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19/10/2022 | FRANCE | N°18/00324

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 19 octobre 2022, 18/00324


ARRET N°

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19 Octobre 2022

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N° RG 18/00324 - N° Portalis DBVE-V-B7C-B2HC

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Société [9]

C/

[12], [6]

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Décision déférée à la Cour du :

05 novembre 2018

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE CORSE

21500494

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copie exécutoire



le :



à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX





APPELANTE :



Société [9] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 5]

Re...

ARRET N°

-----------------------

19 Octobre 2022

-----------------------

N° RG 18/00324 - N° Portalis DBVE-V-B7C-B2HC

-----------------------

Société [9]

C/

[12], [6]

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

05 novembre 2018

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE CORSE

21500494

------------------

copie exécutoire

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

Société [9] prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentée par Me Claudia LUISI de l'AARPI TOMASI VACCAREZZA BRONZINI DE CARAFFA TABOUREAU GENUINI LUISI BENARD-BATTESTI, avocat au barreau de BASTIA, suisbtituée par Me Ambre ANGELINI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEES :

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représenté par Me Alain TUILLIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, substitué par Me Alexandra MOUSSET-CAMPANA, avocat au barreau de BASTIA

[6]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 novembre 2021 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme COLIN, conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 mars 2022 puis prorogé au 22 juin, 21 septembre et 19 octobre 2022.

ARRET

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

M. [V] [N] a été employé par la société par actions simplifiée (S.A.S.) [9] ([8]) du 1er août 1953 au 30 septembre 1990, d'abord en qualité de docker puis en tant que cariste sur le port maritime de [Localité 5].

Le 04 février 2014, la [6] ([6]) a décidé de prendre en charge, au titre du tableau n°30 bis des maladies professionnelles relatif au cancer broncho-pulmonaire primitif provoqué par l'inhalation de poussières d'amiante, l'affection présentée par M. [N], médicalement constatée pour la première fois le 1er juillet 2013.

Par décision du 11 mars 2014, la caisse a également attribué à M. [N] un taux d'incapacité de 90% ainsi qu'une rente annuelle versée rétroactivement à compter du 15 août 2013.

Le 05 décembre 2013, M. [N] a saisi le [12] ([10]) et a accepté, les 02 avril et 02 août 2014, l'offre d'indemnisation suivante :

- au titre du préjudice d'incapacité fonctionnelle : un capital de 2 860,05 euros complété par une rente trimestrielle de 625,45 euros ;

- au titre du préjudice moral : 28 400 euros ;

- au titre des souffrances physiques : 9 200 euros ;

- au titre du préjudice d'agrément : 9 200 euros.

M. [N] est décédé le 16 octobre 2014 à l'âge de 84 ans.

Le 03 décembre 2014, la [6] a reconnu l'imputabilité du décès à la maladie professionnelle et a attribué, par décision du 08 décembre 2014, une rente au conjoint survivant de [V] [N].

Par requête du 09 novembre 2015, le [10] a saisi le tribunal des affaires de sécurité sociale (T.A.S.S.) de la Haute-Corse aux fins notamment de voir reconnaître la faute inexcusable de l'employeur de [V] [N].

Par jugement contradictoire du 05 novembre 2018, cette juridiction a :

- déclaré recevable l'action du [12], subrogé aux droits de [V] [N] et tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable ainsi que la fixation des majorations et indemnisations prévues par la loi ;

- dit que la maladie professionnelle de [V] [N] était due à la faute inexcusable de son employeur, la S.A.S. [9] ;

- fixé au maximum la majoration de la rente due par la [6] à [V] [N] en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;

- dit que cette majoration de la rente devrait suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente de [V] [N] ;

- dit que la [6] était tenue de payer :

les arriérés de majoration de rente dus jusqu'au 30 juin 2014 au [10] dans la limite de la somme de 2 237,37 euros et à [V] [N] directement pour le solde éventuel,

les arriérés de majoration de rente dus à compter du 1er juillet 2014 et jusqu'au jour de l'exécution du jugement, au F.I.V.A. à hauteur des sommes déjà versées par le fonds et à [V] [N] directement pour le solde éventuel, outre les arrérages futurs de majoration de rente, sans préjudice de la révision par le [10] de l'indemnisation à sa charge en application des dispositions de l'article 53-IV de la loi du 23 décembre 2000 ;

- dit qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ;

- fixé les préjudices personnels de [V] [N] comme suit :

9 200 euros au titre du préjudice causé par les souffrances physiques,

28 400 euros au titre du préjudice moral,

9 200 euros au titre du préjudice d'agrément ;

- dit que les sommes allouées au titre de l'indemnisation des préjudices personnels porteraient intérêts au taux légal à compter du jugement ;

- dit que la somme de 46 800 euros devrait être payée au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, subrogé dans les droits de [V] [N], et par provision par la [6], à charge pour celle-ci de récupérer le montant en principal et intérêts auprès de l'employeur, la S.A.S. [9], à l'encontre duquel le jugement régulièrement notifié constituait titre exécutoire pour ce faire ;

- débouté les parties pour le surplus et autres demandes différentes ou contraires ;

- condamné la S.A.S. [9] à payer au [12] la somme de 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Par courrier électronique du 20 novembre 2018, la société [8] a interjeté appel de l'entier dispositif de ce jugement qui lui avait été notifié le 13 novembre 2018.

Parallèlement, les ayants droit de [V] [N] (veuve, enfants et petits-enfants) ont saisi le F.I.V.A. qui, suivant offres acceptées entre le 27 décembre 2018 et le 07 janvier 2019, leur a alloué les sommes suivantes :

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement de [T] [E] [N] (veuve) : 32 600 euros ;

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement de [E] [N] (enfant): 8 700 euros ;

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement de [U] [N] (enfant) : 8 700 euros ;

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement d'[M] [L] (enfant): 8 700 euros ;

- au titre du préjudice moral de [G] [N] (petit-enfant) : 3 300 euros ;

- au titre du préjudice moral de [H] [N] (petit-enfant) : 3 300 euros ;

- au titre du préjudice moral d'[P] [N] (petit-enfant) : 3 300 euros

- au titre du préjudice moral de [A] [N] (petit-enfant) : 3 300 euros

- au titre du préjudice moral de [I] [L] (petit-enfant) : 3 300 euros ;

- au titre du préjudice moral de [S] [L] (petit-enfant) : 3 300 euros.

L'affaire a été appelée à l'audience du 12 novembre 2019, au cours de laquelle le [10] a sollicité la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et, y ajoutant, le remboursement des sommes servies aux ayants droit de [V] [N].

Par arrêt avant dire droit du 19 février 2020, la présente cour a ordonné la réouverture des débats et invité les parties à conclure sur la recevabilité des demandes nouvelles en remboursement des sommes servies aux ayants droit de [V] [N], formalisées pour la première fois en cause d'appel par le [10]

A l'issue de plusieurs renvois, l'affaire a été rappelée à l'audience du 09 novembre 2021 au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la société par actions simplifiée [9], appelante, demande à la cour de':

'SUR LES DEMANDES PRESENTEES EN PREMIERE INSTANCE :

Rejetant toutes fins, moyens et conclusions contraires,

Infirmer le jugement du Tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Corse en date du 5 novembre 2018 en ce qu'il a :

- Déclaré recevable l'action du [11], subrogé aux droits de Monsieur [V] [N] et tendant à la reconnaissance de la faute inexcusable ainsi qu'à la fixation des majorations et indemnisations prévues par la loi ;

- Dit que la maladie professionnelle de Monsieur [N] est due à la faute inexcusable de son employeur, la SAS [8] ;

- Fixé au maximum la majoration de la rente due par la [6] à Monsieur [N] en application de l'article L. 452-2 du Code de la sécurité sociale;

- Dit que la majoration de la rente devra suivre l'évolution du taux d'IPP de Monsieur [N] ;

- Dit que la [6] est tenue de payer :

o Les arriérés de majorations de rente dus à compter du 30/06/2014 au [11] dans la limite de la somme de 2.237,37 euros et à Monsieur [N] directement pour le solde éventuel ;

o Les arriérés de majorations de rente dus à compter du 01/07/2014 et jusqu'au jour de l'exécution de la présente décision, au [11] à hauteur des sommes déjà versées par le fonds et à Monsieur [N] directement pour le solde éventuel outre les arriérages futurs de majorations de rente sans préjudice de la révision par le [11] de 30 indemnisation à sa charge en application des dispositions de l'article 53 -IV de la loi du 23 décembre 2000 ;

- Dit qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de la rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ;

- Fixé les préjudices personnels de Monsieur [N] comme suit :

o 9.200 € au titre du préjudice causé par les souffrances physiques ;

o 28.400 € au titre du préjudice moral ;

o 9.200 € au titre du préjudice d'agrément.

- Dit que les sommes allouées au titre de l'indemnisation des préjudices personnels porteront intérêt au taux légal à compter du présent jugement ;

- Dit que la somme de 46.800 € devra tre payée au [11] subrogé dans les droits de Monsieur [N], et par provision par la [6] à charge pour celle-ci d'en récupérer le montant en principal et intérêts auprès de l'employeur, la SAS [8], à l'encontre duquel le jugement constitue titre exécutoire pour ce faire ;

- Débouté les parties pour le surplus ;

- Condamné la SAS [8] à payer au [11] la somme de 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Et rejugeant à nouveau :

A TITRE PRINCIPAL :

Constater que le caractère professionnel de la maladie dont a été atteint feu Monsieur [N] a été reconnu par certificat médical établi en date du 14 août 2012.

$gt; Sur l'absence de faute inexcusable de la Société [8]

Constater que Monsieur [N] a exercé son activité de docker au port de [Localité 5] de 1953 à 1970.

Constater qu'à compter de 1965, l'usine d'amiante de [Localité 7] a fermé.

Constater l'absence de conscience du danger de l'employeur à l'époque des faits.

Constater la passivité des pouvoirs publics et de l'Etat et l'absence de toute prévention de ceux-ci.

Dire et juger que les éléments constitutifs de la faute inexcusable ne sont pas réunis, l'EGM ne pouvant avoir conscience du danger à cette période, la reconnaissance de la maladie par le tableau n'étant qu'en 1996.

Dire et juger que la maladie professionnelle contractée par feu Monsieur [N] n'est pas due à la faute inexcusable de son employeur, la Société [9] ([8]).

En conséquence,

Débouter le [11] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

Dire et juger que la rente servie par la [6] à Monsieur [N] ne peut être majorée à son maximum ;

Voir fixer le préjudice moral à la somme de 10.000 € et le préjudice d'agrément à celle de 2.000 €.

SUR LES DEMANDES NOUVELLES PRESENTEES EN CAUSE D'APPEL :

A TITRE PRINCIPAL :

Constater que les demandes du [11], présentées pour la première fois en cause d'appel, ayant pour objet le remboursement des sommes versées aux ayant droits de [V] [N] sont nouvelles ;

Dire et juger que les demandes nouvelles du [11] ayant pour objet le remboursement des sommes versées aux ayant droits de [V] [N] sont irrecevables.

A TITRE SUBSIDIAIRE :

Réduire à de plus justes proportions les sommes versées aux ayant-droits de [V] [N].

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

Condamner le [11] à payer la somme de 3.000 euros à la Société [8] en application de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.'

Au soutien de ses prétentions, l'appelante sollicite, au visa de l'article 564 du code de procédure civile, que soit constatée l'irrecevabilité des demandes formulées pour la première fois en cause d'appel par le [10], au motif que le recours subrogatoire exercé par le fonds le 09 novembre 2015 était postérieur au décès de [V] [N] et que ces nouvelles prétentions sont formulées en qualité de subrogataire des ayants droit de [V] [N] qui sont de nouvelles parties à l'instance.

L'appelante conteste en outre le caractère inexcusable de la faute retenue à son encontre. Selon elle, les entreprises de manutention portuaires n'utilisaient pas l'amiante comme matière première mais en assuraient uniquement le transport au même titre que d'autres marchandises, de sorte qu'elle ne pouvait pas avoir conscience du danger avant 1996, date à laquelle a été créé le tableau n°30 bis des maladies professionnelles, ce d'autant plus qu'aucun syndicat, aucune autorité médicale ou administrative ni aucun organisme professionnel ne l'avaient alertée sur le danger encouru par ses salariés.

L'appelante fait également observer que l'amiante n'a transité par le port de [Localité 5] que jusqu'en 1965, date à laquelle la mine d'extraction de [Localité 7] a cessé son activité, et qu'en conséquence, [V] [N] n'y a été exposé qu'entre 1950 et 1965.

L'appelante ajoute que la propre faute de l'Etat, reconnue en ce domaine par le juge administratif, constitue une cause exonératoire de sa propre responsabilité d'employeur, la société [9] n'ayant fait que partager l'erreur commune.

Enfin, l'appelante souligne subsidiairement que le [10] a déterminé à tort la majoration de la rente sur la base d'un taux d'incapacité de 100% alors que la [6] n'a fixé le taux d'incapacité fonctionnelle qu'à hauteur de 90%. Elle sollicite enfin de la cour qu'elle réduise le montant des indemnités allouées par le fonds à [V] [N] au titre de son préjudice moral et de son préjudice d'agrément.

*

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, le [12] ([10]), intimé, demande à la cour de':

'DECLARER l'appel recevable, mais mal fondé,

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

FIXER à son maximum la majoration de la rente servie à Monsieur [N] durant la période ante mortem, et JUGER que la [6] devra verser les arriérés de majoration de rente :

- au [11], dans la limite de 3.362,82 €,

- aux héritiers de Monsieur [N], pour le solde éventuel.

FIXER à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime, en application de l'article L452-2 du Code de la sécurité sociale, et JUGER que cette majoration lui sera directement versée par l'organisme de sécurité sociale,

FIXER l'indemnisation des préjudices moraux de ses ayants droit, comme suit :

Madame [N] [T] [E] (veuve) 32 600 €

Monsieur [N] [E] (enfant) 8 700 €

Monsieur [N] [U] (enfant) 8 700 € FIVA

Madame [L] [M] (enfant) 8 700 €

Madame [N] [P] (petit-enfant) 3 300 €

Monsieur [N] [G] (petit-enfant) 3 300 €

Monsieur [N] [H] (petit-enfant) 3 300 €

Monsieur [N] [A] (petit-enfant) 3 300 €

Madame [L] [I] (petit-enfant) 3 300 €

Madame [L] [S] (petit-enfant) 3 300 €

JUGER que la [6] devra verser ces sommes au [11], créancier subrogé, en application de l'article L452-3 alinéa 3, du Code de la sécurité sociale, soit un total de 78.500 € (outre les 46.800 € au titre des préjudices personnels de Monsieur [N])

CONDAMNER la société [9] à payer au [11] une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du Code de Procdure Civile.

CONDAMNER la partie succombante aux dépens, en application des articles 695 et suivants du Code de procédure civile.'

L'intimé rétorque, sur la recevabilité de ses demandes relatives aux ayants droit de [V] [N], que ces demandes s'apparentent à une intervention volontaire du [10] subrogé dans les droits de ces parties, que cette intervention se rattache au même fait juridique que le litige principal et que le lien suffisant exigé à l'article 325 du code de procédure civile est caractérisé en l'espèce.

Sur le fond, le [10] fait notamment valoir que les risques liés à l'inhalation de poussières d'amiante sont officiellement reconnus depuis 1945 et que les employeurs dont les salariés étaient exposés à ces poussières étaient informés de la dangerosité de ce minerai. Selon lui, l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, et n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.

Le F.I.V.A. souligne en outre que l'employeur ne saurait valablement invoquer une cause exonératoire, la responsabilité de l'Etat n'excluant pas celle des employeurs, qui ne peuvent davantage s'affranchir de leur obligation générale de sécurité en invoquant l'absence d'observations des institutions de contrôle que constituent l'inspection du travail ou les services de prévention des organismes sociaux.

*

Lors de l'audience, la [6], intimée, a indiqué oralement s'en remettre à la sagesse de la cour.

*

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions et moyens des parties, fait expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions des parties, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées par les parties. Les "'dire et juger'", "'donner acte'" ou "'constater'" n'étant - hormis les cas prévus par la loi - que le rappel des moyens invoqués et non des demandes conférant des droits, la cour ne statuera pas sur ceux-ci dans son dispositif.

- Sur la recevabilité de l'appel

Interjeté dans les formes et délai de la loi, l'appel formé par la société [8] sera déclaré recevable.

- Sur la recevabilité des demandes formées par le [10] au titre des préjudices moraux des ayants droit de [V] [N]

L'article 554 du même code dispose que 'Peuvent intervenir en cause d'appel dès lors qu'elles y ont intérêt les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance ou qui y ont figuré en une autre qualité'.

L'article 564 du même code précise néanmoins qu''A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.'

L'article 566 du même code ajoute que 'Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.'

En l'espèce, l'intervention volontaire du [10] en sa qualité de personne morale subrogée dans les droits des ayants droit de [V] [N], soit en une autre qualité que celle qu'il avait revêtue en première instance au cours de laquelle il était subrogé dans les droits de [V] [N] lui-même, est admise sur le fondement de l'article 554 susvisé.

Les demandes qu'il présente pour la première fois en cause d'appel résultent de la survenance d'un fait nouveau au sens de l'article 564 susvisé, à savoir les demandes d'indemnisation formées devant lui par les ayants droits de M. [V] [N] postérieurement à l'audience du 09 avril 2018 qui s'est tenue devant le T.A.S.S. et jusqu'à laquelle les parties pouvaient modifier leurs demandes.

Il convient de considérer également ces demandes comme les accessoires de celles visant à obtenir la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur de M. [V] [N] et l'indemnisation des préjudices subis par ce dernier, ceux subis par les proches du défunt trouvant aussi leur cause dans le décès issu de la pathologie dont l'origine professionnelle résulte de ladite faute inexcusable.

Les demandes formées en cause d'appel par le [10] au titre du remboursement des sommes versées aux ayants droit de [V] [N] seront donc déclarées recevables.

- Sur la faute inexcusable de l'employeur

L'article L. 452-1 du code de la sécurité sociale dispose que 'Lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitués dans la direction, la victime ou ses ayants droit ont droit à une indemnisation complémentaire dans les conditions définies aux articles suivants.'

Il résulte des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que l'employeur doit prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs en veillant à éviter les risques, à évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités et à adapter le travail des salariés, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail, des méthodes de travail et de production.

L'employeur est ainsi tenu, en vertu du contrat de travail le liant à son salarié, d'une obligation de sécurité de résultat, notamment en ce qui concerne les maladies professionnelles contractées par les salariés du fait des produits fabriqués ou utilisés par l'entreprise.

Le manquement à cette obligation constitue une faute inexcusable au sens de l'article L. 452-1 susvisé lorsque l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé le salarié et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver, ces deux critères étant cumulatifs.

Par ailleurs, la reconnaissance de la faute inexcusable d'un employeur suppose pré-établie l'existence d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle.

En l'espèce, il n'est pas contesté que M. [N] a été employé par la société [8] de 1953 à 1990 en qualité de docker puis de cariste, et qu'il a été exposé à l'amiante jusqu'à la fin des années 1960. Son activité consistait à charger et décharger des sacs de marchandises, parmi lesquelles figuraient des roches amiantifères extraites de la mine de [Localité 7]. La prise en charge de sa pathologie par la [6], au titre de la législation professionnelle, n'est pas davantage contestée par les parties, de même que le lien de causalité établi entre le décès de [V] [N] et cette pathologie.

$gt; Sur la conscience du danger

La conscience du danger exigée de l'employeur est analysée in abstracto et ne vise pas une connaissance effective et précise de celui-ci. Elle s'apprécie au moment ou pendant la période de l'exposition au risque.

En l'espèce, il est constant que la première des affections consécutives à l'inhalation de poussières d'amiante a été inscrite dès le 03 août 1945 dans un tableau des maladies professionnelles, que le port du masque a été rendu obligatoire par décret du 13 décembre 1948 en cas d'exposition aux poussières irritantes ou toxiques, que l'asbestose a été inscrite dès le 31 août 1950 au tableau n°30 des maladies professionnelles et que les premières mesures de sécurité à observer dans les établissements où le personnel est exposé à un risque d'inhalation de poussières sans distinction de nature ont été définies par décret dès le 10 mars 1894, avant d'être enrichies tout au long du vingtième siècle et notamment dans sa première moitié.

Dès lors, si un important décret du 17 août 1977 est venu affiner l'arsenal législatif et réglementaire existant en la matière, ce texte est loin de constituer le premier corpus normatif visant à lutter contre l'exposition à l'amiante.

Il en résulte que tout employeur normalement avisé ayant, même indirectement, à recourir à l'amiante, ne pouvait ignorer dès le début des années 1950 qu'il était tenu à une attitude de vigilance et de prudence dans l'utilisation de ce matériau.

Contrairement à ce qu'affirme l'appelante, il ne saurait être déduit de la création en 1996 du tableau n°30 bis relatif au seul cancer broncho-pulmonaire primitif que c'est uniquement à compter de cette date que sa responsabilité aurait pu être recherchée. En effet, l'asbestose a été très tôt mise en relation avec les 'travaux de manipulation' de roches amiantifères, et en tout état de cause, la liste des travaux mentionnés dans ce tableau n'est qu'indicative depuis un décret du 13 septembre 1955.

En l'espèce, les attestations des témoins versées aux débats mettent en évidence que [V] [N] travaillait notamment dans l'espace confiné des cales des navires où étaient chargés les sacs d'amiante et se trouvait ainsi directement en contact avec d'importants dégagements de poussières.

Or, la manipulation manuelle de sacs en toile de jute contenant de telles roches, accompagnée de l'inhalation de la poussière s'en dégageant en milieu clos tel que des cales de cargos, aurait nécessairement dû interpeller la société [8], qui ne saurait donc s'exonérer de sa responsabilité en soutenant que les travaux mentionnés dans le tableau n°30 n'étaient pas ceux qu'elle confiait à ses salariés.

En outre, l'appelante, qui exerçait son activité dans un port faisant transiter plusieurs tonnes d'amiante chaque année en provenance de l'importante mine d'extraction de [Localité 7], ne saurait valablement prétendre avoir tout ignoré du risque lié à l'inhalation des poussières d'amiante alors que ces risques avaient été dénoncés par les salariés de la mine de [Localité 7] lors d'une grève survenue en 1952.

Au regard de ces éléments, il sera considéré, à l'instar des premiers juges, que la société [8] avait nécessairement conscience ou en tout état de cause aurait dû avoir conscience du danger qu'elle faisait courir à son salarié en le mettant habituellement au contact d'une telle substance.

$gt; Sur les mesures de protection

L'absence de port du masque, de tenue de protection ou d'un système d'évacuation de la poussière dans les cales des navires résulte autant des attestations des collègues de [V] [N] que des écritures de l'appelante, qui n'affirme à aucun moment avoir soumis son salarié au respect d'une quelconque mesure de protection respiratoire individuelle ou collective.

Il sera ainsi jugé que la société [8] n'a pas pris les mesures nécessaires pour préserver [V] [N] du danger auquel il était exposé.

$gt; Sur la cause exonératoire alléguée

L'appelante soutient notamment que l'Etat français a vu sa responsabilité engagée par le juge administratif dans plusieurs décisions du 03 mars 2004.

Toutefois, le Conseil d'Etat a précisé que la responsabilité de l'Etat n'excluait nullement celle des employeurs qui restaient tenus d'appliquer les dispositions de droit privé contenues dans le code du travail.

Plus généralement, la carence invoquée de l'Etat et des ministères de tutelle, pas plus que celle des autres instances de contrôle telles la médecine de prévention ou l'inspection du travail, ne pouvaient dispenser la société [8], seule débitrice à l'égard de son salarié d'une obligation générale de sécurité de résultat, de prendre les mesures de prévention et de protection qu'imposait une exposition habituelle aux poussières d'amiante.

Dès lors, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la maladie ayant causé le décès de M. [N] était due à la faute inexcusable de la société [8]

Le jugement querellé sera donc confirmé sur ce point.

- Sur les demandes résultant de la reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur

L'article 53-VI de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000 dispose, en son quatrième alinéa, que 'La reconnaissance de la faute inexcusable de l'employeur, à l'occasion de l'action à laquelle le fonds est partie, ouvre droit à la majoration des indemnités versées à la victime ou à ses ayants droit en application de la législation de sécurité sociale. L'indemnisation à la charge du fonds est alors révisée en conséquence.'

Il résulte des trois premiers aliéas de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale que 'Dans le cas mentionné à l'article précédent, la victime ou ses ayants droit reçoivent une majoration des indemnités qui leur sont dues en vertu du présent livre.

Lorsqu'une indemnité en capital a été attribuée à la victime, le montant de la majoration ne peut dépasser le montant de ladite indemnité.

Lorsqu'une rente a été attribuée à la victime, le montant de la majoration est fixé de telle sorte que la rente majorée allouée à la victime ne puisse excéder, soit la fraction du salaire annuel correspondant à la réduction de capacité, soit le montant de ce salaire dans le cas d'incapacité totale.'

L'article L. 452-3 du même code précise qu''Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.

De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.

La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.'

Par ailleurs, si en vertu des dispositions de l'article 53 de la loi n° 2000-1257 du 23 décembre 2000, le [10] est tenu d'indemniser les victimes de l'amiante selon le principe de la réparation intégrale, il convient de veiller à ce qu'aucune sur-indemnisation ou double indemnisation n'intervienne, seuls les préjudices résultant de l'exposition à l'amiante devant être indemnisés, que celle-ci soit intervenue dans un cadre professionnel ou environnemental.

$gt; Sur la majoration des rentes de [V] [N] (ante mortem) et de son conjoint survivant

Il résulte de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale que la majoration de rente constitue une prestation de sécurité sociale due par l'organisme social dans tous les cas où la maladie professionnelle consécutive à une faute inexcusable entraîne le versement d'une rente, de sorte que le [10], recevable à exercer l'action en reconnaissance de faute inexcusable, l'est également à demander la majoration de rente de la victime pour la période antérieure à son décès et celle de son conjoint survivant pour la période postérieure.

Le taux d'incapacité de 100% est celui retenu par le [10] au moyen d'un barème qui lui est propre, peu important le taux fixé par la [6] dans le cadre de la procédure administrative la liant à son assuré.

Le calcul opéré par les premiers juges doit cependant être actualisé au regard des sommes effectivement versées par le [10] à [V] [N], de sorte que le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a dit que la [6] était tenue de payer :

les arriérés de majoration de rente dus jusqu'au 30 juin 2014 au [10] dans la limite de la somme de 2 237,37 euros et à [V] [N] directement pour le solde éventuel,

les arriérés de majoration de rente dus à compter du 1er juillet 2014 et jusqu'au jour de l'exécution du jugement, au F.I.V.A. à hauteur des sommes déjà versées par le fonds et à [V] [N] directement pour le solde éventuel, outre les arrérages futurs de majoration de rente, sans préjudice de la révision par le [10] de l'indemnisation à sa charge en application des dispositions de l'article 53-IV de la loi du 23 décembre 2000.

Statuant à nouveau, la cour :

- fixera à son maximum la majoration de la rente servie à M. [N] durant la période ante mortem,

- condamnera la [6] à verser les arriérés de majoration de rente :

au [11], dans la limite de 3.362,82 €,

aux ayants droit de M. [N] pour le solde éventuel ;

- fixera à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant de la victime, et dit que cette majoration lui sera directement versée par la [6].

$gt; Sur l'indemnisation des préjudices de [V] [N]

L'appelante demande à la cour de ramener l'indemnisation du préjudice moral de M. [N] à la somme de 10 000 euros et celle de son préjudice d'agrément à la somme de 2 000 euros.

Sur les souffrances physiques

La perte irréversible de sa capacité respiratoire ainsi que le traitement médical imposé a nécessairement généré d'importantes souffrances physiques subies par M. [V] [N] entre le 1er juillet 2013, date de la première constatation médicale du cancer broncho-pulmonaire, et son décès le 16 octobre 2014, soit durant un an et deux mois.

Ces souffrances sont corroborées par les attestations des proches de la victime versées aux débats.

Ce poste de préjudice a été justement évalué par les premiers juges à hauteur de 9 200 euros.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

Sur le préjudice moral

L'indemnisation du préjudice moral recouvre notamment les souffrances psychologiques, l'anxiété d'une évolution péjorative de la pathologie liée à l'exposition à l'amiante ainsi que l'angoisse de mort.

L'existence de ces souffrances morales est étayée par les attestations produites par l'intimé.

C'est par une juste appréciation des circonstances de l'espèce que les premiers juges ont fixé l'indemnisation de ce poste de préjudice à hauteur de 28 400 euros.

Le jugement entrepris sera donc également confirmé sur ce point.

Sur le préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément s'entend de l'impossibilité de se livrer à une activité spécifique sportive ou de loisirs.

Il résulte des attestations produites que [V] [N] n'était plus en capacité de s'adonner à une quelconque activité de loisirs au regard des souffrances subies.

Ce poste de préjudice a été justement évalué par les premiers juges à hauteur de 9 200 euros.

Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.

$gt; Sur l'indemnisation des préjudices de ayants droit de [V] [N]

Les sommes versées par le [10], conformes au barème national appliqué par celui-ci, sont justifiées au regard des liens unissant ces ayants droit au défunt et des attestations produites.

L'indemnisation de ces préjudices sera donc fixée comme suit :

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement de [T] [E] [N] (veuve) : 32 600 euros ;

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement de [E] [N] (enfant) : 8 700 euros ;

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement de [U] [N] (enfant) : 8 700 euros ;

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement d'[M] [L] (enfant): 8 700 euros ;

- au titre du préjudice moral de [G] [N] (petit-enfant) : 3 300 euros ;

- au titre du préjudice moral de [H] [N] (petit-enfant) : 3 300 euros ;

- au titre du préjudice moral d'[P] [N] (petit-enfant) : 3 300 euros ;

- au titre du préjudice moral de [A] [N] (petit-enfant) : 3 300 euros

- au titre du préjudice moral de [I] [L] (petit-enfant) : 3 300 euros ;

- au titre du préjudice moral de [S] [L] (petit-enfant) : 3 300 euros.

La [6] sera ainsi condamnée à verser au [10], subrogé dans les droits des consorts [N], la somme totale de 78 500 euros, à charge pour elle d'en récupérer le montant en principal et intérêts auprès de la société [8]

- Sur les dépens

L'alinéa 1er de l'article 696 du code de procédure civile dispose que 'la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie'.

La société [8] succombant dans ses principales prétentions, devra supporter la charge des entiers dépens exposés en cause d'appel postérieurement au 31 décembre 2018, date à laquelle a pris fin le principe de gratuité de la procédure en matière de droit de la sécurité sociale.

- Sur les frais irrépétibles

Il serait inéquitable de laisser au [10] la charge des frais irrépétibles non compris dans les dépens qu'il a été contraint d'exposer en cause d'appel.

La société [8] sera donc condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa propre demande présentée sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire mise à disposition au greffe,

DECLARE recevable l'appel formé par la société par actions simplifiée [9] ;

DECLARE recevables les demandes formées par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante au titre des préjudices moraux des ayants droit de [V] [N] ;

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 05 novembre 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Corse, SAUF en ce qu'il a :

- fixé au maximum la majoration de la rente due par la [6] à [V] [N] en application de l'article L. 452-2 du code de la sécurité sociale ;

- dit que cette majoration de la rente devrait suivre l'évolution du taux d'incapacité permanente de [V] [N] ;

- dit que la [6] était tenue de payer :

les arriérés de majoration de rente dus jusqu'au 30 juin 2014 au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante dans la limite de la somme de 2 237,37 euros et à [V] [N] directement pour le solde éventuel,

les arriérés de majoration de rente dus à compter du 1er juillet 2014 et jusqu'au jour de l'exécution du jugement, au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante à hauteur des sommes déjà versées par le fonds et à [V] [N] directement pour le solde éventuel, outre les arrérages futurs de majoration de rente, sans préjudice de la révision par le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante de l'indemnisation à sa charge en application des dispositions de l'article 53-IV de la loi du 23 décembre 2000.

- dit qu'en cas de décès de la victime résultant des conséquences de sa maladie professionnelle due à l'amiante, le principe de la majoration de rente restera acquis pour le calcul de la rente de conjoint survivant ;

et statuant à nouveau dans la limite des chefs de jugement infirmés,

FIXE à son maximum la majoration de la rente servie à M. [V] [N] durant la période ante mortem ;

CONDAMNE la [6] à verser les arriérés de majoration de rente :

au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, dans la limite de 3 362,82 euros,

aux ayants droit de [V] [N] pour le solde éventuel ;

FIXE à son maximum la majoration de la rente servie au conjoint survivant de [V] [N], et DIT que cette majoration lui sera directement versée par la [6] ;

Y ajoutant,

FIXE l'indemnisation des préjudices subis par les ayants droit de M. [V] [N] comme suit :

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement de [T] [E] [N] (veuve) : 32 600 euros ;

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement de [E] [N] (enfant): 8 700 euros ;

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement de [U] [N] (enfant) : 8 700 euros ;

- au titre du préjudice moral et d'accompagnement d'[M] [L] (enfant) : 8 700 euros ;

- au titre du préjudice moral de [G] [N] (petit-enfant) : 3 300 euros ;

- au titre du préjudice moral de [H] [N] (petit-enfant) : 3 300 euros ;

- au titre du préjudice moral d'[P] [N] (petit-enfant) : 3 300 euros ;

- au titre du préjudice moral de [A] [N] (petit-enfant) : 3 300 euros

- au titre du préjudice moral de [I] [L] (petit-enfant) : 3 300 euros ;

- au titre du préjudice moral de [S] [L] (petit-enfant) : 3 300 euros.

CONDAMNE la [6] à verser au fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, subrogé dans les droits des consorts [N], la somme totale de 78 500 euros, à charge pour elle d'en récupérer le montant en principal et intérêts auprès de la société [9].

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

CONDAMNE la société [9] au paiement des dépens exposés en cause d'appel postérieurement au 31 décembre 2018 ;

CONDAMNE la société [9] à payer au [12] la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 18/00324
Date de la décision : 19/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-19;18.00324 ?
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