La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/10/2022 | FRANCE | N°18/00104

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 19 octobre 2022, 18/00104


ARRET N°

-----------------------

19 Octobre 2022

-----------------------

N° RG 18/00104 - N° Portalis DBVE-V-B7C-BYTV

-----------------------

S.N.C. [3]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE CORSE

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

19 mars 2018

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA

21400259

------------------























copie exécutoire



le :
<

br>

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX





APPELANTE :



S.N.C. [3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par ...

ARRET N°

-----------------------

19 Octobre 2022

-----------------------

N° RG 18/00104 - N° Portalis DBVE-V-B7C-BYTV

-----------------------

S.N.C. [3]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE CORSE

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

19 mars 2018

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA

21400259

------------------

copie exécutoire

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

S.N.C. [3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, substitué par Me Alexandra GOMIS, avocat au barreau de BASTIA

INTIME :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE CORSE

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 novembre 2021 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame COLIN, conseillère, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 mars 2022 puis a été prorogé au 22 juin, 21 septembre et 19 octobre 2022.

ARRET

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 14 janvier 2014, la société en nom collectif (S.N.C.) [3] a déclaré à la caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) de la Haute-Corse un accident survenu le 11 janvier 2014 et médicalement constaté le 13 janvier 2014, au préjudice de Mme [M] [R], employée polyvalente au sein de l'hypermarché exploité.

Par courrier du 07 février 2014, la C.P.A.M. a informé la société [3] du recours à un délai complémentaire d'instruction ne pouvant excéder deux mois.

Par un second courrier daté du même jour, elle l'a avisée de la clôture de la procédure d'instruction et de la possibilité de consulter le dossier avant la décision sur le caractère professionnel de l'accident devant intervenir le 28 février 2014.

Le 28 février 2014, la caisse a notifié à l'employeur sa décision de prendre en charge l'accident subi par Mme [R] au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Le 23 avril 2014, la société [3] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable (C.R.A.) de la caisse en sollicitant l'inopposablité de cette prise en charge à son égard.

En présence d'une décision implicite de rejet, la société [3] a porté sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (T.A.S.S.) de la Haute-Corse qui, par jugement contradictoire du 19 mars 2018, l'a déboutée de l'intégralité de ses demandes.

Par lettre recommandée adressée au greffe de la cour et portant la date d'expédition du 24 avril 2018, la société a interjeté appel de l'entier dispositif de ce jugement qui lui avait été notifié le 03 avril 2018.

A l'issue de plusieurs renvois, l'affaire a été appelée à l'audience du 09 novembre 2021 au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la société [3], appelante, demande à la cour de':

' - DECLARER le recours de la société recevable et bien-fondé ;

Vu les articles R.441-11 et R.441-14 du Code de la sécurité sociale,

Vu la jurisprudence citée et les pièces versées aux débats,

- CONSTATER que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie n'a pas respecté le caractère contradictoire de l'instruction diligentée sur le caractère professionnel de l'accident déclaré par Mme [R] du 11 janvier 2014 ;

- INFIRMER le jugement entrepris du Tribunal des affaires de sécurité sociale de Haute Corse du 19 mars 2018 ;

- DIRE ET JUGER que la décision de prise en charge de l'accident de Madame [M] [R], est inopposable à la Société [3] ;

- DEBOUTER la Caisse primaire de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

- CONDAMNER la Caisse primaire aux entiers dépens.'

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait notamment grief à la C.P.A.M. :

- de ne pas avoir respecté le principe du contradictoire au motif que la caisse lui envoyé simultanément une lettre de clôture d'instruction et un courrier informant du recours à un délai d'instruction supplémentaire, générant ainsi une confusion sur le déroulement de la procédure diligentée ;

- de ne pas avoir diligenté d'investigations, ni à son égard et ni à celui de la salariée, après avoir eu recours à ce délai complémentaire d'instruction, complémentaire, violant ainsi le principe du contradictoire.

*

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M) de la Haute-Corse, intimée, demande à la cour de':

' Décerner acte à la concluante de ce qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur

Confirmer la décision du Tribunal des Affaires de sécurité Sociale du 19 mars 2018.'

L'intimée réplique notamment que les dispositions de l'article R. 441-14 du code de la sécurité sociale ont été respectées, et que l'envoi des deux courriers litigieux visait uniquement à éviter une décision implicite de prise en charge de l'accident au bénéfice de l'assurée en raison du dépassement du délai règlementaire d'instruction, et par là-même à sauvegarder les intérêts de l'employeur. Selon la caisse, le délai supplémentaire d'instruction avait pour seul but de permettre à la caisse de statuer dans le délai réglementaire, et non pas de procéder à une enquête complémentaire.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées par les parties. Les "'dire et juger'", "'donner acte'" ou "'constater'" n'étant - hormis les cas prévus par la loi - que le rappel des moyens invoqués et non des demandes conférant des droits, la cour ne statuera pas sur ceux-ci dans son dispositif.

- Sur la recevabilité de l'appel

Interjeté dans les formes et délai de la loi, l'appel formé par la société [3] sera déclaré recevable.

-Sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de la caisse

L'article R. 441-10 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, prévoit que 'La caisse dispose d'un délai de trente jours à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration d'accident et le certificat médical initial ou de trois mois à compter de la date à laquelle elle a reçu la déclaration de la maladie professionnelle et le certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie.

Il en est de même lorsque, sans préjudice de l'application des dispositions du chapitre Ier du titre IV du livre Ier et de l'article L. 432-6, il est fait état pour la première fois d'une lésion ou maladie présentée comme se rattachant à un accident du travail ou maladie professionnelle.

Sous réserve des dispositions de l'article R. 441-14, en l'absence de décision de la caisse dans le délai prévu au premier alinéa, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.'

En application des dispositions de l'article R. 441-11 du même code, dans sa version applicable au présent litige, 'I. La déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur.

Lorsque la déclaration de l'accident en application du deuxième alinéa de l'article L. 441-2 n'émane pas de l'employeur, la victime adresse à la caisse la déclaration de l'accident. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

En cas de rechute d'un accident du travail, le double de la demande de reconnaissance de la rechute de l'accident du travail déposé par la victime est envoyé par la caisse primaire à l'employeur qui a déclaré l'accident dont la rechute est la conséquence par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut alors émettre des réserves motivées.

II. La victime adresse à la caisse la déclaration de maladie professionnelle. Un double est envoyé par la caisse à l'employeur à qui la décision est susceptible de faire grief par tout moyen permettant de déterminer sa date de réception. L'employeur peut émettre des réserves motivées. La caisse adresse également un double de cette déclaration au médecin du travail.

III. En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès.'

L'article R. 441-14 du même code, dans sa version applicable au présent litige, dispose quant à lui que 'Lorsqu'il y a nécessité d'examen ou d'enquête complémentaire, la caisse doit en informer la victime ou ses ayants droit et l'employeur avant l'expiration du délai prévu au premier alinéa de l'article R. 441-10 par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A l'expiration d'un nouveau délai qui ne peut excéder deux mois en matière d'accidents du travail ou trois mois en matière de maladies professionnelles à compter de la date de cette notification et en l'absence de décision de la caisse, le caractère professionnel de l'accident ou de la maladie est reconnu.

En cas de saisine du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, mentionné au cinquième alinéa de l'article L. 461-1, le délai imparti à ce comité pour donner son avis s'impute sur les délais prévus à l'alinéa qui précède.

Dans les cas prévus au dernier alinéa de l'article R. 441-11, la caisse communique à la victime ou à ses ayants droit et à l'employeur au moins dix jours francs avant de prendre sa décision, par tout moyen permettant d'en déterminer la date de réception, l'information sur les éléments recueillis et susceptibles de leur faire grief, ainsi que sur la possibilité de consulter le dossier mentionné à l'article R. 441-13.

La décision motivée de la caisse est notifiée, avec mention des voies et délais de recours par tout moyen permettant de déterminer la date de réception, à la victime ou ses ayants droit, si le caractère professionnel de l'accident, de la maladie professionnelle ou de la rechute n'est pas reconnu, ou à l'employeur dans le cas contraire. Cette décision est également notifiée à la personne à laquelle la décision ne fait pas grief.

Le médecin traitant est informé de cette décision.'

En l'espèce, il n'est pas contesté que la C.P.A.M. a adressé le même jour, soit le 07 février 2014, deux courriers à l'attention de la société [3] :

- l'un annonçant la clôture de l'instruction, l'invitation à venir consulter le dossier et la fixation de la date à laquelle la décision de la caisse serait rendue ;

- l'autre avisant au contraire d'une poursuite de la phase d'instruction pour un nouveau délai de deux mois.

Ainsi que le soutient à juste titre l'appelante, l'envoi simultané à l'employeur de deux courriers datés du même jour ne pouvait que générer une confusion dans l'esprit de ce dernier et nuire à la qualité de l'information devant lui être apportée par la caisse en application des textes susvisés.

La nécessité - parfaitement opportune - d'éviter une prise en charge implicite de la maladie professionnelle ne doit pas décharger la caisse de son devoir d'assurer le respect du principe du contradictoire et de délivrer aux intéressés une information claire et intelligible sur le déroulement de la procédure les concernant.

C'est légitimement que l'employeur a pu considérer que l'instruction était prolongée de deux mois supplémentaires et qu'il serait réavisé de la clôture de celle-ci par un courrier ultérieur. En l'absence de mention expresse précisant que ce délai complémentaire avait pour seul objectif de permettre à la caisse d'attendre les observations de l'employeur et d'éviter que n'intervienne une décision implicite de prise en charge résultant de l'expiration du délai réglementaire de deux mois, un tel courrier ne pouvait que laisser subsister une équivoque. Au regard du contenu contradictoire des deux courriers du 07 février 2014, l'employeur n'a pas été mis en mesure d'apprécier s'il était tenu, ou non, de faire valoir immédiatement ses éventuelles observations.

La caisse a ainsi manqué à l'obligation qui lui est faite de garantir le respect d'une procédure d'instruction contradictoire à l'égard de l'employeur, ce qui rend nécessairement inopposable à celui-ci sa décision de prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident déclarée par la salariée.

Le jugement querellé sera donc infirmé en toutes ses dispositions.

-Sur les dépens

La C.P.A.M. succombant dans ses prétentions, elle devra supporter la charge des entiers dépens exposés en cause d'appel postérieurement au 31 décembre 2018, date à laquelle a pris fin le principe de gratuité de la procédure dans les contentieux de la sécurité sociale.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et par décision contradictoire mise à disposition au greffe,

DECLARE recevable l'appel formé par la société en nom collectif [3] ;

INFIRME en toutes ses dispositions déférées le jugement rendu le 19 mars 2018 rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Corse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

DECLARE inopposable à la société en nom collectif [3] la décision du 28 février 2014 par laquelle la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse lui a notifié la prise en charge, au titre de la législation professionnelle, de l'accident survenu le 11 janvier 2014 au préjudice de Mme [M] [R] ;

DEBOUTE la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse de ses demandes  

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de la Haute-Corse aux entiers dépens d'appel exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 18/00104
Date de la décision : 19/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-19;18.00104 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award