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16/02/2011 | FRANCE | N°09/00243

France | France, Cour d'appel de Bastia, Ch. civile b, 16 février 2011, 09/00243


COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
Ch.civile B
ARRET du 16 FEVRIER 2011
R. G : 09/ 00243 C-MPA
Décision déférée à la Cour : jugement du 05 mars 2009 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 05/ 1168

X...
C/
B...CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE

APPELANT :
Monsieur André X...... 20200 BASTIA

représenté par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
assisté de Me Jean BALBO, avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant par Me Jean-Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEES :
Mada

me Marie Cécile B...épouse C...née le 02 Avril 1966 à MONTREAL (CANADA) ...94450 LIMEIL BREVANNES

représenté...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE
Ch.civile B
ARRET du 16 FEVRIER 2011
R. G : 09/ 00243 C-MPA
Décision déférée à la Cour : jugement du 05 mars 2009 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 05/ 1168

X...
C/
B...CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE

APPELANT :
Monsieur André X...... 20200 BASTIA

représenté par la SCP René JOBIN Philippe JOBIN, avoués à la Cour
assisté de Me Jean BALBO, avocat au barreau de TOULOUSE, plaidant par Me Jean-Louis RINIERI, avocat au barreau de BASTIA
INTIMEES :
Madame Marie Cécile B...épouse C...née le 02 Avril 1966 à MONTREAL (CANADA) ...94450 LIMEIL BREVANNES

représentée par la SCP RIBAUT BATTAGLINI, avoués à la Cour
assistée de Me François-José MARTINI, avocat au barreau de BASTIA
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE LA HAUTE CORSE Prise en la personne de son représentant légal en exercice 5 Avenue Jean Zuccarelli BP 501- Service Contentieux 20406 BASTIA CEDEX

défaillante
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue à l'audience publique du 20 janvier 2011, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller

qui en ont délibéré.
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 16 février 2011.
ARRET :
Réputé contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* * FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

Entre les mois de mai et juillet 2000, Madame Marie Cécile B...a fait réaliser des travaux dentaires par Monsieur André X..., médecin stomatologiste, pour un montant de 5. 337, 72 euros.
Arguant de la mauvaise exécution de ces travaux et d'un dommage en ayant suivi, elle a fait assigner ce médecin pour obtenir réparation du préjudice causé.
Un premier médecin expert a été désigné et a déposé son rapport le 20 janvier 2005.
Par jugement en date du 1er février 2007, le Tribunal de grande instance de BASTIA a prononcé la nullité de ce premier rapport d'expertise et désigné un nouvel expert.
Ce dernier a déposé son rapport le 11 octobre 2007.
Vu le jugement en date du 5 mars 2009 par lequel le Tribunal de grande instance de BASTIA a constaté que Monsieur André X...a commis une faute à l'occasion des soins qu'il a délivrés à Madame Marie Cécile B..., déclaré Monsieur André X...responsable du préjudice subi par Madame Marie Cécile B...du fait de la pose de prothèses défectueuses, fixé l'indemnisation du préjudice de Madame Marie Cécile B...à hauteur de 600 euros au titre du déficit fonctionnel, 1. 600 euros au titre des souffrances endurées, 1. 000 euros au titre du préjudice esthétique, condamné Monsieur André X...à verser à Madame Marie Cécile B...la somme de 3. 200 euros en indemnisation du préjudice causé par la pose de prothèses dentaires défectueuses, condamné Monsieur André X...à payer à Madame Marie Cécile B...la somme de 800 euros en réparation de la perte de chance causée par un défaut d'information, condamné Monsieur André X...à payer à Madame Marie Cécile B...la somme de 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, débouté Madame Marie Cécile B...de sa demande d'indemnisation de dépenses de santé, débouté les parties de leurs demandes plus amples au contraire, déclaré la décision commune et opposable à la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE CORSE, condamné Monsieur André X...aux dépens en ce compris les frais d'expertise.
Vu la déclaration d'appel formalisée par Monsieur André X...le 24 mars 2009.
Vu l'assignation avec signification de déclaration d'appel en date du 16 octobre 2009.
Vu les dernières conclusions de Madame Marie Cécile B...en date du 21 juin 2010.
Elle conclut à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré Monsieur André X...responsable de son préjudice en application de l'article 1147 du code civil.
En revanche, elle prétend à son infirmation sur le montant de son préjudice et réclame le paiement de la somme totale de 15. 601, 34 euros après déduction de la créance du tiers payeur sur le poste « dépenses de santé ».
Elle réclame le paiement de la somme de 2. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu les dernières conclusions déposées dans l'intérêt de Monsieur André X...le 29 septembre 2010.
Il prétend à la réformation du jugement entrepris estimant que Madame Marie Cécile B...ne rapporte pas les preuves nécessaires au succès de ses prétentions. Il soutient que la demande est dépourvue d'objet et que la preuve d'une faute de sa part au titre du contrat de soins n'est pas rapportée. Il réclame le paiement de la somme de 3. 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE CORSE n'a pas comparu mais a écrit pour évaluer ses débours.
Vu l'ordonnance de clôture en date du 3 novembre 2010 ayant renvoyé l'affaire pour être plaidée à l'audience du 20 janvier 2011.
*
* *
MOTIFS :
Attendu sur la qualification de l'obligation pesant sur Monsieur André X...qu'en application de l'article 1147 du code civil, il se forme entre le médecin et le patient un contrat par lequel le praticien doit donner des soins attentifs, consciencieux et conforme aux données actuelles de la science ;
Attendu que l'obligation pesant sur le médecin est une obligation de moyen ; que la preuve de la commission d'une faute par ce dernier incombe donc au patient qui prétend avoir été victime ;
Attendu sur l'administration de la preuve, que les conclusions du rapport d'expertise tiennent expressément compte de l'absence d'éléments cliniques et administratifs ayant rendu extrêmement difficile la traduction, de façon précise, de l'ensemble du déroulement des étapes de soins ; que toutefois, ce constat opéré par l'expert permet de considérer que l'absence de production des prothèses réalisées par Monsieur André X...n'obère en rien les constatations et déductions de l'expert qui a accompli sa mission en considération et au regard de ces difficultés ; que la décision entreprise ne saurait donc être réformée au visa des articles 6, 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil ;
Attendu pareillement que l'absence d'examen des prothèses réalisées et posées ne saurait avoir pour effet de retirer tout objet au fondement de la demande ainsi que cela est allégué par l'appelant ; qu'en effet il est pour le moins paradoxal d'invoquer ce moyen alors que la demande est justement fondée sur la nécessité ultérieure pour Madame Marie Cécile B...de faire procéder au remplacement des prothèses litigieuses ;
Attendu sur la caractérisation d'une faute que dans ses conclusions, l'expert indique que la responsabilité de Monsieur André X...est engagée en termes de devoir d'information de sa patiente et sur la qualité et la pérennité des travaux prothétiques concernant la dent 25 et le bridge supérieur droit ;
Attendu plus précisément sur le devoir d'information que l'expert précise que le refus de prise en charge des travaux prothétiques au niveau des couronnes céramiques du groupe incisif supérieur, seul élément administratif tangible dont il a pu disposer dans le dossier, aurait dû faire l'objet d'une information de la part du médecin à l'égard de sa patiente notamment au regard des conséquences financières pour elle en raison du refus de remboursement ; que l'expert ajoute que le fait que la patiente ait du rapidement rejoindre le continent ne saurait pour autant justifier ce défaut d'information ; que le médecin a entrepris ces travaux dentaires sans s'assurer de l'entier consentement de sa patiente ;
Attendu qu'il pèse sur le praticien une obligation d'informer son patient de manière loyale, claire et appropriée quant au risque et aux conséquences de l'intervention projetée afin que ce dernier puisse prendre sa décision en toute connaissance de cause au regard des risques avérés et des avantages espérés ;
Attendu que cette obligation de conseil sur les risques de l'intervention et des soins résulte de l'application de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique ; que la preuve de son exécution peut être rapportée par tout moyen ;
Attendu sur ce point qu'au-delà des conclusions du rapport d'expertise non pertinemment critiquées par l'appelant, il convient de considérer que l'expert a pris le soin de rappeler qu'aucun élément de prise en charge n'avait pu être retrouvé alors qu'en 2000, époque à laquelle les soins ont été prodigués, il appartenait au praticien de faire la demande de prise en charge et de la remettre au client en vue de l'accord ou non pour la réalisation des travaux prothétiques ; que Monsieur André X...ne justifie ni même n'allègue avoir procédé à cette démarche puisqu'il prétend justifier sa carence par le souhait de sa cliente de faire procéder aux travaux le plus rapidement possible ; que c'est justement cette carence et ce comportement qui sont stigmatisés par l'expert et qui constituent un manquement à son obligation d'information ;
Attendu sur la nature et le siège des soins prodigués que l'expert indique que la responsabilité de Monsieur André X...est partiellement engagée vis-à-vis de la dent 25 dont l'état était très moyen et qui aurait nécessité une information de Madame Marie Cécile B...sur l'autre éventualité ainsi que sur sa durée de maintien en bouche ;
Attendu qu'il retient également une faute à l'encontre de Monsieur André X...dans la réalisation du bridge supérieur droit, vraisemblablement en raison d'un défaut de fabrication de la céramique au laboratoire, dont la qualité n'a pas été d'une durée suffisante estimée en la matière à 10 ans alors que l'éclat de céramique est survenu en 2002, soit à peine deux ans après sa réalisation ;
Attendu qu'en matière de fourniture de prothèses, le chirurgien-dentiste est tenu d'une obligation de résultat et doit donc fournir un appareil utilisable, donnant satisfaction et sans défaut ; qu'au regard des conclusions expertales, il doit donc être considéré que Monsieur André X...a manqué à son obligation telle que décrite et précisée ci-dessus ;
Attendu dans ces conditions que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré Monsieur André X...responsable du préjudice subi par Madame Marie Cécile B...;
Attendu sur la réparation du dommage corporel qu'il convient d'examiner poste par poste les chefs de préjudice indemnisables ;
Attendu sur les préjudices patrimoniaux temporaires avant consolidation et en premier lieu sur les dépenses de santé échues que c'est à bon droit que le premier juge a écarté la réclamation de Madame Marie Cécile B...dans la mesure où il a indiqué que l'expert avait écarté expressément la responsabilité de Monsieur André X...quant à la nécessité de procéder à des actes médicaux dont le remboursement était demandé ; qu'au demeurant, les débours dont fait état la CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE HAUTE CORSE ne permettent pas d'identifier les soins rendus nécessaires à la suite des seules fautes commises par Monsieur André X...;
Attendu sur les souffrances endurées qu'en raison de complications ayant résulté de l'intervention, Madame Marie Cécile B...a subi un retentissement psychologique qui doit cependant être relativisé en raison d'antécédents ; que dans ces conditions, ce chef de préjudice sera justement indemnisé par l'allocation de la somme de 1. 600 euros ;
Attendu sur les préjudices extra patrimoniaux permanents après consolidation et en premier lieu sur le déficit fonctionnel permanent se définissant comme un préjudice extra patrimonial découlant d'une incapacité constatée médicalement qui établit que le dommage subi a une incidence sur les fonctions du corps humain de la victime ; qu'il s'agit là de réparer les incidences du dommage qui touchent exclusivement à la sphère personnelle de la victime ; que doivent donc être indemnisées à ce titre non seulement les atteintes aux fonctions physiologiques de la
victime mais aussi la douleur permanente qu'elle ressent, la perte de qualité de vie et les troubles dans les conditions d'existence au quotidien après consolidation ; que ce poste de préjudice doit également réparer la perte d'autonomie personnelle que vit la victime dans ses activités journalières ; que ce déficit fonctionnel permanent intègre donc à la fois les séquelles, les souffrances post consolidation mais également l'impact sur la qualité de vie ;
Attendu que l'expert a fixé un taux d'incapacité permanente partielle de 0, 5 % en raison de la pose d'une prothèse amovible compensant en partie la perte de la dent 25 ; que compte tenu de ces éléments, il convient de considérer que l'évaluation retenue par le premier juge par de justes motifs que la Cour adopte, doit être confirmée ;
Attendu sur le préjudice esthétique que l'expert conclu à l'existence d'un préjudice de ce chef mais de nature provisoire car afférent au descellement de dents prothétiques et au port de dent provisoire ; que l'indemnisation retenue par le premier juge de ce chef doit être confirmée ;
Attendu sur les autres postes de préjudice qu'il a été retenu et établi que Monsieur André X...n'a pas présenté de devis à sa patiente préalablement aux soins alors qu'il était tenu de lui remettre une demande de prise en charge pour recueillir son accord quant à la réalisation de travaux prothétiques ; que contrairement à son obligation, il n'a pas procédé à une demande de prise en charge préalable ainsi que cela était obligatoire au moment où il a réalisé les travaux dentaires ; qu'il convient par ailleurs d'ajouter que, en contravention à son obligation légale, Monsieur André X...n'était pas couvert par une assurance garantissant sa responsabilité civile ; que le défaut d'information ainsi retenu constitue une faute ayant privé Madame Marie Cécile B...de sa possibilité de renoncer à des soins trop coûteux au regard de ses possibilités de remboursement ; que ce préjudice sera justement indemnisé par l'allocation de la somme de 800 euros ;
Attendu que la partie qui succombe doit être condamnée aux dépens et débouté en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ; qu'en revanche, il convient de faire droit à la demande de Madame Marie Cécile B...de ce chef.
*
* *
PAR CES MOTIFS,
LA COUR :
Confirme le jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA en date du 5 mars 2009 en toutes ses dispositions,
Condamne Monsieur André X...aux dépens d'appel,
Condamne Monsieur André X...à payer à Madame Marie Cécile B...la somme de DEUX MILLE EUROS (2. 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette toutes les autres demandes des parties.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Ch. civile b
Numéro d'arrêt : 09/00243
Date de la décision : 16/02/2011
Sens de l'arrêt : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2011-02-16;09.00243 ?
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