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04/05/2011 | FRANCE | N°09/00768

France | France, Cour d'appel de Bastia, Ch. civile b, 04 mai 2011, 09/00768


COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATRE MAI DEUX MILLE ONZE

Ch. civile B

ARRET No
du 04 MAI 2011
R. G : 09/ 00768 C-PH
Décision déférée à la Cour : jugement du 16 juillet 2009 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 04/ 852

S. A BOURSORAMA BANQUE
C/
X... S. C. I FILMAR Y... Y... Z... E...

APPELANTE :
S. A BOURSORAMA BANQUE Venant aux droits de la CAIXABANK Prise en la personne de son représentant légal en exercice 18 Quai du Pont du Jour 92659 BOULOGNE-BILLANCOURT CEDEX

représentée par Me An

toine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assistée de la SCP TOMASI-SANTINI-GIOVANNANGELI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CAR...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATRE MAI DEUX MILLE ONZE

Ch. civile B

ARRET No
du 04 MAI 2011
R. G : 09/ 00768 C-PH
Décision déférée à la Cour : jugement du 16 juillet 2009 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 04/ 852

S. A BOURSORAMA BANQUE
C/
X... S. C. I FILMAR Y... Y... Z... E...

APPELANTE :
S. A BOURSORAMA BANQUE Venant aux droits de la CAIXABANK Prise en la personne de son représentant légal en exercice 18 Quai du Pont du Jour 92659 BOULOGNE-BILLANCOURT CEDEX

représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assistée de la SCP TOMASI-SANTINI-GIOVANNANGELI-VACCAREZZA-BRONZINI DE CARAFFA, avocats au barreau de BASTIA

INTIMES :

Monsieur Jean Claude Guy X... né le 22 Mai 1962 à BASTIA (20200) ......20222 BRANDO

représenté par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Christian FINALTERI, avocat au barreau de BASTIA

S. C. I FILMAR Prise en la personne de son représentant légal en exercice Chez Mme C... Anne Marie ...20200 BASTIA

représentée par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour
assistée de Me Jean FILIPPI, avocat au barreau de BASTIA
Monsieur Jean Paul Y... né le 28 Mai 1972 à BASTIA (20200) ......20620 BIGUGLIA

défaillant

Monsieur Jean Marie Y... né le 27 Avril 1971 à BASTIA (20200) ......20620 BIGUGLIA

défaillant

Monsieur Pascal Z... né le 10 Octobre 1926 à PROPRIANO (20110) ... 20200 BASTIA

représenté par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SCP PANTANACCE-FILIPPINI, avocats au barreau de BASTIA

Madame Maryse E... épouse Z... née le 30 Décembre 1931 à GABES (TUNISIE) ... 20200 BASTIA

représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
ayant pour avocat la SCP PANTANACCE-FILIPPINI, avocats au barreau de BASTIA

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 mars 2011, devant Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller, et Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, dont l'un d'eux a été chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 04 mai 2011.

ARRET :

Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* * Vu le jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA du 16 juillet 2009 qui a :

constaté que Monsieur Jean-Claude X... se désiste de son instance tendant à obtenir le désenclavement des biens qu'il a acquis de Monsieur et Madame Z... suivant jugement d'adjudication du 14 septembre 2000,
déclaré recevable les demandes d'indemnisation formées par Monsieur X... à l'encontre des sociétés FILMAR, CAIXABANK et des époux Z...,
dit que la société CAIXABANK, créancier poursuivant des époux Z..., a commis une faute en renseignant de façon inexacte le cahier des charges de la vente Pascal Z... à l'audience du 14 septembre 2000,
fixé le préjudice résultant de cette faute à la somme de 30 000 euros,
condamné la société BOURSORAMA à verser à Monsieur X... la somme de 30 000 euros au titre de l'indemnisation de son préjudice,
débouté Monsieur X... des demandes formées à l'encontre de la société civile immobilière FILMAR et des époux Z...,

condamné la société BOURSORAMA à verser à Monsieur X... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

débouté la société BOURSORAMA, la société FILMAR, Monsieur et Madame Z... de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamné la société BOURSORAMA aux dépens.

Vu la déclaration d'appel déposée le 20 août 2009 pour la société BOURSORAMA BANQUE.

Vu les dernières conclusions du 25 octobre 2010 de la société BOURSORAMA BANQUE aux fins :

d'infirmer le jugement du 16 juillet 2009 en ce qu'il a décidé que le bien était enclavé et condamné en conséquence la société BOURSORAMA au paiement de la somme de 30 000 euros,
à titre principal, voir juger que le bien n'était pas enclavé et que le créancier poursuivant n'a commis aucune faute,
à titre subsidiaire, voir juger que Monsieur X... n'a subi aucun préjudice du fait de l'état d'enclave et qu'il a commis une faute en ne sollicitant pas dès son achat la fixation de l'assiette de la servitude prévue à l'acte de 1969,
à titre infiniment subsidiaire, voir juger que seul Monsieur Z... peut être condamné en sa qualité de vendeur, que le créancier poursuivant ne peut être tenu responsable contractuellement des erreurs sur les renseignements relatifs à la propriété et plus particulièrement l'état d'enclave, débouter Monsieur X..., Messieurs Jean-Marie et Jean-Paul Y..., la société FILMAR et les époux Z... de toutes leurs demandes et les condamner solidairement au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions du 18 mai 2010 des époux Pascal et Maryse Z... aux fins d'infirmation du jugement entrepris en l'absence de préjudice de Monsieur X... et de le voir débouter de l'ensemble de ses prétentions, subsidiairement, si la Cour devait retenir l'existence d'un trouble de jouissance, réformer également le jugement et condamner la société FILMAR à réparer le préjudice de Monsieur X..., dans tous les cas, voir mettre hors de cause les époux Z... et condamner la société BOURSORAMA et la société FILMAR à leur verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Vu les dernières conclusions du 29 juin 2010 de Monsieur X... aux fins de voir :
à titre principal :
- confirmer le jugement du 16 juillet 2009 en ce qu'il a considéré que la société BOURSORAMA a commis une faute en renseignant de façon inexacte le cahier des charges de la vente,
- déclaré recevable ses demandes,
- dit que les époux Z..., la société BOURSORAMA BANQUE et la société FILMAR ont commis une faute de nature à engager leur responsabilité,
- condamner la société BOURSORAMA BANQUE et la déclarer responsable du préjudice qu'il a subi,
statuant à nouveau sur le surplus :
- condamner in solidum les autres parties à lui payer les sommes suivantes :
• 45 000 euros au titre de la faute imputable à la société BOURSORAMA BANQUE pour avoir mal renseigné le cahier des charges de la vente,
• 384 455, 52 euros correspondant au montant des loyers au bailleur, Monsieur G..., ou la somme de 233 820 euros en considération de la perte de revenus locatifs tirés de la location du fonds, à parfaire au jour de la cessation de l'enclave,
subsidiairement :
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société BOURSORAMA BANQUE à lui verser la somme de 30 000 euros,
- y ajoutant, condamner in solidum la société BOURSORAMA BANQUE, les époux Z... et la société FILMAR à lui verser la somme de 348 455, 52 euros correspondant aux loyers versés au bailleur, à parfaire au jour de la cessation de l'état d'enclave,
- ordonner à la société BOURSORAMA BANQUE de mettre en cause l'huissier rédacteur du procès-verbal descriptif,
- ordonner à la société FILMAR de mettre en cause le notaire rédacteur de l'acte de 1969,
à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement entrepris.
Vu les dernières conclusions du 30 juin 2010 de la société civile immobilière FILMAR aux fins de voir constater que Monsieur X... n'a pas subi de préjudice, qu'il ne rapporte pas la preuve que la société FILMAR lui en ait occasionné un, que les griefs exprimés contre elle par la société BOURSORAMA BANQUE sont sans fondement, et de voir condamner Monsieur X... et la société BOURSORAMA BANQUE à lui verser une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens de l'instance.

Vu les dernières conclusions du 18 mai 2010 des époux Z... aux fins :

d'infirmation du jugement entrepris et de débouté de l'ensemble des prétentions de Monsieur X...,
subsidiairement, si la Cour devait retenir un trouble de jouissance, voir réformer la décision déférée et condamner la société FILMAR à réparer le préjudice de Monsieur X...,
dans tous les cas, les mettre hors de cause et condamner la société BOURSORAMA BANQUE et la société FILMAR à leur verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu l'assignation délivrée le 22 février 2010 à la personne de Messieurs Jean-Paul Y... et Jean-Marie Y... à la requête de la société BOURSORAMA BANQUE.

Vu l'ordonnance de clôture du 19 janvier 2011.

*

* *

EXPOSE DU LITIGE :

Monsieur Pascal Z... a acquis par acte notarié du 10 janvier 1969 la parcelle cadastrée section B no 872 au lieudit Occhione sur la commune de FURIANI, pour une contenance de 17 ares. Cette parcelle provenait de la division de l'ancienne parcelle no 789 en no 872 et 873, cette dernière parcelle restant la propriété des vendeurs, Monsieur François H... et son épouse et Jean Paul H... et son épouse. L'acte de vente précisait que la parcelle B no 872 disposait d'un droit de passage d'une largeur de 4 mètres sur les parcelles B 788 et B 873.

Monsieur Z... a fait construire sur la parcelle B 872 un bâtiment de 1 000 mètres carrés, ultérieurement divisé en deux hangars de 500 mètres carrés.

Le 27 septembre 1990, les consorts H... ont vendu à la société civile immobilière FILMAR les parcelles B 873 et B 1028. La parcelle B 873 a été divisée en 1993 en trois parcelles numérotées 2172, 2173 et 2174.

Le 8 décembre 1993, la société FILMAR a vendu à Monsieur Jean-Marie Y... la parcelle no 2172 et lui a consenti un droit de passage à l'ange Nord-Est de la parcelle no 2173.

Le 3 mai 1994 les époux Pascal et Maryse Z... ont vendu à Monsieur Jean-Paul Y... le hangar de 500 mètres carrés situé au Nord de la parcelle B 872 qui a fait l'objet d'une division parcellaire du 15 juillet 1975.

A la requête de la société CAIXABANK, Maître Michel FILIPPI établissait le 4 mai 2000 un procès-verbal descriptif de la parcelle supportant le hangar situé au Sud de la parcelle B 872.

Ce procès-verbal était annexé au cahier des charges déposé dans le cadre d'une procédure de saisie immobilière le 22 mai 2000 à la requête de la société CAIXABANK, créancier poursuivant des époux Z... en vertu d'un acte notarié de prêt avec affectation hypothécaire des 7 novembre 1989 et 20 avril 1990.

Suivant jugement d'adjudication du 14 septembre 2000, Monsieur Guy X... a acquis ce bien au prix de 300 000 francs.

Invoquant l'état d'enclave de ce fonds, Monsieur X... a assigné en référé la société FILMAR et la société CAIXABANK et a obtenu, par ordonnance de référé du Président du Tribunal de grande instance de BASTIA du 15 mai 2002 la désignation d'un expert. Monsieur René I... a déposé un rapport d'expertise date du 30 avril 2003 dans lequel il indiquait notamment que la parcelle no B 872 est juridiquement et physiquement désenclavée mais que le hangar acquis par Monsieur X... était enclavé et que la configuration des lieux laissait présumer une mauvaise désignation du bien lors de la vente aux enchères.

Par acte d'huissier du 22 avril 2004, Monsieur X... a assigné devant le Tribunal de grande instance de BASTIA les époux Z..., la société CAIXABANK, la société FILMAR et

Monsieur Jean-Marie Y... afin d'obtenir la réparation du préjudice qu'il indiquait avoir subi et la désignation d'un expert afin de voir déterminer un accès au bien acquis depuis la voie publique.

Par jugement avant dire droit du 31 août 2006, le Tribunal a ordonné la mise en cause de Monsieur Jean-Paul Y... à la diligence de Monsieur X..., désigné un expert judiciaire et autorisé provisoirement Monsieur X... à accéder à son fonds selon un cheminement passant en particulier à travers la parcelle 2173, le long de la ligne séparative d'avec la parcelle 2172.

Monsieur Jean-Paul Y... a été assigné et par ordonnance du juge de la mise en état du 22 novembre 2007, les deux instances ont été jointes.

L'expert J... a déposé un rapport daté du 25 septembre 2007.

Monsieur X... a vendu le 4 mars 2009 le bien dont il avait été déclaré adjudicataire au prix de 140 000 euros.

Par jugement du 16 juillet 2009, le Tribunal de grande instance de BASTIA a constaté que Monsieur X... se désistait de son instance tendant à obtenir le désenclavement des biens acquis suivant jugement d'adjudication du 14 septembre 2000, dit que la société CAIXABANK, créancier poursuivant, avait commis une faute en renseignant de façon inexacte le cahier des charges de la vente et condamné la société BOURSORAMA BANQUE, venant aux droits du créancier poursuivant, à verser à Monsieur X... la somme de 30 000 euros au titre d'un trouble de jouissance et celle de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Le Tribunal a en revanche considéré que depuis le jugement du 31 août 2006 Monsieur X... disposait d'un accès à son fonds mais qu'il ne l'a pas exploité et qu'entre l'adjudication et le 31 août 2006 l'exploitation commerciale du hangar n'était pas possible du fait qu'elle nécessitait d'importants travaux de remise en état, ce qui justifiait le débouté du surplus des prétentions de Monsieur X....

Devant la Cour, la société BOURSORAMA BANQUE conteste le prétendu état d'enclave du hangar au jour de l'adjudication et invoque la mention d'une servitude dans l'acte de vente du 10 janvier 1969 et les déclarations de Monsieur K... devant l'expert J... selon lesquelles il a pu continuer à accéder et à occuper le hangar acquis avec l'autorisation de Monsieur X....

L'appelante fait valoir que Monsieur X... ne pouvait ignorer l'existence d'une servitude mentionnée dans l'acte de 1969 et qu'il lui appartenait de solliciter les propriétaires des fonds servants pour obtenir le rétablissement de l'assiette de la servitude ou l'établissement de l'assiette de cette servitude.

Elle souligne que les servitudes ont un caractère perpétuel et ne peuvent s'étendre et relève que le bien acquis n'était pas enclavé et que seule l'action de Monsieur Y... a interdit à Monsieur X... d'y accéder.

Elle indique que la parcelle située devant le hangar mentionnée au procès-verbal descriptif n'était pas suffisante à assurer le désenclavement du hangar acquis par Monsieur X... du fait que la servitude dont il bénéficie traverse plusieurs propriétés depuis la route nationale et soutient que l'absence de servitude suffisante ne peut lui être reprochée.
Elle conteste l'existence d'un quelconque préjudice subi par Monsieur X... qui a réalisé une plus-value de près de 100 000 euros et critique le jugement entrepris qui a retenu un préjudice sur un fondement s'apparentant à un préjudice moral.
Elle considère que Monsieur X... a commis une faute en n'agissant pas en fixation de l'assiette de la servitude et que cette faute l'exonère de toute responsabilité.
Elle relève que Monsieur X... avait tout loisir de réclamer un loyer à Monsieur K... qu'il avait autorisé à occuper le hangar et qu'il ne pouvait songer à déplacer son magasin dans un hangar dépourvu de parking.
Elle conteste l'expertise privée de Monsieur L... dont se prévaut Monsieur X... en indiquant qu'elle n'est pas contradictoire et n'a pas tenu compte des défauts du bâtiment acquis.
Elle invoque à titre infiniment subsidiaire l'existence d'un contrat judiciaire lors de l'adjudication, faisant de Monsieur Z... le seul vendeur et le seul susceptible de réparer l'éventuel préjudice de Monsieur X..., en application des dispositions combinées de l'article 713 de l'ancien code de procédure civile et de l'article 1654 du code civil.
Elle se réfère à la clause d'exclusion de responsabilité contenue dans le cahier des charges et conteste une quelconque responsabilité dans un litige né de la volonté de la société FILMAR de vendre la parcelle située devant le hangar utilisée par Monsieur Z... et du refus de Monsieur X... de l'acheter en imaginant tirer profit d'un prétendu enclavement du hangar acquis.

Monsieur X... considère au contraire que le cahier des charges ne mentionnait pas que le bien mis aux enchères était totalement enclavé et que le procès-verbal descriptif fait état d'un parking situé devant le hangar alors qu'il s'agit de la parcelle B 2173 appartenant à la société FILMAR.

Il y voit la preuve d'une faute engageant la responsabilité de la société CAIXABANK et indique qu'il a été roué de coups par Monsieur Y... et trois autres personnes lorsqu'il s'est cru autorisé à emprunter l'entrée desservant le garage de Monsieur Y... lorsque des blocs de grande dimension fermaient le seul accès apparent au bien acquis par adjudication.
Il se réfère au jugement du 31 août 2006 qui a constaté l'état d'enclave de ce bien et au rapport d'expert qui a indiqué que la servitude de 4 mètres mentionnée à l'acte de 1969 est insuffisante à désenclaver le fonds et qu'une exploitation normale du hangar nécessite la maîtrise de la parcelle 2173.
Il indique que la société FILMAR débitrice de la servitude l'a empêché sciemment d'accéder au hangar en posant des blocs de béton et souligne qu'il a acheté un bien sur la foi d'un procès-verbal descriptif erroné annexé au cahier des charges de la vente et que le Tribunal a justement retenu une faute imputable à la société CAIXABANK.
Il fait valoir qu'il a conservé après la vente intérêt à agir en vue de la réparation du préjudice subi entre l'acquisition et la revente du bien à un prix moindre que celui qui résulte de l'avis de Monsieur L... qu'il produit.
Il souligne qu'il est demeuré enclavé pendant huit ans, jusqu'au 13 mars 2009, date du dernier acte notarié relatif à la vente de l'ensemble des parcelles en cause.
Il précise qu'il entendait rénover son fonds et l'aménager en dépôt à usage commercial afin d'en retirer des revenus locatifs et que le préjudice économique qu'il a subi mérite réparation, en particulier du fait qu'il n'a pu y exploiter son activité de distribution de cuisines et a dû continuer à régler un loyer mensuel de 3 226, 44 euros et s'acquitter des taxes et impôts fonciers concernant le bien.
Il se réfère à l'avis de Monsieur L... pour déterminer son préjudice économique et considère qu'il est fondé à actualiser la réparation du trouble de jouissance retenue par les premiers juges en la portant à 45 000 euros pour tenir compte des trois années supplémentaires de privation d'accès.

Les époux Z... font valoir que si un droit de passage a bien été consenti au profit de la parcelle 872, l'assiette de la servitude n'a jamais été précisée mais a été utilisée pendant près de trente ans sans incident, jusqu'à la vente sur saisie immobilière et l'obstruction imputable à la société FILMAR après l'achat de Monsieur X....

Ils contestent l'existence d'un préjudice invoqué par Monsieur X... et font valoir qu'il a plutôt réalisé une plus-value et qu'il avait la possibilité d'agir plus rapidement aux fins de fixation de l'assiette de la servitude dont il bénéficiait.

Ils nient toute responsabilité du débiteur saisi et font observer que le jugement d'adjudication ne constitue pas un contrat réalisant ou constatant une vente et que le débiteur saisi n'est tenu à garantie que dans le cadre de l'éviction sur le bien vendu.

Ils soutiennent que le créancier poursuivant n'a commis aucune erreur puisque la parcelle 2173 n'a pas été mentionnée comme appartenant au débiteur saisi et n'a pas été vendue dans la procédure.
Ils considèrent que si un trouble de jouissance devait donner lieu à réparation, la société FILMAR devrait supporter cette condamnation.

La société FILMAR précise qu'elle a offert à Monsieur X... d'acheter la parcelle 2173 au prix de 50 000 euros ou, à l'inverse, lui a proposé d'acquérir le hangar mais qu'il a refusé et que l'ensemble des parties intéressées ont cédé leurs biens respectifs à la société immobilière CORSE MEDITERRANEE courant mars 2009.

Elle soutient qu'elle n'a pu engager sa responsabilité en défendant son droit de propriété et souligne que Monsieur X... a cédé son bien en faisant expressément référence dans l'acte de cession au jugement d'adjudication et qu'il a pu opérer cette cession grâce à son acceptation d'un prix de cession modéré pour la parcelle 2173.
Elle conteste l'existence d'un quelconque préjudice subi par Monsieur X... qui a acquis une parcelle pour 51 104 euros en septembre 2000 et l'a revendue 140 000 euros en mars 2009.
Elle considère qu'elle a dû exposer des frais alors qu'aucune partie n'a formulé contre elle un grief précis.
*
* *

MOTIFS DE LA DECISION :

Le procès-verbal descriptif du 4 mai 2000 a été établi sur les indications de Monsieur Z... qui a déclaré autoriser ses voisins à entreposer sur son terrain, comme à l'intérieur de son hangar, divers objets et véhicules automobiles.

Ce procès-verbal mentionne en lot numéro 1 un terrain constitué d'un parking côté Est et Nord et un hangar alors que le parking constitue la parcelle 2173 appartenant à la société FILMAR mais cette erreur n'est pas reprise dans le cahier des charges qui mentionne en lot numéro 8 un hangar de 500 mètres carrés sans y adjoindre une quelconque parcelle de terrain et en décrivant l'immeuble vendu comme un bâtiment à usage de hangar ou de bureau. Il n'est pas contesté que la parcelle no 2173 n'a pas fait l'objet de la vente sur adjudication.

Le cahier des charges renvoie d'ailleurs à un acte de Maître M..., notaire à BASTIA, du 15 juillet 1975 et précise les références de publication de cet acte de division. Il se réfère, s'agissant de l'origine de propriété du bien vendu à l'acte reçu par Maître N..., notaire, du 10 janvier 1969, publié le 15 janvier 1969 qui mentionne au profit de la parcelle B 872 un droit de passage d'une largeur de quatre mètres consenti par les propriétaires des parcelles B 873 et B 788.

L'article III du cahier des charges, relatif aux servitudes stipule que l'adjudicataire jouira des servitudes actives et supportera les servitudes passives, occultes ou apparentes, sauf à faire valoir les unes et à se défendre des autres à ses risques et périls sans aucun recours contre les vendeurs.

Monsieur X... soutient que la société CAIXABANK a procédé à la vente aux enchères d'un bien immobilier enclavé sans l'indiquer et qu'elle a commis une faute engageant sa responsabilité.

Il indique avoir acquis un bien sur la foi d'un procès-verbal descriptif erroné mais l'erreur contenue dans le procès-verbal descriptif n'a pas été reprise dans le cahier des charges et l'adjudicataire pouvait difficilement penser acquérir à la fois le hangar de 500 mètres carrés et la parcelle contiguë alors que le cahier des charges mentionnait un bâtiment sans indiquer une parcelle de terrain sur laquelle a été édifié un bâtiment de cette superficie.

L'adjudicataire pouvait se référer à l'acte de division du 15 juillet 1975 et même s'il avait pu penser que le parking attenant au hangar était compris dans la vente cela ne devait pas signifier que cet ensemble était forcément desservi par un passage depuis la voie publique.

La parcelle 2173 provenant de la division de la parcelle B 873 qui comme la parcelle B 872 est issue de la division de l'ancienne parcelle no 789, le propriétaire de la parcelle 2173 aurait pu demander l'application des dispositions de l'article 684 du code civil mais il y a lieu d'observer que l'acte de vente du 27 septembre 1990 par les consorts H... à la société FILMAR des parcelles no B 873 et B 1028 ne contiennent aucune mention relative à une servitude.

La parcelle B 872, objet de l'adjudication, bénéficie en revanche d'une servitude mentionnée dans l'acte du 10 janvier 1969 et l'adjudicataire en bénéficiait et pouvait agir en fixation de son assiette. Il ne démontre en conséquence pas la faute du créancier poursuivant et il est d'ailleurs significatif que l'acte de cession du 4 mars 2009 du bien acquis par voie d'adjudication se réfère s'agissant de l'origine de propriété au jugement d'adjudication et à l'état descriptif de division du 15 juillet 1975 et qu'il mentionne que l'acquéreur profitera des servitudes actives sans les préciser.

Le créancier poursuivant, rédacteur du cahier des charges, ne peut être tenu de mentionner des éléments autres que ceux qui figurent sur les actes d'origine de propriété du bien vendu sur adjudication et l'adjudicataire, comme tout acquéreur d'un bien non-desservi par une voie publique doit s'inquiéter du mode de desserte du bien qu'il est susceptible d'acquérir, surtout s'il entend en faire un dépôt à usage commercial.

Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé, sauf en ce qu'il a constaté que Monsieur X... s'était désisté de son instance tendant à obtenir le désenclavement du bien acquis suivant jugement d'adjudication du 14 septembre 2000.

Monsieur X... qui a réalisé une fructueuse opération et n'a pas démontré les fautes alléguées sera débouté de l'ensemble de ses prétentions et supportera les entiers dépens de l'instance.

L'équité ne commande pas de prononcer au profit de la société BOURSORAMA BANQUE, des époux Z... et de la société FILMAR une condamnation sur le fondement de l'l'article 700 du code de procédure civile. *

* *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA du 16 juillet 2009 qui a constaté le désistement de Monsieur Jean Claude X... de son instance visant à obtenir le désenclavement du bien acquis suivant jugement d'adjudication du 16 juillet 2009,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur Jean Claude X... de l'ensemble de ses prétentions,

Rejette les demandes présentées par la société BOURSORAMA BANQUE, la société FILMAR, les époux Z... sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur Jean Claude X... aux entiers dépens de l'instance.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Ch. civile b
Numéro d'arrêt : 09/00768
Date de la décision : 04/05/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2011-05-04;09.00768 ?
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