Ch. civile B
ARRET No
du 14 SEPTEMBRE 2011
R. G : 09/ 01107 R-PH
Décision déférée à la Cour :
jugement du 05 novembre 2009
Tribunal de Grande Instance de BASTIA
R. G : 07/ 587
S. A. ACTE IARD
C/
X...
C...
Y...
D...
Z...
Compagnie d'assurances MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
S. A. R. L DE MORO CONSTRUCTION
Compagnie d'assurances SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS-SMABTP
S. A SWISS LIFE
Syndicat des copropriétaires
RESIDENCE SAINT MARC
S. A. R. L LCA-LES CARRELEURS ASSOCIES
COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE ONZE
APPELANTE :
S. A. ACTE IARD
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
Espace Européen de l'Entreprise
14 Avenue de l'Europe
67300 SCHILTIGHEIM
représentée par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour
assistée de Me Claude THIBAUDEAU, avocat au barreau de BASTIA
INTIMES :
Monsieur François Jacques X...
né le 29 Mars 1964 à BASTIA (20200)
...
20200 BASTIA
représenté par la SCP BLANC ANSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Jean-Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
Madame Lucie
C...
épouse X...
née le 23 Septembre 1960 à AJACCIO (20000)
Résidence...
20200 BASTIA
représentée par la SCP BLANC ANSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Jean-Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur Jules
Y...
né le 30 Septembre 1931 à TAZA (MAROC)
Résidence...
20200 BASTIA
représenté par la SCP BLANC ANSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Jean-Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
Madame Josiane
D...
épouse
Y...
née le 27 Novembre 1935 à ISSOIRE (63500)
Résidence...
20200 BASTIA
représentée par la SCP BLANC ANSELLEM-MIMRAN CHERFILS, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Jean-Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur Michel Z...
né le 30 Décembre 1939 à BOURGES (18000)
...
20232 OLETTA
défaillant
Compagnie d'assurances MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
9 rue Hamelin
75016 PARIS CEDEX 16
défaillante
S. A. R. L DE MORO CONSTRUCTION
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
Résidence Le Saint Marc
Rue du Juge Falcone
20200 BASTIA
défaillante
Compagnie d'assurances SOCIETE MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS-SMABTP
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
114 Avenue Emile Zola
75739 PARIS CEDEX 15
représentée par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
assistée de Me Jean-Louis SEATELLI, avocat au barreau de BASTIA
S. A SWISS LIFE
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
86 Boulevard Haussmann
75009 PARIS
représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SCPA M. M. LEANDRI, avocats au barreau d'AJACCIO
Syndicat des copropriétaires RESIDENCE SAINT MARC
Pris en la personne de son syndic en exercice
SARL KALLISTE CORSE GESTION
40 Boulevard Paoli
20200 BASTIA
représenté par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
ayant pour avocat la SCP RETALI-GENISSIEUX, avocats au barreau de BASTIA
S. A. R. L LCA-LES CARRELEURS ASSOCIES
Prise en la personne de son représentant légal en exercice
Lieudit Ardisson
RN 193
20600 FURIANI
défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 16 juin 2011, devant Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller, et Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, l'un de ces magistrats ayant été chargé du rapport, sans opposition des avocats.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Julie GAY, Président de chambre
Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller
Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 14 septembre 2011
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Julie GAY, Président de chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Vu le jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA du 5 novembre 2009 qui a :
- dit que l'assignation délivrée les 19 et 22 mars 2007 par la société ACTE avait interrompu la prescription décennale à l'égard des intervenants à la construction de l'immeuble Résidence ...sis ... à BASTIA pour les désordres ayant donné lieu à déclaration de sinistre par le Syndicat des copropriétaires au titre de la police d'assurance " dommage-ouvrage ",
- déclaré irrecevable le recours subrogatoire de la société ACTE à l'encontre des constructeurs et de leur assureur, faute de justification d'un quelconque paiement avant clôture de la procédure,
- mis hors de cause la société LE KALLISTE en qualité de représentant du Syndicat des copropriétaires de la Résidence ...,
- condamné la société ACTE à payer à Monsieur Jules
Y...
et à son épouse la somme de 19. 148, 11 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société ACTE à payer à Monsieur François X...et à son épouse la somme de 13. 445, 84 euros à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société ACTE à payer aux époux
Y...
et aux époux X...la somme globale de 1. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- déclaré le jugement opposable à la société DE MORO CONSTRUCTION, la société LCA, Monsieur Michel Z..., architecte, la société MUTUELLE D'ASSURANCE DU BATIMENT, la MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS et la compagnie SWISS LIFE assurances de biens,
- ordonné l'exécution provisoire de la décision,
- débouté les parties du surplus de leurs autres chefs de demande,
- condamné la société ACTE aux entiers dépens de l'instance incluant ceux des instances en référé engagées par les époux
Y...
et les époux X....
Vu la déclaration d'appel déposée le 18 décembre 2009 pour la société ACTE.
Vu l'assignation délivrée le 20 avril 2010 à la requête de l'appelante à Monsieur Michel Z...remise à domicile.
Vu l'assignation délivrée le 15 avril 2010 à la requête de l'appelante à la MAF par remise à personne habilitée à recevoir copie.
Vu l'assignation délivrée le 14 avril 2010 à la requête de l'appelante à la personne du gérant de la société DE MORO CONSTRUCTION.
Vu l'assignation délivrée le 15 avril 2010 à la requête de l'appelante, par application des dispositions de l'article 659 du code de procédure civile à la société LCA-LES CARRELEURS ASSOCIES.
Vu les dernières conclusions du 8 juin 2010 de la SMABTP aux fins de voir dire que la société DE MORO n'est pas concernée par les causes des désordres affectant le carrelage des appartements des époux
Y...
et X..., prononcer la mise hors de cause de son assureur
SMABTP et condamner tout succombant à payer à la SMABTP la somme de 1. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens de l'instance.
Vu les dernières conclusions du 8 juin 2010 de la société ACTE aux fins de voir :
- infirmer le jugement entrepris et déclarer son action recevable,
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'interruption de prescription à son bénéfice,
- réformer ladite décision et y ajoutant,
- déclarer recevables ses demandes incidentes à l'encontre de Monsieur Z..., de la société DE MORO CONSTRUCTION, de la société LES CARRELEURS ASSOCIES, la MAF, la SMABTP et la société SWISS LIFE sur l'action engagée par les époux
Y...
et X...,
- déclarer Monsieur Z..., la société DE MORO CONSTRUCTION et la société LES CARRELEURS ASSOCIES conjointement et solidairement responsables des désordres et dommages affectant le revêtement en carrelage des appartements Y...et X...,
- dire et juger que la MAF, la SMABTP et SWISS LIFE garantiront Monsieur Z..., la société DE MORO CONSTRUCTION et la société LES CARRELEURS ASSOCIES de leurs responsabilité,
- en conséquence, condamner in solidum la société DE MORO CONSTRUCTION, la SMABTP, la société LES CARRELEURS ASSOCIES, SWISS LIFE, Monsieur Z...et la MAF à relever et garantir la société ACTE de toutes les condamnations portées au jugement du 5 novembre 2009 et, au titre de son recours subrogatoire, à lui payer 32. 593, 95 euros ainsi que les indemnités pour frais irrépétibles alloués aux époux X...et aux époux
Y...
ainsi que les dépens, dont les expertises, de première instance en référé et au fond,
- à titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la Cour viendrait à considérer que les désordres ne présenteraient pas les caractéristiques requises par les articles 1792 et 1792-2 du code civil, infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société ACTE à garantir au titre de l'assurance " dommages-ouvrage " et condamner les époux X...et les époux
Y...
à lui restituer la totalité des indemnités perçues en exécution du jugement et condamner in solidum Monsieur Z..., la société DE MORO CONSTRUCTION, la société LCA, la MAF, la SMABTP et SWISS LIFE à lui verser la somme de 7. 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions de la SWISS LIFE assurances de biens du 19 janvier 2011 aux fins, à titre principal de déclarer irrecevable et mal fondée la société ACTE en son appel et de confirmer la décision entreprise, à titre subsidiaire, de dire que la société SWISSLIFE ne pourrait être tenue à garantir son assuré que dans les limites du contrat, la franchise étant opposable aux tiers et la garantie relative aux dommages immatériels ne pouvant être mobilisée, condamner la socété ACTE au paiement de la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens dont distraction au profit de son assuré.
Vu les dernières conclusions du 19 janvier 2011 de la société LE KALLISTE CORSE GESTION aux fins de voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a mise hors de cause et condamner la ou les parties succombantes à lui verser la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Vu les dernières conclusions du 14 mars 2011 des époux X...et
Y...
aux fins de voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société ACTE à les indemniser en application du contrat d'assurance dommages ouvrage, infirmant sur le quantum, voir condamner la société ACTE à payer en principal 19. 548, 11 euros aux époux
Y...
, 13. 845, 84 euros aux époux X..., outre 3. 000 euros aux époux X...et 3. 000 euros aux époux
Y...
par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et voir condamner qui mieux des autres parties aux entiers dépens de première instance et d'appel comprenant les frais de référé et honoraires d'expertise, les dépens d'appel étant distraits au profit de leur avoué.
Vu l'ordonnance de clôture du 6 avril 2011.
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* *
EXPOSE DU LITIGE :
Les époux X...et les époux
Y...
ont respectivement acquis un appartement de type F4 et un appartement de type F3 de la résidence ...située à BASTIA qui a fait l'objet le 30 avril 1997 d'un procès-verbal de réception signé du maître de l'ouvrage la société La Pietra II et de l'entreprise générale, la société SOBACO.
Une déclaration de sinistre visant des fissures généralisées du carrelage dans huit logements était adressée le 29 mars 2005, par la société LE KALLISTE, représentante du Syndicat des copropriétaires de
cette résidence à la société ACTE, assureur dommages ouvrage qui lui répondait le 24 mai 2005 que les désordres n'affectaient ni la solidité ni la destination de l'ouvrage et que la police dommages ouvrage n'était pas susceptible d'être mobilisée.
Par ordonnances du 4 avril 2007, le juge des référés du Tribunal de grande instance de BASTIA saisi d'une part par les époux X...et de l'autre par les époux
Y...
ordonnait deux expertises.
L'expert G...déposait le 3 avril 2008 ses rapports.
Par acte d'huissier des 19 et 22 mars 2007, la société ACTE a assigné devant le Tribunal de grande instance de BASTIA la société DE MORO CONSTRUCTION, anciennement dénommée SOBACO, la société LCA-LES CARRELEURS ASSOCIES, Monsieur Michel Z..., son assureur la MAF, la SMABTP, assureur de la société DE MORO CONSTRUCTION, et la société SWISS LIFE, assureur de la société LCA afin d'obtenir le constat de l'interruption de la prescription décennale par l'effet de cette assignation.
Par acte d'huissier du 5 novembre 2008, les époux X...ont assigné la société LE KALLISTE et la société ACTE aux mêmes fins.
Ces trois instances ont été jointes et par jugement du 5 novembre 2009 le Tribunal de grande instance a dit que l'assignation délivrée les 19 et 22 mai 2007 était interruptive de prescription décennale mais a déclaré irrecevable le recours subrogatoire de la société ACTE à l'encontre des constructeurs et de leurs assureurs, faute de justification d'un paiement avant clôture de la procédure.
Ce jugement a mis hors de cause la société LE KALLISTE et a condamné la société ACTE à payer aux époux
Y...
la somme de 19. 148, 11 euros à titre de dommages et intérêts et à payer aux époux X...la somme de 13. 445, 84 euros à titre de dommages et intérêts. Ces montants étaient réglés le 8 décembre 2009 par la société ACTE qui déposait une déclaration d'appel le 18 décembre 2009.
Devant la Cour d'appel, la société ACTE indique qu'elle était recevable en première instance à obtenir que le Tribunal dise qu'après avoir indemnisé les assurés elle serait subrogée dans leurs droits et qu'il statue sur les responsabilités des constructeurs.
L'appelante fait valoir qu'elle a exécuté les condamnations mises à sa charge et qu'elle est recevable à agir contre les constructeurs.
Elle entend obtenir la confirmation du jugement en ce qu'il a constaté que la prescription décennale avait été interrompue par son assignation et considère que la responsabilité de l'architecte qui n'a pas produit les plans réalisés par lui et celle de la société DE MORO, qui doit s'expliquer sur son rôle de maître d'oeuvre, méritent d'être retenues, de même que celle de la société LCA qui a fourni et posé l'isolant phonique défectueux.
Elle demande une condamnation in solidum de ces constructeurs et de leurs assureurs.
Elle fait valoir, à titre subsidiaire, que si les désordres ne présentent pas les caractéristiques exigées par les articles 1792 et 1792-2 du code civil, il y aurait lieu d'infirmer le jugement qui l'a condamnée à des dommages et intérêts et d'ordonner la restitution des sommes versées.
Elle demande que les constructeurs et leurs assureurs soient condamnés in solidum à lui verser la somme de 7. 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens comprenant le coût des expertises et les dépens des instances en référé.
Les époux X...et les époux
Y...
se fondent sur les rapports d'expertise de Monsieur G...pour soutenir que les désordres du carrelage rendent l'immeuble impropre à sa destination, même si les appartements sont occupés.
Ils demandent une infirmation partielle du jugement entrepris en faisant valoir que c'est à tort que les premiers juges ont réduit à 1. 000 euros pour chaque appartement les frais de relogement alors que l'expert les avait évalués à 1. 400 euros. Ils soulignent avoir assigné séparément et entendent obtenir une condamnation de la société ACTE de 3. 000 euros par couple sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société LE KALLISTE souligne qu'aucune demande n'est dirigée contre elle. Elle demande la confirmation de sa mise hors de cause et la condamnation de tout succombant au paiement de la somme de 2. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La SMABTP, assureur de la société DE MORO, conteste toute responsabilité de son assuré et souligne que le carrelage défectueux a été posé par la société LCA qui s'est vu confier cette mission directement par le maître de l'ouvrage, la société La Pietra II.
Elle indique que la société DE MORO n'a reçu aucune mission de maîtrise d'oeuvre et considère qu'elle n'est pas responsable des désordres recensés par l'expert judiciaire.
La société SWISS LIFE, assureur de la société LCA soutient que la société ACTE n'a pas justifié de la recevabilité de son action ni du point de départ de la prescription décennale.
Elle indique que la date retenue par le Tribunal correspond à la réception effectuée entre le maître de l'ouvrage et la société DE MORO CONSTRUCTION mais que la société ACTE ne justifie pas avoir introduit son action dans le délai de la garantie décennale.
Elle fait valoir que l'expert n'a pas mentionné que les désordres rendaient l'immeuble impropre à sa destination, que les copropriétaires occupent les lieux depuis plus de 10 ans et que l'action récursoire de la société ACTE, fondée sur l'article 1792 du code civil doit en conséquence être déclarée irrecevable.
Elle conteste la responsabilité de la société LCA dans les désordres en indiquant qu'il n'est pas démontré que cette société ait fourni l'isolant phonique défectueux et que l'expert avait retenu la responsabilité du maître d'oeuvre et du fabricant de l'isolant.
Elle considère que seule l'entreprise générale, présumée responsable vis à vis du maître de l'ouvrage, doit supporter le coût des réparations alors que la société LCA n'était que sous-traitante, non tenue à l'obligation d'assurance et dont la responsabilité ne pourrait être retenue que pour une part minime.
Elle demande à titre subsidiaire à ne garantir la société LCA qu'après application de la franchise contractuelle prévue à l'article 4 des conventions spéciales fixée à 10 % des dommages et indique que le contrat de la société LCA ayant été résilié au 31 décembre 1996 avec le seul maintien de la garantie obligatoire, aucune garantie n'est due au titre des dommages immatériels en application de l'article 3. 3 des conventions spéciales.
*
* *
MOTIFS DE LA DECISION :
Ainsi que l'ont jugé les premiers juges, l'assignation délivrée le 22 mars 2007 par l'assureur dommages-ouvrage aux participants à l'acte de construire a interrompu la prescription décennale courant à compter de la réception intervenue le 30 avril 1997.
Le procès-verbal de réception signé par un représentant du maître de l'ouvrage, la SCI La Pietra II et un représentant de l'entreprise générale la société SOBACO, devenue société DE MORO CONSTRUCTION, précise que la réception est prononcée avec effet au 30 avril 1997 et ne mentionne aucune réserve.
L'action de la société ACTE est antérieure au 30 avril 2007 et le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a dit que l'assignation délivrée les 19 et 22 mars 2007 avait interrompu la prescription décennale à l'égard des constructeurs de la résidence ...et rendu opposable la décision aux autres parties à l'instance.
Les premiers juges ont déclaré irrecevable le recours subrogatoire de l'assureur dommages-ouvrage qui n'avait pas justifié d'un paiement à l'assuré avant la clôture de la procédure.
La société ACTE considérait qu'elle était recevable à obtenir que le Tribunal dise qu'après avoir indemnisé l'assuré, elle serait subrogée dans ses droits et qu'il statue sur le responsabilité des constructeurs. Le Règlement des sommes retenues par les premiers juges au profit des époux X...et
Y...
effectué le 8 décembre 2009 rend, désormais de manière incontestable, recevable le recours subrogatoire devant la Cour.
La nature des dommages constitués par de nombreuses fissures à bords coupants du carrelage des appartements est contestée par la société SWISS LIFE.
L'expert qui a photographié et décrit ces désordres n'a pas indiqué qu'ils rendaient l'immeuble impropre à sa destination mais n'a pas conclu le contraire. Il a préconisé un remplacement du carrelage et de son support y compris l'isolation phonique.
Les éléments contenus dans son rapport démontrent que même si les locaux ont été occupés depuis plusieurs années, les désordres le rendent impropre à sa destination, ainsi que l'ont décidé les premiers juges qui, de manière pertinente, ont relevé le risque de blessure pour une personne marchant pieds nus ou un enfant rampant ou jouant au sol. En l'absence de toute cause étrangère de nature à exonérer les constructeurs de leur responsabilité de plein droit, le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a considéré que les dommages relevaient de la garantie décennale et que l'assureur dommages-ouvrage devait les garantir.
Le jugement entrepris sera également confirmé en ce qu'il a retenu une indemnisation des époux
Y...
et X...fondée sur les rapports d'expertise circonstanciés de Monsieur G...en procédant une évaluation forfaitaire à hauteur de 1. 000 euros des frais de relogement qui apparaît conforme à la durée prévisible des travaux d'environ un mois. Les condamnations de la société ACTE au paiement des dommages et intérêts prévus dans le jugement entrepris seront en conséquence confirmées.
Les rapports d'expertise concluent en particulier, après réalisation de sondages, que les dommages résultent de l'absence résistance à la compression du matériau consistant l'isolant phonique et d'un défaut de mise en oeuvre des conduits et de l'isolant phonique, au niveau de ces derniers, qui ont provoqué des tassements différentiels qui sont la cause de la fissuration du carrelage.
L'expert estime que la responsabilité incombe en partie au fabricant de l'isolant phonique employé, à l'entreprise ayant réalisé les travaux et au maître d'ouvrage et au maître d'oeuvre chargés de la conduite et de la surveillance des travaux.
L'architecte Z..., dont la mission se limitait à l'établissement des plans permettant l'obtention du permis de construire, ne peut être déclarée responsable d'un dommage qui n'a pas de rapport avec les plans de l'ouvrage.
La société SOBACO, devenue DE MORO CONSTRUCTION est intervenue dans le chantier en qualité d'entreprise générale et la société ACTE ne démontre pas qu'elle avait une mission de maîtrise d'oeuvre ni qu'elle ait eu recours à la société LCA dans le cadre d'un contrat de sous-traitance. Sa responsabilité ne sera pas non plus retenue et la mise hors de cause du représentant du syndicat des copropriétaires confirmée.
La société civile immobilière de la Pietra II, maître de l'ouvrage qui a confié directement le lot carrelage-chape à la société LCA, n'a pas été assignée et la responsabilité de plein droit de l'article 1792 du code civil pèse sur la société LCA qui a choisi un isolant phonique trop mince et n'a pas mis en oeuvre un ravoirage adapté au niveau des canalisations fourreaux ou conduits.
Cette société sera condamnée au titre du recours subrogatoire de la société ACTE à la relever et garantir des condamnations prononcées contre elle en sa qualité d'assureur dommages-ouvrage dans la présente décision.
La société ACTE pourra également obtenir la condamnation de l'assureur en garantie décennale de la société LCA mais la société SWISS LIFE est fondée à invoquer l'application des limites contractuelles de sa garanties résultant de la franchise prévue à l'article 4 des conditions générales et de l'absence de garantie des frais de relogement conformément à l'article 3. 3 des conventions spéciales, en raison de la résiliation du contrat d'assurance par la société LCA à effet du 31 décembre 1996 dont la société SWISS LIFE a donné acte dans sa lettre du 9 décembre 1996 versée aux débats.
La réparation des seuls dommages matériels des époux X...et
Y...
s'élevant à 30. 593, 95 euros et la franchise résultant de l'application du contrat d'assurance à 2. 271, 37 euros il y aura lieu de dire que la société SWISS LIFE sera tenue in solidum avec son assuré à hauteur de la somme de 28. 322, 58 euros vis à vis de la société ACTE.
L'équité commande en outre que les sociétés LCA et SWISS LIFE soient condamnées in solidum à verser la somme de 2. 500 euros, d'une part aux époux X...et de l'autre aux époux
Y...
, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et que les autres demandes présentées de ce chef soient rejetées.
La société LCA et son assureur supporteront également les entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise et les dépens des instances en référé ayant ordonné les expertises. L'avoué de la société ACTE sera en outre autorisé à faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
*
* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA du 5 novembre 2009 en ce qu'il a :
- dit que l'assignation délivrée les 19 et 22 mars 2007 avait eu un effet interruptif de la prescription décennale,
- mis hors de cause la Société Le Kalliste,
- condamné la société ACTE à payer à Monsieur Jules
Y...
et à son épouse la somme de DIX NEUF MILLE CENT QUARANTE HUIT EUROS ET ONZE CENTIMES (19. 148, 11 euros) à titre de dommages et intérêts,
- condamné la société ACTE à payer à Monsieur François X...et à son épouse la somme de TREIZE MILLE QUATRE CENT QUARANTE CINQ EUROS ET QUATRE VINGT QUATRE CENTIMES (13. 445, 84 euros) à titre de dommages et intérêts,
- déclaré le jugement opposable à la société DE MORO CONSTRUCTION, la société LCA, Monsieur Michel Z..., la SMABTP, la MAF et la société SWISS LIFE,
L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau,
- dit recevable le recours subrogatoire exercé par la société ACTE,
- déclare la société LCA responsable des désordres affectant le carrelage des appartements acquis par les époux X...et les époux
Y...
dans la résidence ...,
- condamne la société LCA à payer à la société ACTE, dans le cadre de son recours subrogatoire, la somme de TRENTE DEUX MILLE CINQ CENT QUATRE VINGT TREIZE EUROS ET QUATRE VINGT QUINZE CENTIMES (32. 593, 95 euros) et dit que la société SWISS LIFE est tenue in solidum à ce paiement avec la société LCA à hauteur des la somme de VINGT HUIT MILLE TROIS CENT VINGT DEUX EUROS ET CINQUANTE HUIT CENTIMES (28. 322, 58 euros),
- condamne in solidum la société LCA et la société SWISS LIFE au paiement de la somme de DEUX MILLE CINQ CENTS EUROS (2. 500 euros) aux époux X...et de la même somme aux époux
Y...
sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- rejette le surplus des prétentions des parties,
- condamne in solidum la société LCA et la société SWISS LIFE aux entiers dépens comprenant le coût des expertise et les dépens des procédures de référé ayant conduit à la désignation de l'expert et autorise l'avoué de la société ACTE à faire application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT