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04/05/2011 | FRANCE | N°08/00685

France | France, Cour d'appel de Bastia, Ch. civile b, 04 mai 2011, 08/00685


COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATRE MAI DEUX MILLE ONZE

Ch. civile B

ARRET No
du 04 MAI 2011
R. G : 08/ 00685 R-PH
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 juillet 2008 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 06/ 973

S. A. R. L DIAMANT ALIMENTAIRE DISTRIBUTION (DIALDIS)
C/
S. C. I VITULO X... B... Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE DIAMANT II S. A. R. L STILETTO (DU)

APPELANTE :

S. A. R. L DIAMANT ALIMENTAIRE DISTRIBUTION (DIALDIS) Prise en la personne de son représentant légal en exerc

ice Enseigne SPAR 2, cours Grandval 20000 AJACCIO

représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cou...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
ARRET DU
QUATRE MAI DEUX MILLE ONZE

Ch. civile B

ARRET No
du 04 MAI 2011
R. G : 08/ 00685 R-PH
Décision déférée à la Cour : jugement du 24 juillet 2008 Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO R. G : 06/ 973

S. A. R. L DIAMANT ALIMENTAIRE DISTRIBUTION (DIALDIS)
C/
S. C. I VITULO X... B... Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE DIAMANT II S. A. R. L STILETTO (DU)

APPELANTE :

S. A. R. L DIAMANT ALIMENTAIRE DISTRIBUTION (DIALDIS) Prise en la personne de son représentant légal en exercice Enseigne SPAR 2, cours Grandval 20000 AJACCIO

représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de Me Frédérique CAMPANA, avocat au barreau d'AJACCIO, et Me Raphaëlle DE CONSTANZA, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence,

INTIMES :

S. C. I VITULO Prise en la personne de son représentant légal en exercice 47, route du Vitulo 20090 AJACCIO

représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assistée de Me Jean COMITI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence,

Monsieur Georges X... ...... 20000 AJACCIO

représenté par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assisté de Me Jean COMITI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence,
Madame Xavière B... épouse X... ...... 20000 AJACCIO

représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assistée de Me Jean COMITI, avocat au barreau d'AJACCIO, plaidant en visioconférence,

Syndicat des copropriétaires IMMEUBLE DIAMANT II à AJACCIO Pris en la personne de son syndic en exercice C/ SARL ORGANIGRAM 27 Boulevard Fred Scamaroni 20000 AJACCIO

représenté par la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN, avoués à la Cour
S. A. R. L DU STILETTO Prise en la personne de son représentant légal en exercice Diamant II 1, cours Grandval 20000 AJACCIO

représentée par la SCP Antoine CANARELLI-Jean-Jacques CANARELLI, avoués à la Cour
ayant pour avocat Me Richard ALEXANDRE, avocat au barreau d'AJACCIO

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 mars 2011, devant Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller, et Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, dont l'un d'eux a été chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Marie-Jeanne ORSINI.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 04 mai 2011

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* * Vu le jugement du tribunal de grande instance d'AJACCIO du 24 juillet 2008 qui a :

- dit n'y avoir lieu à annulation du rapport d'expertise judiciaire,
- dit que Monsieur Georges X... et son épouse née Xavière B... ainsi que la société civile immobilière VITULO subissent un trouble anormal de voisinage causé par des nuisances sonores,
- dit que la société à responsabilité limitée DIAMANT ALIMENTAIRE DISTRIBUTION (DIALDIS) et la société à responsabilité limitée du STILETTO devront réparer leurs préjudices,
- débouté les demandeurs de leurs prétentions à l'encontre du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble DIAMANT II,
- condamné in solidum la société DIALDIS et la société du STILETTO à verser à la société VITULO la somme de 61. 000 euros au titre de son préjudice financier à chacun des époux X... la somme de 6. 200 euros au titre de leur préjudice corporel,
- débouté les époux X... et la société VITULO du surplus de leurs prétentions,
- dit que la société STILETTO devra relever et garantir la société DIALDIS à hauteur de 50 % des condamnations prononcées,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné in solidum la société DIALDIS et la société STILETTO à verser sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 1. 500 euros aux époux X... et celle de 900 euros à la société VITULO,
- condamné in solidum les sociétés DIALDIS et STILETTO à supporter 70 % des dépens tandis que les époux X... et la société VITULO supporteront 30 % des dépens.

Vu la déclaration d'appel déposée le 6 août 2008 pour la société DIALDIS.

Vu l'ordonnance de référé du premier président de la Cour d'appel de BASTIA du 14 octobre 2008 qui a autorisé les sociétés DIALDIS et STILETTO à consigner entre les mains du bâtonnier du barreau d'AJACCIO, institué séquestre, la moitié du montant des condamnations prononcées par le jugement du 24 juillet 2008 au profit des époux X... et de la société du STILETTO.

Vu l'ordonnance du 24 août 2009 du président de chambre chargé de la mise en état qui a autorisé la société DIALDIS à faire exécuter les travaux d'isolation phonique préconisés par l'expert et rejeté le surplus des prétentions des parties.

Vu les dernières conclusions de la société DIALDIS du 29 octobre 2010 aux fins d'infirmation du jugement entrepris, statuant à nouveau, de voir :

- à titre principal annuler l'expertise et débouter les époux X... et la société VITULO de leurs prétentions,
- à titre subsidiaire :
constater que le rapport de l'expert E... ne caractérise pas l'existence d'un trouble anormal du voisinage et rejeter les prétentions dirigées contre elle alors qu'elle est simple locataire non-exploitant,
dire que le défaut d'isolement du plancher est la cause exclusive, et en toutes hypothèses, prépondérante de la gêne dont se plaignent les demandeurs,
prononcer sa mise hors de cause,
- en toutes hypothèses :
rejeter les demandes présentées au titre du préjudice financier ou corporel par les époux X... et la société VITULO,
dire que les travaux réalisés par elle ont apporté réparation en nature aux troubles invoqués,
condamner solidairement le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble DIAMANT II et la société STILETTO à lui rembourser les frais de maîtrise d'oeuvre réglés à Monsieur E... et le coût des travaux dont elle a fait l'avance,
- à titre infiniment subsidiaire :
dire que sa responsabilité ne saurait être engagée que dans une proportion infime,
condamner le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble DIAMANT II et la société STILETTO à la relever et garantir intégralement,
- en toutes hypothèses :
ordonner la restitution de la somme de 36. 700 euros qu'elle a consignée,
condamner solidairement la société VITULO et les époux X... à lui verser la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
condamner les demandeurs de première instance ou tout autre succombant aux dépens comprenant les frais d'expertise.

Vu les dernières conclusions de la société du STILETTO du 16 avril 2009 aux fins d'infirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouté de la société du VITULO et des époux X... de leurs prétentions, subsidiairement de voir limiter sa responsabilité en tant que bailleur à 40 % de la réparation du préjudice et dire qu'elle sera garantie de toute condamnation par la société DIALDIS, plus subsidiairement de voir dire que le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble DIAMANT II devra la garantir de toute condamnation, encore plus subsidiairement la voir mettre hors de cause eu égard à l'origine des nuisances en cause et, reconventionnellement, voir condamner in solidum la société DIALDIS et le Syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 5. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les dernières conclusions du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble Résidence du DIAMANT II du 22 octobre 2009 aux fins de voir rejeter les demandes de garantie et les demandes annexes présentées contre lui par la société DIALDIS et la société du STILETTO, de voir confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné les époux X... et la société du VITULO à lui verser la somme de 900 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de voir condamner la société DIALDIS à lui payer la somme de 3. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Vu les dernières conclusions de la société VITULO et des époux X... du 30 juillet 2010 aux fins de confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'existence d'un trouble du voisinage et indemnisé définitivement les victimes, d'infirmation en ce qui concerne l'évaluation des préjudices et de condamnation solidaire de la société DIALDIS et de la société du STILETTO à leur verser :

-61. 000 euros au titre du préjudice financier,
-40. 000 euros au titre du préjudice corporel,
-20. 000 euros à titre de dommages et intérêts,
-3. 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'instance en référé, au fond et d'appel.

Vu l'ordonnance de clôture du 19 janvier 2011.

*

* *
EXPOSE DU LITIGE :

La société VITULO a acquis, suivant acte notarié du 28 février 2002 des consorts A... un appartement de type F4 situé au premier étage de l'immeuble ...à AJACCIO.

Cet appartement occupé par les époux X..., parents du gérant de la société VITULO, est situé au dessus d'un magasin à l'enseigne SPAR, dont les murs appartiennent à la société du STILETTO, qui l'a loué à la société DIALDIS.

Par lettre recommandée du 6 décembre 2004, les époux X... ont demandé à la société DIALDIS de prendre dans un délai très bref toutes mesures nécessaires d'isolation afin de faire cesser les bruits d'exploitation et de respecter les conclusions de l'expertise de Monsieur H... qui avait été désigné par ordonnance de référé du tribunal de grande instance d'AJACCIO dans un litige opposant le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble DIAMANT II à la société DIALDIS.

La société VITULO et les époux X... ont obtenu par ordonnance de référé du 25 mai 2005 dans une instance les opposant à la société DIALDIS et au Syndicat des copropriétaires la désignation de Monsieur E... en qualité d'expert avec notamment mission de procéder à des mesures acoustiques, de dire si les émissions sonores excèdent les normes en vigueur, de dire si les bruits provenant de l'exploitation du magasin SPAR sont de nature à causer des troubles anormaux de voisinage, de préciser le cas échéant les moyens d'y remédier, de préciser si les nuisances ont évolué depuis les mesures sonores effectuées par Monsieur H... et de donner son avis sur les préjudices subis en particulier le préjudice de jouissance ou de dépréciation de l'appartement.

La société DIALDIS a assigné le 3 novembre 2005 la société du STILETTO afin que les opérations d'expertise lui soient communes, ce qui a été ordonné par ordonnance de référé du 29 novembre 2005.

Monsieur E... a déposé un rapport définitif le 17 mars 2006.

La société VITULO et les époux X... ont assigné le 31 juillet 2006 devant le tribunal de grande instance d'AJACCIO la société DIALDIS, la société du STILETTO et le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble DIAMANT II afin d'obtenir leur condamnation solidaire à réparer les dommages causés par les troubles anormaux du voisinage.

Par jugement du 24 juillet 2008, le tribunal de grande instance d'AJACCIO a refusé de prononcer la nullité du rapport d'expertise de Monsieur E... demandée par la société DIALDIS, reconnu l'existence d'un trouble du voisinage, retenu la responsabilité de la société du STILETTO et de la société DIALDIS, écarté celle du Syndicat des copropriétaires en particulier du fait de la prescription de l'action résultant d'un vice de construction depuis la construction de l'immeuble datant de 1975 et condamné in solidum avec exécution provisoire les sociétés déclarées responsables au paiement de la somme de 61. 000 euros à la société du VITULO et celle de 6. 200 euros à chacun des époux X.... Dans les rapports entre la société du STILETTO et la société DIALDIS, chacune de ces sociétés a été déclarée responsable pour moitié du préjudice causé.

La société DIALDIS a interjeté appel de ce jugement et elle a saisi en référé le premier président de la Cour d'appel de BASTIA qui, par ordonnance du 14 octobre 2008, a autorisé les sociétés DIALDIS et du STILETTO à consigner chacune la moitié du montant des condamnations prononcées.

La société DIALDIS a procédé le 16 décembre 2008 à la consignation d'une somme de 36. 700 euros auprès de la CARPA et a obtenu du magistrat de la mise en état une ordonnance du 24 août 2009 l'autorisant à faire exécuter les travaux préconisés par l'expert à ses risques et périls sous le contrôle d'un maître d'oeuvre de son choix.

Monsieur E... était désigné par la société DIALDIS qui a fait exécuter des travaux réceptionnés le 8 février 2010.

Monsieur E... a procédé à des mesures sonores après travaux et il a indiqué dans une note du 6 mai 2010 que les équipements frigorifiques du magasin SPAR généraient des émergences sonores conformes en valeur globale et spectrale aux dispositions du code de la santé publique.

Dans ses dernières écritures, la société DIALDIS se prévaut de l'absence de communication des relevés acoustiques malgré un dire à l'expert pour demander l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a rejeté sa demande d'annulation de l'expertise judiciaire réalisée par Monsieur E.... Elle invoque les dispositions de l'article 276 du code de procédure civile et soutient que les résultats des mesures n'ayant pas été soumis à la libre discussion des parties, l'expertise doit être annulée même si les relevés acoustiques ont été régulièrement effectués.

Elle conteste l'existence d'un trouble anormal du voisinage en l'espèce et se réfère à l'appréciation de l'expert qui a indiqué qu'à son avis le bruit émis ne cause pas de troubles anormaux de voisinage.

Elle critique la motivation des premiers juges qui ont retenu que du seul fait du dépassement du seuil de normalité, le trouble anormal était constitué alors que l'antériorité de l'exploitation du supermarché, la localisation de l'immeuble au coeur du centre-ville, à un carrefour, entouré de voies de circulation, privaient les demandeurs de la possibilité de se plaindre d'une gêne sonore qui ne peut être qualifiée de nuisance excessive ou anormale.

Elle se réfère aux procès-verbaux d'assemblées générales des copropriétaires pour soutenir qu'en procédant à l'acquisition de l'appartement les consorts X... ne pouvaient qu'avoir conscience des problèmes nombreux et récurrents de l'immeuble en matière d'insonorisation.

Elle fait valoir que les travaux réalisés par elle ont mis fin à la gêne alléguée qui ne doit pas lui être imputée mais résulte selon l'expert à une isolation du plancher non conforme à l'arrêté ministériel du 14 juin 1969.

Elle soutient que le bruit provenant de l'exploitation du supermarché n'est pas intrinsèquement de nature à créer des nuisances sonores et considère que les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences de l'avis de l'expert qui a estimé que les bruits résultaient pour 60 % du défaut d'isolement du plancher séparant les locaux techniques de l'appartement.

Elle indique qu'un obstacle majeur interdit sa condamnation : le fait qu'elle a donné en gérance à la société SAES l'exploitation de son fonds de commerce et qu'elle se borne à encaisser les loyers qu'elle répercute au bailleur.

Elle demande à titre subsidiaire à être entièrement relevée et garantie par le propriétaire des murs et par le Syndicat des copropriétaires, responsable du vice de construction qui ne peut invoquer la prescription du fait que le délai de 10 ans n'a commencé à courir qu'au moment où il a été révélé, soit après le dépôt du rapport d'expertise judiciaire.

Elle critique le montant des réparations retenu par les premiers juges en soulignant qu'aucune ordonnance médicale n'est produite par les époux X..., que la société VITULO n'a subi qu'un préjudice hypothétique, envisagé en cas de vente et que la réalisation des travaux met désormais un terme à la gêne invoquée.

La société du STILETTO fait valoir que les nuisances sonores de cette copropriété étaient connues avant l'acquisition de l'appartement par la société VITULO et qu'une procédure judiciaire initiée par le syndic de copropriété avait abouti au rapport H... du 20 août 1999.

Elle soutient que la société VITULO a bénéficié d'une remise de la part de son vendeur en raison des nuisances sonores dont il se plaignait et que cette société ne peut venir demander la réparation d'un préjudice financier.

Elle souligne qu'elle n'a pas fait édifier l'immeuble, qu'elle ne peut être responsable du défaut d'isolement des planchers représentant pour l'expert 60 % du troubles et que la responsabilité du Syndicat des copropriétaires doit être retenue de ce chef du fait que le point de départ de l'action en responsabilité fondée sur l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965 est la révélation de la cause du dommage et non la date de l'achèvement de la construction.

Elle entend, s'agissant des 40 % du trouble découlant de l'activité de son locataire la société DIALDIS, exercer contre lui un recours afin d'être relevée et garantie de toutes condamnations en faisant valoir que le locataire est responsable du défaut de correction acoustique et de mise en place des machines utilisées.

Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble DIAMANT II se réfère à l'expertise de Monsieur E... pour soutenir que la preuve de l'existence d'un vice de construction n'était pas rapportée.

Il fait valoir que l'expert n'a pas été en mesure de se prononcer sur le point de savoir si la mauvaise isolation du plancher provenait d'un défaut de conception ou d'un vice de construction.

Il indique que le vice de construction des parties communes ne peut être présumé, qu'il doit être prouvé.

Il en conclut que les demandes formées contre lui par les sociétés DIALDIS et du STILETTO doivent être rejetées.

Il invoque l'absence de demande de garantie par la société du STILETTO contre lui en première instance et soutient que la demande formulée pour la première fois en cause d'appel n'est pas recevable par application de l'article 564 du code de procédure civile.

Il souligne que le plancher de l'appartement des époux X... ne cause aucun dommage à la société du STILETTO qui est un copropriétaire et pas davantage à la société DIALDIS qui est un tiers et que sa responsabilité ne peut pas être retenue sur le fondement de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965, seul applicable aux circonstances de l'espèce.

La société VITULO et les époux X... font valoir que les travaux effectués plus de 4 ans après le rapport de Monsieur E... du 17 mars 2006 démontrent l'existence du trouble et le bien fondé des conclusions de l'expert.

Ils indiquent que la responsabilité de plein droit de celui qui cause un trouble de voisinage peut être intentée à l'encontre du propriétaire des locaux, de celui qui possède le fonds de commerce et de celui qui exploite ce fonds de commerce que la société DIALDIS pouvait appeler en cause.

Ils se fondent sur le rapport de l'expert E... qui avait constaté que les premiers travaux réalisés par la société DIALDIS étaient insuffisants pour remédier totalement aux nuisances constatées et que huit années se sont écoulées entre l'acquisition de l'appartement et les travaux de remise aux normes effectués en 2010.

Ils soutiennent que le jugement querellé est parfaitement motivé sur la responsabilité et la dépréciation du bien qui constitue un préjudice définitif mais que le préjudice des époux X... dont la santé a été fragilisée par les nuisances sonores a été sous-évalué et doit être actualisé pour tenir compte des huit années écoulées. Ils considèrent en outre que le comportement des sociétés DIALDIS et du STILETTO doit être sanctionné par des dommages et intérêts.

*

* *
MOTIFS DE LA DECISION :

La société DIALDIS invoque les dispositions de l'article 276 du code de procédure civile et l'absence de communication par l'expert des relevés acoustiques pour demander l'annulation de l'expertise judiciaire mais elle n'avait pas informé l'expert avant les opérations de mesure de ce qu'elle entendait obtenir ces relevés et s'est abstenue de participer aux opérations d'expertise qui se sont déroulées en présence de Monsieur I..., le gérant du magasin SPAR les 19 et 20 juillet 2005. La mission d'expertise ne faisait pas obligation à l'expert de communiquer les relevés acoustiques. Les pages 17 et 18 du rapport mentionnent les résultats des mesures sonores pratiquées et les parties ont pu valablement en prendre connaissance et présenter toutes les observations qui leur semblaient utiles avant le dépôt par Monsieur E... de son rapport définitif qui contient son avis quant aux conséquences devant être tirées des mesures sonores réalisées. Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de l'expertise judiciaire.

Le rapport de Monsieur E... est circonstancié. Il présente les résultats des mesures sonores réalisées et les analyse. Il est accompagné de photographies, d'un plan, d'un document descriptif relatif au support BECA, de devis et correspondances et il permet à la Cour de se prononcer.

Les mesures réalisées démontrent que les émissions sonores provenant du magasin SPAR, en particulier de son installation frigorifique, excèdent les normes en vigueur et que le plancher séparant le magasin de l'appartement de la société VITULO ne respecte pas l'isolement minimal prévu dans la réglementation applicable lors de la construction intervenue en 1975.

L'expert a indiqué que le bruit constaté ne causait pas à son avis des troubles anormaux du voisinage au sens " tapage nocturne " mais que par sa répétition il pouvait causer des désordres de santé dont l'appréciation excédait sa compétence.

Le fait que les époux X... occupent un appartement situé juste au dessus d'un magasin, dans une ville animée, à un carrefour, les expose à des nuisances sonores extérieures inévitables mais en l'espèce les troubles subis excèdent les inconvénients normaux du voisinage.

Les procès-verbaux d'assemblées générales des copropriétaires des 31 mai et 26 octobre 1999, 28 février 2000 et 26 mars 2001 versés aux débats font état de nuisances sonores et désignent pour les trois derniers celles provenant du magasin SPAR.

L'antériorité de l'activité commerciale occasionnant les nuisances n'exonère pas son auteur de sa responsabilité dès lors que l'activité génère des nuisances sonores qui excèdent les normes en vigueur. Sans avoir à démontrer l'existence d'une faute, les époux X... et la société VITULO sont fondés à agir sur le fondement de l'article 544 du code civil à l'encontre des responsables de ces troubles anormaux du voisinage.

Même si elle a mis son fonds de commerce en location-gérance, la société DIALDIS est à l'origine des nuisances. Il lui appartenait d'adapter son activité ou celle de son locataire-gérant aux caractéristiques de l'immeuble. La responsabilité de la société du STILETTO est également engagée en sa qualité de propriétaire des locaux d'où proviennent les bruits excédant les inconvénients normaux du voisinage.

Le jugement entrepris sera en conséquence confirmé en ce qu'il a constaté l'existence des troubles anormaux du voisinage et condamné in solidum la société DIALDIS et la société du STILETTO à réparer le préjudice causé au propriétaire et aux occupants de l'appartement qui subissent ces troubles.

Cette réparation n'est pas constituée par la seule réalisation des travaux préconisés par l'expert et mis en oeuvre en 2010 par la société DIALDIS malgré les réticences des époux X... exprimées devant le magistrat de la mise en état.

La société VITULO qui a fait l'acquisition d'un appartement situé au dessus d'un magasin, dans un immeuble dont les copropriétaires avaient débattu à plusieurs reprises des nuisances sonores endurées, fait état d'un préjudice financier lié à la dépréciation de son bien. Le sapiteur, expert immobilier agréé, dont l'expert judiciaire a recueilli l'avis, a estimé que l'appartement subissait une moins-value relative à l'incidence des nuisances sonores de 17 % mais l'existence des nuisances peut expliquer le prix d'acquisition de l'immeuble. La moins-value disparaît si des travaux font disparaître les nuisances constitutives du trouble anormal de voisinage. La société VITULO n'invoque pas une perte de chance de vendre l'immeuble du fait des nuisances. Elle n'indique pas qu'elle souhaitait vendre l'immeuble ni qu'elle aurait perçu un loyer moindre du fait des nuisances. Elle ne justifie pas avoir subi le préjudice de dépréciation qu'elle invoque. Sa qualité de propriétaire d'un appartement affecté d'un trouble anormal du voisinage l'ayant conduite à effectuer des démarches et à faire face aux légitimes récriminations des occupants, justifie cependant la condamnation in solidum de la société DIALDIS et de la société du STILETTO à lui verser la somme de 2. 000 euros en réparation de son préjudice en sus de la prise en charge du coût des travaux préconisés par l'expert.

En leur qualité d'occupants de l'appartement, les époux X... ont subi d'importantes nuisances sonores depuis février 2002 jusqu'au 8 février 2010, date de la réception des travaux réalisés aux frais avancés par la société DIALDIS.

Les certificats médicaux établis par le Docteur J..., le Docteur K... et le Professeur L... décrivent un état pathologique de Madame Xavière X... de nature à rendre encore moins supportables les nuisances endurées.

Le certificat médical du Docteur J... concernant Monsieur Georges X... indique les pathologies qu'il présente et précise qu'il se plaint d'insomnies et de troubles de l'humeur dus aux nuisances. La lettre que les époux X... ont adressée le 6 décembre 2004 traduit bien leur exaspération.

Leur préjudice sera en conséquence réparé par la condamnation in solidum de la société DIALDIS et de la société STILETTO à verser à chacun des époux X... la somme de 8. 000 euros.

Le rapport de l'expert judiciaire a mis en lumière les origines des nuisances. Elles proviennent d'un part de ce que le local technique du magasin n'est pas isolé, que les compresseurs ne comportent pas de dispositif antivibratoire efficace et d'autre part du défaut d'isolation du plancher. L'expert a estimé que l'absence de pouvoir isolant du plancher expliquait 60 % des nuisances.

Même si l'expert s'interroge sur la cause du défaut d'isolation du plancher et évoque une absence d'étude ou une réalisation imparfaite de l'étanchéité entre les locaux, ce défaut d'isolation constitue un vice de construction des parties communes au sens du dernier alinéa de l'article 14 de la loi du 10 juillet 1965.

Le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble DIAMANT II est responsable des dommages causés aux copropriétaires ou aux tiers par ce vice de construction des parties communes durant le délai de 10 ans prévu à l'article 42 alinéa premier de la loi du 10 juillet 1965.

Les premiers juges ont retenu que l'action dirigée contre le Syndicat des copropriétaires était prescrite du fait que l'immeuble avait été construit en 1975 mais le point de départ de la prescription est la date

d'apparition des désordres dans l'appartement de la société VITULO. Même si des nuisances sonores étaient perceptibles et dénoncées lors des assemblées des copropriétaires, la prescription ne court qu'à compter de la révélation de la cause du dommage à la société VITULO, soit à compter du dépôt du rapport de l'expert E... le 17 mars 2006. Le jugement entrepris sera en conséquence infirmé de ce chef.

La société DIALDIS est en conséquence bien fondée à obtenir d'être relevée et garantie par le Syndicat des copropriétaires à hauteur de 60 % des condamnations mises à sa charge ainsi que du coût des travaux préconisés par l'expert et des frais de suivi du chantier du fait que le vice de construction explique 60 % du dommage causé par les nuisances sonores.

La société du STILETTO dont la responsabilité a été retenue en sa qualité de propriétaire des locaux d'où provenaient les nuisances est bien fondée à obtenir d'être relevée et garantie par son locataire dont l'activité est à l'origine des nuisances sonores et qui n'a pas adapté les modalités d'exercice de cette activité aux caractéristiques de l'immeuble.

L'équité commande de confirmer les condamnations prononcées par les premiers juges sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et de rejeter le surplus des demandes présentées sur ce fondement par les parties en cause d'appel.

La société DIALDIS sera autorisée à obtenir la restitution de la somme de 36. 700 euros qu'elle a consignée.

Les dépens de l'instance comprenant ceux de l'instance en référé, le coût de l'expertise judiciaire, les dépens de l'instance au fond et en appel seront mis à la charge de la société DIALDIS qui pourra se faire relever et garantir par le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble DIAMANT II à concurrence de 60 % des dépens.

*

* *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Confirme le jugement du tribunal de grande instance d'AJACCIO du 24 juillet 2008 en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation du rapport de l'expert E..., dit que la société VITULO et les époux X...

avaient subi des troubles anormaux du voisinage causés par des nuisances sonores, dit que la société DIALDIS et la société du STILETTO devront réparer leurs préjudices et fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
L'infirme pour le surplus et, statuant à nouveau,
Condamne in solidum la société DIALDIS et la société du STILETTO à verser en réparation du préjudice subi la somme de DEUX MILLE EUROS (2. 000 euros) à la société VITULO et celle de HUIT MILLE EUROS (8. 000 euros) à chacun des époux Georges et Xavière X...,
Condamne in solidum la société DIALDIS et la société du STILETTO à supporter le coût des travaux préconisés par l'expert réalisés par la société Construction Martins et Frères, par la société Mecafroid et par la Ferronnerie S. Tarsitano, et celui des frais de maîtrise d'oeuvre réglés à Monsieur E..., dont la société DIALDIS a fait l'avance en application de l'ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 24 août 2009,
Dit que la société du STILETTO devra être garantie de toute condamnation mise à sa charge par la société DIALDIS,
Dit que la société DIALDIS sera garantie par le Syndicat des copropriétaires de l'immeuble DIAMANT II à concurrence de 60 % des condamnations mises à sa charge,
Autorise la société DIALDIS à obtenir la restitution de la somme de TRENTE SIX MILLE SEPT CENTS EUROS (36. 700 euros) qu'elle a consignée,
Déboute les parties du surplus de leurs prétentions,
Met les dépens de l'instance comprenant le coût du rapport d'expertise, les dépens de l'instance de référé et au fond devant le Tribunal et la Cour à la charge de la société DIALDIS qui pourra obtenir du Syndicat des copropriétaires de l'immeuble DIAMANT II d'être garantie à hauteur de 60 % du montant des dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Ch. civile b
Numéro d'arrêt : 08/00685
Date de la décision : 04/05/2011
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2011-05-04;08.00685 ?
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