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20/02/2019 | FRANCE | N°18/00088

France | France, Cour d'appel de Bastia, 20 février 2019, 18/00088


ARRET No
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20 Février 2019
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R No RG 18/00088 - No Portalis DBVE-V-B7C-BYNI
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Société d'Economie Mixte AIR CORSICA
C/
D... U...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
01 avril 2014
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
F 13/00183
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COUR D'APPEL DE BASTIA


CHAMBRE SOCIALE




ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF




APPELANTE :

>Société Anonyme d'Economie Mixte AIR CORSICA
No SIRET : 349 638 395
[...]
[...]
Représentée par Me Stéphanie LAURENT, avocat au barreau d'AJACCIO, Me Thomas VALERY, avocat au barre...

ARRET No
-----------------------
20 Février 2019
-----------------------
R No RG 18/00088 - No Portalis DBVE-V-B7C-BYNI
-----------------------
Société d'Economie Mixte AIR CORSICA
C/
D... U...
----------------------Décision déférée à la Cour du :
01 avril 2014
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire d'AJACCIO
F 13/00183
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : VINGT FEVRIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTE :

Société Anonyme d'Economie Mixte AIR CORSICA
No SIRET : 349 638 395
[...]
[...]
Représentée par Me Stéphanie LAURENT, avocat au barreau d'AJACCIO, Me Thomas VALERY, avocat au barreau de BASTIA, substituant le CABINET BARTHELEMY, avocat au barreau de NICE

INTIME :

Monsieur D... U...
[...]
[...]
Représenté par Me Antoine LOUNIS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

L'affaire a été débattue le 11 décembre 2018 en audience publique devant la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller,
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président,

qui en ont délibéré

GREFFIER :

Mme COMBET, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 20 février 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre faisant fonction de président et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.

***
Faits et procédure :

D... U... a été engagé le 17 mai 1995 par la SAEM AIR CORSICA en qualité d'agent d'accueil ; il a été promu le 1er avril 1996 au poste de chef de groupe puis, le 14 mai 1998, à celui de superviseur à l'escale de Nice ; en 2004, il était nommé à l'aéroport de Marseille pour seconder le chef d'escale en titre et, par avenant à son contrat de travail en date du 1er juin 2009, il accédait à l'emploi "cadre, chef d'escale adjoint" puis promu le 1er avril 2010 chef d'escale de Marseille.

Le 4 mai 2012, il était convoqué à un entretien préalable à licenciement et se voyait licencié par lettre recommandée avec accusé de réception le 31 mai 2012.

La convention collective applicable est celle du transport aérien : personnel au sol.

M. U... a saisi le conseil de prud'hommes d'Ajaccio le 17 mai 2014 aux fins de voir le licenciement déclaré nul et l'employeur condamné au paiement de diverses indemnités.

Par jugement en date du 1er avril 2014, le conseil de prud'hommes d'Ajaccio a :
- prononcé la nullité du licenciement,
- condamné la SAEM AIR CORSICA à payer à M. U... les sommes suivantes :
100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licen-ciement nul,
5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité,
50 000 euros de dommages et intérêts pour inexécution fautive du contrat de travail,
23 579,96 euros au titre du reliquat de RTT,
2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La SAEM AIR CORSICA a formalisé appel de cette décision le 24 avril 2014 ; pour sa part, M. U... a également formé appel du jugement le 12 mai 2014.

Par arrêt en date du 15 juin 2016, la cour d'appel de Bastia, autrement composée, a :
- déclaré l'appel principal de la SAEM AIR CORSICA et l'appel incident de M. U... recevables,
- au fond, confirmé le jugement en date du 1er avril 2014 du conseil de prud'hommes d'Ajaccio en ce qu'il a reconnu que M. U... avait été victime de harcèlement moral, déclaré nul son licenciement et condamné la SAEM AIR CORSICA à lui payer la somme de 5000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de l'employeur, celle de 23 579,96 euros bruts au titre du reliquat de RTT et la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- y ajoutant, débouté M. U... de sa demande de réintégration dans l'entreprise et de sa demande tendant à ce qu'il soit enjoint à la SAEM AIR CORSICA de lui payer ses salaires à venir,
- dit et jugé que les sommes de 5 000 euros et celle de 23 579,96 euros bruts porteront intérêts au taux légal à compter du 15 mai 2013,
- infirmé pour le surplus le dit jugement et statuant à nouveau,
- condamné la SAEM AIR CORSICA à payer à M. U... la somme de 123 162,04 euros bruts outre intérêts au taux légal à compter du 9 mars 2015 à titre d'indemnité pour perte de rémunération pour la période allant de septembre 2012 à mai 2016,
- condamné la SAEM AIR CORSICA à payer à M. U... la somme de 5 000 euros de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,
- dit que les intérêts échus pour une année entière seront capitalisés et produiront eux-même intérêts au taux légal,
- dit et jugé que toutes les sommes versées en exécution du premier jugement viendront en déduction des sommes dues en exécution du présent arrêt,
- condamné la SAEM AIR CORSICA à payer à M. U... la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par arrêt en date du 14 février 2018, la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt précité mais seulement en ce qu'il a débouté M. U... de ses demandes tendant à sa réintégration et à ce qu'il soit enjoint à la SAEM AIR CORSICA de lui payer ses salaires à venir et condamné la SAEM AIR CORSICA à payer à M. U... la somme de 123 162,04 euros à titre d'indemnité pour perte de rémunération.

La cour de renvoi a été saisie par déclaration de saisine en date du 30 mars 2018 par la SAEM AIR CORSICA.

Aux termes des conclusions de son avocat en cause d'appel, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, la SAEM AIR CORSICA demande à la cour de :
à titre principal,
- constater l'impossibilité de réintégration,
- limiter le montant de l'indemnité compensatrice des salaires non perçus à la somme de 11 423,50 euros,
- débouter M. U... de sa demande d'injonction pour l'avenir,
à titre subsidiaire,
- limiter le montant de l'indemnité compensatrice des salaires non perçus à la somme de 11 423,50 euros,
- limiter la demande d'injonction pour l'avenir en déduisant les revenus de remplacement perçus par M. U... jusqu'à réintégration effective,
à titre plus subsidiaire encore,
- débouter M. U... de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, à tout le moins, la limiter à six mois de salaire,
en tout état de cause,
- condamner M. U... au paiement de la somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens.

Elle fait essentiellement valoir que :
- le licenciement a été fondé et basé sur six griefs distincts,
- M. U... a attendu trois ans pour solliciter sa réintégration, laquelle est matériellement impossible ; outre que M. U... a retrouvé un emploi de directeur de la propreté urbaine et de la logistique à la mairie d'Ajaccio, emploi qu'il occupe toujours, son comportement a été particulièrement préjudiciable au fonctionnement de la société,
- les décomptes de M. U... sont erronés puisque effectués sur une augmentation de coefficient non automatique, incluent la prime de transport pendant les congés payés et une prime erronée de treizième mois pour 2012, et prennent en compte des titres restaurant qui ne peuvent s'apparenter à des salaires et en retient la valeur faciale et non la seule part prise en compte par l'employeur ; il retient également des éléments fictifs (mutuelle, jours fériés, congés payés, RTT),
- l'indemnisation a été excessive, compte tenu de la perception de salaires par M. U... dont il doit justifier ainsi que ses indemnités de chômage ; il a également perçu au moment de son licenciement la somme de 88 772,82 euros qui doit venir en déduction.

Dans ses écritures développées à la barre, M. U... sollicite de voir :
- dire la SAEM AIR CORSICA infondée en son appel,
- dire M. U... bien fondé en son appel incident,
- ordonner sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de l'arrêt à intervenir la réintégration de M. U... dans son emploi avec maintien de ses avantages,
- enjoindre à la SAEM AIR CORSICA sous astreinte mensuelle d'un montant de 4 389,58 euros d'avoir à acquitter le salaire conventionnel dû à M. U... jusqu'à sa réintégration effective,

- dire que la cour se réserve la faculté de liquider les astreintes par elle instituées,
à titre principal,
- condamner la SAEM AIR CORSICA au paiement de la somme de 153 177,78 euros à titre d'indemnité compensant la perte de rémunération pour la période du mois de septembre 2012 au mois de décembre 2018,
à titre subsidiaire,
- condamner la SAEM AIR CORSICA au paiement de la somme de 98 580,90 euros à titre d'indemnité compensant la perte de rémunération pour la période du mois de septembre 2012 au mois de décembre 2018,
- dire qu'à titre d'indemnisation complémentaire, les créances susvisées produiront intérêts au taux légal à compter de la demande en justice avec capitalisation en application des dispositions des articles 1237-1 et 1343-2 du code civil,
à titre très subsidiaire,
- condamner la SAEM AIR CORSICA au paiement de la somme de 200 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement frappé de nullité,
en tout état de cause,
- la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et des entiers dépens.

Il soutient que, son licenciement étant nul, il a droit à sa réintégration, l'entreprise n'établissant pas une impossibilité matérielle avérée et sérieuse d'y procéder ; elle doit lui payer la reconstitution de ses salaires, son salaire actuel étant inférieur à celui qu'il aurait perçu en conservant son poste, et sa rémunération devant comprendre tous les éléments connus, dont les augmentations annuelles ; en outre, il n'a retrouvé un emploi qu'en 2015 et les allocations de retour à l'emploi ne peuvent être assimilées à des revenus professionnels et ne peuvent être prises en compte ; il est actuellement en contrat à durée déterminée dont le terme est fixé au 15 décembre 2018, sans garantie quant à son avenir professionnel.

En cours de délibéré, à la demande de la cour, M. U... a produit le contrat de travail renouvelé conclu entre lui et la commune d'Ajaccio du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2021, le précédent ayant pris fin le 31 décembre 2018 ; par note en délibéré en réplique contradictoire, la SAEM AIR CORSICA fait valoir que la nature pérenne de l'emploi de M. U... est ainsi établie, celui-ci ayant connu, antérieurement à l'audience de plaidoirie, la poursuite des relations contractuelles entre la commune et lui.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'annulation d'un arrêt laisse subsister comme passées en force de chose jugée toutes les parties de la décision qui n'ont pas été attaquées par le pourvoi.

Au vu de l'arrêt de cassation partielle de la Cour de cassation en date du 14 février 2018 et du jugement en date du 1er avril 2014, seules restent dans le débat les questions relatives aux :
- demandes présentées par M. U... aux fins de réintégration et de voir enjoindre à la SAEM AIR CORSICA de lui payer ses salaires à venir,
- la condamnation de la SAEM AIR CORSICA au paiement d'une indemnité pour perte de rémunération.

Les autres dispositions de l'arrêt en date du 15 juin 2016 sont définitives.

Sur la demande de réintégration :

Si la SAEM AIR CORSICA soutient que celle-ci est matériellement impossible, force est de constater qu'elle n'en justifie pas ; en effet, malgré ses développements sur le caractère préjudiciable à l'entreprise du comportement de M. U..., les errements de la relation contractuelle étant rappelés, la réintégration, certes inopportune au regard des circonstances de l'espèce, n'est pas pour autant matériellement impossible ; par ailleurs, le fait pour le salarié d'être entré au service d'un autre employeur n'est pas de nature à le priver de son droit à réintégration. En conséquence, il y a lieu d'ordonner la réintégration de M. U... au sein de l'entreprise, étant rappelé que cette réintégration doit se faire dans l'emploi précédemment occupé ou dans un emploi équivalent, dans le même secteur géographique, en l'espèce Marseille, avec le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière, le salarié réintégré retrouvant ses fonctions et son ancienneté.

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a débouté M. U... de sa demande de réintégration dans l'entreprise.

Si M. U... sollicite que cette réintégration soit assortie d'une astreinte, force est également de constater que celle-ci n'est pas immédiatement possible puisqu'il occupe actuellement un emploi dont il doit au préalable démissionner, en respectant le délai de préavis prévu au contrat, soit en ce qui le concerne un délai de deux mois après démission par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception, le préavis partant nécessairement de la date de réception de cette lettre par l'employeur actuel ; il n'est donc pas fondé à voir ordonner une astreinte à compter de la signification de l'arrêt ; en outre, il ne résulte pas des pièces de la procédure que la société ne procédera pas à sa réintégration effective dès qu'il sera libre de tout autre engagement, en sorte qu'il n'y a pas lieu de prévoir, à ce stade, le prononcé d'une astreinte journalière.

Pour les mêmes motifs, la demande d'astreinte mensuelle d'avoir à acquitter le salaire conventionnel sera en voie de rejet, étant surabondamment observé que, par le biais d'une demande de double astreinte, M. U... tente de contourner la règle de déduction des revenus de remplacement, alors qu'aucun moyen n'est développé à l'appui de cette demande d'injonction pour l'avenir.

Il sera ainsi ajouté au jugement.

Sur l'indemnité compensatrice de la perte de rémunération :

Il est constant que la réintégration du salarié s'accompagne de l'allocation d'une indemnité d'éviction afin de réparer le préjudice subi par le salarié en raison de la perte de salaire subie ; lorsque le salarié réintégré n'était pas un salarié protégé et que la nullité du licenciement n'a pas sanctionné la méconnaissance d'une liberté fondamentale ou d'un droit garanti par la Constitution, il peut prétendre à une indemnisation au titre de la période qui s'est écoulée entre le licenciement et la réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été effectivement privé, et le juge doit donc tenir compte des sommes perçues entre le licenciement et la réintégration effective (salaires provenant d'une autre activité professionnelle, allocations chômage, indemnités journalières de la sécurité sociale, etc.) et les déduire du montant de l'indemnité due par l'employeur, le salarié devant restituer les indemnités de rupture perçues ; enfin, la période d'éviction n'ouvre pas droit à l'acquisition de jours de congés payés ; tel est le cas de M. U... ; celui-ci est d'autant moins fondé à soutenir que seuls ses salaires depuis mai 2015 doivent être pris en considération pour le calcul de cette indemnité qu'il ne donne aucun élément quant à l'origine des revenus de remplacement qui apparaissent sur ses avis d'imposition pour la période antérieure à cette date.

Contrairement, à ce que soutient la SAEM AIR CORSICA, la notion de salaire est définie par le taux personnel, les primes et avantages de toutes natures, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu, le salaire étant constitué par toutes les sommes payées directement ou indirectement, en espèces ou en nature au salarié en raison de son emploi et incluent l'avantage en nature des tickets de restaurant ; le salaire ne comprend en revanche pas le remboursement des frais professionnels ou les sommes versées au titre de l'intéressement ou de la participation ; en conséquence, outre le salaire de base, la prime de treizième mois, la prime de transport et les titres restaurants doivent être inclus dans le calcul de l'indemnité d'éviction.

Il résulte de l'accord d'entreprise en son volet rémunération que, outre les éventuelles augmentations au choix, les augmentations de coefficient sont automatiques au terme de trois années sans augmentation annuelle ; s'agissant du changement indiciaire, le même accord prévoit qu'il n'intervient qu'à la suite d'une modification ou d'une évolution de responsabilité et/ou de fonction ; aucune des parties n'a cru devoir communiquer la grille officielle des salaires et si M. U... soutient qu'une nouvelle grille existe depuis octobre 2013 et que les coefficients 1.074 et 1.093 n'existent plus pour son indice, cela ne résulte d'aucune autre pièce que le décompte qu'il effectue lui-même, l'origine du document produit à cet effet (sa pièce 164) n'étant pas précisée, étant surabondamment relevé que, dans ses écritures sur sa demande d'injonction pour l'avenir, il fait état d'un salaire moyen des trois derniers mois de 4389.58 euros. Au vu des bulletins de salaire produits, le dernier coefficient de M. U..., avant licenciement était de 1.074 depuis le 1er janvier 2012, soit un salaire brut de 4 375,02 euros mensuels, incluant la prime d'ancienneté, le treizième mois, la prime annuelle et l'indemnité de servitude (prime de transport), aucune autre prime ne ressortant des bulletins de salaire produits aux débats mais l'existence de titres de restaurant n'étant pas contestée par l'employeur et devant être retenus pour la part employeur, soit 59,20 euros mensuels ; il était donc en droit de voir relever ce coefficient à celui supérieur, à compter du 1er janvier 2015, soit 1.093 pour un salaire brut mensuel global de 4 438,32 euros.

Toutefois, dans ses écritures et dans son tableau (sa pièce 64), la SAEM AIR CORSICA ne conteste pas les coefficients retenus par M. U... pour le calcul de son salaire, soit le coefficient 1093 dès janvier 2013, 1113 d'octobre 2013 à avril 2014 et 1133 à compter de mai 2014 ; en conséquence, dans le dispositif de ses conclusions, elle reconnaît que les salaires dus à M. U... de septembre 2012 à novembre 2018 inclus s'élèvent à la somme de 353 659,38 euros bruts, incluant l'indemnité de servitude, montant vérifié par la cour au vu des coefficients et du dernier salaire perçu en août 2012 ; à cette somme, il convient d'ajouter le salaire de décembre 2018 (4 545,72), le treizième mois 2018 (4 414,76) et la part employeur sur les titres restaurant (59,20 euros mensuels x 76 mois = 4 499,20 euros), soit 13 459,68 euros ; l'indemnité d'éviction due à M. U... s'élève en conséquence à la somme de (353 659,38 + 13 459,68) : 367 119,06 euros.

M. U... n'a droit ni aux indemnités de rupture ni à celles de préavis qui doivent être déduites de l'indemnité d'éviction, à savoir, ainsi qu'il le reconnaît lui-même, la somme de 88 772,82 euros ; il ne produit pas devant la cour ses déclarations fiscales qui aurait fait apparaître l'origine des sommes perçues autres que ses salaires de la SAEM AIR CORSICA en 2012 ; il ne communique pas non plus le montant des indemnités versées par Pôle emploi, alors que doivent être pris en compte l'ensemble des revenus de remplacement et non pas uniquement les salaires, contrairement à ce qu'il soutient, puisque le salarié dont le licenciement est déclaré nul pour harcèlement et qui demande sa réintégration a droit au paiement d'une somme correspondant à la réparation de la totalité du préjudice subi au cours de la période qui s'est écoulée entre son licenciement et sa réintégration, dans la limite du montant des salaires dont il a été privé, en application des dispositions des articles l.1152-2 et 1152-3 du code du travail.

La cour constate que, dans ses décomptes, M. U... croit pouvoir soustraire des montants bruts que lui doit la SAEM AIR CORSICA les salaires nets perçus dans le cadre de son emploi pour la commune d'Ajaccio, ce qui entache ses calculs d'erreurs flagrantes ; en effet, compte tenu du principe rappelé supra, il convient d'observer la même règle de calcul quelle que soit l'origine des revenus, soit, en l'espèce, les salaires bruts perçus de la mairie d'Ajaccio à déduire des sommes brutes dues par la SAEM AIR CORSICA ; de plus, la cour observe une discordance entre les salaires bruts à compter de septembre 2012 figurant dans son premier tableau (sa pièce 164) et ses derniers décomptes : 4 455,82 euros bruts dans le premier et 4 652,32 euros dans les derniers (pièce 196), sans justificatif sur ce différentiel en sa faveur ; de fait, il résulte du bulletin de salaire d'août 2012, avant son licenciement, que son salaire mensuel brut, toutes primes incluses, était de 4 375,02 euros, soit exactement celui figurant sur le décompte de l'employeur à partir duquel celui-ci a appliqué les mêmes coefficients que le salarié.

En tout état de cause, tous les revenus de remplacement qu'il a perçus doivent venir en déduction, soit, selon ses avis d'imposition et étant observé que ces avis d'imposition ne font état que de revenus imposables et non pas en brut :
- 2 681 euros, d'origine non spécifiée en 2012, en déduisant de son revenu imposable de 56881 euros les salaires perçus jusqu'en août 2018 et les sommes imposables versées dans le cadre de la rupture,
- 26 047 euros en 2013, sans indication sur l'origine de ces revenus,
- 28 550 euros en 2014, avec la même observation,
- 42 359,96 euros en 2015, M. U... ayant retrouvé un emploi le 7 mai 2015 ; de ce fait, pour l'année 2015, il a perçu un salaire brut qui s'est élevé à 32 261,28 euros pour l'année et à 26 470.22 imposables ; compte tenu des revenus imposables déclarés de 33 066 euros, il en résulte en fait un revenu de remplacement de 10 098,40 euros en sus des salaires,
- en 2016, son salaire de remplacement annuel brut a été de 50 656,41 euros puis de 60 180,22 euros en 2017 puis de 4 961,15 euros mensuels en 2018, auquel il convient d'ajouter les primes de transport 2018 (reprises à partir de celles payées en mars 2018) de 1 484,66 euros (742,33 euros x 2), soit 61 018,46 euros.

Son revenu de remplacement total a donc été de 271 493,05 euros auxquels s'ajoutent les 88 772,82 euros versés au moment du licenciement, soit 360 265,87 euros.

En conséquence, il est dû, au 31 décembre 2018, à M. U... au titre de son indemnité d'éviction la somme de (367 119,06 - 360 265,87 euros) : 6 853,19 euros ; toutefois, dans le dispositif de ses conclusions, l'employeur a présenté une offre de solde en faveur du salarié, calculée en fonction d'une extrapolation des revenus de remplacement de M. U..., à hauteur de 11 423,50 euros et, sauf à statuer infra petita, c'est cette somme que la SAEM AIR CORSICA sera condamnée à lui payer, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision qui ordonne la réintégration, s'agissant d'une créance indemnitaire, avec capitalisation pourvu que ces intérêts soient dus pour une année entière.

Il sera ainsi ajouté au jugement.

Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens :

L'équité commande de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens d'appel et de les débouter de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

Vu l'arrêt de la Cour de cassation en date du 14 février 2018, statuant dans les limites de la cassation partielle ordonnée par cet arrêt,

INFIRME le jugement en date du conseil de prud'hommes d'Ajaccio en date du 1er avril 2014 en ce qu'il a condamné la SAEM AIR CORSICA à payer à M. U... la somme de 100 000 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul,

Statuant de nouveau et y ajoutant sur les demandes nouvelles,

ORDONNE la réintégration, par la SAEM AIR CORSICA, d'D... U... dans l'emploi précédemment occupé ou dans un emploi équivalent, dans le même secteur géographique, à savoir celui de Marseille, avec le même niveau de rémunération, la même qualification et les mêmes perspectives de carrière, avec reprise de l'ancienneté au 1er septembre 2012 et paiement du salaire conventionnel à compter de la date de la réintégration,

DIT n'y avoir lieu d'assortir cette réintégration et la reprise du paiement du salaire d'une astreinte,

CONDAMNE la SAEM AIR CORSICA à payer à D... U..., au titre de l'indemnité compensant la perte de rémunération pour la période de septembre 2012 à décembre 2018 inclus la somme de 11 423,50 euros, tenant compte du revenu de remplacement perçu pour la même période,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

LAISSE à chaque partie la charge de ses propres frais et dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Numéro d'arrêt : 18/00088
Date de la décision : 20/02/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-02-20;18.00088 ?
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