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19/10/2022 | FRANCE | N°18/00025

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 19 octobre 2022, 18/00025


ARRET N°

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19 Octobre 2022

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N° RG 18/00025 - N° Portalis DBVE-V-B7C-BX56

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URSSAF DE LA CORSE

C/

S.A.R.L. [5]

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Décision déférée à la Cour du :

11 décembre 2017

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE CORSE

21500218

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copie exécutoire



le :



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AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX





APPELANTE :



URSSAF DE LA CORSE

Contentieux

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par...

ARRET N°

-----------------------

19 Octobre 2022

-----------------------

N° RG 18/00025 - N° Portalis DBVE-V-B7C-BX56

-----------------------

URSSAF DE LA CORSE

C/

S.A.R.L. [5]

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

11 décembre 2017

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de HAUTE CORSE

21500218

------------------

copie exécutoire

le :

à :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUBLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

URSSAF DE LA CORSE

Contentieux

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Mme [V] [S], en vertu d'un pouvoir

INTIMEE :

SARL [5] prise en la personne de son représentant légal

HOTEL BAR RESTAURANT

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Pascale MELONI, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 novembre 2021 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame COLIN, conseillère, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le le 13 mars 2022 et a fait l'objet de prorogations au 22 juin, 21 septembre et 19 octobre 2022.

ARRET

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Les 02 juin, 22 juin et 25 août 2015, la société à responsabilité limitée (S.A.R.L.) [5], affiliée depuis 1996 à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (U.R.S.S.A.F.) de la Corse en qualité d'employeur exploitant un hôtel-restaurant, a formé opposition à trois contraintes décernées les :

- 15 mai 2015, signifiée le 27 mai 2015, pour la somme totale de 13 208 euros dont 12 311 euros au titre des cotisations dues pour les 2ème et 4ème trimestres 2014 et 897 euros au titre des majorations de retard ;

- 1er juin 2015, signifiée le 11 juin 2015, pour la somme totale de 11 374 euros dont 10 792 euros au titre des cotisations dues pour le 3ème trimestre 2014 et 582 euros au titre des majorations de retard,

- 03 août 2015, signifiée le 18 août 2015, pour la somme totale de 13 223 euros dont 12 546 euros au titre des cotisations dues pour le 1er trimestre 2015 et 677 euros au titre des majorations de retard.

Par jugement du 06 février 2017, le tribunal des affaires de sécurité sociale (T.A.S.S.) de la Haute-Corse a prononcé la jonction des trois procédures, déclaré recevables les oppositions et, avant dire droit, invité l'U.R.S.S.A.F. de la Corse à vérifier auprès de l'huissier instrumentaire la signification des trois contraintes en cause ainsi qu'à préciser les modalités desdites significations.

Par jugement du 11 décembre 2017, le T.A.S.S. de la Haute-Corse a :

- dit nulles et de nul effet les trois contraintes décernées à l'encontre de la société [5] par le directeur adjoint de l'U.R.S.S.A.F. de la Corse les :

15 mai 2015, signifiée le 27 mai 2015 pour la somme totale de 13 208 euros dont 12 311 euros au titre des cotisations dues pour les 2ème et 4ème trimestres 2014 et 897 euros au titre des majorations de retard,

1er juin 2015, signifiée le 11 juin 2015 pour la somme totale de 11 374 euros dont 10 792 euros au titre des cotisations dues pour le 3ème trimestre 2014 et 582 euros au titre des majorations de retard,

03 août 2015, signifiée le 18 août 2015, pour la somme totale de 13 223 euros dont 12 546 euros au titre des cotisations dues pour le 1er trimestre 2015 et 677 euros au titre des majorations de retard ;

- débouté l'U.R.S.S.A.F. de la Corse de l'ensemble de ses demandes,

- dit les frais de signification des contraintes annulées à la charge de l'U.R.S.S.A.F. de la Corse.

Par lettre recommandée du 31 janvier 2018, l'U.R.S.S.A.F. de la Corse a interjeté appel de cette décision, qui lui avait été notifiée le 12 janvier 2018. Cet organisme a formalisé une seconde déclaration à l'encontre du même jugement le 21 décembre 2018, aux fins selon lui de régulariser le premier appel.

Par arrêt du 28 août 2019, la présente cour a déclaré irrecevable l'appel interjeté par l'U.R.S.S.A.F. de la Corse le 21 décembre 2018, au motif qu'au jour du second appel, la cour était régulièrement saisie d'un premier appel dont l'irrecevabilité n'avait pas été constatée.

A l'issue de plusieurs renvois, l'affaire a été appelée à l'audience du 09 novembre 2021, au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (U.R.S.S.A.F.) de la Corse, appelante, demande à la cour de':

'RECEVOIR l'URSSAF de la CORSE en son appel

INFIRMER le jugement critiqué en ce qu'il a prononcé la nullité des contraintes litigieuses, débouté l'URSSAF de l'ensemble de ses demandes et dit le frais de signification à sa charge

EN CONSEQUENCE,

A titre principal, sur la validité de la première déclaration d'appel en date du 31/01/2018

- CONSTATER que la déclaration d'appel effectuée par l'URSSAF de la CORSE n'a causé aucun grief à l'intimé

- CONSTATER que les premières conclusions de l'URSSAF de la CORSE ont régularisé le défaut de mention des chefs de jugement dans le premier acte d'appel

- DIRE ET JUGER qu'il existe un effet dévolutif et que la Cour d'appel est régulièrement saisie

A titre subsidiaire, sur la régularisation par le deuxième acte d'appel du 19/12/2018

- DIRE ET JUGER que la déclaration d'appel effectuée par l'URSSAF de la CORSE le 19/12/2018 n°18/00371 régularise le premier acte d'appel en date du 31/01/2018 n°18/00025

- DIRE recevable la deuxième déclaration d'appel enregistrée sous le numéro 18/000371 effectuée avant que le juge ne statue le 19/12/2018

- PRONONCER la jonction des recours n°18/00025 et 18/00371

A titre encore plus subsidiaire, sur le fond

- CONSTATER la régularité des contraintes litigieuses des 15/05/2015, 01/06/2015 et 03/08/2015 et de leur signification

- VALIDER les contraintes litigieuses des 15/05/2015, 01/06/2015 et 03/08/2015 pour leurs montants respectifs de 13.208 €, 11.374 € et 13.223 €

ET STATUANT A NOUVEAU

- CONDAMNER la SARL [5] au paiement de ces sommes ainsi qu'au paiement des frais de signification des contraintes critiquées

En tout état de cause :

- REJETER la demande de la SARL [5] visant à la condamnation de l'URSSAF de la CORSE à payer 2.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile'.

Au soutien de ses prétentions, l'U.R.S.S.A.F. de la Corse expose notamment que sa première déclaration d'appel du 31 janvier 2018 saisit valablement la cour car d'une part, l'article 933 du code de procédure civile ne sanctionne pas l'absence de mention des chefs de jugement critiqués par la nullité et d'autre part, la déclaration ne peut être nulle au sens de l'article 901 du même code, l'intimée ne pouvant se prévaloir d'aucun grief dans la mesure où les conclusions d'appelant font, elles, mention des chefs de jugement critiqués. L'appelante précise avoir à toutes fins utiles régularisé la première déclaration en procédant à une seconde déclaration d'appel déposée selon elle dans les délais légaux et couvrant l'éventuelle cause de nullité initiale invoquée.

Concernant la validité des contraintes critiquées, l'appelante soutient que, conformément aux dispositions de l'article R. 122-3 du code de la sécurité sociale, M. [L] [Z], directeur adjoint de l'U.R.S.S.A.F. de la Corse, était habilité à délivrer des contraintes au regard de sa seule qualité de directeur adjoint et n'avait donc nullement besoin d'une délégation de pouvoir particulière émanant du directeur, aucune distinction ne devant au surplus être opérée entre les fonctions et les pouvoirs du directeur.

S'agissant de la régularité des significations des contraintes, l'U.R.S.S.A.F. fait valoir qu'elle s'est conformée aux exigences des articles 654 et suivants du code de procédure civile, soit en remettant les actes à des personnes habilitées à les recevoir, soit en laissant un avis de passage.

Enfin, l'appelante soutient que sa créance est certaine, liquide et exigible et fondée sur les propres déclarations de la société [5], qui n'apporte pas la preuve du caractère infondé des sommes réclamées.

*

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la société [5], intimée, demande à la cour de':

'Vu l'article 933 et 562 du CPC,

Vu la déclaration d'appel de l'URSSAF ne mentionnant aucun chefs de dispositions de jugement critiqués,

Déclarer que la Cour n'est saisie d'aucun litige,

En conséquence,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu le 11 décembre 2017 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale,

A titre subsidiaire,

CONFIRMER le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant

Vu l'interdiction d'exercice du Directeur durant la période relative à l'établissement des contraintes litigieuses,

Vu l'impossibilité de délégation de pouvoir du directeur interdit d'exercé,

DECLARER nulles les contraintes signées par une personne dépourvue de pouvoir,

DECLARER nulles les contraintes en l'absence de délégation de pouvoir ou de subrogation de pouvoir régulière,

A titre infiniment subsidiaire,

CONFIRMER le jugement en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

DECLARER vacant le poste de directeur en l'état de l'interdiction d'exercer

En conséquence,

DECLARER nulles et de nul effet les contraintes litigieuses faute de désignation d'un Directeur par intérim.

A titre très infiniment subsidiaire,

CONFIRMER le jugement,

Y ajoutant,

DECLARER nulles et de nul effet les contraintes litigieuses en raison de l'absence de mise en demeure préalables

A titre très infiniment subsidiaire,

CONFIRMER le jugement,

Y ajoutant,

DEBOUTER l'URSSAF de toutes ses demandes fins et conclusions

La DEBOUTER de toutes ses demandes celle-ci attestant que la SARL est à jour de ses cotisations le 30 juin 2016 et n'apportant pas la preuve de la créance invoquée pour les années 2014 et 2015,

Condamner l'URSSAF à payer à la SARL la somme de 2 000 euros au visa de l'article 700 du CPC'.

L'intimée réplique notamment qu'elle sollicite, au visa des articles 562 et 933 du code de procédure civile, que soit constatée l'absence de saisine de la cour d'appel de Bastia, la mention 'appel TOTAL' portée sur la déclaration d'appel privant l'appel de son effet dévolutif et les conclusions d'appelant ne pouvant s'y substituer.

Concernant la validité des trois contraintes incriminées, la société [5] soutient qu'il importe de différencier les pouvoirs et les fonctions du directeur d'un organisme de recouvrement, et que le directeur adjoint remplaçant le directeur interdit d'exercer ses fonctions dans le cadre d'un contrôle judiciaire, sans être expressément délégataire du pouvoir d'émettre les contraintes, n'était pas habilité à signer ces contraintes, entraînant par là-même leur nullité.

L'intimée fait également valoir que les significations de ces contraintes sont irrégulières, deux d'entre elles ayant été signifiées à étude alors que l'hôtel dispose d'un personnel présent à toute heure du jour et de la nuit.

Elle se prévaut enfin de la mention 'à jour de ses obligations' portée sur l'attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions délivrée par l'organisme le 26 octobre 2016.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

A titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées par les parties. Les "'dire et juger'", "'donner acte'" ou "'constater'" n'étant - hormis les cas prévus par la loi - que le rappel des moyens invoqués et non des demandes conférant des droits, la cour ne statuera pas sur ceux-ci dans son dispositif.

- Sur l'effet dévolutif de l'appel interjeté le 31 janvier 2018

A titre liminaire, il est rappelé qu'en application des dispositions de l'article R 142-11 du code de la sécurité sociale, 'la procédure d'appel est sans représentation obligatoire'.

Aux termes de l'article 933 du code de procédure civile régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, dans sa rédaction issue du décret n°2017-891 du 06 mai 2017 applicable au présent litige, « La déclaration comporte les mentions prescrites par l'article 58. Elle désigne le jugement dont il est fait appel, précise les chefs du jugement critiqués auquel l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible, et mentionne, le cas échéant, le nom et l'adresse du représentant de l'appelant devant la cour. Elle est accompagnée de la copie de la décision. »

À la différence de l'article 901 du même code, qui régit la procédure avec représentation obligatoire par avocat, l'article 933, de même que l'ensemble des autres dispositions régissant la procédure sans représentation obligatoire devant la cour d'appel, instaurent un formalisme allégé, destiné à mettre de façon effective les parties en mesure d'accomplir les actes de la procédure d'appel. Ainsi par exemple la sanction de la nullité mentionnée à l'article 901 ne l'est-elle pas à l'article 933.

Il se déduit néanmoins de l'article 562 en son premier alinéa, figurant dans les dispositions communes de ce code et disposant que l'appel défère à la cour d'appel la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent, que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas.

De telles règles sont dépourvues d'ambiguïté pour des parties représentées par un professionnel du droit.

Toutefois, dans la procédure sans représentation obligatoire, un tel degré d'exigence dans les formalités à accomplir par l'appelant constituerait une charge procédurale excessive, dès lors que celui-ci n'est pas tenu d'être représenté par un professionnel du droit. La faculté de régularisation de la déclaration d'appel ne serait en outre pas de nature à y remédier.

Il en résulte qu'en matière de procédure sans représentation obligatoire, la déclaration d'appel qui mentionne uniquement que l'appel est 'total' ou qu'il tend à la réformation de la décision déférée, en omettant d'indiquer les chefs du jugement critiqués, doit s'entendre comme déférant à la connaissance de la cour d'appel l'ensemble des chefs de ce jugement (2e Civ. 09 septembre 2021 - arrêt n°813 FS-B+R).

Dès lors, l'U.R.S.S.A.F. de la Corse, bien que s'étant contentée de faire mention d'un 'appel total' dans sa déclaration du 31 janvier 2018, sera reçue en son premier recours, sans qu'il soit besoin de faire état du second formalisé le 21 décembre 2018, par ailleurs déclaré irrecevable par arrêt définitif rendu par la présente cour le 28 août 2019.

- Sur la validité des contraintes

L'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale dispose, dans sa version applicable au présent litige, que 'Tout organisme de sécurité sociale est tenu d'avoir un directeur général ou un directeur et un agent comptable.[...]

Le directeur général ou le directeur décide des actions en justice à intenter au nom de l'organisme dans les matières concernant les rapports dudit organisme avec les bénéficiaires des prestations, les cotisants, les producteurs de biens et services médicaux et les établissements de santé, ainsi qu'avec son personnel, à l'exception du directeur général ou du directeur lui-même. Dans les autres matières, il peut recevoir délégation permanente du conseil ou du conseil d'administration pour agir en justice. [...]

Le directeur général ou le directeur représente l'organisme en justice et dans tous les actes de la vie civile. Il peut donner mandat à cet effet à certains agents de son organisme ou à un agent d'un autre organisme de sécurité sociale.[...]'

L'article R. 122-3 du même code, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, précise, en ses treizième et quatorzième alinéas, qu''Il peut déléguer, sous sa responsabilité, une partie de ses pouvoirs à certains agents de l'organisme. Il peut donner mandat à des agents de l'organisme en vue d'assurer la représentation de celui-ci en justice et dans les actes de la vie civile.

En cas de vacance d'emploi, d'absence momentanée ou d'empêchement du directeur, ses fonctions sont exercées par le directeur adjoint. En cas d'absence ou d'empêchement du directeur ou du directeur adjoint ou à défaut de directeur adjoint, les fonctions de directeur sont exercées par un agent de l'organisme désigné dans les conditions prévues au 7° de l'article R. 121-1.'

En l'espèce, l'étude des pièces communiquées démontre que :

- M. [J] [F], directeur régional de l'U.R.S.S.A.F. de la Corse, a été placé sous contrôle judiciaire par ordonnance du 02 avril 2015 après avoir été mis en examen du chef d'extorsion ;

- les parties s'accordent pour affirmer - sans en justifier néanmoins - que ce contrôle judiciaire comportait une interdiction d'exercer les fonctions à l'occasion desquelles l'infraction a été commise, en l'espèce les fonctions de directeur régional ;

- les trois contraintes litigieuses, émises entre mai et août 2015 - soit postérieurement à ce contrôle judiciaire - ont été signées par M. [L] [Z] en sa qualité de directeur adjoint de l'U.R.S.S.A.F. de la Corse.

Contrairement à ce qu'affirme l'intimée, l'interdiction d'exercer imposée à M. [F] s'analyse davantage en une cause d'empêchement qu'en une vacance d'emploi, le poste n'étant pas libéré tant que la mutation - volontaire ou disciplinaire - de son occupant n'est pas intervenue.

En tout état de cause, il résulte des dispositions du quatorzième alinéa de l'article R. 122-3 susvisé que, les pouvoirs n'étant que les attributs d'une fonction, la qualité de directeur adjoint confère de facto à celui qui la détient la responsabilité d'assurer les attributions du directeur empêché, sans qu'il lui incombe de justifier - sauf à ôter à ce texte toute efficience et à entraver la continuité du service public assuré par cet organisme - d'une quelconque délégation de pouvoir.

Dès lors, M. [L] [Z], en sa seule qualité de directeur adjoint, a pu valablement émettre et signer les contraintes litigieuses.

Le jugement querellé sera donc infirmé en ce qu'il a dit nulles et de nul effet ces trois contraintes au motif que l'U.R.S.S.A.F. ne rapportait pas la 'preuve d'une délégation de pouvoir régulière à M. [Z]'.

- Sur la régularité de la signification des contraintes

Aux termes des deux premiers alinéas de l'article R. 133-3 code de la sécurité sociale, 'Si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 133-8-7, L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

L'huissier de justice avise dans les huit jours l'organisme créancier de la date de signification.'

En l'espèce, l'analyse des actes de signification communiqués par les parties démontre que :

- la contrainte du 15 mai 2015 a été signifiée à personne morale le 27 mai 2015 ;

- la contrainte du 1er juin 2015 a été signifiée à étude le 11 juin 2015, la personne rencontrée par l'huissier de justice dans les locaux de la société [5] ayant refusé de prendre copie de l'acte ;

- la contrainte du 03 août 2015 a été signifiée à étude le 18 août 2015 pour les mêmes motifs.

Ces actes de signification à étude, qui font foi jusqu'à preuve contraire, font mention de l'avis de passage prévu à l'article 656 du code de procédure civile et de la lettre prévue à l'article 658 du même code.

Il ne saurait en outre être reproché à l'huissier de justice de s'être vu opposer un refus par le personnel de l'hôtel-restaurant, cet huissier n'étant pas en capacité d'imposer la réception d'un acte.

Par ailleurs, quand bien même une irrégularité aurait été commise, l'intimée ne pas démontre avoir subi un grief, qu'il lui incombe pourtant d'établir en application des dispositions de l'article 114 code procédure civile. En effet, les trois oppositions à contrainte ont pu être exercées dans le délai réglementaire, attestant par là-même que les avis de passage et lettres assortissant les significations ont bien été établies par l'huissier de justice.

Il sera donc jugé que les contraintes litigieuses ont été régulièrement signifiées.

- Sur le bien-fondé des créances de l'U.R.S.S.A.F.

L'article 1353 du code civil dispose que 'Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.'

En l'espèce, les pièces produites permettent de connaître :

- l'existence des accusés de réception des mises en demeure préalables, versés au dossier de première instance et dont les numéros sont reportés sur les contraintes ;

-les périodes d'exigibilité (2ème, 3ème et 4ème trimestre 2014 et 1er trimestre 2015) ;

- la cause (sécurité sociale-parts patronale et ouvrière) ;

- la nature (cotisations et majorations de retard) ;

- et le détail du montant des sommes réclamées pour un total de 37 805 euros (13 208 + 11 374 + 13 223) obtenu après déduction des sommes déjà versées par la débitrice par le biais du télérèglement.

Les contraintes litigieuses mentionnent quant à elles les références des mises en demeure, le détail des sommes réclamées outre les frais de signification, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du T.A.S.S. de la Haute-Corse compétent et les formes requises pour sa saisine.

Ces éléments ne sont pas contestés par l'intimée, à l'exception du montant des sommes réclamées.

Pour se prétendre libérée de sa dette, la société [5] se fonde sur l'attestation de fourniture des déclarations sociales et de paiement des cotisations et contributions délivrée par l'U.R.S.S.A.F. le 26 octobre 2016 et mentionnant que "l'entreprise est à jour de ses obligations en matière de cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales, de contributions d'assurance chômage et de cotisations AGS à la date du 30/09/2016".

Toutefois, il sera observé que non seulement une mention en marge de cette attestation rappelle que ce document 'ne vaut pas renonciation au recouvrement des éventuelles créances contestées', mais surtout une autre mention figurant en en-tête précise que l'attestation est délivrée 'au titre du troisième trimestre 2016". Un tel document ne démontre donc pas l'existence d'un paiement produisant l'extinction de l'obligation de la société [5] à l'égard des cotisations et majorations de retard dues pour les 2ème, 3ème et 4ème trimestres 2014 et 1er trimestre 2015.

Dès lors, l'intimée n'apportant ni la preuve du caractère infondé de la créance réclamée, ni celle d'un paiement libérateur, sera déboutée de ses demandes, les trois contraintes seront validées dans leur entier montant et la société [5] sera condamnée au paiement de la somme totale de 37 805 euros.

-Sur les frais de signification des contraintes

En application de l'article R. 133-6 du code de la sécurité sociale, 'Les frais de signification de la contrainte faite dans les conditions prévues à l'article R133-3, ainsi que de tous actes de procédure nécessaires à son exécution, sont à la charge du débiteur, sauf lorsque l'opposition a été jugée fondée.'

Les oppositions formées par la société [5] n'ayant pas prospéré, il convient de condamner cette dernière au paiement des frais de signification des contraintes litigieuses.

- Sur les frais irrépétibles et les dépens

Partie succombante, l'intimée devra supporter la charge des entiers dépens exposés en cause d'appel postérieurement au 31 décembre 2018, date à laquelle a pris fin le principe de gratuité de la procédure dans les contentieux de la sécurité sociale.

Pour les mêmes motifs, la société [5] sera déboutée de sa demande formée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement par décision contradictoire mise à disposition au greffe,

RECOIT l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Corse en son appel et DEBOUTE la société [5] de sa demande tendant à voir déclarer que la cour n'est saisie d'aucun litige ;

INFIRME en toutes ses dispositions déférées le jugement rendu le 11 décembre 2017 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Corse ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

VALIDE les contraintes décernées les :

- 15 mai 2015, signifiée le 27 mai 2015, pour la somme totale de 13 208 euros ;

- 1er juin 2015, signifiée le 11 juin 2015, pour la somme totale de 11 374 euros ;

- 03 août 2015, signifiée le 18 août 2015, pour la somme totale de 13 223 euros ;

CONDAMNE la société à responsabilité limitée [5] à payer à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de la Corse la somme totale de 37 805 euros, ainsi que les frais de signification afférents à ces trois contraintes ;

DEBOUTE la société à responsabilité limitée [5] de l'ensemble de ses demandes ;

CONDAMNE la société à responsabilité limitée [5] aux entiers dépens d'appel exposés postérieurement au 31 décembre 2018.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 18/00025
Date de la décision : 19/10/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-10-19;18.00025 ?
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