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19/10/2022 | FRANCE | N°18/00105

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 19 octobre 2022, 18/00105


ARRET N°

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19 Octobre 2022

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R N° RG 18/00105 - N° Portalis DBVE-V-B7C-BYT4

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S.N.C. [5]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE-CORSE

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Décision déférée à la Cour du :

19 mars 2018

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA

21400578

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copie exécutoire



le :>


à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX





APPELANTE :



S.N.C. [5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée p...

ARRET N°

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19 Octobre 2022

-----------------------

R N° RG 18/00105 - N° Portalis DBVE-V-B7C-BYT4

-----------------------

S.N.C. [5]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE-CORSE

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

19 mars 2018

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA

21400578

------------------

copie exécutoire

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

S.N.C. [5]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, substitué par Me GOMIS, avocat au barreau de BASTIA,

INTIME :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE-CORSE

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représenté par Me Valérie PERINO-SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 novembre 2021 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame COLIN, conseillère, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 mars 2022, puis prorogé au 22 juin 2022, 21 septembre 2022 et 16 mars 2022 puis prorogé au 22 juin 2022, 21 septembre 2022 et 19 octobre 2022,

ARRET

- Contradictoire

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 03 février 2014, Mme [W] [L], employée commerciale au sein de la société en nom collectif (S.N.C.) [5], a sollicité de la caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) de la Haute-Corse la reconnaissance du caractère professionnel, au titre du tableau n° 57 B relatif aux 'affections périarticulaires du coude provoquées par certains gestes et postures de travail', d'une épicondylite gauche.

Le 23 juin 2014, la C.P.A.M. a adressé à la société [5] un courrier informant cette dernière de l'achèvement de l'instruction et de la possibilité qui lui était offerte de consulter les pièces constitutives du dossier préalablement à la prise de décision sur le caractère professionnel de la maladie déclarée par l'assurée, devant intervenir le 15 juillet 2014.

Le 15 juillet 2014, la C.P.A.M. a notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle.

Par courrier du 16 septembre 2014, la société [5] a contesté l'opposabilité de cette décision devant la commission de recours amiable (C.R.A.) de la caisse.

Le 12 décembre 2014, en présence d'une décision implicite de rejet, la société [5] a porté sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (T.A.S.S.) de la Haute-Corse qui, par jugement contradictoire du 19 mars 2018, l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 24 avril 2018, la société [5] a interjeté appel de l'entier dispositif de ce jugement qui lui avait été notifié le 03 avril 2018.

À l'issue de plusieurs renvois, l'affaire a été appelée à l'audience du 09 novembre 2021 au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la société [5], appelante, demande à la cour de':

'- DIRE ET JUGER que la Société [5] est recevable et bien fondée en ses demandes ;

Y faisant droit,

- CONSTATER que la Caisse primaire ne justifie pas de la réunion des conditions médico-légales du tableau 57 des maladies professionnelles dans le dossier de Mme [L] relatif à la demande de reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie du 1er octobre 2013 déclarée ;

- CONSTATER que la Caisse primaire ne peut invoquer la présomption d'imputabilité pour tenter de faire échec à son obligation probatoire de démonstration de la réunion des conditions médico-légales du tableau retenu pour sa décision du 15 juillet 2014 ;

En conséquence,

- INFIRMER le jugement entrepris du 19 mars 2018 du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Haute Corse ;

Statuant à nouveau,

- DIRE ET JUGER inopposable à la société [5] la décision de prise en charge au titre de la législation professionnelle de la pathologie du 1er octobre 2013 déclarée par Mme [W] [L] (dossier cpam 137001137) ;

- DEBOUTER la Caisse primaire de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- CONDAMNER la Caisse primaire aux dépens'.

Au soutien de ses prétentions, l'appelante conteste la date de première constatation médicale de la pathologie fixée au 05 août 2013 par le médecin conseil de la caisse, affirme que la date à prendre en considération est - faute de pièce médicale contraire produite par la caisse - celle du 1er octobre 2013, et fait valoir que la C.P.A.M. n'a donc pas respecté la condition tenant au délai de prise en charge de 14 jours énoncé au tableau n° 57 B des maladies professionnelles.

*

Au terme de ses écritures, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse, intimée, demande à la cour de':

'Décerner acte à la concluante de ce qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur.

Confirmer la décision du Tribunal des Affaires de sécurité Sociale du 19 mars 2018.'

L'intimée réplique notamment que la date de première constatation de l'affection de Mme [L] a été établie par un certificat médical d'arrêt de travail pour maladie du 05 août 2013. Ce certificat, couvert par le secret médical, n'avait selon elle pas vocation à être communiqué à l'employeur.

L'intimée ajoute que cette date et ce certificat ont été repris dans le compte-rendu du colloque médico-administratif de la caisse, de sorte que l'employeur aurait pu en avoir connaissance en saisissant la possibilité, qui lui était offerte par courrier du 23 juin 2014, de consulter le dossier de l'assurée.

L'intimée expose ainsi que la date de première constatation médicale étant fixée au 05 août 2013, elle a pu légitimement considérer que la condition tenant au délai de prise en charge de 14 jours était remplie.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

À titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées par les parties. Les "'dire et juger'", "'donner acte'" ou "'constater'" n'étant - hormis les cas prévus par la loi - que le rappel des moyens invoqués et non des demandes conférant des droits, la cour ne statuera pas sur ceux-ci dans son dispositif.

En outre, la recevabilité de l'appel interjeté par la société [5] n'étant pas contestée, il ne sera pas statué sur celle-ci.

*

- Sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par Mme [L]

Il résulte des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, que 'Les dispositions du présent livre sont applicables aux maladies d'origine professionnelle sous réserve des dispositions du présent titre. En ce qui concerne les maladies professionnelles, la date à laquelle la victime est informée par un certificat médical du lien possible entre sa maladie et une activité professionnelle est assimilée à la date de l'accident.

Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.'

Le deuxième alinéa de l'article susvisé instaure donc une présomption d'imputabilité de la maladie au travail dès lors que celle-ci est désignée au sein de l'un des tableaux des maladies professionnelles, et répond aux conditions tenant au délai de prise en charge et à la liste limitative des travaux susceptibles de la générer, prévues par ce même tableau.

Dans les rapports entre l'employeur et la caisse, il est constant qu'il appartient à cette dernière, subrogée dans les droits du salarié qu'elle a indemnisé, de démontrer que les conditions contenues dans le tableau dont elle invoque l'application sont remplies.

Cette présomption simple peut en tout état de cause être renversée par l'apport de la preuve, par l'employeur, que la cause de la pathologie est totalement étrangère au travail.

Le dernier alinéa de l'article L. 461-2 du même code, dans sa version applicable au présent litige, dispose qu''A partir de la date à laquelle un travailleur a cessé d'être exposé à l'action des agents nocifs inscrits aux tableaux susmentionnés, la caisse primaire et la caisse régionale ne prennent en charge, en vertu des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 461-1, les maladies correspondant à ces travaux que si la première constatation médicale intervient pendant le délai fixé à chaque tableau.'

L'article D. 461-1-1 du même code précise que 'Pour l'application du dernier alinéa de l'article L. 461-2, la date de la première constatation médicale est la date à laquelle les premières manifestations de la maladie ont été constatées par un médecin avant même que le diagnostic ne soit établi. Elle est fixée par le médecin conseil.'

Par ailleurs, l'article R. 441-13 du même code, dans sa version applicable au présent litige, dispose que 'Le dossier constitué par la caisse primaire doit comprendre :

1°) la déclaration d'accident ;

2°) les divers certificats médicaux détenus par la caisse ;

3°) les constats faits par la caisse primaire ;

4°) les informations parvenues à la caisse de chacune des parties ;

5°) les éléments communiqués par la caisse régionale.

Il peut, à leur demande, être communiqué à l'assuré, ses ayants droit et à l'employeur, ou à leurs mandataires.

Ce dossier ne peut être communiqué à un tiers que sur demande de l'autorité judiciaire.'

En l'espèce, il n'est pas contesté que la maladie déclarée par Mme [L] - 'syndrome du canal de guyan gauche + droit, épicondylite gauche + droit' - est désignée au tableau n°57 B des maladies professionnelles, et que la date de fin d'exposition au risque est le 05 août 2013, lendemain du dernier jour de travail effectif de l'assuré.

Il n'est pas non plus contesté que le délai de prise en charge de cette maladie, qui correspond à la période maximale comprise entre la date de fin d'exposition au risque et celle de la constatation médicale des premières manifestations de la pathologie, est de quatorze jours.

Le litige porte sur la date de la première constatation médicale de la pathologie.

S'il est exact qu'en application des dispositions de l'article D. 461-1-1 susvisé, il appartient au seul médecin conseil de déterminer cette date, il incombe toutefois à la caisse, de fournir à l'employeur une information claire et intelligible sur les motifs ayant présidé au choix de la date retenue et, dans le cadre de la présente instance, d'en produire les éléments médicaux l'étayant.

Il résulte d'une lecture attentive des pièces versées aux débats que :

- le duplicata du certificat médical initial établi le 1er octobre 2013 par le Dr [Y] [G], médecin traitant de l'assurée, mentionne cette même date du 1er octobre 2013 comme celle 'de la 1ère constatation médicale de la maladie professionnelle' ;

- la déclaration de maladie professionnelle établie le 03 février 2014 par Mme [L] elle-même (soit 4 mois après le certificat médical initial) reprend la date du 1er octobre 2013 comme étant celle de la première constatation médicale de sa pathologie.

Selon la C.P.A.M., le colloque médico-administratif du 19 juin 2014 retiendrait la date du 05 août 2013 comme étant celle de la première constatation médicale de la maladie.

Toutefois, il ne pourra qu'être observé que le premier volet de l'arrêt de travail du 05 août 2013 mentionnant les causes médicales de l'arrêt, non communiqué à l'employeur au motif qu'il était couvert par le secret médical, n'a pas non plus été transmis à la cour dans le cadre de la présente instance.

Surtout, le compte-rendu du colloque médico-administratif invoqué par l'intimée dans ses écritures n'a pas davantage été versé aux débats, de même qu'aucun écrit émanant de son médecin conseil, de sorte qu'il est impossible de rattacher avec certitude cet arrêt de travail du 05 août 2013 à la pathologie déclarée par Mme [L].

En conséquence, la date du 1er octobre 2013 sera retenue comme celle de la première constatation médicale de la pathologie présentée par Mme [L], et il sera constaté que le délai de prise en charge de 14 jours suivant la fin de l'exposition au risque était expiré à cette date, puisque la salariée était en arrêt de travail depuis le 05 août 2013.

Il s'en déduit que la présomption d'imputabilité de la maladie au travail, prévue à l'article L. 461-1 alinéa 2 susvisé, ne jouait pas et que la caisse, faute d'avoir saisi un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, ne rapporte pas la preuve que l'affection déclarée est directement causée par le travail habituel de la victime.

Dès lors, la décision de prise en charge par la C.P.A.M. de la Haute-Corse, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée par Mme [L], sera déclarée inopposable à la société [5], à l'instar des conséquences financières découlant de cette décision.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

- Sur les dépens

La C.P.A.M. succombant dans ses prétentions, elle devra supporter la charge des entiers dépens exposés en cause d'appel postérieurement au 31 décembre 2018, date à laquelle a pris fin le principe de gratuité de la procédure dans les contentieux de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire mise à disposition au greffe,

INFIRME en toutes ses dispositions déférées le jugement rendu le 19 mars 2018 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Corse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DÉCLARE inopposable à la société en nom collectif [5] la décision du 15 juillet 2014 par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse lui a notifié la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de la maladie déclarée le 03 février 2014 par Mme [W] [L] ;

DÉBOUTE la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse de ses demandes ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse aux entiers dépens d'appel exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 18/00105
Date de la décision : 19/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-19;18.00105 ?
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