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16/01/2019 | FRANCE | N°17/00238

France | France, Cour d'appel de Bastia, 16 janvier 2019, 17/00238


ARRET No
-----------------------
16 Janvier 2019
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R No RG 17/00238 - No Portalis DBVE-V-B7B-BWZE
-----------------------
U... Q... V... D... épouse M..., T... K... R... Z...
C/
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE






----------------------Décision déférée à la Cour du :
04 juillet 2017
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE de BAGNOLET 98824
------------------












COUR D'APPEL DE BASTIA


CHAMBRE SOCIALE




ARRET DU :

SEIZE JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF




APPELANTS :


Madame U... Q... V... D... épouse M... en sa qualité d'ayant droit de sa mère W... D...,
[...]


Monsieur T... K... R....

ARRET No
-----------------------
16 Janvier 2019
-----------------------
R No RG 17/00238 - No Portalis DBVE-V-B7B-BWZE
-----------------------
U... Q... V... D... épouse M..., T... K... R... Z...
C/
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE

----------------------Décision déférée à la Cour du :
04 juillet 2017
FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE de BAGNOLET 98824
------------------

COUR D'APPEL DE BASTIA

CHAMBRE SOCIALE

ARRET DU : SEIZE JANVIER DEUX MILLE DIX NEUF

APPELANTS :

Madame U... Q... V... D... épouse M... en sa qualité d'ayant droit de sa mère W... D...,
[...]

Monsieur T... K... R... Z... en sa qualité d'ayant droit de sa mère W... D...
[...]

Représentés par Me Claudine GIUNTI-MURACCIOLE, avocat au barreau d'AJACCIO

INTIME :

FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE
[...]
Représenté par Me GERBAUD-EYRAUD, substituant Me Alain TUILLIER, avocats au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 octobre 2018 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Mme LORENZINI, Présidente de chambre,
M. EMMANUELIDIS, Conseiller
Mme BETTELANI, Vice-présidente placée près Monsieur le premier président

GREFFIER :

Mme COMBET, Greffier lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2018 puis prorogé au 9 janvier et 16 janvier 2019

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Mme LORENZINI, Présidente de chambre et par Mme COMBET, Greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.

***
Faits et procédure :

W... S... Veuve D... est décédée des suites d'une fibrose pulmonaire ; ses ayants droit, U... et T... D..., ont présenté une demande d'indemnisation au FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE le 11 octobre 2013 ; saisi d'une contestation d'une décision de rejet par les consorts D..., la cour d'appel de Bastia a, par arrêt définitif en date du 8 février 2017, dit fondé le recours des consorts D... et leur demande d'indemnisation ; en suite de cet arrêt, le FIVA a offert des indemnisations que les consorts D... ont refusé ; ces derniers ont saisi la cour d'un recours le 7 septembre 2017.

Aux termes des conclusions no4 de leur avocat, reprises oralement à l'audience de plaidoirie, les consorts D... demandent à la cour de :
- déclarer l'intégralité des demandes formulées par eux et des pièces justificatives jointes dans le délai légal d'un mois à compter de l'appel recevables et bien fondés,
- déclarer irrecevable l'intégralité des pièces produites par le FIVA en dehors du délai légal imparti,
I/ sur l'action successorale :
à titre principal,
- ordonner une expertise sur la base des pièces du dossier médical de Mme feu D... afin d'évaluer le préjudice subi par la défunte avant son décès, récupéré dans sa succession par les consorts D... en qualité d'héritiers,
à titre subsidiaire, pour le cas où par extraordinaire la cour d'appel estimerait avoir suffisamment d'éléments pour statuer sur les préjudices subis par la défunte,
- allouer aux consorts D... au titre de l'action successorale la somme de 1 012.418,70 euros en réparation du préjudice subi par leur

mère avant son décès dans l'attente de la proposition du FIVA sur le déficit fonctionnel temporaire qu'il convient pour l'heure de porter pour mémoire,
- dire que ces sommes porteront intérêts de droit à compter du 7 mars 2005, date du décès,
II/ sur l'action personnelle :
- allouer aux consorts D..., chacun, la somme de 45 000 euros au titre de leur préjudice d'accompagnement,
- allouer à T... D... la somme de 40 000 euros au titre du préjudice moral lié au décès,
- allouer à U... D... la somme de 60 000 euros au titre du préjudice moral lié au décès,
- condamner le FIVA aux entiers dépens ainsi qu'à la somme de 8000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses écritures développées à la barre, le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE demande à la cour de :
- déclarer irrecevables les pièces adverses no 33 à 38 transmises au delà du délai légal imparti,
- dire et juger recevables les pièces déposées par le FIVA par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception du 9 octobre 2017,
sur l'action successorale :
- sur la demande d'expertise médicale : rejeter cette demande adverse, cette dernière n'étant pas fondée,
sur les préjudices patrimoniaux :
à titre principal,
- déclarer irrecevables les demandes formulées au titre du préjudice lié au recours à l'assistance d'une tierce personne, de la prestation de compensation du handicap, du remboursement des frais d'obsèques, du remboursement de frais de soins restés à charge ainsi que du préjudice fonctionnel temporaire,
à titre subsidiaire,
* sur la tierce personne :
- constater que l'existence d'un besoin en tierce personne n'est pas caractérisé du fait de la maladie liée à l'amiante dont W... S... veuve D... était atteinte,
- constater que la partie adverse ne justifie pas des périodes d'hospitalisation subies par W... S... veuve D...,
- rejeter la demande d'indemnisation formulée au titre de la tierce personne,
* sur la prestation de compensation de handicap :
- rejeter cette demande,
* sur le remboursement des frais funéraires :
- constater que les requérants ne produisent pas les éléments justificatifs nécessaires à l'évaluation de ce préjudice,
- rejeter purement et simplement la demande à ce titre,
* sur le remboursement des frais de santé restés à charge :
- rejeter la demande telle que formulée pour mémoire,
* sur le taux d'incapacité et la date de première constatation médicale de la pathologie :
- constater l'accord des parties selon lequel la date de première constatation médicale est fixée au 14 décembre 1998,
- confirmer que l'indemnisation en peut courir qu'à compter de la mise en évidence certaine de la pathologie,
- confirmer les taux d'incapacités tels que retenus par le médecin conseil du Fonds à savoir 40% au 14 décembre 1998 et 100% au 1er juillet 2001,
* sur le préjudice fonctionnel temporaire :
- dire et juger que le préjudice fonctionnel doit être évalué "vie entière" et qu'il n'ya pas lieu de distinguer le déficit fonctionnel temporaire du déficit fonctionnel permanent,
- rejeter la demande d'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire subi par W... S... veuve D...,
* sur le préjudice fonctionnel :
- confirmer les montants de rente retenus par le FIVA, à savoir 5204 euros /an pour un taux de 40% et 19 015 euros /an pour un taux de 100%,
- constater que la maladie de W... S... veuve D... n'a pas été prise en charge au titre de la législation professionnelle,
- confirmer l'offre du FIVA émise dans les présentes pour le préjudice fonctionnel de W... S... veuve D... à hauteur de 83 262.13 euros,
* sur les autres préjudices extra-patrimoniaux :
- confirmer l'offre d'indemnisation du FIVA du 4 juillet 2017 au titre de ces autres préjudices extra-patrimoniaux subis par W... S... veuve D..., à savoir :
préjudice moral : 34 400 euros,
préjudice physique : 17 200 euros,
préjudice esthétique : 1 000 euros,
- confirmer l'offre d'indemnisation émise par le FIVA dans les présentes à savoir 10 000 euros au titre du préjudice d'agrément,
sur les préjudices personnels des consorts D...:
- confirmer l'offre d'indemnisation du FIVA du 4 juillet 2017 pour les préjudices personnels de T... D... du fait du décès de sa mère, soit 8 700 euros,
- confirmer l'offre d'indemnisation du FIVA du 4 juillet 2017 pour les préjudices personnels de U... D... du fait du décès de sa mère, soit 15 200 euros,
- ordonner que les sommes versées par le FIVA à titre de provision amiable soient déduites des sommes dues en exécution de la décision à intervenir,
- rejeter la demande d'intérêts de retard à titre compensatoire formulée,
- débouter les requérants de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures oralement soutenues à l'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande tendant à voir écarter les pièces 33 à 38 des consorts D... :

A l'appui de leur déclaration d'appel reçue au greffe de la cour le 7 septembre 2017, les consorts D... ont produit trente-deux pièces selon le bordereau joint à la déclaration d'appel ; le 5 octobre suivant, soit dans le délai d'un mois, ils ont communiqué six pièces nouvelles, (bordereau portant le tampon de la cour daté du 5 octobre 2017) lesquelles sont en conséquences recevables.

Sur la demande tendant à voir écarter les pièces du FIVA :

Il résulte du dossier de la cour que le FIVA a été informé de l'appel par lettre recommandée avec demande d'accusé de réception émanant du greffe et reçu par le Fonds le 15 septembre 2017 ; celui-ci a adressé ses pièces à la cour le 9 octobre 2017, reçu le 13 suivant, soit dans les délais.

Cette demande sera en voie de rejet.

Sur la recevabilité des demandes qualifiées de nouvelles par le FIVA :
Le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE soutient l'irrecevabilité de plusieurs demandes des consorts D... comme étant présentées pour la première fois devant la cour, à savoir : le préjudice lié au recours à l'assistance d'une tierce personne, la prestation de compensation du handicap, le remboursement des frais d'obsèques et des frais médicaux restés à charge ainsi que le déficit fonctionnel temporaire ; pour leur part, les consorts D... ne se sont pas exprimés sur la recevabilité de ces demandes ; il rappelle qu'aux termes de l'article 53V de la loi no 2000-1257 du 23 décembre 2000, le demandeur ne dispose du droit d'action en justice contre le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE que si la demande d'indemnisation a été rejetée, si aucune offre ne lui a été présentée dans le délai mentionné au premier alinéa du IV ou s'il n'a pas accepté l'offre qui lui a été faite et conclut que le recours suppose une demande préalable d'indemnisation.

Les consorts D... ne contestent pas ne pas avoir présenté de telles demandes au FIVA puisqu'ils soutiennent que celui-ci ne leur

a proposé aucune indemnisation et qu'il lui appartenait de formuler des offres ; toutefois, il leur revenait de préciser les postes de préjudices dont ils sollicitaient indemnisation, étant rappelé que la saisine du FIVA se fait par un formulaire de demande d'indemnisation accompagné des pièces justificatives, le demandeur devant rapporter la preuve des préjudices de toutes natures dont il se plaint.

En l'espèce, les formulaires remplis par T... et U... D... le 20 novembre 2013 ne comportent aucune indication quant aux préjudices invoqués, ceux-ci ne soutenant pas avoir présenté ces demandes sur papiers libres joints aux formulaires.

En application des dispositions de l'article 24 du décret 2001-963 du 23 octobre 2001, la saisine de la cour est limitée à la contestation de l'offre émise par le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE ou de la décision implicite de rejet ; elle ne peut donc statuer que sur les seuls préjudices pour lesquels le FIVA a été régulièrement saisi préalablement et mis en mesure d'étudier la demande et de notifier sa décision, étant rappelé que ces préjudices n'étaient pas plus sollicités devant la cour lors de l'instance ayant conduit à la reconnaissance de l'exposition à l'amiante et du droit à indemnisation par arrêt de la présente cour en date du 8 février 2017, alors que le médecin conseil du Fonds a procédé à l'analyse des documents médicaux dans le cadre des demandes qui avaient été présentée.

En conséquence, les demandes en indemnisation portant sur le préjudice lié au recours à l'assistance d'une tierce personne, la prestation de compensation du handicap, le remboursement des frais d'obsèques et des frais médicaux restés à charge ainsi que le déficit fonctionnel temporaire seront déclarées irrecevables.
À titre surabondant, il sera rappelé que, dans le cadre de l'indemnisation de l'incapacité fonctionnelle, l'évaluation est globale sans distinction de préjudices temporaires ou permanents, compte tenu du caractère évolutif à long terme de la pathologie ; de même, l'allocation de la prestation de compensation n'est pas de la compétence du FIVA ou de la cour sur appel d'une décision du Fonds mais de celle du département.

Il sera également surabondamment constaté que les consorts D... ne présentent aucune demande spécifique au titre des frais et soins restés à charge, présentant dans leur dispositif une demande globale sans détail de chiffre.

Sur le fond :

W... S... épouse D... est décédée le [...] ; de son vivant, elle n'a jamais présenté de demande en reconnaissance

d'une pathologie liée à l'amiante ni en indemnisation par le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE et ce n'est que bien postérieurement que ses héritiers ont saisi le FIVA de différentes demandes en indemnisation des préjudices de leur auteur ainsi que de leurs préjudices personnels, en 2013.

L'attestation de U... D... épouse M... ne sera pas retenue, celle-ci étant partie à l'instance et ne pouvant se constituer des preuves à elle-même.

Sur la demande d'expertise :

Les consorts D... soutiennent qu'une expertise s'impose, s'agissant d'un dossier ayant conduit au décès de la victime, et que cette mesure seule est de nature à leur permettre de chiffrer précisément leurs préjudices, n'ayant pas de compétences particulières dans le domaine médical, tout en affirmant que l'offre du FIVA ne couvre pas l'intégralité des dits préjudices et que l'expertise sur dossier est usuelle en pareille circonstance.

Il convient de rappeler qu'une mesure d'expertise ne saurait pallier l'insuffisance d'une partie à apporter l'administration de la preuve de ses préjudices ; en l'espèce, ainsi que le fait valoir le FIVA, les éléments communiqués à la cour sont suffisants pour apprécier la réalité et l'importance des préjudices d'W... S... veuve D... dont l'indemnisation est sollicitée alors que les parties s'accordent sur la pathologie dont celle-ci était atteinte, à savoir une fibrose pulmonaire, considérée comme liée à une exposition à l'amiante par arrêt définitif de cette cour en date du 8 février 2017, étant constaté en outre qu'à l'occasion de cette instance aucune demande indemnitaire n'avait été formulée à la cour.

Cette demande sera en voie de rejet.

Sur les demandes indemnitaires au nom de W... S... veuve D... :

- Sur le préjudice fonctionnel :

Il convient de rappeler que, s'agissant du mode de calcul de l'incapacité fonctionnelle, l'indemnisation par le FIVA ne peut faire de distinction de préjudices temporaires ou permanents compte tenu du caractère évolutif de la maladie à long terme, l'incapacité fonctionnelle recouvrant la réduction du potentiel quelqu'il soit, compte tenu de l'obligation du Fonds de garantie de présenter une offre d'indemnisation même en l'absence de consolidation de la victime.

En l'espèce, le FIVA a présenté une offre d'indemnisation en tenant compte de l'avis des médecins conseils, lesquels ne sont pas utilement combattus par les prétentions adverses qui se bornent à solliciter une expertise et à chiffrer à 3200 euros le point en invoquant la dégradation de l'état de santé de W... S... veuve D..., sans évoquer les autres pathologies dont celle-ci était atteinte dont notamment des problèmes cardiaques ; de même, le constat de l'asbestose le 6 mai 1998 ne permet pas en soi, en l'absence d'éléments médicaux objectifs, de retenir un taux à 100% à compter de cette date alors que le certificat du docteur H... du 6 mai 1998 fait état d'une toux permanente mais d'un déficit restrictif modéré et qu'aucune pièce médicale n'est communiquée entre cette date et les examens de juin 2001, étant observé que le FIVA propose un taux de 100% à compter du 2 juillet 2001 et de 40% au 14 décembre 1998.

En conséquence, l'indemnisation proposée par le FIVA sera retenue et les consorts D... déboutés du surplus de leurs prétentions à ce titre.

Il n'y a pas lieu à actualisation de la rente, dans la mesure ou, de son vivant, W... S... veuve D... n'avait saisi le FIVA d'aucune demande et que ses héritiers ont attendu 2017 pour présenter des demandes chiffrées ; de même, il ne sera pas fait droit à la demande en intérêts de droit à compter du 7 mars 2005, le FIVA ne pouvant supporter la carence des consorts D... dans le délai apporté à présenter demande.

- sur les autres préjudices :

S'agissant du préjudice esthétique, la perte de poids ne peut, en l'état des éléments au dossier, être imputée à la pathologie et il convient de relever un sur-poids initial tel que constaté dans les certificats médicaux ; en revanche, il est constant que W... S... veuve D... a été dépendante d'un appareillage d'oxygénothérapie, source d'un préjudice esthétique, lequel sera réparé par l'allocation de la somme de 3000 euros, l'offre du FIVA n'étant pas retenue.

Quant aux souffrances physiques, il est constant que W... S... veuve D... a souffert de dyspnée, caractérisant une véritable douleur au delà du seul déficit fonctionnel justifiant de l'allocation de la somme de 20 000 euros à ce titre, l'offre du FIVA n'étant pas retenue.

S'agissant du préjudice moral, le préjudice d'anxiété allégué est une des composantes de ce préjudice ; il n'est pas discuté que la maladie s'est déclarée en 1998 ; les consorts D... ne sont pas contredits lorsqu'ils affirment que le frère de W... S... veuve

D... était décédé des suites d'une exposition aux poussières d'amiante et que cette dernière ne pouvait qu'avoir conscience des risques mortels induits par l'exposition aux poussières d'amiante ; elle a présenté un état dépressif important, ravivé par les nombreux examens médicaux, sa tristesse et son asthénie étant régulièrement relevés dans les comptes rendus de suivi médical ; il sera alloué la somme de 50 000 euros à ce titre, l'offre du FIVA n'étant pas non plus retenue.

Il n'est fait état d'aucune activité d'agrément spécifique commandant d'allouer une indemnité supérieure à celle proposée par le FIVA, laquelle sera retenue, à savoir la somme de 10 000 euros.

Sur les préjudices des ayants droit à titre personnel :

Contrairement à ce que soutiennent les consorts D..., le préjudice moral de l'ayant droit est lié au décès et à l'accompagnement de la victime ; en conséquence, une seule indemnisation est dûe.
S'agissant de U... D... épouse M... qui s'est installée avec sa famille chez sa mère au décès de son père, elle a assisté à la dégradation de l'état de santé de sa mère au quotidien ainsi qu'aux difficultés de celle-ci et l'a accompagnée dans ses hospitalisations et jusqu'à son décès, la cohabitation depuis de nombreuses années ayant nécessairement créé des liens étroits entre la mère et sa fille ; W... S... veuve D... est décédée à l'âge de quatre-vingt trois ans ; il lui sera alloué la somme de 25 000 euros en indemnisation de son préjudice moral incluant le préjudice d'accompagnement, l'offre du FIVA n'étant pas retenue.

S'agissant de T... D..., il ne résulte d'aucune pièce du dossier qu'il ait été particulièrement présent auprès de sa mère pendant le temps de sa maladie, alors qu'il vivait sa propre vie ; toutefois, compte tenu du temps écoulé entre la découverte de la pathologie et le décès, il a assisté à la dégradation de l'état de santé de W... S... veuve D... et a subi son décès, certes à un âge avancé ; il lui sera alloué la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral, incluant le préjudice d'accompagnement, l'offre du FIVA n'étant pas retenue.

Sur les demandes formées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile :

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge des parties les frais non remboursables engagés dans l'instance alors que le Fonds de garantie a pleinement rempli sa mission d'offre d'indemnisation même si le montant a été judiciairement réévalué.

En application des dispositions de l'article 31 du décret no 2001-963 du 23 octobre 2001, les dépens sont à la charge du FIVA.

PAR CES MOTIFS

L A C O U R,

Statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition au greffe,

DÉCLARE RECEVABLES les pièces 33 à 38 des consorts D...,

DÉCLARE RECEVABLES les pièces du FIVA,

DÉCLARE IRRECEVABLE les demandes en indemnisation du préjudice lié au recours à l'assistance d'une tierce personne, de la prestation de compensation du handicap, du remboursement des frais d'obsèques et des frais médicaux restés à charge ainsi que du déficit fonctionnel temporaire,

ALLOUE à U... et T... D... les sommes suivantes :

- au titre des préjudices subis par W... S... veuve D... :
83 262,13 euros au titre du préjudice fonctionnel,
3 000 euros au titre du préjudice esthétique,
20 000 euros au titre des souffrances physiques,
50 000 euros au titre du préjudice moral,
10 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

- au titre des préjudice des ayants droit à titre personnel :
25 000 euros à U... D... épouse M... au titre de son préjudice moral et d'accompagnement,
10 000 euros à T... D... au titre du même préjudice,

DIT que les sommes éventuellement versées par le FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE à titre de provision amiable seront déduites des sommes dues en exécution du présent arrêt,

REJETTE la demande d'expertise présentée par U... et T... D...,

REJETTE les demandes en actualisation de la rente et en intérêts au taux légal à compter du 7 mars 2005, date du décès d'W... S... veuve D...,

DÉBOUTE les consorts D... de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

DIT que les dépens resteront à la charge du FONDS D'INDEMNISATION DES VICTIMES DE L'AMIANTE.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Numéro d'arrêt : 17/00238
Date de la décision : 16/01/2019

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2019-01-16;17.00238 ?
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