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21/09/2022 | FRANCE | N°18/00142

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 21 septembre 2022, 18/00142


ARRET N°

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21 Septembre 2022

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N° RG 18/00142 N° Portalis DBVE-V-B7C-BY2E

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[Z] [D]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux

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Décision déférée à la Cour du :

11 avril 2018

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CORSE DU SUD

21600088

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copie exécutoire



le :



à :



COUR D'APPEL DE BASTI

A



CHAMBRE SOCIALE



AVANT DIRE DROIT





ARRET DU : VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX





APPELANTE :



Madame [Z] [D]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me H...

ARRET N°

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21 Septembre 2022

----------------------

N° RG 18/00142 N° Portalis DBVE-V-B7C-BY2E

-----------------------

[Z] [D]

C/

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

11 avril 2018

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CORSE DU SUD

21600088

------------------

copie exécutoire

le :

à :

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

AVANT DIRE DROIT

ARRET DU : VINGT ET UN SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTE :

Madame [Z] [D]

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 1]

Représentée par Me Hélène NASSIBIAN-GIOVANNUCCI, avocat au barreau d'AJACCIO, substituée par Me MOUSSET-CAMPANA, avocat au barreau de BASTIA

INTIMEE :

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA CORSE DU SUD - contentieux

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 novembre 2021 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame COLIN, conseillère, chargée du rapport,

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre,

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 mars 2022 puis prorogé au 22 juin 2022 et 21 septembre 2022

ARRET

-CONTRADICTOIRE

-Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

-Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière présente lors de la mise à disposition de la décision.

***

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Le 03 juin 2015, Mme [Z] [X] épouse [D], employée depuis 2012 par la société [5] à [Adresse 3] en qualité d'employée polyvalente de restauration, a sollicité auprès de la caisse primaire d'assurance maladie (C.P.A.M.) de la Corse-du-Sud la reconnaissance du caractère professionnel, au titre du tableau n° 37 des maladies professionnelles relatif aux 'affections cutanées professionnelles causées par les oxydes et les sels de nickel', d'un eczéma dyshidrosique des mains et des poignets médicalement constaté pour la première fois le 13 avril 2015.

Le 04 novembre 2015, l'enquêteur assermenté et le colloque médico-administratif de la caisse ont conclu à la nécessité de solliciter l'avis du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles (C.R.R.M.P.) au motif que la condition relative à la liste des principaux travaux susceptibles de provoquer la maladie n'était pas satisfaite.

Le 05 novembre 2015, la C.P.A.M. a avisé Mme [D] de la saisine du C.R.R.M.P. de [Localité 6] et de la possibilité qui lui était offerte de consulter les pièces du dossier.

Le 25 novembre 2015, la C.P.A.M. a notifié à l'assurée son refus de prendre en charge sa pathologie au titre de la législation professionnelle en raison de l'épuisement des délais d'instruction et de l'absence du rapport du C.R.R.M.P.

Le 26 janvier 2016, Mme [D] a contesté cette décision devant la commission de recours amiable (C.R.A.) de la caisse.

Le 31 mars 2016, en présence d'une décision implicite de rejet, Mme [D] a porté sa contestation devant le tribunal des affaires de sécurité sociale (T.A.S.S.) de la Corse-du-Sud qui, par jugement contradictoire du 10 mai 2017, a sursis à statuer dans l'attente de l'avis du C.R.R.M.P. de Marseille, a enjoint la C.P.A.M. de procéder à une relance de ce comité et d'en tenir informé la juridiction, a rejeté la demande de provision formée par Mme [D] à hauteur de 10 000 euros, a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire et a enfin réservé la demande de l'assurée formée au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Parallèlement, la C.R.A. a rendu une décision explicite de rejet en sa séance du 08 avril 2016, au motif que la caisse restait dans l'attente de l'avis du C.R.R.M.P.

Le 18 octobre 2017, le C.R.R.M.P. de Marseille a conclu à l'absence de lien de causalité direct entre la pathologie déclarée par Mme [D] et la profession exercée.

Par jugement contradictoire du 11 avril 2018, le T.A.S.S. de la Corse-du-Sud a :

- déclaré régulier en la forme le recours ;

- dit que le C.R.R.M.P. de Marseille était régulièrement composé ;

- rejeté la demande d'expertise médicale comme n'étant pas adaptée au rejet opposé à Mme [D] relatif à la condition limitative des travaux susceptibles de déclencher la maladie professionnelle n° 37 A dont elle estime être atteinte ;

- entériné le rapport du C.R.R.M.P. de [Localité 6] du 18 octobre 2017 ;

- dit que la maladie déclarée le 15 mai 2015 par Mme [D] ne pouvait être prise en charge par la C.P.A.M. au titre du tableau n° 37 A des maladies professionnelles puisque la condition relative à la liste des travaux susceptibles de la provoquer n'était pas remplie ;

- rejeté la demande de Mme [D] de reconnaissance de maladie professionnelle à ce titre ;

- confirmé la décision de la C.P.A.M. du 25 novembre 2015 et la décision de la C.R.A. du 08 avril 2016 ;

- dit que chacune des parties pouvait interjeter appel de cette décision dans le délai d'un mois à compter de sa notification.

Par lettre recommandée avec accusé de réception expédiée le 22 mai 2018, Mme [Z] [D] a interjeté appel de l'entier dispositif de ce jugement qui lui avait été notifié le 26 avril 2018.

À l'issue de plusieurs renvois, l'affaire a été appelée à l'audience du 09 novembre 2021 au cours de laquelle les parties, non-comparantes, étaient représentées.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Au terme de ses conclusions, réitérées et soutenues oralement à l'audience, Mme [Z] [D], appelante, demande à la cour de':

' - Infirmer la décision déférée

À titre principal,

- Reconnaître le lien de causalité entre la maladie de Madame [Z] [D] et sa profession

- Dire que la maladie déclarée le 15 mai 2015 par Madame [Z] [D] doit être prise en charge par la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Corse-du-Sud au titre du tableau n°37A des maladies professionnelles.

À titre subsidiaire,

- Dire qu'un second avis du comité de reconnaissance des maladies professionnelles, différent du précédent, devra se réunir et se prononcera, au vu des éléments précisés, sur le lien de causalité entre la maladie de Madame [Z] [D] et sa profession

- Dire que la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Corse-du-Sud devra verser à Madame [Z] [D] une provision de 4.000,00 €

- Condamner la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Corse-du-Sud à payer à Madame [Z] [D] la somme de 2 000,00 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.'

Au soutien de ses prétentions, l'appelante fait notamment valoir que sa maladie est directement causée par son travail habituel d'employée de restauration, au regard des tâches exécutées (manipulation de nombreux couverts composés de nickel et exposition aux différentes surfaces de travail métalliques de la cuisine), du temps considérable passé sur son lieu de travail, limitant ainsi l'éventualité d'une autre cause à son allergie au sulfate de nickel, et de la forte toxicité de cette substance dont la réglementation s'est durcie au cours des dernières décennies. Elle affirme également que cette allergie au nickel a été reconnue par la commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées qui lui a attribué, par décision du 27 juillet 2018, un taux d'incapacité de 80 %.

Au terme de ses écritures, réitérées et soutenues oralement à l'audience, la caisse primaire d'assurance maladie de la Corse-du-Sud, intimée, demande à la cour de':

' DECERNER acte à la concluante de ce qu'elle a fait une exacte application des textes en vigueur ;

CONFIRMER le jugement entrepris ;

ENTERINER l'avis du Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles de Marseille ;

REJETER la demande du règlement d'une provision de 4 000 euros ;

REJETER la demande de 2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.'

L'intimée rétorque notamment que pour déterminer si l'activité professionnelle exercée par l'assurée avait exposé cette dernière au risque défini au tableau n° 37 des maladies professionnelles, une enquête administrative avait été diligentée et l'avis d'un C.R.R.M.P. dûment sollicité. Celui-ci ayant rendu un avis motivé et probant excluant tout lien de causalité directe entre la maladie soumise à instruction et les expositions incriminées, la caisse ne pouvait que rejeter la demande de reconnaissance de maladie professionnelle formée par Mme [D], l'avis rendu par le comité s'imposant à elle en application des dispositions du cinquième alinéa de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, la cour renvoie aux conclusions déposées et soutenues à l'audience, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

À titre liminaire, la cour rappelle qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile, elle n'est tenue de statuer que sur les prétentions énoncées par les parties. Les "'dire et juger'", "'donner acte'" ou "'constater'" n'étant - hormis les cas prévus par la loi - que le rappel des moyens invoqués et non des demandes conférant des droits, la cour ne statuera pas sur ceux-ci dans son dispositif.

En outre, la recevabilité de l'appel interjeté par Mme [D] n'étant pas contestée, il ne sera pas statué sur celle-ci.

- Sur la demande de désignation d'un second comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles

Aux termes des 2e, 3e, 4e et 5e alinéas de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable au présent litige, 'Est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.

Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.

Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.

Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles. La composition, le fonctionnement et le ressort territorial de ce comité ainsi que les éléments du dossier au vu duquel il rend son avis sont fixés par décret. L'avis du comité s'impose à la caisse dans les mêmes conditions que celles fixées à l'article L. 315-1.'

Trois hypothèses distinctes résultent de ces dispositions :

- soit la maladie est désignée dans l'un des tableaux des maladies professionnelles et elle a été contractée dans les conditions précisées audit tableau : la victime bénéficie alors d'un régime de présomption d'imputabilité de la maladie à son activité professionnelle ;

- soit la maladie est désignée dans l'un des tableaux des maladies professionnelles mais une ou plusieurs des conditions posées par ledit tableau ne sont pas remplies (délai de prise en charge, durée d'exposition, liste indicative ou limitative des travaux susceptibles de la causer) : la maladie pourra alors être qualifiée de professionnelle s'il est démontré, après recueil obligatoire de l'avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime ;

- soit la maladie n'est pas désignée dans l'un des tableaux des maladies professionnelles : elle pourra être qualifiée de professionnelle s'il est démontré, après recueil obligatoire de l'avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, que le travail habituel de la victime a, de manière essentielle et directe, entraîné son décès ou une incapacité permanente partielle d'au moins 25 %, taux fixé par l'article R. 461-8 du code de la sécurité sociale.

L'article R. 142-24-2 du même code, dans sa version applicable au présent litige, dispose que 'Lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie dans les conditions prévues aux troisième et quatrième alinéas de l'article L. 461-1, le tribunal recueille préalablement l'avis d'un comité régional autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse en application du cinquième alinéa de l'article L. 461-1.

Le tribunal désigne alors le comité d'une des régions les plus proches.'

En l'espèce, si la désignation de la maladie dont souffre Mme [D] et son délai de prise en charge ne sont pas contestés, la condition tenant à la liste indicative des principaux travaux susceptibles de provoquer une dermite eczématiforme récidivante a été considérée comme non remplie par le C.R.R.M.P. de Marseille, et partant par la C.P.A.M.

En application des dispositions de l'article R. 142-24-2 susvisé, lorsque le différend porte sur la reconnaissance de l'origine professionnelle d'une maladie non désignée dans un tableau de maladies professionnelles ou qui n'en remplit pas une ou plusieurs conditions, la juridiction de sécurité sociale est tenue de recueillir préalablement l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles autre que celui qui a déjà été saisi par la caisse.

Il convient donc de procéder, avant dire droit, à la désignation du comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Montpellier.

- Sur la demande de provision

La cour n'ayant pas à ce stade statué sur la reconnaissance du caractère professionnel de la pathologie dont souffre Mme [D], la demande de provision - par ailleurs non motivée - de cette dernière ne pourra qu'être rejetée.

- Sur les autres demandes

Dans l'attente de la réception de l'avis du second CRRMP, il sera sursis à statuer sur les autres demandes formées par les parties et les dépens seront réservés.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant avant dire droit,

DESIGNE le comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles de Montpellier aux fins de':

- prendre connaissance du dossier médical de Mme [Z] [X] épouse [D] relatif à sa demande de reconnaissance du caractère professionnel de la maladie déclarée le 03 juin 2015 relevant, selon le service du contrôle médical de la caisse primaire d'assurance maladie de la Corse-du-Sud, du tableau n°37 relatif aux 'affections cutanées professionnelles causées par les oxydes et les sels de nickel' ;

- donner son avis motivé sur l'existence ou non d'un lien de causalité directe entre l'affection présentée par l'assurée et son travail habituel ;

- donner tout élément et faire toute observation utile à la résolution du litige.

DIT que les frais générés par cette mesure seront avancés par la caisse primaire d'assurance maladie de la Corse-du-Sud,

DIT que ce comité devra transmettre son rapport à la cour dans un délai de quatre mois suivant sa saisine ;

DIT que le greffe de la chambre sociale de la cour communiquera ce rapport aux parties dès sa réception ;

DEBOUTE Mme [Z] [X] épouse [D] de sa demande de condamnation de la caisse primaire d'assurance maladie de la Corse-du-Sud à lui verser la somme de 4 000 euros à titre de provision ;

SURSOIT à statuer sur les autres demandes ;

RENVOIE l'affaire à l'audience de la chambre sociale du 13 juin 2023 à 9 h 00 ;

DIT que la notification du présent arrêt par le greffe vaut convocation des parties à cette audience ;

RESERVE les dépens.

LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 18/00142
Date de la décision : 21/09/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-09-21;18.00142 ?
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