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09/03/2022 | FRANCE | N°21/001071

France | France, Cour d'appel de Bastia, 01, 09 mars 2022, 21/001071


Chambre civile
Section 2

ARRÊT No

du 9 MARS 2022

no RG 21/107
no Portalis DBVE-V-
B7F-CADW JJG - C

Décision déférée à la cour :
ordonnance de référé, origine président du tribunal judicaire de Bastia, décision attaquée du 27 janvier 2021, enregistrée sous le no 20/170

COMMUNE DE [Localité 10]

C/

[L]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

NEUF MARS DEUX-MILLE-VINGT-DEUX

APPELANTE :

COMMUNE DE [Localité 10]
pri

se en la personne de son maire en exercice, M. [E] [X],
[Adresse 7]
[Localité 10]

Représenté par Me François FABIANI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMÉ :

M. [O]...

Chambre civile
Section 2

ARRÊT No

du 9 MARS 2022

no RG 21/107
no Portalis DBVE-V-
B7F-CADW JJG - C

Décision déférée à la cour :
ordonnance de référé, origine président du tribunal judicaire de Bastia, décision attaquée du 27 janvier 2021, enregistrée sous le no 20/170

COMMUNE DE [Localité 10]

C/

[L]

Copies exécutoires délivrées aux avocats le

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU

NEUF MARS DEUX-MILLE-VINGT-DEUX

APPELANTE :

COMMUNE DE [Localité 10]
prise en la personne de son maire en exercice, M. [E] [X],
[Adresse 7]
[Localité 10]

Représenté par Me François FABIANI, avocat au barreau de BASTIA

INTIMÉ :

M. [O], [V] [L]
né le [Date naissance 1] 1947 à [Localité 11] (Corse)
[Adresse 9]
[Localité 3]

Représenté par Me Dominique PAOLINI, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 6 janvier 2022, devant Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Jean-Jacques GILLAND, président de chambre
Judith DELTOUR, conseillère
Stéphanie MOLIES, conseillère

GREFFIER LORS DES DÉBATS :

Françoise COAT.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 9 mars 2022.

ARRÊT :

Contradictoire,

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Françoise COAT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DES FAITS

Par acte d'huissier du 2 juin 2020, la commune de [Localité 10] (Haute-Corse) a fait appeler M. [O] [L] par-devant le président du tribunal judiciaire de Bastia statuant en référé aux fins de l'entendre :

"- condamné à libérer le passage d'accès carrossable à la commune de [Localité 10] en ôtant une clôture sous astreinte de 100 € par jour de retard outre l'attribution d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;"

Par ordonnance du 27 janvier 2021, le président du tribunal judiciaire de Bastia a :

"Dit n'y avoir lieu à référé ;

Rejeté l'ensemble des demandes formulées par la commune de [Localité 10] ;

Condamné la commune de [Localité 10] prise en la personne du maire en exercice au paiement des entiers dépens de l'instance ;

Condamné la commune de [Localité 10] prise en la personne du maire en exercice à payer à M. [O] [L], la somme de 2.000 euros (deux mille euros) par application des dispositions de l‘article 700 du Code de procédure civile ;

Rejeté toutes autres demandes ainsi que toutes demandes plus amples ou contraires ;

Rappelé que la présente décision bénéficie de |'exécution provisoire de droit."

Par déclaration au greffe du 10 février 2021, la Commune de [Localité 10] a interjeté appel de l'ordonnance prononcée en ce qu'elle a :

" - dit n'y avoir lieu à référé,

- rejeté l'ensemble des demandes formulées par la commune de [Localité 10],

- condamné la commune de [Localité 10] au paiement des dépens,

- condamné la commune de [Localité 10] à payer à Monsieur [L] la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles,

- rejeté toutes demandes ainsi que toutes demandes plus amples ou contraires."

Par conclusions déposées au greffe le 2021, le 15 octobre 2021, la Commune de [Localité 10] a demandé à la cour de :

"Vu les pièces versées aux débats,

Vu les articles 834 et 835 du Code de procédure civile,

Vu les articles 701 et 2278 et suivants du code civil,
o Réformer l'ordonnance de référé en toutes ses dispositions,

o Constater que la commune dispose d'un droit de passage ancestral pour accéder à la parcelle D [Cadastre 4], sur ou au droit D [Cadastre 2],

o Constater que ce droit de de passage ne doit ni être empêché ni diminué ou rendu plus incommode par les aménagements du propriétaire de la parcelle D [Cadastre 2] quand bien même celui-ci a le droit de se clore,

o Constater en tout état de cause que les limites de propriété ne sont pas établies de façon irréfragable et qu'en l'état aucune nouvelle clôture ne saurait être érigée au-delà des limites historiques, en cours depuis plus de trente ans et près de cent ans,

o Constater que les agissements de Monsieur [L] constituent une voie de fait au préjudice de la concluante,

Statuant à nouveau,

o Ordonner à Monsieur [L] d'avoir à libérer le passage d'accès carrossable au bâtiment communal sis sur la parcelle cadastrée D [Cadastre 5] de la commune de [Localité 10], en ôtant la clôture illégalement érigée par lui-même sur ledit passage ;

o Ordonner à Monsieur [L] la remise en état du site, soit l'enlèvement de la clôture qu'il a édifiée sous astreinte de 100 € par jour de retard ;

o Renvoyer Monsieur [L] à mieux se pourvoir concernant l'étendue et les limites de sa propriété et le droit de se clore ;

o Débouter Monsieur [L] de toutes ses demandes ;

o Condamner Monsieur [L] à verser la somme de 4 500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens qui comprendront le coût du constat d'huissier du 6 juin 2019, soit 549,09 €.

SOUS TOUTES RÉSERVES"

Par conclusions déposées au greffe le 25 octobre 2021, M. [O] [L] a demandé à la cour de :

"Vu les articles 834 et 835 du Code de procédure civile,

Vu les pièces versées au débat,

CONFIRMER l'Ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal Judiciaire de Bastia en date du 27 janvier 2021 en ce qu'elle a jugé n'y avoir lieu a référé ;

CONFIRMER l'Ordonnance rendue par le juge des référés du Tribunal Judiciaire de Bastia en date du 27 janvier 2021 en ce qu'elle a rejeté l'ensemble des demandes formulées par la commune de [Localité 10]

Subsidiairement :

CONSTATER que l'urgence n'est pas caractérisée en l'espèce ;

CONSTATER que le demandeur ne justifie d'aucun dommage imminent ou trouble manifestement illicite permettant le recours à une procédure de référé ;

CONSTATER que Monsieur [L] a réalisé la pose de ce grillage, objet du litige, sur sa propriété, conformément à l'accord de la Collectivité de Corse,

CONSTATER l'absence de motif légitime ;

REJETER l'ensemble des demandes, fins et conclusions présentées par le demandeur a
l'instance qui ne rapporte pas la preuve d'un trouble manifestement illicite ;

À titre infiniment subsidiaire :

CONSTATER les limites de la parcelle section D no[Cadastre 8] appartenant à Monsieur [L] établies par le procès-verbal de bornage de Monsieur [J], géomètre-expert ;

CONDAMNER la commune de [Localité 10] à verser à Monsieur [O] [V] [L] une somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LA CONDAMNER aux entiers dépens.

SOUS TOUTES RÉSERVES"

Par ordonnance du 27 octobre 2021, la procédure a été clôturée et fixée à plaider au 6 janvier 2022.

Le 6 janvier 2022, la présente procédure a été mise en délibéré pour être rendue par mise à disposition au greffe le 9 mars 2022.

La cour, pour plus ample exposé des faits, de la procédure, des prétentions et moyens des parties, fait, en application de l'article 455 du code de procédure civile, expressément référence à la décision entreprise ainsi qu'aux dernières conclusions notifiées par les parties.

SUR CE

Pour statuer comme il l'a fait le premier juge a considéré qu'il n'y avait aucune urgence caractérisée, le trouble dénoncé étant du 6 juin 2019 et l'action intentée le 6 juin 2020, aucun trouble imminent et que l'action reprochée à M. [L] n'était que la résultante de l'exercice de son droit de propriété.

* Sur l'urgence

Le premier juge a considéré que le temps s'étant écoulé entre la réalisation des faits dénoncés en juin 2019 et l'action en référé en juin 2020 ne permettait pas de caractériser l'urgence.

Or, il n'est pas contesté que, dès l'apposition d'un grillage sur l'assiette de la servitude revendiquée par l'appelante, celle-ci par divers biais a tenté une approche à l'amiable aux fins d'aboutir à une solution satisfaisante pour les deux parties -courrier recommandé du 10 juillet 2019, rencontre le 24 août 2019 dans les locaux de la mairie, courrier recommandé daté du 10 septembre 2019, réponse de M. [O] [L] du 5 décembre 2019-, période à laquelle ont succédé le confinement et l'état d'urgence sanitaire en mars 2020, expliquant une action en justice uniquement en juin 2020.

Le fait que l'appelante ait choisi une méthode consensuelle dans un premier temps ne peut lui être reproché, bien au contraire, aussi en application des dispositions de l'article 834 du code de procédure civile, l'urgence étant en l'espèce caractérisée, il y a lieu de recevoir l'action en référé diligentée.

* Sur l'existence d'un trouble imminent et manifestement illicite

Il convient de relever que dans l'acte d'achat de la parcelle incluant le passage litigieux établi le 1er décembre 1986 par Me [V] [W], notaire à [Localité 6], au profit de M. [O] [L], il est mentionné en page 3 que l'acquéreur «souffrira les servitudes +passives, apparentes ou occultes, continues ou discontinues pouvant grever l'immeuble vendu, sauf à s'en défendre et à profiter de celles actives, le tout s'il en existe, à ses risques et périls», acte notarié établissant la réalité d'une servitude discontinue de passage sur le fonds acheté, et ce, quand bien même la dite servitude n'est pas clairement identifiée, l'article 691 du code civil disposant qu'une servitude discontinue telle qu'un droit de passage ne peut trouver, à défaut de rapport de la preuve de l'enclavement, comme en l'espèce, son fondement que dans le titre du fonds servant.

Cependant, l'intimé fait valoir l'absence de trouble imminent et de trouble manifestement illicite, n'ayant fait que jouir de sa pleine propriété en posant un grillage délimitant sa parcelle, vision du litige que le premier juge a adopté à la vue de différentes photographies produites au débat, l'accès à la parcelle de l'appelante n'étant pas, selon lui, empêché.

En l'espèce, il est démontré par les nombreuses attestations produites au débat par la commune de [Localité 10] que, depuis au moins 1930, un accès à la parcelle sur laquelle est édifié un bâtiment communal ayant servi au cours des années d'école primaire, de gîte, de logements communaux pour finalement devenir la salle de réunion de la commune, est possible par l'intermédiaire d'un chemin se trouvant, apparemment, sur la parcelle D [Cadastre 2] et que mention d'une servitude est faite dans l'acte de propriété relatif à ce fonds appartenant actuellement à M. [O] [L]. Ce droit de passage ancien est décrit comme un chemin carrossable en terre battue, actuellement bétonné, et accessible à tous y compris par le bais de véhicules terrestres, telles des voitures automobiles -attestations de M. [D] [A], Mme [M] [Z], Mme [P] [S], M. [R] [C], Mme [G] [I] et M. [K] [Y].

D'ailleurs dans son courrier daté du 5 décembre 2019M. [O] [L] écrit «contrairement à vos dires, l'accès au bâtiment communal, pour les véhicules, pour desservir les locaux, etc....., ne me semble pas indispensable.», reconnaissant ainsi implicitement la réalité de l'accès à la parcelle communale passant par son fonds et l'accessibilité, avant la pose d'un grillage, par celle-ci aux véhicules automobiles, l'accès piéton dépendant, selon lui, uniquement des aménagements que la commune se doit de réaliser.

M. [O] [L], avant que cet arrêté ne soit rapporté le 9 janvier 2020, s'est appuyé pour faire valoir son bon droit sur la permission de voirie du 8 octobre 2019, délivrée par la Collectivité de Corse, l'autorisant à effectuer le renouvellement de sa clôture, -conformément à sa demande selon courrier du 8 septembre 2019- omettant les prescriptions de la page no2 de la dite autorisation qui prévoit en C «l'accès des propriétés riveraines ....demeureront constamment assurés» et dans son article 2 que «La circulation ne devra pas être interrompue» ; notions générales pouvant être appliquées à la servitude de passage revendiquée par la Commune de [Localité 10], comme à la voirie communale.

De plus, dans l'arrêté du 9 janvier 2020 portant retrait de l'autorisation, il a été indiqué que M. [O] [L] «serait tenu de remettre les lieux en leur état initial dès réception du présent arrêté», disposition très claire que l'intimé se doit d'appliquer pour avoir fondé, notamment, la légitimité de son action sur la base de l'arrêté de voirie de la Collectivité de Corse avant son report.

Le fait que, par des photographies du 20 octobre 2021, M. [O] [L] démontre que malgré la pose d'un grillage, et le maintien d'une partie de celui-ci, après création d'une ouverture, un véhicule a pu emprunter le passage qu'il a voulu clôturer, n'est en soit pas suffisant pour justifier de ce qu'il n'y a plus de trouble manifestement illicite, alors que la dite clôture a été édifiée sur la base d'un arrêté qui n'existe plus, que le droit de passage revendiqué par la mairie apparaît être ancien remontant à au moins 1930 et que la Collectivité de Corse, en reportant son arrêté lui a enjoint de remettre les lieux en état, ce qui manifestement n'est pas fait à l'heure actuelle.

Ainsi, en référé, il est manifeste qu'en procédant à la pose d'un grillage empêchant l'exercice d'une servitude de passage revendiquée par le fonds voisin, alors qu'un procédure au fond est en cours, M. [O] [L] a occasionné un trouble manifestement illicite en revenant sur un droit apparemment acquis de l'appelante et figurant dans un acte notarié.

En conséquence, il y a lieu d'infirmer l'ordonnance querellée en toutes ses dispositions et d'ordonner à M. [O] [L] d'ôter la clôture qu'il a érigé et de rétablir le passage, y compris aux véhicules, permettant un accès carrossable à la parcelle D [Cadastre 5] sur laquelle est édifié un bâtiment appartenant au domaine privé de la Commune de [Localité 10].

* Sur la fixation d'une astreinte

Il convient copte tenu de la résistance de M. [O] [L] de prévoir la fixation d'une astreinte de 100 euros par jour de retard dans l'exécution de son obligation de faire, et ce, selon les modalités définies dans le dispositif du présent arrêt.

* Sur les demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

S'il est équitable de laisser à la charge de l'intimé les frais irrépétibles qu'il a engagés, il n'en va pas de même pour l'appelante ; en conséquence, il convient de débouter M. [O] [L] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et d'allouer, à ce titre, à la Commune de [Localité 10] la somme de 5 000 euros en ce compris les frais de constat d'huissier en application de l'article 695 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR,

Infirme l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,

Au fond, renvoie les parties à mieux se pourvoir et au provisoire,

Ordonne à M. [O] [L] de libérer le passage d'accès carrossable, y compris aux véhicules automobiles, à la parcelle D [Cadastre 5] de la Commune de [Localité 10], sur laquelle est édifié un bâtiment communal en ôtant l'intégralité de la clôture qu'il a érigé sur le dit passage,

Fixe à la somme de 100 euros par jour de retard l'astreinte mise à la charge de M. [O] [L] s'il ne respecte pas l'obligation de faire mise à sa charge dans un délai commençant à courir quatre mois après la signification du présent arrêt, et pendant une période de six mois,

Déboute M. [O] [L] et la Commune de [Localité 10] du surplus de leurs demandes,

Condamne M. [O] [L] à payer à la Commune de [Localité 10] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, en ce compris les frais du constat d'huissier qu'il a fait établir,

Condamne M. [O] [L] au paiement des entiers dépens, tant ceux de première instance qu'en cause d'appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : 01
Numéro d'arrêt : 21/001071
Date de la décision : 09/03/2022
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2022-03-09;21.001071 ?
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