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01/06/2022 | FRANCE | N°19/00351

France | France, Cour d'appel de Bastia, Chambre sociale tass, 01 juin 2022, 19/00351


ARRET N°

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01 Juin 2022

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N° RG 19/00351 - N° Portalis DBVE-V-B7D-B5V2

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[T] [X] veuve [R], [W] [B] [E] [R], [H] [G] [D] [R]

C/

S.A.R.L. [7], CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE







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Décision déférée à la Cour du :

02 décembre 2019

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA

18/00377

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COUR D'APPEL DE BASTIA

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CHAMBRE SOCIALE





ARRET DU : PREMIER JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX





APPELANTS :



Madame [T] [X] veuve [R]

[Adresse 8]

[Localité 3]



Monsieur [W] [B] [E] [R]

[Adresse 10]

[Lo...

ARRET N°

----------------------

01 Juin 2022

----------------------

N° RG 19/00351 - N° Portalis DBVE-V-B7D-B5V2

----------------------

[T] [X] veuve [R], [W] [B] [E] [R], [H] [G] [D] [R]

C/

S.A.R.L. [7], CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE

----------------------

Décision déférée à la Cour du :

02 décembre 2019

Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de BASTIA

18/00377

------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : PREMIER JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX

APPELANTS :

Madame [T] [X] veuve [R]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Monsieur [W] [B] [E] [R]

[Adresse 10]

[Localité 1]

Madame [H] [G] [D] [R]

[Adresse 8]

[Localité 3]

Tous représentés par Me Alexandra-marie MIGUEL-LUIGI, avocat au barreau de NICE

INTIMEES :

S.A.R.L. [7]

N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 5]

[Adresse 9]

[Localité 2]

Représentée par Me Marie-Christine MANTE-SAROLI, avocat au barreau de LYON

CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE

Service Contentieux

[Adresse 6]

[Localité 4]

Représentée par Me Valérie PERINO SCARCELLA, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 février 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur JOUVE, Président de chambre et Madame COLIN, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur JOUVE, Président de chambre

Madame COLIN, Conseillère

Madame BETTELANI, Vice-présidente placée auprès Monsieur le premier président

GREFFIER :

Madame CARDONA, Greffière lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 01 juin 2022

ARRET

Contradictoire

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe

Signé par Monsieur JOUVE, Président de chambre et par Madame CARDONA, Greffière, présente lors de la mise à disposition de la décision.

***

FAITS ET PROCEDURE

Le 13 novembre 2012, Monsieur [P] [R], employé en qualité de menuisier par la SARL [7], a été victime d'un accident du travail au sein de l'atelier de cette entreprise. Alors qu'il utilisait une toupie pour usiner une pièce, une des barrettes composant le guide vissé sur la machine, a été projetée sur sa main et l'a transpercée de l'index à l'auriculaire.

Compte tenu de la gravité de la blessure, l'intéressé malgré six interventions chirurgicales a perdu l'usage de sa main. Après avoir été pris en charge au titre de cet accident de travail, il a fait l'objet, le 23 décembre 2016, d'un classement en invalidité, deuxième catégorie.

Cette situation a également été à l'origine au niveau psychologique, d'une importante dépression. Bien que bénéficiant d'un suivi psychiatrique, Monsieur [R] a mis fin à ses jours le 12 novembre 2018.

Préalablement, par requête déposée au greffe du tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute Corse, il avait, suite à l'absence de réponse de la commission de recours amiable qu'il avait sollicitée, intenté une action tendant avoir reconnaître que l'accident du travail dont il avait été victime, était dû à la faute inexcusable de son employeur.

Par conclusions déposées le 15 février 2019, ses héritiers, Madame [T] [X] veuve [R], Monsieur [W] [R] et Madame [H] [R] ont repris l'instance.

Par jugement rendu contradictoirement le 2 décembre 2019, le Pôle social du tribunal judiciaire de Bastia désormais compétent, a :

- rejeté les demandes formulées par les consorts [R] à l'encontre de la SARL [7],

- rejeté la demande de la SARL [7] fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- mis les dépens à la charge des consorts [R].

Par courrier recommandé expédié au greffe de la cour le 19 décembre 2019, les consorts [R] ont interjeté appel de cette décision.

Aux termes de leurs écritures déposées au greffe le 26 octobre 2020,auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, les appelants qui concluent à l'infirmation de la décision déférée en toutes ses dispositions, sollicitent :

- qu'il soit dit et jugé que l'accident du travail de Monsieur [P] [R] est imputable à la faute inexcusable de la SARL [7],

- que soit ordonnée la majoration de la rente à son taux maximal,

- la désignation d'un expert médical avec la mission d'usage sur l'évaluation des différents préjudices subis,

- la condamnation de la SARL [7] à leur verser une somme provisionnelle de 7 500 €,

- la condamnation de la SARL [7] à leur verser, sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles de première instance, ainsi que celle de 3 000 € en cause d'appel,

- la condamnation de la SARL [7] aux entiers dépens.

Aux termes de ses conclusions transmises par message électronique le 25 janvier 2022,auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens, la SARL [7] sollicite :

* à titre principal,

- la confirmation du jugement déféré,

- le rejet des demandes adverses,

- la condamnation des appelants à lui verser la somme de 2 500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

* à titre subsidiaire, dans l'hypothèse où la faute inexcusable serait retenue,

- le rejet de la demande provisionnelle, non justifiée, et à défaut, sa réduction à la somme de 1 000 € qu'elle ne saurait excéder,

- que soit ordonnée une expertise avec la mission d'usage,

- le rejet de l'ensemble des demandes adverses, plus amples, provisionnelle ou relative aux frais irrépétibles,

- qu'il soit jugé qu'il appartiendra à la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute Corse de faire l'avance de l'intégralité des sommes allouées aux consorts [R] ainsi que des frais d'expertise,

- que l'arrêt à intervenir soit déclaré commun et opposable à la Caisse primaire d'assurance maladie de Haute Corse.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Interjeté dans les formes et délai de la loi, l'appel initialement formé par Monsieur [P] [R] sera déclaré recevable.

Sur la reconnaissance de la faute inexcusable :

Selon l'enquête pénale, Monsieur [R] a été blessé grièvement la main droite le 13 novembre 2012 à 13 heures 40 alors qu'il travaillait sur une toupie dans l'atelier de son employeur.

Les déclarations de la victime et des autres employés ont permis d'établir que l'accident était dû à la projection, après la mise en marche de la machine, de plusieurs barrettes coulissantes du guide de sécurité qui n'avaient pas été bloquées après une utilisation par un autre employé précédemment dans la matinée.

L'intéressé a affirmé, au cours de son audition, que ce n'était pas la première fois qu'il se servait de la machine et qu'il avait omis de s'assurer du bon serrage des poignées de blocage des barrettes, expliquant que le guide restait toujours fixé et vissé sur le plan de travail.

Les deux autres salariés entendus par les services de gendarmerie ont précisé que le dispositif de sécurité avait été installé il y a environ un an, que tout les opérateurs connaissaient le fonctionnement de la machine et les consignes de sécurité, et que les fiches de postes se trouvaient dans les vestiaires.

À aucun moment, l'enquête pénale n'a laissé place à l'hypothèse de l'inefficacité du système de protection.

Pour caractériser la carence de l'employeur dans la mise en 'uvre de son obligation de sécurité, les consorts [R] invoquent tout d'abord les lacunes du document unique de prévention des risques (DUERP) qui ne fait état d'aucune évaluation des risques ni d'une quelconque procédure interne visant à garantir la sécurité des utilisateurs de machines. Ils soulignent également l'absence de mention relative à l'installation, à l'époque récente, du guide à l'origine de l'accident.

Or il est évident, même pour un profane, que l'utilisation d'une machine du type de celle mise en cause est intrinsèquement dangereuse et nécessite de la part de l'opérateur, avec constance, un minimum de précaution et de vigilance, de même qu'un strict respect des consignes de sécurité.

Il résulte des éléments du dossier que ces dernières sont connues du personnel puisque toute la documentation des machines est disponible dans le bureau et que les fiches de sécurité sont exposées dans le vestiaire.

Concernant plus particulièrement la toupie, la documentation relative aux consignes générales d'utilisation précise que le guide de protection doit être réglé préalablement à l'utilisation de la machine avec notamment le contrôle des points de blocage du guide et des semelles.

Le mode d'emploi du guide de sécurité de la toupie qui est également à la disposition des salariés, précise expressément qu'avant la mise en marche de la machine avec le guide de toupie parfaitement installé, il y a lieu de vérifier que les quatre pommeaux supérieurs de blocage des baguettes soient bien serrés.

Or c'est malheureusement à cette vérification préalable que Monsieur [R], par inattention ou négligence, a manqué de procéder. De surcroît, il n'a pas utilisé l'entraîneur mécanique dont pourtant l'usage est, autant que possible, recommandé.

L'argument relatif au caractère relativement récent (un an) de l'installation du guide litigieux désormais muni de baguettes métalliques est inopérant dans la mesure où cet équipement a remplacé un dispositif de même type en bois et dans la mesure où Monsieur [R] avait jusque-là fait usage de la machine sans aucun problème.

S'il n'est fait mention d'aucune procédure interne de bonne utilisation du matériel, il résulte des déclarations des autres salariés qu'au sein de l'entreprise, outre la mise à disposition de la documentation, l'échange d'informations sur l'utilisation des machines existe et que les consignes de sécurité sont connues de tous, menuisiers de métier.

Les appelants soutiennent ensuite que leur parent n'a jamais bénéficié de la moindre formation sur les questions de sécurité. Ce moyen doit en l'espèce être écarté en considération de l'expérience et de l'ancienneté de la victime, ouvrier compagnon, dans le métier depuis trente ans et au service de l'entreprise depuis décembre 2006.

Les intéressés évoquent enfin, de façon non probante, une absence de justification aux débats d'une remise effective des équipements de protection individuelle aux salariés, sans expliciter en rien, à supposer d'ailleurs que ce cette suspicion par ailleurs contredite par les déclarations recueillies par les gendarmes soit exacte, quel l'équipement adapté aurait fait défaut, sachant également, s'agissant d'une blessure à la main, qu'une notice de prévention des risques professionnels liés au travail avec les machines à bois transmis par l'employeur souligne la nécessité de s'abstenir de porter des gants anti-coupures près des machines rotatives en fonctionnement dans lesquelles ils pourraient s'accrocher.

En conséquence, c'est avec pertinence que les premiers juges ont retenu que Monsieur [R] était un menuisier expérimenté qui utilisait régulièrement la toupie et en connaissait les dangers, que la vérification du blocage des baguettes coulissantes faisait partie des opérations de réglage habituel avant la mise en marche de la machine et entrait parfaitement dans ses compétences,qu'ils en ont légitimement déduit que l'accident litigieux était imprévisible pour l'employeur de sorte qu'aucune faute inexcusable ne peut être retenue contre lui et qu'il y avait lieu de rejeter les demandes formées par les héritiers de [R] contre la SARL [7].

Le jugement déféré sera donc confirmé en toutes ses dispositions.

Sur les frais irrépétibles et les dépens :

Il ne paraît pas inéquitable de condamner les consorts [R] qui succombent à nouveau à payer leur adversaire, en cause d'appel, la somme de 1 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

De même, ils supporteront les dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, en dernier ressort et par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe de la cour,

DÉCLARE l'appel recevable formé par Madame [T] [X] veuve [R], par Monsieur [W] [R] et par Madame [H] [R],

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

et y ajoutant,

CONDAMNE solidairement Madame [T] [X] veuve [R], Monsieur [W] [R] et Madame [H] [R] à payer à la SARL [7], en cause d'appel, la somme de 1 000 € a sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [T] [X] veuve [R], Monsieur [W] [R] et Madame [H] [R] aux dépens d'appel

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Chambre sociale tass
Numéro d'arrêt : 19/00351
Date de la décision : 01/06/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-06-01;19.00351 ?
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