pièce n'établit qu'elles ont été communiquées aux salariés.
Par ailleurs, l'appelante sollicite de la cour qu'elle constate que 'M. [S] n'a pas contrôlé son chargement conformément au règlement intérieur' (dispositif des conclusions). Toutefois, le règlement intérieur mentionné n'est nullement produit par la société [13].
Au surplus, de multiples incohérences concernant les tâches attribuées à un chauffeur au sein de l'entreprise rendent difficile la compréhension des tâches que devait ou non accomplir M. [S]. En effet :
- son contrat de travail stipule qu'il a pour mission de charger et décharger les remorques ;
- sa fiche de poste mentionne explicitement que le chauffeur est 'responsable de la composition et de l'arrimage de son chargement', qu''il participe si besoin au chargement et au déchargement de son véhicule', 'organise et charge lui-même son véhicule, si nécessaire, assure lui-même l'arrimage [...] des marchandises transportées'.
Pourtant, l'appelante soutient que M. [S] n'était pas responsable du chargement, celui-ci relevant le jour des faits de la responsabilité du logisticien, et qu'ainsi aucune formation supplémentaire sur les règles de sécurité de l'arrimage ne devait être dispensée à M. [S].
La confusion est également patente concernant les opérations de déchargement. L'appelante soutient que la procédure usuelle de l'entreprise ne comportait aucune obligation de décharger son camion pour le conducteur qui doit se contenter de rester dans son véhicule dans l'attente de l'arrivée des caristes. Cependant, dans un courrier du 07 août 2017, la société [13] rappelle à son salarié, qui avait refusé de procéder au déchargement de son véhicule, que 'votre contrat de travail (...) ainsi que la fiche de poste signée par vos soins (...) prévoient expressément que les tâches de chargement et déchargement entrent dans vos fonctions'.
La confusion ressort également des écritures de l'appelante, qui attribue la cause de l'accident tantôt à un défaut de contrôle de la qualité de l'arrimage, tantôt à la manoeuvre de déchargement elle-même.
S'agissant du protocole de sécurité produit par l'appelante, il est sans lien avec le cas d'espèce.
Aucun plan d'arrimage sur les caractéristiques de la charge n'est en outre évoqué par l'appelante, alors qu'il est d'usage, selon le guide ED 6145 de l'institut national de recherche et de sécurité (INRS), de communiquer au chauffeur le poids, les dimensions, les points d'ancrage, etc... des marchandises que celui-ci est amené à transporter.
En tout état de cause, même dans le cadre d'un transport réalisé en compte propre, des informations relatives à l'arrimage doivent être communiquées au conducteur, ce qu'aucun témoignage ni document ne vient établir en l'espèce.
Il sera en outre observé que l'appelante ne verse pas aux débats le document unique d'évaluation des risques professionnels (DUERP), dont la mise en oeuvre s'impose à tout employeur depuis 2001.
L'attestation établie par M. [P] [J] mentionne l'existence d'un 'modèle de déchargement', mais ce modèle - s'il existe - n'est pas produit par l'appelante.
Enfin, cette dernière affirme de manière répétitive dans ses écritures que M. [S] a assisté au déchargement de 300 camions durant les quatre années de fonction précédant l'accident et que les opérations ont toujours été menées avec l'aide de chariots élévateurs. Toutefois, ces propos ne sont étayés par aucune des nombreuses pièces versées aux débats.
Il ressort de l'ensemble de ces éléments que l'appelante ne démontre pas avoir communiqué à ses salariés ni même seulement élaboré un quelconque mode opératoire visant à sécuriser les opérations de déchargement, notamment en imposant le recours aux chariots élévateurs avant tout dessanglage.
' les formations
En l'espèce, il résulte des pièces versées aux débats que deux formations sont obligatoires pour l'exercice du métier de conducteur de véhicules poids lourds :
- la FIMO (formation initiale minimale obligatoire),
- et la FCO (formation continue obligatoire) qui doit être renouvelée tous les cinq ans.
Il n'est pas contesté que M. [S] a effectué la FIMO avant d'être recruté au sein de la société [13].
Selon la pièce n°3 produite par l'appelante, la dernière FCO suivie par M. [S] le 10 octobre 2008 expirait le 10 octobre 2013. L'accident du travail est survenu le 12 juin 2014, soit huit mois après cette date d'expiration. Ainsi, contrairement à ce qu'affirme l'employeur, une nouvelle FCO aurait pu être suivie dans cet intervalle de temps, et ce n'est donc pas à cause de l'arrêt de travail du salarié qu'elle n'est intervenue qu'en juin 2017.
En outre, si, comme le soutient l'appelante, la FIMO se suffisait à elle-seule pour acquérir l'ensemble des compétences nécessaires à la gestion de la marchandise transportée par un véhicule poids lourds, la FCO n'aurait alors qu'une utilité restreinte et surtout ne revêtirait aucun caractère obligatoire. Or, la volonté de l'autorité réglementaire a été d'imposer aux conducteurs de marchandises la réalisation, tous les cinq ans, d'une mise à jour des connaissances acquises lors de la formation initiale. Cette formation porte notamment sur 'le perfectionnement à la conduite rationnelle axée sur les règles de sécurité' et comprend un volet relatif au 'chargement' et aux 'règles relatives à l'arrimage' que M. [S] aurait pu utilement suivre.
Cette FCO s'imposait d'ailleurs d'autant plus qu'au regard de l'avertissement que lui avait adressé son employeur en 2013, M. [S] maîtrisait mal - selon cet employeur - les règles de sécurité relatives à l'arrimage des marchandises.
Au surplus, l'appelante ne fait état d'aucune formation à la sécurité organisée au sein de l'entreprise depuis l'embauche de M. [S], en violation des dispositions de l'article L. 4141-2 du code du travail qui imposent à tout employeur de dispenser à ses salariés nouvellement recrutés une formation pratique sur les risques pour la santé et la sécurité et les mesures prises pour y remédier.
En application de l'article L. 4141-3 du même code, l'étendue de cette formation varie selon la taille de l'entreprise, la nature de son activité, le caractère des risques qui y sont constatés et le type d'emploi des travailleurs. L'appelante rappelle avec insistance dans ses écritures l'importance de son activité, mais ne produit aucun document attestant de la mise en oeuvre d'une formation pratique interne à l'entreprise lors de l'embauche de M. [S], alors que l'ampleur des risques encourus se déduit aisément de la nature des marchandises transportées par les chauffeurs de cette entreprise.
Il sera par ailleurs rappelé que les indications relatives aux règles de sécurité contenues dans une fiche de poste ne dédouanent pas l'employeur de son obligation de formation en ce domaine (ce d'autant plus que les consignes de sécurité mentionnées dans la fiche de poste de M. [S] sont particulièrement générales et imprécises : 'Respecte scrupuleusement les règles d'hygiène et de sécurité en vigueur dans l'entreprise').
Enfin, le tutorat allégué par l'appelante n'est nullement démontré, l'attestation rédigée par M. [P] [J] n'en faisant pas état.
*
Il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'est établi le lien de causalité entre le dommage subi par M. [S] et les carences de la société [13] en matière de consignes de sécurisation des opérations de déchargement et de formation de ses salariés.
La faute commise par la victime - en l'espèce le seul dessanglage prématuré du chargement - ne saurait être qualifiée d'inexcusable ni d'intentionnelle, et c'est à bon droit que les premiers juges ont caractérisé une simple faute d'imprudence.
Dès lors, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a dit que l'accident du travail dont a été victime M. [S] le 12 juin 2014 était dû à la faute inexcusable de son employeur.
- Sur la majoration de la rente
L'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que 'Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.'
Il convient, ainsi qu'en ont décidé les premiers juges, de fixer au maximum la majoration de la rente à laquelle peut prétendre M. [S], aucune faute inexcusable ne pouvant lui être reprochée.
Le jugement entrepris sera donc également confirmé en ce qu'il a :
- ordonné la majoration à son maximum de l'indemnité en rente allouée à M. [S] ;
- rappelé que la CPAM de la Corse-du-Sud était fondée à exercer son action récursoire à l'encontre de la société [13], s'agissant des conséquences financières de la faute inexcusable ;
- Sur l'expertise
L'article L. 452-3 du même code précise qu''Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
[...]
La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.'
En l'absence d'éléments médicaux permettant une évaluation immédiate des préjudices subis par le salarié, c'est à bon droit que les premiers juges ont ordonné une expertise médicale.
Ce point n'est d'ailleurs pas contesté par l'appelante.
Il sera en outre rappelé à la société [12] - qui maintient ce moyen en cause d'appel - que la date de consolidation de l'état de santé de la victime n'est pas contestée en l'espèce et que les premiers juges n'ont donc pas saisi l'expert désigné de cette question dans la mission figurant au dispositif de leur jugement.
Le jugement mixte attaqué sera donc confirmé en ce qu'il a :
- ordonné avant dire droit une expertise médicale et commis pour y procéder le Dr [L] [D] ;
- dit que la CPAM de la Corse-du-Sud avancerait les frais de l'expertise médicale, fixés à 500 euros, par consignation auprès de la régie d'avance et de recettes du tribunal de grande instance d'Ajaccio.
- Sur l'obligation à garantie de l'assureur
En première instance comme en cause d'appel, la société [13] demande, à titre infiniment subsidiaire, qu'il soit 'dit que la compagnie [12] devra relever garantie de l'ensemble des condamnations de la société [13].
Cependant, si les premiers juges y ont répondu dans le corps de leur jugement en indiquant que 'le pôle social du tribunal de grande instance d'Ajaccio ne peut matériellement connaître d'un appel en garantie et du recours contre un tiers, en l'occurrence la [12], qui ne relève pas du domaine du contentieux général de la sécurité sociale, l'assureur pouvant seulement se voir opposer la décision de cette juridiction', la cour ne peut encore que constater qu'ils n'y ont pas répondu dans le dispositif de leur jugement et statuer comme suit.
Depuis la loi n°87-39 du 27 janvier 1987, les employeurs sont autorisés à s'assurer contre les conséquences financières de leur faute inexcusable.
Le code de la sécurité sociale ne donne compétence à la juridiction de sécurité sociale, saisie par la victime ou ses ayants droit ou par la caisse primaire d'assurance maladie, que pour connaître de l'existence de la faute inexcusable reprochée à l'employeur et du montant de la majoration et des indemnités mentionnées à l'article L. 452-3. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que d'autres personnes y ayant intérêt interviennent à l'instance ou y soient attraites dans les conditions prévues par les articles 330 et 331 du code de procédure civile.
Toutefois, la demande d'appel en garantie formée par l'employeur trouvant sa cause dans le lien contractuel unissant la société [12] et la société [13], la juridiction de sécurité sociale n'est pas compétente pour statuer sur la demande formée à l'encontre de l'assureur, qui peut seulement se voir déclarer opposable la décision du juge (Cass. Civ. 2e, 31 mars 2016, pourvoi n°15-14.561).
- Sur les dépens en cause d'appel
La société [13] succombant dans ses prétentions, elle devra supporter la charge des entiers dépens exposés en cause d'appel.
- Sur les frais irrépétibles
Il serait inéquitable de laisser à M. [S] la charge des frais irrépétibles qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel.
La société [13], partie succombante, sera donc condamnée à payer à M. [S] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Elle sera en outre déboutée de sa propre demande formée sur ce fondement, et le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles de première instance.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
CONFIRME en toutes ses dispositions déférées le jugement rendu le 11 décembre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance d'Ajaccio ;
Y ajoutant,
DECLARE recevable l'action en reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur introduite par M. [Y] [S] ;
CONSTATE l'incompétence de la juridiction de sécurité sociale pour statuer sur l'obligation à garantie de la société [12] ;
DECLARE le présent arrêt opposable à la société [12] ;
CONDAMNE la société [13] au paiement des entiers dépens exposés en cause d'appel ;
CONDAMNE la société [13] à payer à M. [Y] [S] la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT