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16/02/2011 | FRANCE | N°09/00775

France | France, Cour d'appel de Bastia, Ch. civile b, 16 février 2011, 09/00775


COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
Ch. civile B
ARRET du 16 FEVRIER 2011
R. G : 09/ 00775 C-MPA
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 03 août 2009 Tribunal de Commerce d'AJACCIO R. G : 09/ 2554

S. A. R. L BOUCHERIE CHARCUTERIE LES PALMIERS
C/
C...X...C...C...C...

APPELANTE :

S. A. R. L BOUCHERIE CHARCUTERIE LES PALMIERS Prise en la personne de son représentant légal en exercice Chez Monsieur Jean Pierre Y......20150 PORTO

représentée par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour


assistée de Me José ANGELO NEVES, avocat au barreau d'AJACCIO et de Me Chantal FLORES, avocat au barreau d...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
Ch. civile B
ARRET du 16 FEVRIER 2011
R. G : 09/ 00775 C-MPA
Décision déférée à la Cour : ordonnance de référé du 03 août 2009 Tribunal de Commerce d'AJACCIO R. G : 09/ 2554

S. A. R. L BOUCHERIE CHARCUTERIE LES PALMIERS
C/
C...X...C...C...C...

APPELANTE :

S. A. R. L BOUCHERIE CHARCUTERIE LES PALMIERS Prise en la personne de son représentant légal en exercice Chez Monsieur Jean Pierre Y......20150 PORTO

représentée par la SCP CANARELLI Antoine CANARELLI Jean Jacques, avoués à la Cour
assistée de Me José ANGELO NEVES, avocat au barreau d'AJACCIO et de Me Chantal FLORES, avocat au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence.

INTIMEES :

Madame Marie Louise C...épouse D...née le 09 Mai 1946 à MARIGNANA (20141) PORTO 20150 ...

représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de la SCPA M. M. LEANDRI, avocats au barreau d'AJACCIO plaidant en visioconférence.

Madame Chantal X...C......20090 AJACCIO

représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
ayant pour avocat Me Joseph SAVELLI, avocat au barreau d'AJACCIO

Madame Elodie Marie C......20090 AJACCIO

défaillante

Madame Jessica Céline C......20090 AJACCIO

défaillante

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 28 janvier 2011, devant Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 février 2011.

ARRET :

Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Monsieur Paul C...en son vivant, propriétaire d'un fonds de commerce d'hôtel, restaurant, débit de boissons et débit de carburant, est décédé le 10 juillet 1995 en laissant pour seuls héritiers ses quatre enfants issus de ces deux unions.

Il avait légué l'usufruit de ses propriétés à son épouse Madame Chantal F...veuve C...et à ses deux filles Madame Elodie Marie C...et Madame Jessica Céline C...issues de son union avec cette dernière.

Le 20 avril 2009, celles-ci, en leur qualité d'usufruitières, ont consenti un contrat de location-gérance à la SARL BOUCHERIE CHARCUTERIE LES PALMIERS pour la branche d'activité de restaurant et débit de boissons avec précision que l'activité d'hôtellerie et de débit de carburant n'était pas concernée.

Par acte huissier en date du 25 mai 2009, Madame Marie Louise C...épouse D...a fait assigner les parties à ce contrat afin d'obtenir l'interdiction de mettre à exécution le contrat de location gérance ainsi que la remise en état des lieux sous astreinte outre le paiement de la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de référé en date du 3 août 2009 par laquelle le Président du Tribunal de commerce d'AJACCIO a dit qu'il serait fait interdiction à la requise de mettre à exécution le prétendu contrat de location-gérance, en s'abstenant notamment de commencer toute exploitation d'un commerce de boucherie, alimentation, et à remettre les lieux en état initial le tout sous astreinte de 5. 000 euros par infraction journalière constatée prononcée in solidum à l'encontre des requises, condamné in solidum les requises au paiement de la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Vu la déclaration d'appel formalisée par la SARL BOUCHERIE CHARCUTERIE LES PALMIERS le 25 août 2009.

Vu l'assignation délivrée le 11 mars 2010 à l'encontre de Madame Elodie Marie C...et Madame Jessica Céline C....

Vu les dernières conclusions déposées le 6 avril 2010 par Madame Marie Louise C...épouse D....

Elle prétend à la confirmation de la décision entreprise outre le prononcé d'une astreinte journalière de 10. 000 euros et le paiements de la somme de 2. 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Elle invoque sa qualité à agir en sa qualité d'héritière réservataire.

Elle soutient que le juge des référés, qui est juge de l'évidence, n'a pas procédé à une requalification du contrat mais n'a fait que tirer les conséquences du constat que le contrat prétendument qualifié de location-gérance ne portait pas sur l'exploitation du fonds d'hôtel restaurant mais permettait ainsi à l'appelante de créer et exploiter un fonds de commerce de boucherie charcuterie, traiteur.

Elle conteste que le contrat litigieux puisse s'apparenter à une location-gérance partielle.
Elle invoque des conséquences manifestement illicites soutenant que les travaux réalisés par l'appelante ont fait disparaître les éléments matériels permettant l'exploitation du restaurant impliquant ainsi la disparition du fonds inclus dans la masse à partager au plan successoral.
Elle ajoute que le contrat litigieux permet également à l'appelante de créer et exploiter une autre activité lui permettant, à terme, de revendiquer le statut des baux commerciaux.

Vu les dernières conclusions de la SARL BOUCHERIE CHARCUTERIE LES PALMIERS en date du 7 septembre 2010.

En premier lieu, elle sollicite la jonction de cette instance avec une autre procédure, objet d'une déclaration d'appel relativement à une ordonnance de référé en date du 15 mars 2010 ayant prononcé son expulsion.
En second lieu elle conclut à l'infirmation de l'ordonnance entreprise estimant que le juge des référés n'était pas compétent pour connaître de la demande.
Elle réclame le paiement de la somme de 2. 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que le juge des référés a procédé à une requalification du contrat litigieux, interprétation qui ne relève pas de ses pouvoirs mais de ceux du juge du fond.
Elle ajoute que le contrat n'est source d'aucun dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite.
En effet, elle invoque l'insalubrité des lieux qui rendaient indispensables les travaux entrepris mais également le fait que le fonds n'était plus exploité, défaut d'exploitation qui était de nature à faire disparaître le fonds.
Enfin elle ajoute que son inscription mentionne une activité principale de restauration traditionnelle ce qui lui permettra d'exploiter un restaurant et un bar. Elle précise en outre que le gérant s'est inscrit à l'Union des Métiers et des Industries de l'Hôtellerie afin de suivre un stage de formation lui permettant d'exercer l'activité de restaurateur.

Dans ces conditions, elle estime que le grief qui lui ait fait de disparition du fonds de commerce n'existe plus.

Sur l'activité d'hôtellerie, elle allègue que cette activité a déjà disparu et qu'en toute hypothèse ne la concerne pas s'agissant d'une location-gérance partielle.
Enfin, elle excipe du caractère définitif et non provisoire des mesures prises par l'ordonnance entreprise.
De façon plus générale, elle indique être prise dans un véritable étau entre le nu-propriétaire qui l'empêche d'exécuter le contrat de location-gérance et l'usufruitier qui en revendique l'exécution par le paiement des loyers.

Vu les dernières conclusions déposées dans l'intérêt de Madame Chantal F...veuve C...le 13 octobre 2010.

Elle s'oppose à la demande de jonction formulée par la SARL BOUCHERIE CHARCUTERIE LES PALMIERS.
Elle conclut à l'incompétence du juge des référés et au renvoi de Madame Marie Louise C...épouse D...à mieux se pourvoir.
En conséquence, elle prétend à la réformation de la décision entreprise et réclame le paiement de la somme de 2. 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle rappelle que l'usufruitier peut donner un fonds en location-gérance sans le concours du nu-propriétaire et qu'en application de l'article L. 144-4, une location-gérance partielle est possible.
Elle en déduit que le contrat de location-gérance ne peut être considéré comme un acte d'appauvrissement du fonds de commerce mais au contraire, qu'il ne peut qu'augmenter sa valeur.
Elle invoque l'existence de contestations sérieuses et l'absence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite.
En application de l'article 815-3 du Code civil qui reconnaît la possibilité aux indivisaires d'au moins deux tiers de passer certains actes, elle estime que la convention a été régulièrement passée.
Enfin, elle estime que l'action a été irrégulièrement engagée sur le fondement de l'article 809 code de procédure civile et, au demeurant irrecevable, en l'absence de justification par Madame Marie Louise C...épouse D...de sa qualité à agir.

Vu l'ordonnance de clôture en date du 13 octobre 2010 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 22 octobre 2010.

À cette audience, l'affaire a été renvoyée au 28 janvier 2011, date à laquelle elle a été mise en délibéré.

*

* *

MOTIFS :

Attendu sur la procédure qu'en application de l'article 367 du code de procédure civile, le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble ;

Attendu que la présente instance a été initiée par l'une des nu-propriétaire qui s'oppose à l'exécution du contrat de location-gérance ; qu'une autre instance est également pendante devant la juridiction de céans pour laquelle les usufruitières invoquent une inexécution du contrat de location-gérance ; que toutefois, outre le but poursuivi par les demanderesses qui s'avère radicalement différent, il convient de considérer que l'objet des instances n'implique nullement qu'il soit de l'intérêt des litiges que les deux affaires soient instruites et jugées ensemble ; qu'au demeurant, il est suffisant que ces deux affaires aient été appelées à la même audience et mises en délibéré à la même date ; que la demande de jonction sera donc écartée ;

Attendu sur la qualité à agir de Madame Marie Louise C...épouse D...qu'il résulte des pièces versées aux débats que cette dernière est la fille de Monsieur Paul C..., décédé le 10 juillet 1995, issue d'une première union ; qu'elle figure en cette qualité d'héritière membre de l'indivision successorale sur l'extrait du registre du commerce ; qu'au regard de ces éléments, sa demande est donc recevable ;

Attendu qu'en application de l'article 872 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de commerce peut, dans les limites de la compétence du tribunal, ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ;

Attendu qu'en application de cet article, l'existence d'une contestation sérieuse ne prive le juge des référés du pouvoir de prescrire une mesure que lorsque celle-ci implique le règlement, par le juge lui-même, de cette contestation ;

Attendu que Madame Marie Louise C...épouse D...soutient que le contrat litigieux ne porte pas sur l'exploitation du fonds d'hôtel restaurant et permet ainsi à l'appelante de créer et d'exploiter un fonds de commerce de boucherie charcuterie, traiteur ; qu'elle en déduit que l'exploitation du fonds ainsi réalisée engendrera la disparition du fond initial et la création d'un nouveau fonds dont la SARL BOUCHERIE CHARCUTERIE LES PALMIERS pourra réclamer le bénéfice ultérieurement ;

Attendu toutefois que Mesdames Elodie et Jessica C..., en leur qualité d'usufruitières, pouvaient valablement consentir un contrat de location-gérance qu'il soit partiel ou total ; que les conséquences invoquées par Madame Marie Louise C...épouse D...impliquent manifestement un examen par le juge de la convention et de ses incidences éventuelles ; que cet examen relève d'une question de fond, seules susceptibles de pouvoir justifier la mesure sollicitée ; qu'il convient donc de considérer que cet examen constitue une contestation sérieuse au sens de l'article 872 du code de procédure civile et donc exclusive de la compétence du juge des référés ;

Attendu d'autre part que la mesure d'interdiction demandée, par sa nature, s'agissant d'une interdiction d'exploiter, ne saurait être considéré comme une mesure justifiée par l'existence d'un différend ; qu'en effet, le caractère définitif de cette mesure ne saurait s'apparenter à une mesure conservatoire ou de sauvegarde alors que les parties au contrat de location-gérance ont qualité à agir pour les unes et disposent d'un titre pour les autres ; que la demande sera donc écartée en application de l'article 872 du code de procédure civile ;

Attendu qu'en application de l'article 873 du code de procédure civile, le président peut, dans les mêmes limites, et même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'impose, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Attendu sur le premier terme de l'article 873, que la mesure demandée ne saurait être qualifiée de mesure conservatoire en raison de son caractère définitif ainsi qu'il vient d'être exposé ; que sur la demande d'interdiction et de remise en état, il appartient à la demanderesse de rapporter la preuve de l'existence d'un trouble manifestement illicite ou de la survenance d'un dommage imminent ;

Attendu en premier lieu que la réalité d'un trouble manifestement illicite ne peut être constatée qu'en présence d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit ; qu'en l'espèce, la conclusion d'un contrat de location-gérance ne portant que sur une partie du fonds par des personnes ayant qualité pour ce faire ne peut être constitutive, en soi, d'un trouble qui puisse être considéré comme manifestement illicite ;

Attendu en second lieu que la prévention d'un dommage imminent implique nécessairement que la survenue de celui-ci soit certaine ; que sur ce point, les griefs de disparitions du fonds et de création d'un nouveau fonds invoqués par la demanderesse ne sont pas avérés au point d'être certains ; qu'un dommage éventuel ne peut fonder l'intervention du juge des référés alors que sa survenance ne peut que résulter de l'examen des conventions liant les parties et de leurs conséquences ; qu'en considération de ces éléments, la demande ne peut valablement prospérer sur le fondement de l'article 873 du code de procédure civile ;

Attendu que Madame Marie Louise C...épouse D..., qui succombe, doit supporter la charge des dépens, conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile et être déboutée en sa demande fondée sur l'article 700 du même code ; qu'en revanche, aucune raison d'équité ne commande l'application de cet article au profit des autres parties.

*
* *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme l'ordonnance de référé en date du trois août 2009 du Tribunal de commerce d'AJACCIO en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau,
Dit n'y avoir lieu à référé et rejette toutes les demandes de Madame Marie Louise C...épouse D...,
Condamne Madame Marie Louise C...épouse D...aux dépens dont distraction au profit de Maître ALBERTINI,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes les autres demandes des parties.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Ch. civile b
Numéro d'arrêt : 09/00775
Date de la décision : 16/02/2011
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2011-02-16;09.00775 ?
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