Ch. civile Section 2
ARRET No
du 24 JANVIER 2018
R.G : 16/00863 CL - C
Décision déférée à la Cour :
Jugement Au fond, origine Tribunal de Grande Instance de BASTIA, décision attaquée en date du 11 Juillet 2016, enregistrée sous le no 15/00339
X...
C/
Y...
CONSEIL DE L'ORDRE PROFESSIONNEL DES MEDECINS
Grosses délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
VINGT QUATRE JANVIER
DEUX MILLE DIX HUIT
APPELANT :
Me Bernard X...
ès-qualités de liquidateur judiciaire de Monsieur Christian Y..., désigné à ses fonctions par ordonnance du tribunal de grande instance de BASTIA du 18 janvier 2016, en remplacement de Me Pierre-Paul D... lui-même précédemment désigné à ces fonctions par jugement du tribunal de grande instance de BASTIA du 9 mars 2015, ouvrant la procédure de liquidation à l'égard de Monsieur Christian Y...
[...]
[...]
ayant pour avocat Me Claude A..., avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
M. Christian Y...
né le [...] à PORT-LIAUTEY (MAROC)
[...] - [...]
assisté de Me Jean Michel B..., avocat au barreau de BASTIA
CONSEIL DE L'ORDRE PROFESSIONNEL DES MEDECINS
En qualité de contrôleur, représenté par son président ès-qualités domicilé audit siège
[...]
[...]
défaillant
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 05 octobre 2017, en audience publique, Mme Christine LORENZINI, Président de chambre, ayant fait le rapport prescrit par l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Mme Christine LORENZINI, Présidente de chambre
Mme Françoise LUCIANI, Conseiller
Mme Judith DELTOUR, Conseiller
qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 24 janvier 2018.
MINISTERE PUBLIC :
Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée le 02 février 2017 et qui a fait connaître son avis, dont les parties ont pu prendre connaissance.
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Mme Christine LORENZINI, Présidente de chambre, et par Mme Marie-Jeanne ORSINI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Par jugement en date du 9 mars 2015 le tribunal de grande instance de Bastia a prononcé la liquidation judiciaire de M. Christian Y..., médecin, et désigné Me Pierre E... en qualité de
mandataire liquidateur. Ce dernier a déposé son rapport le 8 décembre 2015 indiquant que la procédure pouvait être clôturée pour insuffisance d'actif. Le juge commissaire a remis son rapport le 10 décembre 2015. Le ministère public a donné un avis favorable au prononcé de la clôture.
Le 18 janvier 2016, le tribunal de grande instance de Bastia a, au visa des articles L643-9 et R643-16 du code de commerce, prononcé la clôture pour insuffisance d'actif des opérations de liquidation judiciaire de M. Christian Y..., dit que le liquidateur procéderait à la reddition des comptes conformément aux dispositions de l'article L643-10 du code de commerce, ordonné les mesures de publicité légales, en application des dispositions des articles R643-18 et R621-8 du code de commerce.
Sur requête de M. Pierre E... , cessant ses activités professionnelles et demandant que les mandats qui lui avaient été confiés soient transmis à son successeur, M. Bernard X... a, par ordonnance du même jour que le jugement ci-dessus, été désigné pour le remplacer dans la procédure concernant M. Christian Y....
Le jugement de clôture n'a pas été frappé d'appel.
Par requête du 16 mars 2016 M. Bernard X..., liquidateur, a saisi le tribunal de grande instance de Bastia d'une demande de réouverture de la procédure de liquidation judiciaire clôturée le 18 janvier 2016 en application des dispositions de l'article L643-13 du code de commerce.
Par jugement réputé contradictoire du 11 juillet 2016, le tribunal de grande instance de Bastia a débouté M. Bernard X... de sa demande et laissé les dépens à sa charge.
M. Bernard X... a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe enregistrée le 28 octobre 2016.
Par ses écritures communiquées par voie électronique le 31 janvier 2017, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses prétentions et moyens, M. Bernard X... demande à la cour:
- d'infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
- ordonner la réouverture de la procédure de liquidation judiciaire et la distribution des actifs,
- dire les dépens frais privilégiés de procédure.
Il expose qu'un actif immobilier appartenant au débiteur a été réalisé pour la somme de 37 745,77 euros avant la clôture de la procédure par Me D... , mais que le prix n'a pas été distribué par son prédécesseur et est toujours en attente de répartition.
Il soutient qu'une fois la clôture intervenue le liquidateur ne peut plus procéder à quelque opération que ce soit, sauf si la procédure est rouverte en application de l'article L643-13 du code de commerce, ce qui emporte rétractation du jugement de clôture et effacement de ses effets, de sorte que le liquidateur est rétabli dans ses pouvoirs et peut procéder à l'opération de répartition.
Par ses écritures communiquées par voie électronique le 26 décembre 2016, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet de ses prétentions et moyens, M. Christian Y... demande à la cour, au visa de l'article 643-13 du code de commerce, de l'article 122 du code de procédure civile et de l'article 1240 du code civil de :
- déclarer Me Bernard X... irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir et pour contradiction au détriment d'autrui,
- dire les dispositions de l'article 643-13 du code de commerce inapplicable à l'espèce,
- débouter Me Bernard X... de ses demandes,
- condamner Me Bernard X... à payer à M. Christian Y... la somme de 10 000 euros pour procédure abusive,
- condamner Me Bernard X... à payer à M. Christian Y... la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens.
Il fait valoir que lorsque Me Bernard X... a été désigné en qualité de successeur de Me Pierre E... , M. Christian Y... ne faisait plus l'objet d'une procédure collective et le jugement
querellé mettait fin aux fonctions de Me Pierre E... en qualité de liquidateur. A compter du 18 janvier, Me Bernard X... ne peut prétendre avoir été désigné en lieu et place du précédent liquidateur.
M. Christian Y... soutient en outre qu'à la date de la demande de réouverture de la liquidation, les parties se trouvent exactement dans la même situation que celle dans laquelle elles se trouvaient avant le prononcé de la clôture de liquidation pour insuffisance d'actif, et aucune circonstance nouvelle n'est intervenue. Me Bernard X... se contredit en sollicitant la réouverture d'une procédure dont il a lui-même sollicité la clôture.
Selon M. Christian Y..., l'article 643-13 ne peut recevoir application que si des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées, et Me Bernard X... cherche à se défausser de sa responsabilité professionnelle sur le débiteur. Sa demande se heurte à l'autorité de la chose jugée et constitue un abus d'ester en justice.
Le conseil de l'ordre professionnel des médecins n'a pas constitué avocat, bien que régulièrement cité à personne habilitée.
Le procureur général a requis l'infirmation du jugement et la reprise de la liquidation judiciaire sur le fondement de l'article L643-13 du code de commerce, la découverte par Me Bernard X... d'un actif non réparti constituant un élément nouveau qui ne saurait être retenu contre lui.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance le 9 février 2017 et l'affaire renvoyée pour être plaidée le 5 octobre 2017.
SUR QUOI LA COUR
Il résulte de la rédaction du jugement de clôture du 18 janvier 2016 qu'à l'audience de clôture, le liquidateur inscrit était Me Pierre E... . Il s'en déduit donc que l'ordonnance du 18 janvier 2016, qui a désigné M. Bernard X... "en qualité de mandataire judiciaire (...) dans la procédure collective de M. Christian Y..." est postérieure au jugement du même jour. Le mandataire de justice désigné ne peut plus après la clôture procéder à d'autres opérations que celles énoncées d'une part aux articles R643-19 et R626-40, notamment un
compte rendu de fin de mission et la reddition des comptes, et d'autre part à l'article L643-13 du code de commerce.
Me Bernard X... a donc qualité pour agir.
L'article L643-13 du code de commerce dispose :
"Si la clôture de la liquidation judiciaire est prononcée pour insuffisance d'actif et qu'il apparaît que des actifs n'ont pas été réalisés ou que des actions dans l'intérêt des créanciers n'ont pas été engagées pendant le cours de la procédure, celle-ci peut être reprise.
Le tribunal est saisi par le liquidateur précédemment désigné, par le ministère public ou par tout créancier intéressé. S'il est saisi par un créancier, ce dernier doit justifier avoir consigné au greffe du tribunal les fonds nécessaires aux frais des opérations. Le montant des frais consignés lui est remboursé par priorité sur les sommes recouvrées à la suite de la reprise de la procédure.
La reprise de la procédure produit ses effets rétroactivement pour tous les actifs du débiteur que le liquidateur aurait dû réaliser avant la clôture de la procédure de liquidation judiciaire.
Si les actifs du débiteur consistent en une somme d'argent, la procédure prévue au chapitre IV du présent titre est de droit applicable."
Il est constant que la clôture de la liquidation a été prononcée pour insuffisance d'actif.
Tous les actifs ont été réalisés mais il est apparu au mandataire nouvellement nommé que le prix de la vente d'un bien immobilier n'avait pas été distribué par son prédécesseur et se trouvait maintenant en sa possession. Il est manifestement de l'intérêt des créanciers et donc du devoir du liquidateur de demander, sans pour autant se contredire, que l'omission soit réparée. La fin de non-recevoir tirée d'une éventuelle contradiction ne pourra qu'être rejetée. De même la reprise de la procédure, pour permettre au liquidateur d'agir dans l'intérêt des créanciers, sans que ce soit d'ailleurs nécessairement par une procédure judiciaire, étant expressément prévue par la loi, la fin de non- recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée devra être rejetée. Par ailleurs le premier juge, en déboutant le mandataire liquidateur pour défaut d'élément nouveau apparu après la clôture a ajouté à la loi.
Toutes les conditions de l'article L643-13 du code de commerce étant remplies, le liquidateur, est bien fondé à demander la reprise de la procédure de liquidation.
En conséquence le jugement déféré sera infirmé en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau la cour ordonnera la reprise de la procédure de liquidation judiciaire et la distribution des actifs.
L'équité ne commande pas qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront frais privilégiés de justice.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR,
- Infirme le jugement déféré du 11 juillet 2016 en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
- Reçoit Me Bernard X... en son appel,
- Ordonne la reprise de la procédure de liquidation judiciaire et la distribution des actifs,
- Dit n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile,
- Dit que les dépens seront frais privilégiés de justice.
LE GREFFIER, LE PRESIDENT,