Chambre civile
Section 2
ARRÊT No
du 9 MARS 2022
No RG 21/00114
No Portalis DBVE-V-B7F-CAEU JJG - C
Décision déférée à la Cour :
Ordonnance Référé, origine Président du TJ d'[Localité 4], décision attaquée en date du 02 Février 2021, enregistrée sous le no 20/00315
S.A.S. RELAIS [F]
C/
[R]
Copies exécutoires délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU
NEUF MARS DEUX-MILLE-VINGT-DEUX
APPELANTE :
S.A.S. RELAIS [F]
prise en la personne de son représentant légal demeurant en cette qualité audit siège
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Marie-Hélène CASANOVA-SERVAS, avocate au barreau d'AJACCIO
INTIMÉE :
Mme [W] [R]
née le [Date naissance 2] 1966 à [Localité 4] ([Localité 4])
[Adresse 5]
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Sarah SENTENAC, avocate au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 6 janvier 2022, devant Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère
GREFFIER LORS DES DÉBATS :
Françoise COAT.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 9 mars 2022.
ARRÊT :
Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Françoise COAT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DES FAITS
Par acte d'huissier du 20 octobre 2020, Mme Marie [R] a fait appeler par-devant le président du tribunal judiciaire d'Ajaccio statuant en référé la S.A.S. Relais [F] aux fins de :
"- dire que la S.A.S. Relais [F] lui cause un trouble anormal du voisinage qui constitue un trouble manifestement illicite et caractérisé par les nuisances olfactives, le risque d'incendie tiré de la présence de la cuve d'huile usée et du stockage anarchique des déchets et les nuisances sonores causées par son activité.
- condamner la S.A.S. Relais [F] à se mettre en conformité avec la réglementation en vigueur qui interdit le stockage de matière inflammable dans un réservoir mobile,
- condamner la S.A.S. Relais [F] à enlever le stockage mobile des matières dangereuses à proximité immédiate de l'habitation de la requérante dans les huit jours de la décision à intervenir,
- ordonner que ce stockage soit effectué dans un endroit clos, hors de la copropriété, qui ne soit pas librement accessible au public,
- dire qu'à défaut d'exécution spontanée, la condamnation devra être assortie d'une astreinte fixée à 400 euros par jours de retard,
- ordonner à la S.A.S. Relais [F] de stocker ses déchets (pneus et batterie usages, dans un endroit clos, hors de la copropriété, qui ne soit pas librement accessible au public),
- ordonner à la S.A.S.- Relais [F] de remettre en état le terre-plein utilisé comme déchetterie,
- dire qu'à défaut d'exécution spontanée, la condamnation devra être assortie d'une astreinte fixée à 400 euros par jours de retard,
- condamner la S.A.S. Relais [F] à réaliser les travaux nécessaires pour remédier aux nuisances sonores constatées,
- juger qu'à défaut d'exécution spontanée, la condamnation devra être assortie d'une astreinte fixée à 400 euros par jours de retard,
- condamner la S.A.S. Relais [F] à lui payer a titre provisionnel la somme de 10.000 € à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis par les troubles anormaux du voisinage,
- condamner la S.A.S. Relais [F] à lui payer la somme de 2.500 € en application des
dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens (comprenant les frais inhérents au procès-verbal de constat du 8 septembre 2020)."
Par ordonnance du 27 octobre 2021, le président du tribunal judiciaire d'Ajaccio a :
"Déclaré recevable l'action de Mme Marie [R],
Écarté 1'exception tirée de la prescription,
Ordonné à la S.A. Relais [F] de libérer les parties communes do l'ensemble immobilier édifié sur la parcelle AO n o[Cadastre 3] des déchets, pneus et batteries usagés, réservoir d'huile qu'elle y stocke sous astreinte de 100 € par jours de retard à compter du 10ème jour suivant la notification de la présente décision,
Condamné la S.A.S. Relais [F] à verser à Mme Marie [R] 1 000 € de provision sur l'indemnisation de son préjudice,
Dit n'y avoir lieu çà référé s'agissant des autres demandes,
Condamné la S.A.S. Relais [F] à verser à Mme Marie [R] l.500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile de provision sur l'indemnisation de son préjudice,
Rappelé que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit en application de l article 514 du Code de procédure civile."
Par déclaration au greffe du 15 février 2021, la S.A.S. Relais [F] a interjeté appel de l'ordonnance prononcée en ce qu'elle a :
"Déclaré recevable l'action de Madame Marie [R]
Écarté l'exception tirée de la prescription
Ordonné à la SAS RELAIS [F] de libérer les parties communes de l'ensemble
immobilier édifié sur la parcelle AO No[Cadastre 3] des déchets pneus et batteries usagés réservoir d'huile qu'elle y stocke sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du 10ème jour suivant la notification de la présente décision
Condamné la SAS RELAIS [F] à verser à Madame Marie [R] 1000 euros de provision sur l'indemnisation de son préjudice
Condamné la SAS RELAIS [F] à verser à Madame Marie [R] 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile de provision sur l'indemnisation de son préjudice
Rappelé que la présente décision bénéfice de l'exécution provisoire."
Par conclusions déposées au greffe le 15 avril 2021, Mme Marie [R] a demandé à la cour de :
"Vu l'article 835 du code de procédure civile.
Vu l'arrêté du 15 avril 2010 relatif aux prescriptions générales applicables aux stations-service
Vu les articles R1336-6 et -7 du code de la santé publique
DÉBOUTER la société RELAIS [F] de l'ensemble de ses contestations.
CONFIRMER partiellement l'ordonnance du 2 février 2021 en ce qu'elle a jugé recevable
Madame [W] [R] dans ses demandes, condamné la société RELAIS [F] à libérer les parties communes de l'ensemble immobilier édifié sur la parcelle AO [Cadastre 3] sous astreinte de 100 euros par jours de retard et condamné la société RELAIS [F] à payer à Madame [W] [R] la somme de 1.000 € à titre de provision à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis.
Au titre des demandes additionnelles :
CONDAMNER la société RELAIS [F] à payer à Madame [W] [R] le somme de 13.200 € pour l'astreinte qui a couru du 18 février 2021 au 30 juin 2021 en application des dispositions de l'ordonnance confirmée.
INFIRMER partiellement l'ordonnance du 2 février 2021 en ce qu'elle débouté Madame [W] [R] du surplus de ses demandes.
Et statuant à nouveau,
JUGER que la société RELAIS [F] cause à Madame [W] [R] un trouble anormal du voisinage qui constitue un trouble manifestement illicite et caractérisé par les nuisances olfactives, le risque d'incendie tiré de la présence de la cuve d'huiles usagées et du stockage anarchique des déchets et les nuisances sonores causées par son activité.
CONDAMNER la société RELAIS [F] se mettre en conformité avec la réglementation en vigueur qui interdit le stockage de matière inflammable dans un réservoir mobile.
CONDAMNER la société RELAIS [F] à enlever le stockage mobile des matières dangereuses à proximité immédiate de l'habitation de Madame [W] [R] dans les huit jours suivants la décision à intervenir.
ORDONNER que ce stockage soit effectué dans un endroit clos, hors de la copropriété,
qui ne soit pas librement accessible au public.
JUGER qu'à défaut d'exécution spontanée, la condamnation devra être assortie d'une astreinte fixée à 400 euros par jours de retard.
CONDAMNER la société RELAIS [F] à réaliser les travaux nécessaires pour
remédier aux nuisances sonores constatées.
JUGER qu'à défaut d'exécution spontanée, la condamnation devra être assortie d'une
astreinte fixée à 400 euros par jours de retard.
Subsidiairement, sur les nuisances sonores, si la Cour ne s'estimait pas suffisamment éclairée, ordonner une mesure d'expertise et désigner à cette fin tel Expert judiciaire qui
lui plaira, lequel aura notamment pour mission de :
- Prendre connaissance de l'ensemble des pièces,
- Convoquer les parties et se rendre sur place,
- Décrire le bruit résultant de l'activité professionnelle de la SAS RELAIS [F]
tel que cela est prévu aux articles R13336-6 et 1333-7 du code de la santé publique,
- Dire si le bruit constitue des nuisances sonores anormales et s'il dépasse les seuils prévus,
- Si oui, préciser les moyens d'y remédier,
- Décrire les préjudices subis par Madame [R],
- Faire toute constatation utile à l'issue du litige.
CONDAMNER la société RELAIS [F] à payer à titre provisionnel à Madame [W] [R] la somme de 10.000 € à valoir sur l'indemnisation des préjudices subis par les troubles anormaux du voisinage.
CONDAMNER la société RELAIS [F] à payer à Madame [W] [R] le somme de 3.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens (comprenant les frais inhérents au procès- verbal de constat du 8 septembre 2020).
Sous toutes réserves"
Par conclusions déposées au greffe le 27 octobre 2021, la S.A.S. Relais [F] a demandé à la cour de :
"IN LIMINE LITIS :
- DÉCLARER nulle la signification de l'ordonnance de référé déféré en date du 08 février
2019
Sur la révocation de l'ordonnance de clôture
- ORDONNER la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 27 octobre 2021 ;
- FIXER la clôture au jour de l'audience de plaidoirie soit au 06 janvier 2022 ;
À TITRE PRINCIPAL :
- ANNULER la décision déférée, l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal judiciaire d'AJACCIO en date du 02 février 2021 ;
À TITRE SUBSIDIAIRE :
- INFIRMER la décision déférée : l'ordonnance rendue par le Président du Tribunal judiciaire d'AJACCIO en date du 02 février 2021 en ce qu'elle a
EN TOUT ÉTAT DE CAUSE ET STATUANT DE NOUVEAU :
À titre principal :
- DÉCLARER irrecevable la demande de Madame [R] à l'encontre de la SAS
RELAIS [F] pour défaut de qualité et d'intérêt à agir ;
- DÉCLARER irrecevable la demande de Madame [R] à l'encontre de la SAS
RELAIS [F] au titre de la prescription ;
Subsidiairement
- DÉCLARER n'y avoir lieu à référé
En tout état de cause,
- DÉCLARER recevables les conclusions d'appelant no2 et 3 de la société RELAIS [F] - DÉBOUTER Madame [W] [R] de toutes ses conclusions, fins et prétentions contraires aux présentes ;
- CONDAMNER Madame [W] [R] à payer à la SAS RELAIS
[F] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
ainsi qu'aux entiers dépens.
SOUS TOUTES RÉSERVES"
Par conclusions déposées au greffe le 27 octobre 2021 à 21 heures 28, la S.A.S. Relais de [F] a demandé à la cour de :
"- ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture en date du 27 octobre 2021 ;
- Fixer la clôture au jour de l'audience de plaidoirie soit le 6 janvier 2021 ;
Sous toutes réserves."
Par ordonnance du 27 octobre 2021, la procédure a été clôturée et fixée à plaider au 6 janvier 2022.
Le 6 janvier 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 9 mars 2022.
La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l'article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.
SUR CE
Pour statuer comme il l'a fait le premier juge a considéré que la qualité de copropriétaire de Mme Marie [R] lui donnait qualité à agir au titre de la défense des intérêts de la copropriété, que ses actions n'étaient pas prescrites, que l'occupation de parties communes par l'appelante constituait un trouble manifestement illicite et occasionnait un préjudice à l'intimée, tout en relevant que cette dernière ne rapportait pas la preuve de la réalité des autres griefs soulevés.
* Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
L'article 802 du code de procédure civile dispose que «Après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office. Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres
accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture. Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption».
En l'espèce, l'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 octobre 2021, la S.A.S. Relais [F] a déposé le même jour deux jeux d'écritures.
L'article sus-visé indique bien que seules les conclusions déposées après l'ordonnance de clôture sont irrecevables. Or, en l'espèce, les conclusions de l'appelante l'ont été le jour même de celle-ci et non après celle-ci et sont, du fait de cette seule chronologie, recevables, l'intimée n'ayant pas fait valoir un dépôt tardif violant le principe du contradictoire pour en demander le rejet
En conséquence, les conclusions de la S.A.S. Relais [F] ayant été déposées dans le respect des dispositifs en vigueur quant à leur chronologie, la demande de révocation présentée est sans objet et doit être rejetée.
* Sur la nullité de la signification de l'ordonnance de référé du 2 février 2021
La S.A.S. Relai [F] fait valoir que la signification de l'ordonnance querellée a été faite irrégulièrement à une personne non habilitée à la recevoir et que l'huissier de justice a manqué à ses obligations de vérification.
Il résulte des pièces du dossier que l'ordonnance de référé a été signifiée le 8 février 2021 par Me [L] [Y], huissière de justice associée à [Localité 4] (Corse-du-Sud), et que celle-ci a indiqué l'avoir signifiée à M. [E] [F], gérant «qui déclare être habilité à recevoir la copie de l'acte».
S'il est vrai que, dans le cadre d'une société par action simplifiée, il n'y a pas de gérant mais un directeur et des associées, l'article 654 du code de procédure civile dispose, notamment pour les personnes morales que «La signification à une personne morale est faite à personne lorsque l'acte est délivré à son représentant légal, à un fondé de pouvoir de ce dernier ou à toute autre personne habilitée à cet effet».
Or, il est constant que dans un tel cas, comme en l'espèce, il n'appartient pas à l'huissier de justice de vérifier la qualité déclarée par la personne à laquelle est remise la copie de l'assignation, celle-ci étant réputée être faite à personne.
Il convient donc de rejeter ce moyen particulièrement inopérant.
* Sur la demande d'annulation de la décision attaquée
la S.A.S. Relais [F] fait valoir que le premier juge a statué extra-petita en allant au-delà de ce qui lui avait été demandé par Mme Marie [R].
Elle précise que le président du tribunal judiciaire d'Ajaccio a statué sur l'occupation par elle-même d'une partie des parties communes de la copropriété alors que son adversaire fondait son action sur le trouble anormal du voisinage subi en raison de son activité de station service, allant même jusqu'à lui accorder une provision sur la base de cette occupation privative de parties communes alors que cela n'était pas sollicité.
Or, il ressort de l'ordonnance elle-même et de la note d'audience établie, dans le cadre dune procédure orale, et signée par la greffière que l'objet du litige portait bien sur l'occupation de parties communes, l'appelante ayant même soulevé l'absence de qualité à agir de la demanderesse pour un litige portant sur celle-ci, et que Mme Marie [R] a sollicité une somme provisionnel de 10 000 euros en réparation des troubles anormaux du voisinage subis.
Il convient donc de rejeter cette demande de nullité.
* Sur l'intérêt à agir de Mme Marie [R]
L'appelante fait valoir que Mme Marie [R] en sa qualité de copropriétaire n'a pas vocation à agir au nom de la copropriété à son encontre en ce qui concerne les parties communes.
Or, il est constant que tout copropriétaire peut agir seul, contre un autre copropriétaire en cas d'empiétement sur les parties communes, sans avoir à justifier de son intérêt à agir.
En l'espèce, il résulte des pièces produites que la S.A.S. Relais [F] dispose d'un contrat de bail commercial portant pour partie sur un fonds inclus dans la copropriété dans laquelle Mme Marie [R] est elle-même copropriétaire ; ainsi, Mme Marie [R], comme le premier juge l'a retenu par une motivation que la cour adopte, a entièrement qualité à agir pour la préservation des intérêts communs du syndicat des copropriétaires.
Ce moyen est rejeté et l'ordonnance querellée confirmée.
* Sur la prescription de l'action intentée
L'appelante estime que l'intimée ayant acheté son bien immobilier le 12 décembre 1996 et l'activité de station service qu'elle exerce ayant commencé bien avant la construction de la copropriété dans laquelle Mme Marie [R] réside, son action est prescrite comme n'ayant pas été exercée dans les cinq ans de son achat.
Or, l'article 2224 du code civil dispose que «Les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû
connaître les faits lui permettant de l'exercer», et Mme Marie [R] fonde son action sur le constat d'huissier de justice établi, par Me [L] [Y] , huissière d e justice associée à [Localité 4], le 8 septembre 2020, alors que son action a été diligentée le 28 octobre 2020, soit bien antérieurement à la date de prescription quinquennale invoquée par l'appelante.
Ce moyen est rejeté.
* Sur les troubles manifestement illicites
Le trouble manifestement illicite se caractérise par toute perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ; cette illicéité suppose la violation d'une obligation ou d'une interdiction préexistante et doit être manifeste.
La charge de la preuve de la réalité du trouble et des fautes dont il résulte repose sur Mme Marie [R].
Celle-ci fonde son action que les constations relevées le 8 septembre 2020 par Me [L] [Y], huissière de justice associée, qui indique dans son procès-verbal :
- sous l'immeuble et sous les fenêtres de Mme [R], situées au premier étage, se trouvent entreposées de manière anarchique un grand nombre de pneus ;
- en dessous des fenêtres de Mme [R] se trouve également une bâtisse bétonnée de style abri, avec à l'intérieur entreposés un nombre incalculable de pneus de toutes sortes ;
- en dessous de l'immeuble ,en dessous des fenêtres de Mme [R], se trouvent un tas d'immondices, vieilles cannettes usagées, vieux emballages de chocolat, etc. ;
- qu'il lui semble que les parties communes de la copropriété sont utilisées à titre de déchetterie par la S.A.S. Relais [F], avec à côté des pneus déjà notés la présence de plusieurs jerricans usagés, ouverts avec des restes notamment d'huiles, ajoutant un peu plus loin, constater que «la station [F] a annexé les parties communes de l'immeuble» ;
- la présence d'une énorme cuve à huile positionnée directement sous une fenêtre de Mme [R], avec des traces d'huile sur le sol, une odeur pestilentielle d'hydrocarbures et d'huiles usagées et le cadavre d'un rat, l'huissière qualifiant le lieu d'insalubre et de véritable déchetterie ;
- la présence aux abords de la poubelle et dans celle-ci d'un tas d'immondices type filtres à huiles, vieux fauteuils de véhicule, avec une odeur pestilentielle d'essence, des traces d'hydrocarbures et d'huiles au sol avec selon elle un risque d'explosion, obligeant Mme [R] à vivre toute la journée et en semaine les fenêtres fermées ;
- la présence en contrebas de l'entrée de l'immeuble, sous les escaliers menant à la porte d'entrée un petit cagibi, partie commune de la copropriété, dans lequel se trouvent des pièces usagées de type vieilles batteries, clous, lampes, etc. , soit, selon elle, des matériels utilisés part une station service ;
- la présence d'une caméra sous la terrasse de Mme [R] fixée sur les parties communes de la résidence ;
- l'obstruction de la totalité des passages derrière la résidence par les déchets, les immondices, cuve à huile, pneus, etc., stockés sur les parties communes par la S.A.S. Relais [F] ;
- un bruit relevé à partir d'une application téléphonique à usage de sonomètre provenant de la station service à 82 décibels pondérés A pendant plus de cinq minutes, pour un bruit habituel de 59 décibels pondérés A, soit 5 décibels au-delà de la norme diurne autorisée, à l'extérieur et de 75 décibels pondérés A dans l'appartement de Mme [R] au lieu de 48 ou 52 décibels pondérés A usuellement, bruit décrit comme assourdissant ne permettant plus de parler pendant au moins cinq minutes ; bruit provenant, selon ses constatations, de l'intérieur du local exploité par la S.A.S. Relais [F] fonctionnant de manière récurrente, Mme [R] signalant qu'elle était obligée de quitter son domicile quand sa voisine met en route sa machine destinée à démonter les pneus et l'huissière de justice une remontée de bruits en provenance de la station service dû à des réparations de véhicules en cours.
Elle termine son constat en précisant qu'il n'y a aucune borne permettant de déterminer les limites séparatives entre les parcelles [Cadastre 3] et [Cadastre 1], estimant toutefois que la S.A.S. Relais [F] avait annexé les parcelles voisines pour son seul usage.
La S.A.S. Relais [F] produit de son côté, faisant valoir que les abords de la copropriété avaient été nettoyés, un procès-verbal de constat, établi le 11 décembre 2020 -soit quatre mois après celui produit par Mme Marie [R] et antérieurement au prononcé de l'ordonnance querellée- par Me [I] [N], huissière de justice suppléante à [Localité 4] (Corse-du-Sud), qui relève à l'arrière de la station service une placette dont la station service a, selon elle, toujours eu la jouissance, placette entretenue, avec un gravier au sol, et une cuve sécurisée destinée au recueil des huiles usagées, cuve propre vidée deux fois par an, un bâti maçonné lieu de stockage des pneus usagés, vidé tous les mois, placette est fermée par des barrières pour des raisons de sécurité. Il n'y a selon l'huissière de justice aucun nuisance olfactive ni sonore, après mise en fonction d'un compresseur dont s'est plainte Mme [R], tant à l'extérieur, en plein air, que dans le garage ou son atelier de réparation ; elle mentionne un bruit intense provenant de vieux climatiseurs positionnés à l'arrière de la copropriété.
La S.A.S. Relais [F] démontre ainsi que les troubles relevés en septembre 2020 ont cessé en décembre 2020 et non pas qu'il étaient inexistants lors du premier constat, ce qui n'est pas identique loin s'en faut.
En effet, dans son constat du 8 septembre 2020, donc en été, l'huissière de justice est claire quant à la réalité des immondices, des odeurs et du bruit ayant tous pour origine l'activité de l'appelante.
La S.A.S. Relais [F], par son constat, réalisé en hiver, pratiquement quatre mois plus tard, justifie de la cessation des troubles relevés mais non de leur inexistence en septembre 2020.
Ces divers troubles dont la réalité n'est pas ainsi contestable, sont de plus anormaux, le bruit relevé dépassant les normes diurnes, les odeurs étant qualifiées de pestilentielles et la présence d'immondices provenant de l'activité de la station service faisant qualifier la placette située en dessous de l'appartement de Mme [R] de déchetterie.
Ainsi, la réalité de ces troubles et leur caractère anormal sont totalement démontrés
En ce qui concerne l'occupation privative de parties communes, pour démontrer son bon droit la S.A.S. Relais [F] produit un extrait du règlement de copropriété duquel il ressort que «2)Les consorts [F] [propriétaires originels du fonds loués à la S.A.S. Relais [F]], s'obligent expressément à ne rien édifier sur une bande de terre ayant sensiblement la forme d'un triangle rectangle, situé sur la parcelle No[Cadastre 1], attenante à la station service et au bâtiment objet des présentes [la résidence dans laquelle habite Mme [R]]. 3)Cette bande de terre ayant une base de six mètres cinquante environ, une hauteur de dix sept mètres environ, et son troisième côté de vingt mètres environ. Les dits Consort [F] ayant la jouissance de cette bande de terre».
Cette clause du règlement de copropriété a été ignorée par le premier juge qui a estimé que la S.A.S. Relais [F] ne justifiait pas de son droit d'usage et encore moins d'une mention expresse du règlement de copropriété, outrepassant les pouvoirs du juge statuant en référé en interprétant une clause controversée du règlement de copropriété sur lequel une des parties se fonde pour argumenter son bon droit.
Il convient donc de réformer l'ordonnance entreprise sur ces points, sans nécessité de prévoir la moindre astreinte, l'appelante justifiant de la cessation des troubles retenus tant en décembre 2020 qu'en juin 2021.
* Sur la réparation du préjudice invoquée par Mme Marie [R]
Mme Marie [R] a subi un préjudice en raison des troubles anormaux relevés du mois de septembre 2020 au mois de décembre 2021.
Depuis lors, il n'en nullement démontré la persistance ou la reprise de ces troubles.
Aussi, sans nécessité de prévoir une expertise judiciaire, il convient à titre de provision de lui allouer la somme de 3 500 euros à ce titre.
* Sur les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
S'il est équitable de laisser à la S.A.S. Relais [F] la charge des frais irrépétibles qu'elle a engagés, il n'en va pas de même pour Mme Marie [R] ; en conséquence, il convient de débouter l'appelante de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer, à ce titre, à l'intimée la somme de 3 000 euros, les frais du procès-verbal de constat d'huissier, qui ne relèvent pas des dépens en application de l'article 695 du code de procédure civile, ayant déjà été rois en compte en première instance dans le cadre des frais irrépétibles alloués.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
Rejette comme étant sans objet, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par la S.A.S. Relais [F],
Infirme l'ordonnance querellée, sauf en ce qu'elle a déclaré recevable l'action de Mme Marie [R], écarté l'exception tirée de la prescription, et condamné la S.A.S. Relais [F] à verser à Mme Marie [R] 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
Rejette les demandes de nullité soulevées,
Au fond, renvoie les parties à mieux se pouvoir et au provisoire,
Déclare n'y avoir lieu à référé en ce qui concerne les demandes portant sur l'occupation des parties communes de la résidence située [Adresse 5], sur la parcelle cadastrée section AO no[Cadastre 3], à [Localité 4] (Corse-du-Sud),
Condamne la S.A.S. Relais [F] à payer, à titre de provision, en réparation des troubles anormaux du voisinage subis du 8 septembre 2020 au 11 décembre 2020 à Mme Marie [R] la somme de 3 500 euros,
Déboute Mme Marie [R] du surplus de ses demandes et notamment de celles portant fixation d'astreintes,
Déboute la S.A.S. Relais [F] de l'ensemble de ses demandes,
Condamne la S.A.S. [F] à payer à Mme Marie [R] la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la S.A.S.. Relais [F] au paiement des entiers dépens, tant ceux de première instance qu'en cause d'appel.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT