ARRET No
-----------------------
29 Mai 2019
-----------------------
R No RG 18/00017 - No Portalis DBVE-V-B7C-BX5C
-----------------------
E... I...
C/
SAS BIANCARDINI CONSTRUCTION
----------------------Décision déférée à la Cour du :
19 décembre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Bastia
F16/00092
------------------
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE SOCIALE
ARRET DU : VINGT NEUF MAI DEUX MILLE DIX NEUF
APPELANT :
Monsieur E... I...
Chez Monsieur D... T...
[...]
Représenté par Me SEBASTIANI, substituant Me Martine CAPOROSSI POLETTI, avocats au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle numéro 2018/000379 du 22/02/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA)
INTIMEE :
SAS BIANCARDINI CONSTRUCTION, prise en la personne de son représentant légal,
[...]
[...]
Représentée par Me SIMONI, substituant Me Dominique PAOLINI, avocats au barreau d'AJACCIO
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 mars 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président
GREFFIER :
Mme POIRIER, lors des débats.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 15 mai 2019 puis prorogé au 29 mai 2019
ARRET
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Monsieur EMMANUELIDIS, conseiller, en remplacement du président empêché et par Mme COMBET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur E... I... a été embauché par la S.A.S. Biancardini Construction en qualité de carreleur, dans le cadre d'une relation de travail à durée indéterminée, à effet du 7 septembre 2009. Dans le dernier état de la relation de travail, le salarié occupait les fonctions de maçon.
La relation de travail entre les parties était soumise à la convention collective bâtiment ouvriers (entreprise occupant plus de dix salariés).
Selon courrier en date du 12 novembre 2015, la S.A.S. Biancardini Construction a convoqué le salarié à un entretien préalable à un licenciement fixé au 23 novembre 2015, avec mise à pied conservatoire et celui-ci s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 30 novembre 2015.
Monsieur E... I... a saisi le Conseil de prud'hommes de Bastia, par requête reçue au greffe du Conseil le 2 mai 2016, de diverses demandes.
Selon jugement du 19 décembre 2017, le Conseil de prud'hommes de Bastia a :
- débouté Monsieur E... I... de l'intégralité de ses demandes,
- débouté la S.A.S. Biancardini Construction, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle,
- condamné Monsieur E... I... aux dépens.
Par déclaration enregistrée au greffe le 25 janvier 2018, Monsieur E... I... a interjeté appel partiel de ce jugement en ce qu'il l'a débouté de l'intégralité de ses demandes (indemnité de préavis : 4 433,22 euros, congés payés sur préavis : 443,32 euros, salaire dû pour la période de mise à pied conservatoire : 1 630,01 euros, congés payés afférents : 136 euros, congés payés de juin 2015 à janvier 2016 : 147,77 euros) et l'a condamné aux dépens.
Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 6 février 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Monsieur E... I... a sollicité l'infirmation du jugement, et statuant à nouveau :
- de condamner la S.A.S. Biancardini Construction à lui verser les sommes suivantes :
4 433,22 euros à titre d'indemnité de préavis,
443,32 euros de congés payés afférents,
1 630,01 euros de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
136 euros de congés payés afférents,
147,77 euros de congés payés de juin 2015 à janvier 2016,
13 299,66 euros de dommages et intérêts,
outre 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il a fait valoir :
- que le reçu pour solde de tout compte n'était pas conforme et n'était pas opposable au salarié,
- qu'il n'était aucunement démontré que le préavis n'était pas dû,
- qu'à défaut pour l'employeur d'avoir retenu une faute grave, il devait régler les salaires correspondant à la mise à pied conservatoire, faute de quoi celle-ci était requalifiée en mise à pied disciplinaire, le licenciement devenant alors injustifié par application de la règle non bis in idem,
- que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse puisque l'employeur avait annoncé au salarié sa décision de le licencier lors de l'entretien préalable, ouvrant droit à des dommages et intérêts,
- que l'intimée n'a pas rapporté la preuve de cotisations auprès de la caisse des congés payés.
Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 30 avril 2018 auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.S. Biancardini Construction a demandé :
- de confirmer le jugement de première instance,
- de débouter Monsieur I... de l'intégralité de ses demandes,
- de condamner Monsieur I... à lui verser une somme de 1 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Elle a exposé :
- qu'en contrepartie de la requalification en faute simple du licenciement par l'employeur, le salarié s'était engagé à ne pas réclamer les indemnités au titre du préavis et salaire afférents à la mise à pied, ce qui avait été confirmé lors de la signature du solde de tout compte, étant rappelé que le salarié comprenait bien le français et avait compris les termes des documents remis,
- que le salarié était d'accord pour une dispense de préavis, étant désireux de quitter la Corse au plus vite,
- que les congés payés avaient été réglés par la caisse de congés payés dont dépendait l'employeur, et auprès de laquelle il cotisait de manière régulière.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 4 décembre 2018, et l'affaire appelée à l'audience de plaidoirie du 15 janvier 2019, où un renvoi a été accordé à l'audience du 12 mars 2019, suite à un mouvement de grève du barreau.
A l'audience du 12 mars 2019, l'affaire a été appelée et mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 15 mai 2019.
MOTIFS
1) Sur les limites de l'appel
Attendu que l'appel interjeté par Monsieur I... est limité aux dispositions du jugement du Conseil de prud'hommes de Bastia l'ayant débouté de l'intégralité de ses demandes et l'ayant condamné aux dépens ;
Que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel ;
Qu'aucun appel incident n'est intervenu ;
Que les autres dispositions du jugement du Conseil de prud'hommes de Bastia du 19 décembre 2017 (tenant au débouté de la S.A.S. Biancardini Construction, prise en la personne de son représentant légal, de sa demande reconventionnelle), non déférées à la Cour, sont devenues irrévocables et il n'y a pas lieu à statuer les concernant ;
2) Sur les demandes principales
Attendu que suivant l'article L1234-20 du code du travail, le solde de tout compte, établi par l'employeur et dont le salarié lui donne reçu, fait l'inventaire des sommes versées au salarié lors de la rupture du contrat de travail ; que la forme du reçu pour solde tout compte est libre, mais la signature du salarié et la mention de la date du reçu sont impératifs ; que le reçu pour solde de tout compte peut être dénoncé dans les six mois qui suivent sa signature, délai au-delà duquel il devient libératoire pour l'employeur pour les sommes qui y sont mentionnées ; que le caractère libératoire du reçu ne vaut que pour ces sommes et, ce, même si son libellé en dispose autrement ; Que la signature d'un reçu pour solde de tout compte, rédigé en termes généraux ou insuffisamment précis, ne peut valoir renonciation du salarié à ses droits, seule une transaction signée après le licenciement et comportant des concessions réciproques, pouvant l'empêcher d'agir ;
Attendu qu'en l'espèce, le formalisme du reçu pour solde de tout compte ne peut être contesté, celui-ci comportant la signature du salarié et la date du reçu ; que les termes du reçu pour solde de tout compte ne permettent pas de retenir l'existence d'une transaction comportant des concessions réciproques, pouvant empêcher le salarié d'agir devant la juridiction prud'homale ; que l'existence d'une transaction préalable n'est pas mise en évidence au travers des autres pièces produites au dossier, notamment le compte-rendu d'entretien préalable rédigé par Monsieur H... ou l'attestation de Monsieur N... ;
Que dans le même temps, il convient de rappeler que seul le licenciement fondé sur une faute grave dispense l'employeur de son obligation de paiement du salaire afférent à la mise à pied ; que dès lors, la S.A.S. Biancardini Construction sera condamnée à verser à Monsieur I... une somme de 1630,01 euros, exprimée nécessairement en brut, à titre de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire, somme dont l'employeur ne conteste pas le quantum ; que le jugement entrepris sera infirmé sur ce point ;
Que s'agissant de l'indemnité compensatrice de préavis, au regard de ce qui précède, une renonciation réciproque n'est pas mise en évidence et la dispense d'exécution est du fait de l'employeur ; que par suite, au vu de l'ancienneté du salarié et des dispositions légales applicables, la S.A.S. Biancardini Construction sera condamnée à verser à Monsieur I... une somme de 4433,22 euros, exprimée nécessairement en brut, à titre d'indemnité compensatrice de préavis, somme dont l'employeur ne conteste pas le quantum ; que le jugement entrepris sera infirmé à cet égard ;
Attendu que concernant les demandes au titre de l'indemnité de congés payés, le salarié ne peut former sa demande contre l'employeur, sauf exception (dont il ne justifie pas), mais uniquement à l'égard de la caisse des congés payés ; que seront donc rejetées les demandes de Monsieur I... de ce chef ; que le jugement entrepris sera confirmé à cet égard ;
Attendu enfin, s'agissant de la demande, nouvelle en cause d'appel, de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont la recevabilité n'est pas contestée (étant rappelé que l'instance prud'homale a été introduite avant le 1er août 2016), il ne se déduit pas des pièces produites aux débats, notamment du compte-rendu d'entretien de Monsieur H..., qu'un licenciement verbal du salarié est intervenu lors de l'entretien préalable ; qu'en outre, il convient de rappeler qu'une décision de licenciement prise au cours de l'entretien préalable ou avant celui-ci ne prive pas le licenciement de cause réelle et sérieuse, mais constitue uniquement une irrégularité de procédure ;
Que Monsieur I... sera donc débouté de sa demande de condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 13299,66 euros de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
3) Sur les autres demandes
Attendu que la S.A.S. Biancardini Construction sera condamnée aux dépens de l'instance, à laquelle elle succombe principalement ; qu'en conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a condamné Monsieur I... aux dépens de première instance ;
Que l'équité ne commande pas de prévoir de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre de l'instance d'appel ;
Que les parties seront déboutées de leurs demandes plus amples ou contraires à ces égards ;
PAR CES MOTIFS
L A C O U R,
Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,
CONSTATE que l'annulation du jugement entrepris n'est pas sollicitée, tandis qu'il n'est pas argué d'une indivisibilité de l'appel,
CONSTATE qu'aucun appel incident n'est intervenu,
DIT dès lors que les dispositions du jugement rendu le 19 décembre 2017 par le Conseil de prud'hommes de Bastia (tenant au débouté de la S.A.S. Biancardini Construction, prise en la personne de
son représentant légal, de sa demande reconventionnelle), qui n'ont pas été déférées à la Cour, sont devenues irrévocables et qu'il n'y a pas lieu à statuer les concernant,
Statuant dans les limites de l'appel,
CONFIRME le jugement rendu par le Conseil de prud'hommes de Bastia le 19 décembre 2017, tel que déféré, sauf en ce qu'il a :
- débouté Monsieur E... I... de ses demandes de condamnation de la S.A.S. Biancardini Construction, à lui verser une somme de 1 630,01 euros de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire et une somme de 4 433,22 euros, à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- condamné Monsieur E... I... aux dépens de première instance,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
CONDAMNE la S.A.S. Biancardini Construction, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur E... I... les sommes de :
1 630,01 euros brut de rappel de salaire sur mise à pied conservatoire,
4 433,22 euros brut d'indemnité compensatrice de préavis,
DÉBOUTE Monsieur E... I... de sa demande de condamnation de la S.A.S. Biancardini Construction à lui verser une somme de 13 299,66 euros de dommages et intérêts, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DÉBOUTE les parties de leurs demandes respectives sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de l'instance d'appel,
CONDAMNE la S.A.S. Biancardini Construction, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'entière instance.
LE GREFFIER LE PRESIDENT