La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/09/2022 | FRANCE | N°20/00073

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 21 septembre 2022, 20/00073


ARRET N°

--------------------

21 Septembre 2022

--------------------

N° RG 20/00073 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B6LY

--------------------

Association [4]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

12 février 2020

Pole social du TJ d'AJACCIO

19/00148

------------------















copie exécutoire



le :



à :



COUR D'

APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX





APPELANTE :



Association [4] prise en la personne de son président M. [J] [G] [T]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

R...

ARRET N°

--------------------

21 Septembre 2022

--------------------

N° RG 20/00073 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B6LY

--------------------

Association [4]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

12 février 2020

Pole social du TJ d'AJACCIO

19/00148

------------------

copie exécutoire

le :

à :

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

Association [4] prise en la personne de son président M. [J] [G] [T]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

Représentée par Me Sigrid FENEIS, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 janvier 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 04 mai 2022 puis prorogé au 07 septembre 2022 puis 21 septembre 2022.

ARRET

- CONTRADICTOIRE

- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

- Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par courriers des 15 et 23 octobre 2018, la caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) de la Corse-du-Sud a notifié à l'association [4] sa décision de prendre en charge, au titre de la législation relative aux risques professionnels :

- un accident du 31 mai 2018 déclaré le 12 juillet 2018 par Mme [R] [B], agent administratif, et le 13 juillet 2018 par l'employeur ;

- une nouvelle lésion mentionnée dans un certificat médical de prolongation du 31 juillet 2018.

Par décision du 14 janvier 2019, la commission de recours amiable (C.R.A.) de la C.P.A.M. a rejeté les recours formés les 10 et 11 décembre 2018 par l'association [4] à l'encontre de ces deux décisions.

Par lettre recommandée du 14 mars 2019, l'association [4] a saisi le pôle social du tribunal de grande instance d'Ajaccio.

Par jugement contradictoire du 12 février 2020, la juridiction - devenue tribunal judiciaire d'Ajaccio - a :

- débouté l'association [4] de l'intégralité de ses demandes ;

- confirmé la décision rendue le 14 janvier 2019 par la C.R.A. de la C.P.A.M. de la Corse-du-Sud à l'encontre de l'association [4] ;

- condamné l'association [4] aux dépens.

Par lettre recommandée adressée au greffe de la cour et portant la date d'expédition du 11 mars 2020, l'association [4] a interjeté appel de l'entier dispositif de ce jugement qui lui avait été notifié le 13 février 2020.

Les deux parties ont régulièrement été convoquées à l'audience du 11 janvier 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites reprises oralement à l'audience, l'association [4], appelante, demande à la cour :

«- D'infirmer le jugement rendu le 12 février 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Ajaccio ;

- d'infirmer la décision de rejet de la commission de recours amiable de la CPAM de la Corse du Sud du 24 janvier 2018 ;

- de juger que la lésion du 31 mai 2018 et la nouvelle lésion du 31 juillet 2018 ne relèvent pas de la législation sur les risques professionnels ;

- de condamner la CPAM DE CORSE DU SUD à la somme de 2.000 € au titre de l'article 700 CPC ;

- de condamner la CPAM DE CORSE DU SUD aux entiers dépens ».

Au soutien de ses prétentions, l'appelante affirme que le fait accidentel est inexistant, faute d'événement traumatique et soudain. Elle conteste, en opposition avec les déclarations de Mme [R] [B], la survenance d'un malaise et d'une crise d'angoisse le 31 mai 2018. Elle souligne à cet effet que Mme [R] [B] a poursuivi sa journée de travail normalement. Elle ajoute que la lésion alléguée n'est pas soudaine et que l'avis d'arrêt de travail initial n'est pas versé au dossier par la caisse.

Par conclusions écrites reprises oralement à l'audience, la C.P.A.M. de la Corse-du- Sud, intimée, demande à la cour de :

« DÉCERNER acte à la concluante de ce qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur ;

CONFIRMER le jugement entrepris ;

DÉCLARER l'accident de travail du 31/05/2018 et la nouvelle lésion du 31/07/2018 opposables à l'association [4] ;

REJETER la demande de condamner la Caisse au paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;

CONDAMNER l'association [4] à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ».

L'intimée rétorque que l'enquête diligentée par son agent assermenté a démontré qu'une agression verbale avait bien eu lieu au temps et au lieu du travail, l'employeur lui-même ayant reconnu avoir élevé Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIVATION

La recevabilité de l'appel interjeté par l'association [4] n'étant pas contestée, il ne sera pas statué sur celle-ci.

- Sur l'opposabilité à l'employeur de la prise en charge de l'accident du travail du 31 mai 2018

Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale qu'« est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise ».

Dès lors, constitue un accident du travail un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion corporelle - qu'elle soit d'ordre physique ou psychologique -, et ce quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

La réunion de trois critères est donc exigée : un événement à date certaine, une lésion corporelle et un fait lié au travail.

L'article L.411-1 susvisé instaure une présomption d'imputabilité de l'accident au travail.

Ainsi, toute lésion survenue au temps et lieu du travail doit être considérée comme trouvant sa cause dans le travail, sauf s'il est rapporté la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère à celui-ci.

Cependant, pour que la présomption d'imputabilité au travail puisse jouer, la victime - ou la caisse dans ses rapports avec l'employeur - doit au préalable établir la matérialité de la lésion ainsi que sa survenance au temps et au lieu de travail.

Cette preuve peut être établie par tout moyen.

Il est en outre acquis que cette présomption d'imputabilité s'étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l'accident et délivrés sans interruption jusqu'à la date de consolidation ou de guérison, sauf là encore pour l'employeur à rapporter la preuve que ces soins et arrêts ultérieurs ont une origine étrangère au travail.

Le fait accidentel

Il est acquis que le fait accidentel s'entend d'un fait précis, soudain, présentant caractère anormal, brutal, vexatoire, imprévisible ou exceptionnel.

En l'espèce, l'appelante soutient que le 31 mai 2018, le supérieur hiérarchique de Mme [B] - M. [O] [D] - n'a adopté aucun comportement brutal en se contentant de solliciter l'exécution d'une tâche tout en rappelant sa position de directeur, et que la salariée n'a été victime d'aucun malaise ni de pleurs sur son lieu de travail.

Toutefois, l'analyse des pièces versées aux débats permet de conclure à la survenance d'un fait anormal, précis et soudain le 31 mai 2018 sur le lieu de travail de Mme [B].

En effet, la déclaration d'accident du travail établie le 12 juillet 2018 par le Dr [V], à titre de correctif de l'arrêt de travail pour maladie du 31 mai 2018, énonce que « suite à plusieurs altercations répétées et repousses avec son employeur (liée selon la patiente à de faits de harcèlement sexuel) malaise sur le lieu du travail avec crise d'angoisse le 31/5/18 vu par ma demande à la médecine du travail (le 30/10/2017 et le 8/6/18) pour ce problème récurrent et répété par son employeur malgré mise en garde accident de travail rectificatif de l'arrêt du 31/5 ».

En outre, les déclarations de Mme [R] [B] sont objectivées par le témoignage de Mme [K] [X] recueilli lors de l'instruction diligentée par la C.P.A.M. En effet, aux termes du procès-verbal de contact téléphonique du 1er octobre 2018, Mme [K] [X] affirme : « On était dans le bureau un employé est rentré pour demander un badge pour la CAPA. Le directeur et [R] étaient en train de travailler. [R] lui a dit « attends, je n'entends pas ce que tu me dis ». Mais le directeur s'est énervé, il a cru comprendre autre chose, il s'est mis à hurler sur [R]. Moi j'étais gênée je suis sortie. [...] Il lui a dit je suis ton directeur. Il criait fort. [R] était contrariée, elle était touchée. Je ne sais pas exactement ce qu'il a dit puisque je suis sortie dès qu'il a commencé à crier ».

Bien que M. [O] [D] conteste la valeur de ce témoignage en soutenant que Mme [K] [X] est une amie intime de Mme [R] [B], il sera constaté que cet argument n'est étayé par aucune pièce. De surcroît, alors que le questionnaire rempli par ce même M. [D] le 06 août 2018 est substantiellement vide - ce dernier répondant à la quasi-intégralité des questions par la mention « inconnue » - il sera observé qu'aux termes du procès-verbal de contact téléphonique du 02 octobre 2018, il admet avoir 'levé le ton' dans le cadre de ce qu'il définit comme un 'recadrage'.

Par ailleurs, s'agissant de l'audition de la témoin Mme [S] [C], la cour relève que ce témoignage comporte des contradictions et des incohérences entachant sa crédibilité. En effet, Mme [C] déclare que lorsque M. [D] a levé la voix, Mme [R] [B] 's'est mise dans une colère, elle a hurlé », alors qu'il ressort des propres déclarations de M. [D] 'qu'il n'y a pas eu d'échanges puisqu'elle n'écoute pas, elle n'a pas été mal polie ou quoi que ce soit puisqu'elle ne répondait pas'. Lorsque l'agent assermenté de la caisse fait remarquer à Mme [C] cette contradiction, cette dernière modifie sa version en énonçant que Mme [B] avait « rouspété un peu ».

Ainsi, il est démontré, autrement que par les seules déclarations de la victime, qu'un fait précis, soudain et présentant un caractère anormal s'est déroulé au temps et au lieu de travail. L'existence de cris et de hurlements suffisent en effet à caractériser le fait accidentel, peu important que le harcèlement sexuel ou les propos vexatoires répétés allégués ne soient pas clairement établis en l'espèce.

La lésion

Il est constant qu'il n'est pas exigé que la lésion apparaisse immédiatement après le fait accidentel pour que l'accident de travail soit caractérisé. Dès lors, la contestation relative à l'existence ou non d'un malaise et d'une crise d'angoisse immédiatement après les faits est sans incidence.

En tout état de cause, le certificat médical initial du 12 juillet 2018 mentionne un 'malaise avec crise d'angoisse' survenu le 31 mai 2018, faisant ainsi état d'une lésion psychologique.

Or, l'appelante ne démontre nullement en quoi cette lésion aurait une autre cause que le fait survenu sur le lieu et au temps de travail.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, la cour considère que c'est par une juste appréciation des circonstances que les premiers juges ont admis que l'accident du travail du 31 mai 2018 devait être déclaré opposable à l'association [4].

- Sur l'opposabilité à l'employeur de la prise en charge de la nouvelle lésion constatée le 31 juillet 2018

En application des dispositions de l'article L. 411-1 susvisé, la présomption d'imputabilité au travail des lésions survenues au temps et au lieu de l'accident s'étend à celles qui y font suite de manière ininterrompue.

En l'espèce, il ressort du certificat médical de prolongation établi le 31 juillet 2018 par la Dre [E] [M], médecin psychiatre, les constatations médicales suivantes : « épisode dépressif majeur d'intensité modérée : tristesse de l'humeur, anhédonie, perte d'élan, trouble cognitif, altération du sommeil ». Ces nouvelles lésions ont été considérées par le médecin conseil de la caisse comme résultant de manière directe des lésions initiales.

La cour observe que l'appelante se contente de contester la qualification d'accident du travail en lien avec les lésions constatées le 12 juillet 2018, et n'apporte pas la preuve d'une cause étrangère au travail de nature à expliquer l'apparition des lésions constatées le 31 juillet 2018.

Relevant qu'aucun élément ne permet de remettre en cause le lien de causalité direct entre les lésions constatées le 31 juillet 2018 et l'accident du travail du 31 mai 2018, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a considéré opposable à l'employeur la prise en charge par la caisse de ces nouvelles lésions.

Dès lors, le jugement querellé sera confirmé en ce qu'il a débouté l'association [4] de l'intégralité de ses demandes et confirmé la décision de la C.R.A. du 14 janvier 2019.

- Sur les dépens et les frais irrépétibles

L'association [4] succombant dans ses prétentions, elle sera condamnée aux entiers dépens exposés en cause d'appel et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement des dépens de première instance.

L'équité commande de ne pas faire application en l'espèce des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront donc déboutées de leurs demandes présentées sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et par décision contradictoire mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 12 février 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Ajaccio ;

Y ajoutant,

CONDAMNE l'association [4] aux entiers dépens d'appel ;

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE l'association [4] de ses demandes plus amples ou contraires.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 20/00073
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;20.00073 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award