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17/04/2019 | FRANCE | N°17/00361

France | France, Cour d'appel de Bastia, 17 avril 2019, 17/00361


ARRET No 91
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17 Avril 2019
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R No RG 17/00361 - No Portalis DBVE-V-B7B-BXSW
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O... R...
C/
SARL P...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
17 novembre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
16/00290
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COUR D'APPEL DE BASTIA


CHAMBRE SOCIALE




ARRET DU : DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF




APPELANTE :


Madame O... R...
[...]<

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Représentée par Me Philippe GAILLOT-BARTOLI, avocat au barreau d'AJACCIO


INTIMEE :


SARL P..., prise en la personne de son représentant légal,
No SIRET : 478 029 234
[...]
...

ARRET No 91
-----------------------
17 Avril 2019
-----------------------
R No RG 17/00361 - No Portalis DBVE-V-B7B-BXSW
-----------------------
O... R...
C/
SARL P...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
17 novembre 2017
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
16/00290
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : DIX SEPT AVRIL DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

Madame O... R...
[...]
[...]
Représentée par Me Philippe GAILLOT-BARTOLI, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIMEE :

SARL P..., prise en la personne de son représentant légal,
No SIRET : 478 029 234
[...]
[...]
Représentée par Me Sophie HUDEC, avocat au barreau de PARIS et Me Sigrid FENEIS, avocat au barreau d'AJACCIO,en visioconférence depuis AJACCIO,

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 février 2019 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président, faisant fonction de président, chargée d'instruire l'affaire,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 17 avril 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.

***
EXPOSE DU LITIGE

Madame O... R... a été embauchée par la S.A.R.L. P..., en qualité de vendeuse, suivant contrat à durée déterminée du 26 février au 31 mars 2016, prolongé par avenant jusqu'au 15 octobre 2016. Suite à entretien préalable, la salariée s'est vue notifier la rupture du contrat de travail pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception adressée le 6 juin 2016.

Les rapports entre les parties étaient soumis à la convention collective nationale de la boulangerie-pâtisserie.

Madame O... R... a saisi le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio, par requête reçue le 7 novembre 2016 de diverses demandes dirigées contre la S.A.R.L. P....

Selon jugement du 17 novembre 2017, le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
- condamné la Société P..., prise en la personne de son représentant légal, à payer à Madame O... R... les sommes suivantes :
6 993 euros correspondant à la rémunération allant jusqu'à la fin du contrat, soit le 15 octobre 2016,
1 328 euros au titre de l'indemnité de fin de contrat,
1 457 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- débouté Madame O... R... de toutes ses autres demandes,
- débouté la S.A.R.L. P... de sa demande au titre de l'amende civile et aux dommages et intérêts,
- condamné la S.A.R.L. P... aux dépens.

Par déclaration enregistrée au greffe le 15 décembre 2017, Madame O... R... a interjeté appel partiel de ce jugement.

Aux termes des écritures de son conseil transmises au greffe en date du 2 mars 2018, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, Madame O... R... a sollicité :
- de confirmer le jugement rendu sur la rupture abusive de l'employeur et le condamner [mots manquants],
- de condamner en complément l'employeur aux sommes suivantes:
10 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral,
25 000 euros pour harcèlement moral,
10 000 euros pour non-respect par l'employeur de l'obligation de sécurité de résultat pesant sur l'employeur en matière de prévention d'actes de harcèlement moral,
8 836,26 euros pour travail non payé et non déclaré,
10 000 euros pour la non mise en place d'élection de délégués du personnel,
- en tout état de cause de condamner l'employeur à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Elle a fait valoir :
- qu'un appel partiel du jugement rendu avait été interjeté concernant les autres demandes sollicitées par la salariée,
- que la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée était motivée par :
* l'absence de définition précise de motif énoncé dans le CDD et son avenant,
* le renouvellement du CDD qui n'était pas intervenu avant la fin du terme initialement prévu (soit le 31 mars 2016), mais le 1er avril 2016,
- que la requalification conduisait à appliquer à la rupture du contrat les règles afférentes au licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont l'indemnité pour licenciement irrégulier, l'indemnité compensatrice de préavis (équivalente à une semaine de salaire, son ancienneté étant supérieure à quatre mois) et les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu des circonstances de la rupture et de sa situation postérieure,
- que des dommages et intérêts pour préjudice moral devaient lui être alloués, au regard de l'attitude de l'employeur ayant rompu brutalement le CDD dans des conditions vexatoires, lui ayant causé un préjudice direct, la salariée étant à ce jour sans emploi,
- que les documents sociaux ne lui avaient pas été remis, lui causant un préjudice,
- qu'un harcèlement moral était existant, au regard des termes de la lettre de rupture destinée à nuire à son avenir professionnel et portant atteinte aux droits et à la dignité de la salariée, de même que de l'absence de respect d'un délai de prévenance s'agissant des horaires, des horaires effectués de nuit, et de l'attitude plus générale de l'employeur, incluant le paiement aléatoire des heures supplémentaires,

- que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité de résultat s'agissant de la prévention du harcèlement moral,
- que les différentes pièces produites par ses soins démontraient l'existence d'un travail dissimulé, appelant l'allocation d'une indemnité forfaitaire,
- que l'employeur, ayant franchi le seuil de onze salariés, n'avait pas mis en place des instances représentatives du personnel, lui causant un préjudice, puisqu'elle n'avait pu bénéficier de l'assistance d'un délégué du personnel dans le cadre de sa procédure de licenciement,
- que subsidiairement, si la requalification du CDD en CDI n'était pas ordonnée, les motifs énoncés par l'employeur au soutien de la rupture pour faute grave du contrat étaient dépourvus de tout caractère réel et sérieux, justifiant de dommages et intérêts égaux aux rémunérations qu'elle aurait perçues jusqu'au terme du contrat et de dommages et intérêts pour préjudice moral, au regard des circonstances de la rupture et du fait qu'elle était sans emploi à ce jour, outre une indemnité de fin de contrat, une indemnité de congés payés, des dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, de la non mise en place des institutions représentatives du personnel, outre l'indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Par ordonnance d'incident du 6 novembre 2018, le Conseiller de la mise en état a :
- constaté que la déclaration d'appel de Madame O... R... du 15 décembre 2017 n'a pas été régularisée dans les formes,
- rejeté la demande de Madame O... R... tendant à dire l'appel non pourvu de nullité et régularisé par les conclusions de l'appelante,
- déclaré irrecevable la demande de la S.A.R.L. P... tendant à prononcer la nullité de la déclaration d'appel,
- dit n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de la S.A.R.L. P... tendant à :
* constater que l'appel est dépourvu de son effet dévolutif et que la Cour n'est pas saisie sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile, en conséquence, de dire que la Cour n'est pas en mesure de statuer sur les demandes et conclusions de l'appelante,
*ordonner le rejet des pièces de l'appelante qui n'auraient pas été communiquées en cause d'appel et en temps utile pour l'organisation de la défense de l'intimé,
ces demandes relevant de la compétence exclusive de la Cour d'appel statuant au fond,
-déclaré l'appel de Madame O... R... recevable,
-dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de Madame O... R... tendant à dire et juger le litige au fond, demande ne pouvant prospérer au stade de la mise en état,
-débouté les parties de leurs demandes de condamnation sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
-dit que les dépens de l'incident suivront ceux de l'instance au fond,
-rejeté les demandes plus amples ou contraires des parties.

Aux termes des dernières écritures de son conseil transmises au greffe en date du 7 janvier 2019, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens de la partie, la S.A.R.L. P... a demandé :
-à titre principal, in limine litis :
-de constater que l'appel est dépourvu de son effet dévolutif et que la Cour n'est pas saisie sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile ; en conséquence, de dire que le jugement devait être confirmé en toutes ses dispositions,
-subsidiairement, si la Cour estimait que l'effet évolutif de l'appel avait opéré :
*de déclarer recevable l'appel incident de la Société P...,
*d'infirmer le jugement en ce qu'il a considéré que la faute grave n'était pas justifiée et en ce qu'il a condamné la Société P... à verser une indemnité de requalification, les salaires jusqu'à la fin de contrat et une indemnité de congés payés afférents,
*de dire que la faute grave était justifiée et de débouter en conséquence Madame R... de ses demandes,
*de confirmer le jugement rendu en toutes ses autres dispositions,
-au surplus en cause d'appel :
*de condamner, Madame R... sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile à verser :
3 000 euros d'amende civile
5 000 euros de dommages et intérêts à la Société P...,
*de condamner Madame R... à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, outre aux dépens éventuels.

Elle a exposé :
que l'appelante avait procédé à un appel partiel sans aucune indication des chefs du jugement expressément critiqués et qu'aucune régularisation de la déclaration d'appel n'était intervenue dans les trois mois,
- que les conclusions de l'appelante ne répondaient au surplus pas aux exigences de l'article 954 du code de procédure civile, ne comportant pas de paragraphe distinct sur la critique des chefs de jugement,
- que l'appel était dépourvu de son effet dévolutif et la Cour non saisie sur le fondement de l'article 562 du code de procédure civile, de sorte que le jugement devait être confirmé en toutes ses dispositions,
- que subsidiairement :
* la rupture pour faute grave du CDD était fondée, au regard des faits reprochés (ouverture anticipée le 15 mai 2016 de la boutique, sans considération des consignes d'ouverture et de sécurité et attitude déplacée à l'égard de gente masculine, comportement irrévérencieux à l'égard de clients, refus de travail) ayant rendu impossible son maintien dans l'entreprise, faits établis au regard des différentes pièces produites par l'employeur,
* les attestations produites par la salariée étaient soit rédigées par des salariées elle-même en litige avec l'employeur (Mesdames W... et U...), soit par des connaissances proches (notamment son compagnon),
* la demande de requalification du CDD en CDI ne pouvait prospérer, le contrat initial ayant un motif, le renouvellement n'ayant pas été tardif et un délai de carence n'étant pas imposé en matière de contrat saisonniers,
* une éventuelle requalification ne pouvait donner lieu qu'à l'octroi d'une indemnité de requalification d'un mois,
* la salariée, dont l'ancienneté dans l'entreprise était de quelques mois, ne versait aux débats aucune élément permettant d'apprécier du préjudice allégué à l'appui de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* Madame R... ne rapportait aucun fait matériel au soutien du prétendu harcèlement,
* le non-respect du délai de prévenance, qui avait pu survenir parfois en raison des impératifs d'organisation du service, n'était pas une cause de manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, tandis que la santé de la salariée n'avait jamais été remise en cause du fait du travail et aucun harcèlement moral n'était établi,
* étant employée pour un horaire hebdomadaire de 39 heures, elle avait été réglée des heures supplémentaires contractuellement prévues et ne produisait pas de décompte au titre des heures supplémentaires non réglées invoqués, au soutien de sa demande d'indemnité pour travail dissimulé, étant précisé que les bulletins de salaire émis étaient conformes aux horaires effectués,
* les pièces produites s'agissant de l'indemnité pour travail dissimulé réclamée, n'étaient pas probantes,
* les documents produits par l'appelante ne justifient pas d'un dépassement du seuil de déclenchement des instances représentatives du personnel, ni d'un préjudice subi,
- qu'il était légitime de sanctionner Madame R... au titre d'une action en justice abusive et dilatoire.

La clôture de l'instruction a été ordonnée le 8 janvier 2019, avec appel de l'affaire à l'audience de plaidoirie du 12 février 2019, où la décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe le 17 avril 2019.

MOTIFS

1) Sur l'effet dévolutif de l'appel

Attendu que suivant l'article 562 du code de procédure civile l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent ;

Que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ;

Attendu qu'en l'espèce, la déclaration d'appel porte uniquement la mention "appel partiel" ; que l'appel ne tend pas à l'annulation du jugement et il n'est pas argué d'une indivisibilité du litige ; Que l'appelante n'a pas délimité son appel dans l'acte d'appel, en précisant les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, et n'a pas opéré de régularisation de la déclaration d'appel ;

Que l'appel incident de l'intimée n'a été formé qu'à titre subsidiaire (uniquement si la Cour estimait que l'effet évolutif de l'appel avait opéré) ;

Que dès lors, l'effet dévolutif ne peut jouer ; qu'ainsi, la Cour n'est pas saisie des chefs du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 17 novembre 2017 et il n'y a donc pas lieu de statuer les concernant ;

2) Sur les autres demandes

Attendu que l'intimée, qui sollicite, de manière distincte de ses demandes subsidiaires, et au titre de l'instance d'appel, la condamnation de Madame O... R... à verser : 3000 euros d'amende civile et 5000 euros de dommages et intérêts à la Société P..., ne justifie pas de l'existence d'une procédure abusive ou dilatoire de Madame O... R... ;

Qu'elle sera donc déboutée de sa demande à cet égard ;

Attendu que Madame O... R... sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel (en ce compris les dépens de l'incident de mise en état), à laquelle elle succombe, et sera déboutée de sa demande en sens contraire ;

Que l'équité commande de dire n'y avoir lieu à condamnation au titre des frais irrépétibles d'appel, les parties étant déboutées de leurs demandes en sens contraire ;

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

CONSTATE que l'appel interjeté par Madame O... R... est dépourvu d'effet dévolutif,

DIT dès lors que la Cour n'est pas saisie des chefs du jugement rendu par le Conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 17 novembre 2017 et qu'il n'y a donc pas lieu à statuer les concernant,

DEBOUTE la S.A.R.L. P... de sa demande, au titre de l'instance d'appel, de condamnation de Madame O... R... à verser : 3000 euros d'amende civile et 5000 euros de dommages et intérêts à son égard,

DEBOUTE les parties de leurs demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles d'appel,

CONDAMNE Madame O... R... aux dépens de l'instance d'appel (en ce compris les dépens de l'incident de mise en état),

DEBOUTE Madame O... R... de sa demande de condamnation de la S.A.R.L. P... aux dépens de l'instance d'appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Numéro d'arrêt : 17/00361
Date de la décision : 17/04/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-04-17;17.00361 ?
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