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21/09/2022 | FRANCE | N°20/00071

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 21 septembre 2022, 20/00071


ARRET N°

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21 Septembre 2022

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R N° RG 20/00071 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B6LL

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Société [3]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux

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Décision déférée à la Cour du :

12 février 2020

Pole social du TJ d'AJACCIO

19/00287

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copie exécutoire



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à :



COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX





APPELANTE :



Société [3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, substitué...

ARRET N°

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21 Septembre 2022

-----------------------

R N° RG 20/00071 - N° Portalis DBVE-V-B7E-B6LL

-----------------------

Société [3]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

12 février 2020

Pole social du TJ d'AJACCIO

19/00287

------------------

copie exécutoire

le :

à :

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

Société [3]

[Adresse 4]

Représentée par Me Gabriel RIGAL, avocat au barreau de LYON, substitué par Me GOMIS, avocat au barreau de BASTIA,

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 janvier 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame COLIN, Conseillère, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 04 mi 2022 puis prorogé au 21 septembre 2022,

ARRET

-Contradictoire

-Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

-Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 22 janvier 2019, la société à responsabilité limitée [3] a déclaré à la caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) de la Corse-du-Sud un accident survenu la veille au préjudice de l'un de ses salariés, M. [F] [D], ouvrier qualifié.

Cet accident a été médicalement constaté le jour de sa survenance, le 21 janvier 2019.

Par courrier du 1er février 2019, la C.P.A.M. a notifié à la société [3] sa décision de prendre en charge d'emblée, au titre de la législation sur les risques professionnels, l'accident dont a été victime M. [D].

Le 23 juillet 2019, la commission de recours amiable (C.R.A.) de la caisse a rejeté le recours formé le 05 avril 2019 par la société [3] à l'encontre de la décision du 1er février 2019.

Par requête du 25 septembre 2019, l'employeur a porté sa contestation devant le pôle social du tribunal de grande instance d'Ajaccio.

Par jugement contradictoire du 12 février 2020, la juridiction - devenue tribunal judiciaire - a :

- débouté la société [3] de ses demandes ;

- confirmé la décision de la C.R.A. rendue le 23 juillet 2019 à l'encontre de la société [3] ;

- dit que la prise en charge de l'accident dont a été victime le 21 janvier 2019 M. [F] [D] par la C.P.A.M. au titre de la législation sur le risque professionnel était opposable à la société [3], tout comme l'étaient les conséquences financières de l'accident ;

- condamné la société [3] aux dépens.

Par lettre recommandée avec avis de réception adressée au greffe de la cour le 05 mars 2020, la société [3] a relevé appel de l'entier dispositif de ce jugement qui lui avait été notifié le 17 février 2020.

L'affaire a été appelée à l'audience du 11 janvier 2022, au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par conclusions écrites reprises oralement à l'audience, la société [3], appelante, demande à la cour de :

«DECLARER la Société [3] recevable et bien fondé en ses demandes ;

Infirmer le jugement rendu par le Tribunal Judiciaire d'Ajaccio ;

À titre principal,

DIRE ET JUGER que la CPAM de CORSE DU SUD ne rapporte pas la preuve du caractère professionnel du malaise dont a été victime Monsieur [D] le 21/01/2019, en l'absence de toute instruction ;

En conséquence,

DECLARER inopposables au GRAND PORT MARITIME D'[Localité 1] [erreur d'identité manifeste] la décision de prise en charge du malaise présenté par Monsieur [D], de même que toutes les conséquences financières y afférentes ;

À titre subsidiaire,

ORDONNER une expertise judiciaire du dossier médical de Monsieur [D] et nommer tel Expert qu'il plaira au Tribunal avec pour mission, sauf à étendre par ses soins, de :

- Convoquer toutes les parties, dans le respect du principe du contradictoire,

- Se faire communiquer par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de CORSE du SUD l'avais de son médecin conseil,

- Se faire communiquer par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de CORSE du SUD l'enquête administrative diligentée dans le cadre de l'instruction du dossier de Monsieur [D],

- Se faire communiquer tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission, notamment médicaux encore en la possession de la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de CORSE du SUD et/ou par le service du contrôle médical afférent,

- Déterminer si le malaise cardiaque de Monsieur [D] survenu le 21/01/2019 résulte d'un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l'accident ou d'une cause totalement étrangère,

- Se prononcer sur l'imputabilité du malaise de Monsieur [D] à son activité professionnelle.

ORDONNER par ailleurs que l'expertise soit réalisée aux frais avancés par la Caisse par application des dispositions des articles L. 144-5 et R. 144-10 du Code de la sécurité sociale

ENJOINDRE, si besoin était, à la CPAM de communiquer à Monsieur l'Expert l'ensemble des éléments utiles à la réalisation de l'expertise, et notamment l'entier dossier médical de Monsieur [D] en sa possession. »

Au soutien de ses prétentions, la société appelante fait valoir, à titre principal, que l'accident du 21 janvier 2019 n'est pas établi dans sa matérialité. Selon elle, il appartenait à la caisse de s'assurer que le fait accidentel était précis et soudain, résultait d'une action extérieure violente et que le malaise invoqué possédait une origine professionnelle.

L'appelante précise, en s'appuyant sur la 'charte des accidents du travail et des maladies professionnelles', que la C.P.A.M. était tenue de réaliser une enquête administrative en raison du malaise constaté, qui serait par ailleurs un symptôme et non un fait accidentel.

Enfin, elle soutient que le malaise cardiaque est fréquemment lié à un facteur intrinsèque à la personne, qu'il n'a que rarement une origine professionnelle et qu'en l'espèce, une origine épileptique est vraisemblable.

À titre subsidiaire, l'appelante fait état de la nécessité d'ordonner une expertise médicale au regard du doute sérieux quant à l'imputabilité au travail dudit malaise et de la probabilité d'une pathologie préexistante.

*

Par conclusions écrites reprises oralement à l'audience, la C.P.A.M. de la Corse-du-Sud, intimée, demande à la cour de :

 DÉCERNER à la concluante de ce qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur ;

CONFIRMER le jugement entrepris ;

DECLARER opposable à la Société [3] l'accident du travail du 21 /01/2019 ;

REJETER la demande d'expertise judiciaire.»

L'intimée rétorque, sur le caractère professionnel de l'accident, que l'article L. 411 -1 du code de la sécurité sociale instaure une présomption d'imputabilité, que le malaise constitue en lui-même un fait accidentel et que celui-ci s'est produit au lieu et au temps du travail.

Elle fait observer qu'en l'absence de réserves motivées émises par l'employeur dans la déclaration d'accident du travail, elle n'était nullement tenue de diligenter une enquête.

Sur la demande d'expertise médicale, la C.P.A.M. souligne que l'employeur ne rapporte aucun commencement de preuve permettant de renverser la présomption d'imputabilité et que l'expertise n'a pas vocation à suppléer la carence d'une partie dans l'administration de cette même preuve.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, la cour, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions et aux pièces déposées et soutenues à l'audience.

MOTIVATION

À titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées par les parties. Les "'dire et juger'", "'donner acte'" ou "'constater'" n'étant - hormis les cas prévus par la loi - que le rappel des moyens invoqués et non des demandes conférant des droits, la cour ne statuera pas sur ceux-ci dans son dispositif.

En outre, la recevabilité de l'appel interjeté par la société [3] n'étant pas contestée, il ne sera pas statué sur celle-ci.

- Sur l'opposabilité à l'employeur de la décision de prise en charge de l'accident du 21 janvier 2019 et des soins et arrêts subséquents

Il résulte des dispositions de l'article L. 411-1 du code de la sécurité sociale qu'«est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise».

Constitue ainsi un accident du travail, un événement ou une série d'événements survenus à des dates certaines par le fait ou à l'occasion du travail, dont il est résulté une lésion - qu'elle soit d'ordre physique ou psychologique -, et ce quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.

L'article L.411-1 susvisé instaure en outre une présomption d'imputabilité de l'accident au travail.

Ainsi, toute lésion survenue au temps et lieu du travail doit être considérée comme trouvant sa cause dans le travail, sauf s'il est rapporté la preuve que cette lésion a une origine totalement étrangère à celui-ci.

Cependant, pour que la présomption d'imputabilité au travail puisse jouer, la victime - ou la caisse dans ses rapports avec l'employeur - doit au préalable établir la matérialité de l'accident ainsi que sa survenance au temps et au lieu de travail.

Cette preuve peut être établie par tout moyen.

Il est en outre acquis que cette présomption d'imputabilité s'étend aux soins et arrêts de travail prescrits à la suite de l'accident et délivrés sans interruption jusqu'à la date de consolidation ou de guérison, sauf là encore pour l'employeur à rapporter la preuve que ces soins et arrêts ultérieurs ont une origine étrangère au travail.

Par ailleurs, aux termes de l'article R. 441-11 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige :

« I. La déclaration d'accident du travail peut être assortie de réserves motivées de la part de l'employeur.

[...]

III. En cas de réserves motivées de la part de l'employeur ou si elle l'estime nécessaire, la caisse envoie avant décision à l'employeur et à la victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l'accident ou de la maladie ou procède à une enquête auprès des intéressés. Une enquête est obligatoire en cas de décès ».

Il résulte de ce texte que l'obligation faite à l'organisme social de diligenter une enquête par voie de questionnaire ou d'auditions existe dans deux hypothèses, limitativement énumérées :

- la formulation de réserves motivées par l'employeur ;

- la survenance d'un décès.

En dehors de ces deux cas de figure, l'enquête demeure facultative et relève de l'appréciation souveraine de la caisse.

En l'espèce, il ressort de la déclaration d'accident de travail effectuée le 22 janvier 2019 par la société [3] que M. [D] 'a ressenti une douleur au thorax' qui s'est intensifiée entre 9 heures et 11 heures 50, ce sur son lieu de travail et durant les heures de travail. Le certificat médical initial établi le jour de l'accident par le Dr [L] [H], cadiologue, fait état de ces mêmes 'douleurs au thorax', mentionne l'existence d'un 'infarctus' et d'un 'syndrome coronarien aigu', tout en précisant que M. [D] était conscient puisqu'il avait appelé les secours. La C.P.A.M. démontre en outre que la victime a été hospitalisée du 21 au 23 janvier 2019.

Il résulte de ces constatations qu'est survenu le 21 janvier 2019, au temps et au lieu du travail de M. [D], un malaise non suivie de mort devant être qualifié de fait soudain, brutal et précis, sans qu'il soit nécessaire de démontrer - sauf à ajouter aux dispositions de l'article L. 411-1 susvisé une condition qu'il n'exige pas - l'existence d'une action extérieure violente. Quant à la lésion, elle réside dans le syndrome coronarien aigu.

Il sera donc considéré, à l'instar des premiers juges, que la C.P.A.M. a établi le fait accidentel dans sa matérialité, et que la présomption d'imputabilité au travail de cet accident devait jouer en l'espèce.

Pour combattre cette présomption simple, il appartenait à l'employeur de démontrer que la lésion avait pour origine un état pathologique antérieur ou toute autre cause étrangère à l'activité professionnelle de M. [D]. Or, aucune des pièces produites par l'appelante ne permet de conclure en ce sens.

Par ailleurs, la cour observe que la société [3] n'a émis aucune réserve lors de sa déclaration d'accident de travail, de sorte qu'en application de l'article R. 411-1 susvisé, la caisse n'était nullement tenue de diligenter une enquête au moyen de questionnaires ou d'auditions, et pouvait décider d'emblée de prendre en charge l'accident porté à sa connaissance.

Quant à la charte des accidents du travail et des maladies professionnelles invoquée par l'appelante, sans toutefois la verser aux débats, elle est dépourvue de valeur normative et ne saurait donc prévaloir sur un texte réglementaire.

- Sur la demande d'expertise médicale

En application des dispositions de l'article 146 du code de procédure civile, «Une mesure d'instruction ne peut être ordonnée sur un fait que si la partie qui l'allègue ne dispose pas d'éléments suffisants pour le prouver.

En aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve».

Il est constant que si, pour combattre la présomption d'imputabilité instituée par l'article L. 411-1 susvisé, l'employeur dispose de la faculté de solliciter une expertise visant à démontrer l'existence d'un état pathologique antérieur évoluant pour son propre compte, il n'en demeure pas moins que l'organisation d'une telle mesure suppose l'apport préalable par cet employeur d'un commencement de preuve contraire.

En l'espèce, l'appelante se contente d'indiquer, en page 11 de ses conclusions soutenues oralement à l'audience, qu''Au vu de l'origine, semble-t-il épileptique du malaise, l'employeur s'interroge légitimement sur la possible interférence avec un état antérieur évoluant pour son propre compte [...]'.

Cette simple affirmation, non étayée par exemple par une attestation d'un autre salarié ou tout autre élément qui serait à la disposition de la société [3], ne saurait à elle seule constituer le commencement de preuve exigé par l'article 146 susvisé interdisant au juge de suppléer la carence d'une partie dans l'administration de la preuve.

Il convient en conséquence, par confirmation du jugement querellé, de rejeter la demander d'expertise sollicitée et de dire que la décision de prise en charge de l'accident du travail du 21 janvier 2019 et des soins et arrêts subséquents est opposable à l'employeur de M. [D].

- Sur les dépens

La société [3] succombant dans ses prétentions, elle supportera la charge des entiers dépens exposés en cause d'appel, et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il l'a condamnée au paiement des dépens de première instance.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant publiquement et par décision contradictoire mise à disposition au greffe,

CONFIRME en toutes ses dispositions soumises à la cour le jugement rendu le 12 février 2020 par le pôle social du tribunal judiciaire d'Ajaccio ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la société [3] au paiement des entiers dépens d'appel.

La greffièreLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 20/00071
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;20.00071 ?
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