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10/07/2019 | FRANCE | N°18/00148

France | France, Cour d'appel de Bastia, 10 juillet 2019, 18/00148


ARRET No
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10 Juillet 2019
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No RG 18/00148 - No Portalis DBVE-V-B7C-BY3Z
-----------------------
K... B... épouse S...
C/
SCA UNION DES VIGNERONS DE L'ILE DE BEAUTE (UVIB)




----------------------Décision déférée à la Cour du :
30 mars 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA
F 16/00282
------------------












COUR D'APPEL DE BASTIA


CHAMBRE SOCIALE




ARRET DU : DIX JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF




APPELANTE :


Madame K... B... épouse S...
[...]
[...]
Représentée par Me Bernadette LECA, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
(bénéficie d'une aide j...

ARRET No
-----------------------
10 Juillet 2019
-----------------------
No RG 18/00148 - No Portalis DBVE-V-B7C-BY3Z
-----------------------
K... B... épouse S...
C/
SCA UNION DES VIGNERONS DE L'ILE DE BEAUTE (UVIB)

----------------------Décision déférée à la Cour du :
30 mars 2018
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de BASTIA
F 16/00282
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX JUILLET DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

Madame K... B... épouse S...
[...]
[...]
Représentée par Me Bernadette LECA, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2018/2431 du 25/10/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)

INTIMEE :

SCA UNION DES VIGNERONS DE L'ILE DE BEAUTE (UVIB) agissant poursuites et diligences de son représentant légal
[...]
Représentée par Me Pierre Henri VIALE, avocat au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 10 juillet 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par M. EMMANUELIDIS, Conseiller, pour le président empêché et par Mme COMBET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Madame K... B... épouse S... a été embauchée par la Société Coopérative Agricole Union des Vignerons de l'Ile de Beauté (S.C.A. U.V.I.B.) en qualité d'assistante qualité, suivant contrat de travail à durée indéterminée à effet du 16 mai 2012, modifié par avenant à effet du 1er janvier 2013, la salariée se voyant confier les fonctions de technicienne qualité statut agent de maîtrise.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale concernant les caves coopératives vinicoles et leurs unions.

Suite à convocation à entretien préalable fixé au 7 avril 2014, Madame K... B... épouse S... s'est vue notifier un licenciement économique par lettre recommandée avec avis de réception envoyée le 3 juillet 2014, l'autorisation de licenciement ayant été accordée par l'Inspecteur du travail le 19 juin 2014.

Madame K... B... épouse S... a saisi le Conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue le 4 novembre 2015, de diverses demandes.

Selon jugement du 30 mars 2018, le Conseil de prud'hommes de Bastia a :

- condamné la S.C.A. U.V.I.B. à verser à Madame K... B... épouse S... les sommes suivantes :
*1027,22 euros à titre de rappel de salaire sur le poste de technicienne qualité,
*637,65 euros à titre de rappel de salaire sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- débouté Madame K... B... épouse S... de ses autres chefs de demande,
- débouté la S.C.A. U.V.I.B. de ses demandes reconventionnelles,
- condamné la S.C.A. U.V.I.B. aux dépens qui seront recouvrés par le Trésor public conformément aux dispositions des articles 124 et suivants du décret du 19 décembre 1991 sur l'aide juridictionnelle.

Par déclaration enregistrée au greffe le 28 mai 2018, Madame K... B... épouse S... a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes formées à titre principal sur l'irrecevabilité des attestations versées par la S.C.A. U.V.I.B., la requalification du poste de technicienne qualité sur le poste de responsable qualité, le reclassement salarial sur le poste de responsable qualité, la fixation de son salaire de référence sur le poste de responsable qualité à la somme en principal de 3030,49 euros, le rappel de salaire de 10139,50 euros en principal, consécutif au reclassement sur le poste responsable qualité, l'indemnisation de la période d'éviction consécutive à l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement sur le poste responsable qualité pour un montant de 32271,66 euros au titre du préjudice matériel et de 18000 euros en réparation de son préjudice moral, le paiement de la somme en principal de 6005,41 euros au titre des indemnités de congés payés afférente à la période d'éviction sur le poste responsable qualité, le paiement de la somme en principal de 1278,28 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement sur la poste responsable qualité, le défaut du motif économique du licenciement, le paiement de la somme en principal de 36365,88 euros au titre du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement sur le poste responsable qualité, le paiement de la somme en principal de 3030,49 euros au titre de l'indemnisation des vices de la procédure de licenciement sur le poste

responsable qualité, le paiement de la somme en principal de 9091,47 euros au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat sur le poste responsable qualité, avec exécution provisoire, mais également de ses demandes subsidiaires sur la fixation de son salaire de référence sur le poste technicienne qualité à la somme en principal de 2849,84 euros, le rappel de salaire de 6127,64 euros sur le poste de technicienne qualité, l'indemnisation de la période d'éviction consécutive à l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement sur le poste technicienne qualité pour un montant de 34760,01 euros au titre du préjudice matériel et de 18000 euros en réparation de son préjudice moral, le paiement de la somme en principal de 5754,24 euros au titre des indemnités de congés payés afférente à la période d'éviction sur le poste technicienne qualité, le paiement de la somme en principal de 1146,11 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement sur la poste technicienne qualité, le défaut du motif économique du licenciement, le paiement de la somme en principal de 34198,08 euros au titre du défaut de cause réelle et sérieuse du licenciement sur le poste technicienne qualité, le paiement de la somme en principal de 2849,84 euros au titre de l'indemnisation des vices de la procédure de licenciement sur le poste technicienne qualité, le paiement de la somme en principal de 8549,52 euros au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat sur le poste de technicienne qualité, et en tout état de cause, sur le paiement de la somme en principal de 18000 euros au titre du préjudice moral consécutif au harcèlement moral, l'anatocisme, l'exécution provisoire, l'article 700 du code de procédure civile, la demande de production forcée sous astreinte de l'original de la fiche de fonction dûment signée technicien qualité, du registre unique du personnel.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 7 janvier 2019 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame K... B... épouse S... a sollicité :
- de juger qu'elle devait être reclassée en catégorie V sur le poste de responsable qualité à compter du 1er décembre 2015,
- de fixer le salaire de référence sur le poste de responsable qualité à la somme de 3028,24 euros,
- de condamner la S.C.A. U.V.I.B. à lui verser un rappel de salaire de 10139,50 euros, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire à procéder à toutes les rectifications subséquentes de tous les documents de fin de contrat,

- après avoir constaté que la période d'éviction illégale s'étalait du 8 septembre 2014 au 1 mai 2016, de condamner la S.C.A. U.V.I.B. à lui verser une somme de 37271,66 euros au titre du préjudice matériel, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire, indemnisation tenant compte du montant des allocations chômage et des indemnités de maladie perçues, ou à défaut de faire application de l'article L1235-4 du code du travail, ainsi qu'une somme de 18000 euros en réparation du préjudice moral, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire, 6005,41 euros au titre de l'indemnité de congés payés, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire, 670,89 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire,
- de dire et juger que licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- de condamner la S.C.A. U.V.I.B. à lui verser les sommes de :
*27055,06 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire,
*au titre du harcèlement moral: 18000 euros en réparation du préjudice moral pour harcèlement moral, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire, 670,89 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire, 27055,06 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire,
*9085,02 euros de dommages et intérêts au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat,

- subsidiairement :
*de condamner la S.C.A. U.V.I.B. à lui verser la somme de 6127,64 euros de rappel de salaire, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire,
*de fixer le salaire de référence sur le poste de technicienne qualité à la somme de 2842,52 euros,
*après avoir constaté que la période d'éviction illégale s'étalait du 8 septembre 2014 au 1 mai 2016, de condamner la S.C.A. U.V.I.B. à lui verser une somme de 34760,01 euros au titre du préjudice matériel, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire, 5754,24 euros au titre de l'indemnité de congés payés pour la période du 8 septembre 2014 au 19 mai 2016, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire, 559,40 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire,

*de juger que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
*de condamner la S.C.A. U.V.I.B. à lui verser les sommes de :
#25582,68 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire,
#18000 euros en réparation du préjudice moral, à laquelle s'ajouteront les intérêts réservés pour mémoire,
#8527,56 euros de dommages et intérêts au titre de la remise tardive des documents de fin de contrat,
- en tout état de cause:
*de condamner la S.C.A. U.V.I.B. à lui verser 1000 euros de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation d'indiquer les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements,
*d'ordonner la capitalisation des intérêts dus,
*de condamner la S.C.A. U.V.I.B. à lui verser la somme de 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entier dépens.

Elle a fait valoir :

- qu'une reclassification dans les fonctions de responsable qualité était justifiée, compte tenu des fonctions réellement exercées à compter du 1er décembre 2012, conformées par la signature de la fiche de fonction "responsable qualité sécurité environnement" le 19 novembre 2012 (seule fiche signée par la salariée, contrairement à celle produite par ‘employeur relative aux fonctions de "technicienne qualité") et de sa désignation compter du 10 janvier 2013 sur l'organigramme et tous les documents de la coopérative en tant que responsable qualité, mais également par le fait qu'elle était la seule salariée de l'entreprise travaillant dans le service qualité et disposait de modalités de travail réservées aux cadres ; que les attestations produites par l'employeur n'étaient pas conforme aux dispositions de l'article 202 du code de procédure civile et donc pas recevables, et de pure complaisance, étant en sus relevé que plusieurs émanent des personnes les plus placées dans la hiérarchie de la coopérative (et contrevenaient ainsi au principe selon lequel nul ne peut se constituer une preuve à soi-même),
- que par suite, un rappel de salaire lui était dû au titre des fonctions de responsable qualité, ou subsidiairement de celles de technicienne qualité correspondant à la catégorie IV niveau 2, échelon confirmé (et non du niveau 1 comme retenu par les premiers juges) puisque les salaires versés étaient inférieurs aux minima prévus par la convention,

- qu'elle avait été victime de harcèlement moral, au travers d'une rétrogradation tant sur ses fonctions que sur les documents de l'entreprise, afin de la pousser à la démission, d'une "placardisation", du refus de lui verser un salaire correspondant à ses fonctions, ayant engendré une dégradation de son état de santé,
- que le licenciement était dès lors nul, lui ouvrant droit de façon cumulative aux indemnités consécutives au harcèlement moral et à la nullité du licenciement,
- que le Tribunal administratif de Bastia avait annulé, par jugement du 25 février 2016, la décision de l'Inspecteur du travail autorisant le licenciement, de sorte qu'elle avait droit à l'indemnisation de l'éviction illégale sur la période du 8 septembre 2014 au 19 mai 2016, à l'indemnité conventionnelle de licenciement, ainsi qu'à l'indemnisation résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse, tenant compte du salaire de base de responsable qualité, ou subsidiairement de celui minimum de technicienne qualité,
- que des dommages et intérêts devaient en outre lui être alloués, en réparation du préjudice subi du fait du non respect par l'employeur de l'obligation d'indiquer les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements,
- que le licenciement était illicite, du fait de plusieurs vices dans la procédure (décision de licencier arrêtée antérieurement à l'entretien préalable, intervention de l'employeur lors de la consultation du comité d'entreprise le 24 avril 2014, défaut de scrutin secret lors du comité d'entreprise du 24 avril 2014) et du fait qu'il ne résultait pas de difficultés économiques rencontrées par la S.C.A. U.V.I.B., en l'absence de lien de causalité entre les procédures d'alerte de 2012 et 2013 et le licenciement, et de l'absence de démonstration de difficultés économiques réelles, la société présentant des résultats largement bénéficiaires,
- que le licenciement sans cause réelle et sérieuse donnait droit à une réparation complémentaire (équivalente en l'espèce à neuf mois de salaire de responsable qualité ou subsidiairement de technicienne qualité) à celle résultant de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement, le licenciement résultant en réalité du refus de l'employeur de procéder au reclassement de la salariée sur le poste de responsable qualité,
- qu'elle avait subi un préjudice conséquent du fait de la remise tardive par l'employeur des documents destinés au Pôle emploi,
- que la capitalisation des intérêts était justifiée.

Aux termes des écritures d'intimée et d'appelante incidente de son conseil transmises au greffe en date du 13 août 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la Société Coopérative Agricole Union des Vignerons de l'Ile de Beauté a demandé :
- de confirmer le jugement rendu en ce qu'il a débouté Madame S... de sa demande de reclassement, d'indemnisation en raison de l'annulation de l'autorisation de licenciement, d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, d'indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement, de sa demande d'indemnisation au titre du harcèlement moral et de la remise tardive des documents, et de l'anatocisme,
- faisant droit à son appel incident, d'infirmer le jugement rendu en ce qu'il l'a condamnée au paiement d'un rappel de salaire sur la poste de technicienne qualité et sur l'indemnité conventionnelle de licenciement,
-s ubsidiairement, de limiter l'indemnisation de Madame S... comme suit :

*s'agissant de l'indemnité pour nullité du licenciement, de la limiter au préjudice matériel subi au cours de la période écoulée entre la date du licenciement et l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation de l'autorisation de licenciement, dont il conviendrait de déduire les indemnités perçues par Madame S...,
*concernant les indemnités conventionnelle de licenciement et de congés payés, de dire et juger que le complément réclamé à la suite de la nullité du licenciement devrait être le cas échéant calculé sur la base de 2191 euros montant du dernier salaire de Madame S...,
- en tout état de cause, de condamner Madame S... aux entiers dépens et à lui verser la somme de 2500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Elle a exposé :

- que la reclassification sur le poste de responsable qualité n'était pas justifiée, compte tenu des fonctions de la salariée (responsabilité du label agroconfiance et réalisation des contrôles qualité) ne correspondant pas à des fonctions d'encadrement, étant observé que la salariée avait reconnu dans ses premières écritures devant le conseil de prud'hommes qu'il n'avait pas été donné suite au projet de nomination à ce titre,

constituant un aveu judiciaire, et que si le terme de responsable qualité avait été utilisé, cela résultait de ce qu'elle était la seule personne dans l'entreprise travaillant dans ce service sous la responsabilité de son supérieur hiérarchique ; que la fiche de fonctions "responsable qualité" avait créée par la seule salariée ; que la salariée ne disposait pas des modalités de travail réservées aux cadres, ni ne faisait partie du comité de direction, que le poste de responsable qualité n'avait pas l'objet de promesse, et la salariée n'avait pas été victime de rétrogradation, ce qui ressortaient des différentes pièces produites, notamment des attestations recevables et ne constitutives d'une preuve à soi-même,
- que le salaire perçu au titre des fonctions de technicienne qualité respectait les minima conventionnels, dépassant même ceux-ci,
- que le licenciement économique était bien fondé, au regard des difficultés rencontrées par l'entreprise (ayant donné lieu à procédure d'alerte et détaillées dans un rapport d'audit), et n'avait été annulé par décision du Tribunal administratif de Bastia du 17 mars 2016 que pour un motif de forme et non de fond (vote du comité d'entreprise sur le licenciement de Madame S... non effectué à bulletin secret), nécessitant une réorganisation et une suppression du poste de Madame S..., et ce licenciement était sans lien avec un refus de demande de reclassification,
- que la salariée n'avait pas demandé à son employeur de connaître les critères du licenciement, de sorte qu'il n'existait pas d'irrégularité, ni de préjudice indemnisable,
- que Madame S... ne tirait aucune conséquence des vices soulevés par ses soins concernant la procédure de licenciement, vices inexistants en réalité,
- qu'en vertu de la décision susvisée du Tribunal administratif, la réalité des difficultés économiques et des efforts de reclassement ne pouvait plus être contestée, et Madame S... ne pouvait prétendre à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse , mais à une indemnité pour nullité du licenciement, correspondant au préjudice subi au cours de la période écoulée entre le licenciement et l'expiration d'un délai de deux mois à compter de la notification de la décision d'annulation de l'autorisation de licenciement, appréciée au regard du dernier salaire et tenant compte des sommes perçues au titre de la maladie ou des allocations chômage; qu'or, la salariée ne justifiait pas des sommes perçues, et devait donc être déboutée de ses demandes,

- que Madame S... avait perçu la somme de 1141,11 euros à titre d'indemnité de licenciement et 4144,28 euros à titre d'indemnité de congés payés et un éventuel complément devrait être calculé sur le base de son dernier salaire, soit 2191 euros, et non un salaire de 3030,49 euros,
- que s'agissant du harcèlement moral, les allégations de la salariée n'étaient établies en aucune manière et n'avaient d'ailleurs pas été retenues par l'Inspecteur du travail lors de sa venue dans l'entreprise, étant en sus observé que Madame S... avait implicitement reconnu la caractère excessif et non fondé de ses accusations lors d'une réunion du 12 février 2014 ; que le juge des référés du Tribunal administratif avait rejetée suivant ordonnance du 16 juillet 2014 la requête de Madame S... en suspension de la décision de l'Inspecteur du travail du 19 juin 2014 au motif notamment qu'elle était victime d'un harcèlement moral de son employeur ; que l'arrêt de travail et courrier du médecin traitant ne pouvaient attester d'un lien de causalité entre l'état de santé du patient et une faute de l'employeur,
- que la demande de dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux n'étaient pas justifiée, Madame S... ayant perçu l'intégralité de ses indemnités chômage et n'ayant pas subi de préjudice, et l'employeur avait satisfait à ses obligations en la matière,
- que la demande de capitalisation des intérêts n'était pas fondée et devait être rejetée.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 2 avril 2019, et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoirie du 14 mai 2019 , où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 10 juillet 2019.

MOTIFS

Attendu qu'au visa des articles 542, 562 et 954 du code de procédure civile, il convient de constater que la Cour d'appel est certes saisie des chefs de jugement critiqués par l'appelante, mais que toutefois cette critique ne tend pas à l'annulation du jugement ou la réformation de chefs du jugement dont la Cour est saisie ;
Qu'en effet, Mme B... épouse S... ne forme, dans ses conclusions adressées à la Cour, aucune demande d'annulation, ou de réformation des chefs du jugement entrepris ;
Que dès lors, la Cour, ne peut statuer sur une annulation ou une réformation des chefs du jugement critiqués par l'appelante principale, sauf à statuer ultra petita ;

Qu'en l'absence de demande d'annulation ou de réformation formée par l'appelante principale, les chefs du jugement critiqués dans l'appel principal (hors ceux visés par l'appel incident) ne peuvent que confirmés, étant rappelé que l'intimée demande la confirmation de la décision appelée, hormis les chefs critiqués dans l'appel incident ;

Attendu que l'appel incident vise à l'infirmation des chefs de jugement relatifs à la condamnation de la S.C.A. U.V.I.B. à verser à Madame K... B... épouse S... les sommes de 1027,22 euros à titre de rappel de salaire sur le poste de technicienne qualité et 637,65 euros à titre de rappel de salaire sur l'indemnité conventionnelle de licenciement ;
Que l'avenant de modification du contrat de travail à durée indéterminée, à effet du 1er janvier 2013, signé entre les parties mentionne l'évolution de Madame B... épouse S... "du poste d'assistante qualité au poste de technicienne qualité, statut agent de maîtrise" ; que suivant la classification de la convention collective applicable, le poste de Madame S... relevait de la catégorie IV TAM et non celle de la catégorie II OEQ ; qu'il n'est par contre pas justifié de l'application du niveau 2 de la catégorie IV au poste occupé par cette salariée, mais celui du niveau 1 ; que dès lors, au regard des dispositions conventionnelles (notamment des différents avenants relatifs aux salaires minimaux applicables sur la période concernée) applicables au poste de Madame B... épouse S..., embauchée dans l'entreprise depuis le 16 mai 2012, et technicienne qualité depuis le 1er janvier 2013, des salaires effectivement perçus par celle-ci, un rappel de salaire sur minimum conventionnel de 1027, 22 euros, somme exprimée nécessairement en brut, lui est dû, comme exactement calculé par les premiers juges ; que le jugement entrepris sera confirmé à cet égard, sous la seule réserve que le montant de la condamnation est exprimé en brut ;
Que s'agissant du rappel sur indemnité conventionnelle, il convient de rappeler que le salarié, dont le licenciement a été prononcé en vertu d'une autorisation ensuite annulée peut obtenir une indemnisation au titre du préjudice lié à la perte de chance d'accroître son ancienneté et d'obtenir une indemnité de licenciement plus importante ; qu'en effet l'éviction de l'entreprise a eu pour effet de stopper l'ancienneté servant au calcul de l'ancienneté au jour de l'expiration du préavis, alors même que l'autorisation de licenciement a été annulée, ce qui signifie que le salarié aurait du rester dans l'entreprise ;

Qu'en l'espèce, compte tenu de l'annulation de l'autorisation administrative de licenciement par jugement du Tribunal administratif de Bastia du 17 mars 2016, la salariée, qui a déjà perçu une indemnité de licenciement de 1146,11 euros lors de la rupture, a droit à un rappel sur indemnité de licenciement, tel que calculé par les premiers juges, son ancienneté devant s'apprécier à l'expiration du délai de deux mois suivant la notification de la décision d'annulation ; que le jugement entrepris sera confirmé à cet égard ;

Attendu que Madame B... épouse S... forme une demande, nouvelle en cause d'appel (au vu des prétentions de la salariée visées par le Conseil de prud'hommes et du dispositif des écritures de première instance transmis par le Conseil de prud'hommes), de condamnation de la S.C.A. U.V.I.B. à lui verser une somme de 1000 euros de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation d'indiquer les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements; que la recevabilité de cette demande n'est contestée, étant observé que l'instance prud'homale a été introduite avant le 1er août 2016 ; qu'il n'est toutefois pas mis en évidence que la salariée a adressé une demande écrite à son employeur tendant à connaître les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, le courrier du 28 janvier 2014 (pièce 9) ne pouvant s'analyser en une telle demande; que dès lors, Madame B... épouse S... sera déboutée de sa prétention de ce chef ;

Attendu que Madame B... épouse S... sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel, à laquelle elle succombe principalement ; que les dépens seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;
Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;
Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, en matière prud'homale, par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe le 10 juillet 2019,

Statuant dans les limites de l'appel,

CONSTATE que la cour n'est saisie d'aucune demande d'infirmation ou de réformation du jugement par le dispositif des écritures de l'appelante principale,

CONFIRME le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Bastia le 30 mars 2018, tel que déféré, en toutes ses dispositions, sous la seule réserve que la condamnation au titre du rappel de salaire sur minimum conventionnel de 1027, 22 euros est exprimée nécessairement en brut,

Et y ajoutant,

DEBOUTE Madame K... B... épouse S... de sa demande de condamnation de la S.C.A. U.V.I.B. à lui verser une somme de 1000 euros de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation d'indiquer les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame K... B... épouse S... aux dépens de l'instance d'appel.
. LE GREFFIER, LE PRESIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Numéro d'arrêt : 18/00148
Date de la décision : 10/07/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-07-10;18.00148 ?
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