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11/01/2023 | FRANCE | N°18/00165

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 11 janvier 2023, 18/00165


ARRET N°

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11 Janvier 2023

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N° RG 18/00165 - N° Portalis DBVE-V-B7C-BZBP

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S.A.R.L. [5]

C/

URSSAF DE LA CORSE







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Décision déférée à la Cour du :

28 mai 2018

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA

21500556

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Copie exécutoire délivrée le :









à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : ONZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS





APPELANTE :



S.A.R.L. [5] prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en...

ARRET N°

-----------------------

11 Janvier 2023

-----------------------

N° RG 18/00165 - N° Portalis DBVE-V-B7C-BZBP

-----------------------

S.A.R.L. [5]

C/

URSSAF DE LA CORSE

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

28 mai 2018

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA

21500556

------------------

Copie exécutoire délivrée le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : ONZE JANVIER DEUX MILLE VINGT TROIS

APPELANTE :

S.A.R.L. [5] prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

N° SIRET : 440 71 0 1 01

[Adresse 4]

[Localité 1]

Représentée par Me Antoine MERIDJEN, avocat au barreau de BASTIA substitué par Me Bernard GIANSILY, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

URSSAF DE LA CORSE

Contentieux

[Adresse 3]

[Localité 2]

représentée par Mme [M] [Y] en vertu d'un pouvoir général

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 décembre 2021 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur JOUVE, Président de chambre et Madame COLIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre

Madame COLIN, Conseillère

Mme BETTELANI, vice-présidente placée auprès de Monsieur le Premier Président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 06 avril 2022, puis a fait l'objet de prorogations au 22 juin, 21 septembre, 16 novembre, 30 novembre et 11 janvier 2023.

ARRET

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

La société [5] ([5]) [5], affiliée à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (U.R.S.S.A.F.) de la Corse en qualité d'employeur, a fait l'objet, à l'instar de trois de ses sous-traitants, d'un contrôle d'activité couvrant la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013.

A l'issue de ce contrôle, l'U.R.S.S.A.F. a adressé le 22 juin 2015 à la société [5] une lettre d'observations - notifiée le 29 juin 2015 - visant à mettre en jeu sa solidarité financière en sa qualité de donneur d'ordre à l'égard de ces trois sous-traitants sollicités pour la réalisation de travaux de façadiers et de peintures extérieures, et verbalisés du chef de travail dissimulé :

- M. [S] [U], pour la période s'étendant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 ;

- M. [T] [N], pour celle du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012 ;

- M. [J] [K], pour celle du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2012.

L'U.R.S.S.A.F. a ainsi réclamé à la société [5] le paiement de la somme totale de 103 133 euros, comprenant 90 523 euros de rappel de cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garanties des salaires, et 12 610 euros au titre de l'annulation des réductions dites Fillon dont avait bénéficié le donneur d'ordre de 2011 à 2013.

Par courrier du 27 juillet 2015, la société [5] a formulé ses remarques en réponse à la lettre d'observations du 22 juin 2015.

Par courrier du 14 août 2015 notifié le 21 août 2015, l'inspecteur du recouvrement a répondu à ces observations et a maintenu le redressement au titre de la solidarité financière à hauteur de 103 133 euros.

Le 18 septembre 2015, la société [5] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable (C.R.A.) de l'U.R.S.S.A.F.

Le 1er octobre 2015, la société [5] a été mise en demeure de régler la somme de 124 075 euros se décomposant comme suit :

- 103 134 euros au titre des cotisations et contributions de sécurité sociale, d'assurance chômage et de garanties des salaires pour les années 2011, 2012 et 2013 (57 471 euros pour 2011, 42 038 euros pour 2012 et 3 625 euros pour 2013) ;

- 20 941 euros au titre des majorations de retard.

²

Le 20 octobre 2015, la société [5] a également contesté cette mise en demeure devant la C.R.A. de l'U.R.S.S.A.F.

En présence d'une décision implicite de rejet, la société [5] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (T.A.S.S.) de la Haute-Corse le 15 décembre 2015.

Par décision explicite de rejet du 30 juin 2016, notifiée le 25 juillet 2016, la C.R.A. a confirmé le redressement entrepris et validé la mise en demeure du 1er octobre 2015 pour son entier montant de 124 075 euros.

Par jugement avant dire droit du 26 juin 2017, le T.A.S.S. a enjoint à l'U.R.S.S.A.F. de communiquer les procès-verbaux constatant les infractions de travail dissimulé reprochées aux trois sous-traitants.

L'U.R.S.S.A.F. a communiqué ces pièces à la juridiction le 27 septembre 2017.

Par jugement contradictoire du 28 mai 2018, le T.A.S.S. a':

- déclaré recevable le recours formé par la société [5] ;

- au fond, le rejetant, validé le redressement opéré par l'U.R.S.S.A.F. de la Corse au titre de la solidarité financière du donneur d'ordre portant sur les années 2011, 2012 et 2013 ;

- validé la mise en demeure du 1er octobre 2015 visant le paiement de la somme totale de 124 075 euros au titre des causes de ce redressement ;

- confirmé la décision de la C.R.A. de l'U.R.S.S.A.F. du 30 juin 2016 ;

- en conséquence, en tant que de besoin, condamné la société [5] à payer à l'U.R.S.S.A.F. la somme de 124 075 euros dont celle de 103 133 euros au titre du rappel de cotisations et contributions sociales et celle de 20 941 euros au titre des majorations de retard et ce, sans préjudice de la remise éventuelle des dites majorations sur la demande du cotisant en suite du paiement du principal de cotisations ;

- débouté les parties pour le surplus et autres demandes ;

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par courrier électronique du 22 juin 2018, la société [5] a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 06 juin 2018, l'appel portant sur l'entier dispositif de la décision sauf en ce qu'elle a déclaré recevable en la forme le recours formé par la société.

Par arrêt avant dire droit du 02 octobre 2019, la présente cour a ordonné la réouverture des débats en raison d'un changement dans la composition de la chambre sociale.

L'affaire a été appelée à l'audience du 14 décembre 2021, au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la société [5] ([5]) [5], appelante, demande à la cour de':

' INFIRMER le jugement dont appel ;

Statuant à nouveau,

ANNULER la lettre d'observations du 25 juin 2015

ANNULER la mise en 'uvre de la solidarité financière notifiée à [5] le 21 août 2015

ANNULER la mise en demeure du 1er octobre 2015

ANNULER la décision de la CRA du 25 juillet 2016

CONDAMNER l'URSSAF de Corse à verser à [5] la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.'

Au soutien de ses prétentions, l'appelante soulève la prescription triennale des régularisations demandées par l'U.R.S.S.A.F. pour l'année 2011 au visa de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, et fait grief à l'intimée de ne pas avoir fourni les procès-verbaux constatant les infractions de travail dissimulé.

L'appelante fait en outre valoir que le seuil de 5 000 euros prévu à l'article R. 8222-1 du code du travail, et à partir duquel le donneur d'ordre est contraint de procéder aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 du même code, doit s'analyser par contrat par contrat, et non au regard du chiffre d'affaire annuel réalisé par chacun des sous-traitants.

Sur l'annulation des réductions Fillon, l'appelante soutient le même raisonnement relatif au seuil de 5 000 euros.

Sur le calcul de l'assiette des cotisations réclamées, l'appelante fait observer que l'U.R.S.S.A.F. a pris en compte l'ensemble des sommes qu'elle a versées aux trois sous-traitants et a assimilé ces sommes à des salaires, alors que celles-ci incluaient la valeur des biens matériels acquis par les sous-traitants pour la réalisation de leurs prestations ainsi que leurs marges.

La société [5] fait enfin valoir que si les procès-verbaux de constatation du travail dissimulé ont été versés aux débats, les pièces jointes qui y sont associées ne le sont pas, et qu'en tout état de cause, l'U.R.S.S.A.F. ne démontre pas avoir été dans l'incapacité de récupérer directement auprès des trois sous-traitants les sommes dont elle réclame le paiement.

*

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (U.R.S.S.A.F.) de la Corse, intimée, demande à la cour de':

' RECEVOIR l'URSSAF de la CORSE en ses conclusions

CONFIRMER le jugement critiqué du 28/05/2018 dans toutes ses dispositions

EN CONSEQUENCE,

DEBOUTER l'EURL [5] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

CONFIRMER la validation du redressement opéré par l'URSSAF de la CORSE au titre de la solidarité financière du donneur d'ordre à hauteur de 103.133 euros en principal, outre les majorations de retard subséquentes s'élevant à 20.941 euros, sur les années 2011, 2012 et 2013

CONFIRMER la validation de la mise en demeure du 01/10/2015 visant le paiement de la somme de 124.075 euros au titre des causes du redressement

CONFIRMER la validation de la décision de la Commission de recours amiable de l'URSSAF de la CORSE en date du 30/06/2016

CONFIRMER la condamnation de l'EURL [5] à payer la somme de 124.075 euros au titre des causes du redressement

CONDAMNER l'EURL [5] au paiement de la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.'

L'intimée réplique notamment que sa créance au titre de l'année 2011 ne saurait être déclarée prescrite, la constatation de la commission d'une infraction de travail dissimulé portant à cinq ans le délai pendant lequel l'organisme peut recouvrer les cotisations exigibles, en application des dispositions de l'article L. 244-3 alinéa 1 du code de la sécurité sociale.

L'U.R.S.S.A.F. fait en outre observer que les conditions de mise en oeuvre de la solidarité financière du donneur d'ordre pour manquement à son obligation de vigilance, telle que définie à l'article L. 8222-1 du code du travail, sont parfaitement remplies en l'espèce, et que le seuil de 3 000 euros s'apprécie au regard du montant global de la prestation réalisée par le sous-traitant, même si celle-ci fait l'objet de plusieurs facturations.

L'intimée ajoute que les exonérations dites Fillon avaient bien vocation à être annulées, conformément aux prescriptions de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale, et que c'est à bon droit qu'elle s'est fondée, pour la détermination du montant des cotisations éludées, sur le chiffre d'affaire réalisé par les trois auto-entrepreneurs au cours des années 2011, 2012 et 2013.

L'U.R.S.S.A.F. souligne enfin que les procès-verbaux de ses agents font foi jusqu'à preuve du contraire et que l'appelante ne démontre nullement avoir rempli ses obligations envers ses trois sous-traitants.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

La recevabilité de l'appel n'étant pas contestée, il ne sera pas statué sur celle-ci.

- Sur la prescription de la demande de régularisation des cotisations dues au titre de l'année 2011

Aux termes du premier alinéa de l'article L. 244-3 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, 'L'avertissement ou la mise en demeure ne peut concerner que les cotisations exigibles au cours des trois années civiles qui précèdent l'année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de leur envoi. En cas de constatation d'une infraction de travail illégal par procès-verbal établi par un agent verbalisateur, l'avertissement ou la mise en demeure peut concerner les cotisations exigibles au cours des cinq années civiles qui précèdent l'année de leur envoi ainsi que les cotisations exigibles au cours de l'année de leur envoi.'

En l'espèce, l'appelante - qui ne reproduit dans ses écritures que la première phrase de cet alinéa - soutient que l'U.R.S.S.A.F. n'a pas produit les procès-verbaux relevant les infractions de travail dissimulé reprochées à ses trois sous-traitants, et que seule la prescription triennale doit donc s'appliquer.

Or, l'analyse des pièces figurant au dossier de première instance démontre que ces procès-verbaux ont bien été versés à la procédure (et communiqués au conseil de la société [5]) en exécution du jugement avant dire droit rendu par le T.A.S.S. le 26 juin 2017.

A titre surabondant, il sera rappelé qu'en cas de mise en oeuvre de la solidarité financière consécutive au constat d'une infraction de travail dissimulé, l'U.R.S.S.A.F. n'a pour seule obligation que l'exécution des formalités assurant le respect du principe de la contradiction par l'envoi de la lettre d'observations, et n'est pas tenue de fournir le procès-verbal constatant le délit.

La constatation d'une infraction de travail illégal par procès-verbal d'un agent verbalisateur étant établie, c'est une prescription quinquennale et non triennale qui doit s'appliquer en l'espèce.

La mise en demeure étant datée du 1er octobre 2015, l'U.R.S.S.A.F. est donc en capacité d'exiger le paiement de cotisations dues à compter du 1er octobre 2010. La demande de paiement des cotisations dues au titre de l'année 2011 n'est donc nullement prescrite, et c'est à bon droit que les premiers juges ont écarté ce moyen.

- Sur l'obligation de vigilance et la solidarité financière

L'article L. 8222-1 du code du travail dispose, en ses deux premiers alinéas, que 'Toute personne vérifie lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimum [au moins égal à 3 000 euros en application de l'article R. 8222-1 du même code dans sa version en vigueur du 1er mai 2008 au 1er mai 2015] en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant s'acquitte :

1° des formalités mentionnées aux articles L. 8221-3 [immatriculation au répertoire des métiers ou déclarations de ses revenus auprès des organismes de protection sociale ou de l'administration fiscale] et L. 8221-5 [déclaration préalable à l'embauche, bulletin de paie ou déclarations des salaires et cotisations sociales auprès de l'U.R.S.S.A.F. ou de l'administration fiscale]'.

L'article L. 8222-2 du même code ajoute que 'Toute personne qui méconnaît les dispositions de l'article L. 8222-1, ainsi que toute personne condamnée pour avoir recouru directement ou par personne interposée aux services de celui qui exerce un travail dissimulé, est tenue solidairement avec celui qui a fait l'objet d'un procès-verbal pour délit de travail dissimulé :

1° Au paiement des impôts, taxes et cotisations obligatoires ainsi que des pénalités et majorations dus par celui-ci au Trésor ou aux organismes de protection sociale ;

2° Le cas échéant, au remboursement des sommes correspondant au montant des aides publiques dont il a bénéficié ;

3° Au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues par lui à raison de l'emploi de salariés n'ayant pas fait l'objet de l'une des formalités prévues aux articles L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche et L. 3243-2, relatif à la délivrance du bulletin de paie.'

Quant à l'article D. 8222-5 du code du travail, il explicite que 'La personne qui contracte, lorsqu'elle n'est pas un particulier répondant aux conditions fixées par l'article D. 8222-4, est considérée comme ayant procédé aux vérifications imposées par l'article L. 8222-1 si elle se fait remettre par son cocontractant, lors de la conclusion et tous les six mois jusqu'à la fin de son exécution :

1° Dans tous les cas, les documents suivants :

a) Une attestation de fourniture de déclarations sociales émanant de l'organisme de protection sociale chargé du recouvrement des cotisations et des contributions sociales incombant au cocontractant et datant de moins de six mois ;

b) Une attestation sur l'honneur du cocontractant du dépôt auprès de l'administration fiscale, à la date de l'attestation, de l'ensemble des déclarations fiscales obligatoires et le récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises lorsque le cocontractant n'est pas tenu de s'immatriculer au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers et n'est pas en mesure de produire les documents mentionnés au a ou au b du 2° ;

2° Lorsque l'immatriculation du cocontractant au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers est obligatoire ou lorsqu'il s'agit d'une profession réglementée, l'un des documents suivants :

a) Un extrait de l'inscription au registre du commerce et des sociétés (K ou K bis) ;

b) Une carte d'identification justifiant de l'inscription au répertoire des métiers ;

c) Un devis, un document publicitaire ou une correspondance professionnelle, à condition qu'y soient mentionnés le nom ou la dénomination sociale, l'adresse complète et le numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers ou à une liste ou un tableau d'un ordre professionnel, ou la référence de l'agrément délivré par l'autorité compétente ;

d) Un récépissé du dépôt de déclaration auprès d'un centre de formalités des entreprises pour les personnes en cours d'inscription ;

3° Lorsque le cocontractant emploie des salariés, une attestation sur l'honneur établie par ce cocontractant de la réalisation du travail par des salariés employés régulièrement au regard des articles L. 1221-10, L. 3243-2 et R. 3243-1.'

Des dispositions similaires figurent au code de la sécurité sociale, dont les deux premiers alinéas de l'article L. 243-15 indiquent que 'Toute personne vérifie, lors de la conclusion d'un contrat dont l'objet porte sur une obligation d'un montant minimal en vue de l'exécution d'un travail, de la fourniture d'une prestation de services ou de l'accomplissement d'un acte de commerce, et périodiquement jusqu'à la fin de l'exécution du contrat, que son cocontractant est à jour de ses obligations de déclaration et de paiement auprès des organismes de recouvrement mentionnés aux articles L. 213-1 [U.R.S.S.A.F.] et L. 752-1 [caisses générales de sécurité sociale dans les départements utra-marins] du présent code et L. 723-3 [caisses de mutualité sociale agricole] du code rural et de la pêche maritime.

Cette attestation est délivrée dès lors que la personne acquitte les cotisations et contributions dues à leur date d'exigibilité et, le cas échéant, qu'elle a souscrit et respecte un plan d'apurement des cotisations et contributions restant dues ou conteste leur montant par recours contentieux, à l'exception des recours faisant suite à une verbalisation pour travail dissimulé.'

En exécution du jugement avant dire droit du 26 juin 2017, I'U.R.S.S.A.F. a communiqué les procès-verbaux de constatation des infractions de travail dissimulé établis le 27 avril 2015 à l'encontre de MM. [U], [N] et [K].

Ceux-ci y relèvent une dissimulation d'activité par défaut de déclaration de revenus auprès des organismes de protection sociale et de l'administration fiscale, de 2011 à 2013 s'agissant de M. [U], et en 2011 et 2012 concernant MM. [N] et [K].

Les manquements déclaratifs imputables à ces trois artisans ne sont pas contestés par l'appelante.

Au moment des faits applicables au présent litige, soit de 2011 à 2013, l'obligation de vigilance prévue aux articles L. 8222-1 du code du travail et L. 243-15 du code de la sécurité sociale s'imposait à l'entreprise donneur d'ordre lorsque l'objet du contrat conclu portait sur une obligation au moins égale à 3 000 euros, et non 5 000 euros comme le soutient l'appelante, la rédaction de l'article R. 8222-1 du code du travail n'ayant évolué qu'à compter du 1er mai 2015.

En l'espèce, l'existence de relations contractuelles entre la société [5] et chacun des trois sous-traitants résulte de l'analyse de la comptabilité de l'entreprise - notamment des comptes fournisseurs '0 ELYOU', '0 MANNA' et '0 DASIV' issus de son grand livre fournisseur - par l'inspecteur du recouvrement de l'U.R.S.S.A.F., dont les procès-verbaux font foi jusqu'à l'apport de la preuve contraire, en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale.

Le seuil de 3 000 euros est incontestablement atteint en l'espèce puisque les prestations de service réalisées ont été financées à hauteur de 93 199 euros pour la plus élevée et de 8 286 euros pour la moins élevée. L'inspecteur du recouvrement mentionne également dans sa lettre d'observations 'la validation du devis' par opposition à la multiplicité des règlements, démontrant ainsi que la société [5] était liée à chacun de ses sous-traitants par un contrat dont l'unique objet était soumis à des exécutions successives.

Au soutien de son appel, la société [5] évoque l'existence de divers contrats la liant à ses sous-traitants. Ces propos purement affirmatifs ne sont cependant étayés par aucun document.

Par ailleurs, la société [5] ne conteste pas ne pas avoir réclamé à ses sous-traitants les documents énumérés à I'article D. 8222-5 du code du travail, notamment l'attestation de vigilance exigée dès la conclusion du contrat puis tous les six mois jusqu'à la fin du contrat, attestation qui en tout état de cause n'aurait pu être délivrée par l'U.R.S.S.A.F. à ces artisans puisqu'ils n'étaient pas à jour du paiement de leurs cotisations sociales.

Il sera dès lors considéré, à l'instar des premiers juges, que le donneur d'ordre n'a pas satisfait à son obligation de vigilance et que les conditions de mise en 'uvre de la solidarité financière sont en l'espèce réunies, étant rappelé qu'aucune disposition n'impose à l'U.R.S.S.A.F. d'engager une action préalable directement auprès des sous-traitants avant de pouvoir se tourner vers le donneur d'ordre.

- Sur les modalités de calcul des cotisations

L'article L. 8222-3 du code du travail dispose que 'Les sommes dont le paiement est exigible en application de l'article L. 8222-2 sont déterminées à due proportion de la valeur des travaux réalisés, des services fournis, du bien vendu et de la rémunération en vigueur dans la profession.'

En l'espèce, il résulte des opérations de contrôle diligentées par l'inspecteur du recouvrement que :

- le chiffre d'affaire en prestation de services effectivement réalisé par M. [U] 'pour le compte de' la société [5] était de 78 329 euros en 2011, de 77 005 euros en 2012 et de 8 286 euros en 2013, générant ainsi un rappel de cotisations sociales d'un montant global de 33 895 euros au titre de ces trois années ;

- le chiffre d'affaire en prestation de services effectivement réalisé par M. [N] 'pour le compte de' la société [5] était de 76 226 euros en 2011 et de 27 432 euros en 2012, générant ainsi un rappel de cotisations sociales d'un montant global de 22 389 euros au titre de ces deux années ;

- le chiffre d'affaire en prestation de services effectivement réalisé par M. [K] 'pour le compte de' la société [5] était de 93 199 euros en 2011 et de 65 316 euros en 2012, générant ainsi un rappel de cotisations sociales d'un montant global de 34 239 euros au titre de ces deux années ;

soit un total de 90 523 euros.

L'inspecteur du recouvrement a pris soin de préciser, dans la lettre d'observations du 22 juin 2015, que la société [5] était tenue solidairement au paiement des cotisations obligatoires 'en proportion de la valeur des travaux réalisés, correspondant au montant des factures enregistrées'.

Dès lors que le chiffrage retenu par I'U.R.S.S.A.F. est opéré au prorata des prestations que les sous-traitants ont exécutées au profit de la société [5], prestations déterminées à partir des factures émises et non du chiffre d'affaire global de chacun des trois auto-entrepreneurs, il sera jugé conforme aux prescriptions de I'article L. 8222-3 susvisé.

La société [5] ne produit aucune pièce venant faire échec aux constatations de l'inspecteur du recouvrement, dont les procès-verbaux font foi jusqu'à l'apport de la preuve contraire, en application des dispositions du premier alinéa de l'article L. 243-7 du code de la sécurité sociale.

La seule absence de production de l'attestation de viligance obligatoire engage solidairement le donneur d'ordre au paiement des dettes sociales contractées par son sous-traitant.

Au surplus, comme l'a explicité l'inspecteur du recouvrement dans sa lettre d'observations puis sa réponse aux remarques de la société [5], l'auto-entrepreneur bénéficie d'un régime simplifié de calcul des cotisations sociales, ce calcul reposant sur son seul chiffre d'affaire réalisé au cours de la période considérée. Il est donc cohérent que l'U.R.S.S.A.F. se soit fondée, pour la détermination du montant des cotisations éludées, sur le chiffre d'affaire réalisé par chacun des sous-traitants durant les années litigieuses.

- Sur les 'réductions Fillon'

L'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale dispose, en ses deux premiers alinéas dans leur version en vigueur en 2015 que 'Lorsqu'il est constaté que le donneur d'ordre n'a pas rempli l'une des obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail et que son cocontractant a, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité ou d'emploi salarié, l'organisme de recouvrement procède à l'annulation des réductions ou exonérations des cotisations ou contributions dont le donneur d'ordre a bénéficié au titre des rémunérations versées à ses salariés. Le donneur d'ordre ou le maître d'ouvrage encourt la même sanction, dans les mêmes conditions, lorsqu'il est constaté qu'il a manqué à l'obligation mentionnée à l'article L. 8222-5 du code du travail.

L'annulation s'applique pour chacun des mois au cours desquels les conditions mentionnées au premier alinéa du présent article sont vérifiées. Elle est calculée selon les modalités prévues aux deux derniers alinéas de l'article L. 133-4-2, sans que son montant global puisse excéder 15 000 € pour une personne physique et 75 000 € pour une personne morale.'

En l'espèce, l'inspecteur du recouvrement indique, dans la lettre d'observations du 22 juin 2015, que la période durant laquelle l'obligation de vigilance du donneur d'ordre n'a pas été respectée s'étend du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, de sorte que les réductions Fillon déclarées par la société [5] pour ces trois années à hauteur de 12 610 euros (5 677 euros en 2011, 5 371 euros en 2012 et 1 562 euros en 2013) doivent être annulées.

Il n'est pas contesté par l'appelante qu'elle ne s'est pas soumise aux obligations définies à l'article L. 8222-1 du code du travail. Il est également établi que ses cocontractants ont, au cours de la même période, exercé un travail dissimulé par dissimulation d'activité.

En conséquence, les dispositions de l'article L. 133-4-5 du code de la sécurité sociale doivent recevoir application, et les réductions Fillon dont a bénéficié la société [5] entre 2011 et 2013 ont vocation à être annulées.

Dès lors, au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient, par arrêt confirmatif, de valider le mode de calcul retenu par I'U.R.S.S.A.F., le redressement imputé à la société [5] et la mise en demeure du 1er octobre 2015, et de condamner l'appelante, au titre de la solidarité financière du donneur d'ordre, à payer à l'U.R.S.S.A.F. la somme de 124 075 euros.

- Sur les dépens

La société [5] succombant dans ses prétentions, elle devra supporter la charge des entiers dépens exposés en cause d'appel postérieurement au 31 décembre 2018, date à laquelle a pris fin le principe de gratuité de la procédure dans les contentieux de la sécurité sociale.

- Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser à l'U.R.S.S.A.F. la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'elle a été contrainte d'exposer en cause d'appel.

La société [5] sera donc condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, et sera déboutée de sa propre demande présentée sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions déférées le jugement rendu le 28 mai 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Corse ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société [5] au paiement des entiers dépens exposés en cause d'appel à compter du 1er janvier 2019 ;

CONDAMNE la société [5] à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Corse la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 18/00165
Date de la décision : 11/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-11;18.00165 ?
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