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06/10/2010 | FRANCE | N°08/00734

France | France, Cour d'appel de Bastia, Ch. civile b, 06 octobre 2010, 08/00734


COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE Ch. civile B

ARRET du 06 OCTOBRE 2010
R. G : 08/ 00734 C-JB
Décision déférée à la Cour : jugement du 29 juillet 2008 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 07/ 273

SAFER DE LA CORSE
C/
X...
APPELANTE :
SAFER DE LA CORSE Prise en la personne de son représentant légal en exercice Maison de l'agriculture 15, Avenue Jean Zuccarelli 20200 BASTIA

représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assistée de Me Jean-Paul EON, avocat au barreau de BASTIA

INTIME :

Mons

ieur Don Joseph X...né le 23 Février 1921 à PIETRASERENA (...) ... PIETRASERENA

représenté par la SCP R. JOBIN ...

COUR D'APPEL DE BASTIA
CHAMBRE CIVILE Ch. civile B

ARRET du 06 OCTOBRE 2010
R. G : 08/ 00734 C-JB
Décision déférée à la Cour : jugement du 29 juillet 2008 Tribunal de Grande Instance de BASTIA R. G : 07/ 273

SAFER DE LA CORSE
C/
X...
APPELANTE :
SAFER DE LA CORSE Prise en la personne de son représentant légal en exercice Maison de l'agriculture 15, Avenue Jean Zuccarelli 20200 BASTIA

représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour
assistée de Me Jean-Paul EON, avocat au barreau de BASTIA

INTIME :

Monsieur Don Joseph X...né le 23 Février 1921 à PIETRASERENA (...) ... PIETRASERENA

représenté par la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN, avoués à la Cour
assisté de Me Lyria OTTAVIANI, avocat au barreau de BASTIA et Me Céline PIANELLI-COQUE, avocat au barreau de BASTIA
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 03 septembre 2010, devant Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre Monsieur Philippe HOAREAU, Conseiller Madame Marie-Paule ALZEARI, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :
Madame Marie-Jeanne ORSINI.
Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 06 octobre 2010.

ARRET :

Contradictoire,
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Monsieur Jean BRUNET, Président de Chambre, et par Madame Marie-Jeanne ORSINI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

*

* * Vu le jugement du Tribunal de grande instance de BASTIA du 29 juillet 2008 qui a annulé la décision de préemption notifiée par la SAFER le 8 novembre 2006 et portant sur les parcelles cadastrées section B no 203 et 204 sur la commune de PIETRA SERENA.

Vu la déclaration d'appel de la SAFER déposée au greffe de la Cour le 27 août 2008.

Vu les dernières conclusions de l'appelante en date du 1er avril 2010 aux fins d'infirmation de la décision entreprise et de condamnation de Monsieur X...à lui payer la somme de 2. 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre dépens.

Vu les dernières conclusions de Monsieur Don Joseph X...en date du 27 janvier 2010 aux fins de confirmation du jugement et de condamnation de la SAFER à lui payer la somme de 2. 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu l'ordonnance de clôture du 20 mai 2010.

LES FAITS ET LA PROCEDURE :

Le 19 septembre 2006, la SCP PINNA-MELGRANI-CUTTOLI, notaire à AJACCIO, informait la SAFER de la vente de deux parcelles de terre cadastrées section B numéros 203 et 204 près du village de PIETRA SERENA d'une superficie globale de 5. 663 m ² pour le prix de 15. 250 euros à intervenir entre les consorts C...et l'acquéreur Monsieur X....

Par lettre recommandée du 8 novembre 2006, la SAFER notifiait au notaire sa décision de préempter ces biens au prix de 1. 416 euros.

La décision de la SAFER était rédigée comme suit :

" La SAFER Corse exerce son droit de préemption avec révision du prix, car le bien, objet de la notification est situé dans la partie agricole de la commune.
Cette préemption présente un triple objectif :- désenclaver des terrains voisins,- agrandir et améliorer la configuration parcellaire des exploitations notamment voisines,- réguler le prix du foncier agricole dans une commune de montagne où il est indispensable de conserver un minimum de population active.

Ainsi, sans préjuger des candidatures qui pourraient se révéler dans le cadre de la publicité légale, on peut citer d'un chef d'exploitation limitrophe désireux de mettre en valeur ce bien et donc susceptible d'être intéressé. "

Par acte du 5 février 2007, Monsieur Don Joseph X...acquéreur des parcelles, assignait la SAFER devant le Tribunal de grande instance de BASTIA pour entendre dire irrégulière la préemption de la SAFER en date du 8 novembre 2006, en conséquence prononcer l'annulation de cette décision et condamner la SAFER à lui payer la somme de 2. 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre dépens.

Il soutenait qu'en se bornant à citer le texte appliqué, sans fournir d'explication sur les moyens susceptibles d'être mis en oeuvre pour remplir les objectifs légaux, la motivation de la SAFER présente un caractère général et sommaire, insuffisance de motivation assimilable à une absence de motivation.

Le tribunal par le jugement dont appel, faisait droit à sa demande aux motifs que la motivation ne précise pas les références cadastrales des parcelles enclavées, qu'elle ne précise pas davantage les caractéristiques

des exploitations à agrandir et dont la configuration pourrait être améliorée, notamment leur superficie, les surfaces agricoles utiles et qu'elle se contente d'une affirmation sur le caractère exagéré du prix sans aucune référence aux prix moyens pratiqués dans le secteur pour des terres de même nature.

Au soutien de son appel, la SAFER fait valoir que le bénéficiaire de la préemption dont l'exploitation serait désenclavée est parfaitement identifié par l'intimé, que le premier juge a ajouté au texte en exigeant de précisions quant aux exploitations pouvant bénéficier d'une rétrocession alors qu'à l'évidence le désenclavement profite à une exploitation bien déterminée et qu'aucun texte n'impose à la SAFER de mentionner dans la décision de préemption les prix moyens pratiqués dans la région.

Enfin elle demande à la Cour d'écarter les derniers moyens de l'intimée en contradiction avec les précédents selon lesquels la décision n'aurait pour but que de favoriser le voisin, Monsieur D...qui n'occupe les parcelles voisines que suite à une autorisation verbale et en réalité la décision s'inscrirait dans le cadre du contentieux familial opposant l'intimé à son fils Alexandre, auteur d'une attestation produite par la SAFER.

Monsieur X...a repris les moyens développés devant le tribunal en soulignant de plus que les parcelles de Monsieur D...ne sont pas enclavées du fait de l'autorisation donnée par un autre voisin, Monsieur E..., de passer sur son fonds, et que la préemption de la SAFER n'a pour seule finalité que de privilégier l'exploitation de Monsieur D...ce qui doit entraîner l'annulation de cette préemption.

Enfin la SAFER n'a pas tenu compte de l'existence d'arbres fruitiers sur les parcelles préemptées et a proposé une évaluation à vil prix contraire à sa mission.

*
* *
MOTIFS :

Aux termes de l'article L 143-3 du code rural, les objectifs de la préemption sont notamment :

1- l'installation, la réinstallation ou le maintien des agriculteurs,
2- l'agrandissement et l'amélioration de la répartition parcellaire des exploitations existantes conformément à l'article L 3312,
3- la lutte contre la spéculation foncière.

La décision de la SAFER querellée vise ces trois objectifs et le juge judiciaire chargé d'apprécier non l'opportunité de la préemption et dans un deuxième temps de la rétrocession, mais sa régularité est tenu de vérifier d'une part que la décision se réfère à un ou plusieurs objectifs de l'article L 143-3, d'autre part qu'elle est suffisamment motivée.

En l'espèce, la décision présente comme objectif de désenclaver des terrains voisins et d'agrandir et améliorer la configuration parcellaire des exploitations notamment voisines et fait état de l'existence d'un chef d'exploitation limitrophe désireux de mettre en valeur le bien et donc susceptible d'être intéressé.
C'est à tort que le tribunal, suivant en cela l'argumentation de Monsieur X..., reproche à la décision de ne pas indiquer précisément les références cadastrales des parcelles enclavées ni la superficie des exploitations à agrandir ou leur structure parcellaire.
En effet il n'est pas nécessaire pour la régularité de la décision que le bénéficiaire, au demeurant purement éventuel, de la décision soit expressément nommé ; il suffit à cet égard qu'il soit identifiable.
Tel est bien le cas en l'espèce puisque ce ne peut être que l'exploitant de la parcelle 198, c'est à dire Monsieur D...dont les terres sont accessibles à travers un chemin traversant les parcelles préemptées qui peut être le premier concerné, précision étant apportée d'une part que Monsieur D...est bien un exploitant agricole, éleveur de bovins, et que la nature du titre lui permettant d'exploiter est indifférente, d'autre part que l'existence même de ce chemin est établie par l'attestation régulière de Monsieur Alexandre X....
Par ailleurs, la SAFER fait observer à bon droit que le premier juge disposait d'un certain nombre de renseignements lui permettant de vérifier qu'un chef d'exploitation limitrophe était intéressé.
En effet, outre le fait que le rapport d'expertise agricole précis sur ce point a été versé au dossier, cette indication constituait bien une motivation précise au sens du texte et non générale ou stéréotypée.
L'exigence posée par le tribunal quant à la description précise des exploitations à agrandir, leur superficie, les surfaces agricoles utiles, les structures parcellaires et même les conséquences d'une rétrocession sur l'équilibre économique des exploitations concernées ajouté en réalité au texte des conditions qu'il ne contient pas.
Enfin, la critique selon laquelle il appartenait à la SAFER de faire référence à des moyennes de prix de terres de même nature et qualité pour pouvoir affirmer que le prix était exagéré, est purement virtuelle alors que d'une part le prix convenu était de 15. 250 euros pour 5 662 m ² soit 26. 933, 95 euros l'hectare pour des terres pauvres même plantées d'arbres fruitiers dont l'exploitation n'est même pas démontrée, en zone de montagne et que d'autre part le prix proposé de 1. 416 euros a été confirmé par la DDA et l'administration des Domaines.

Le caractère spéculatif de la vente envisagée de terrains jouxtant le village a été ainsi apprécié par la SAFER de manière suffisamment concrète sans qu'il puisse lui être reproché l'absence de mention des prix moyens pratiqués dans la région qui n'est pas exigée par les textes.

Il apparaît ainsi que la décision querellée comporte effectivement une référence ou une donnée concrète permettant de vérifier la réalité de chacun des trois objectifs allégués alors que la motivation suffisante d'un seul d'entre eux suffit pour que la décision soit régulière.

*

* *

Dans le dernier état de ses écritures, Monsieur Don Joseph X...expose que la décision de la SAFER intervient dans le cadre d'un différend familial qui l'oppose à son fils Monsieur Alexandre X...signataire de l'attestation produite par la SAFER.

Il précise que Monsieur D...exploite bien les parcelles voisines qui appartiennent en indivis à Monsieur Jean E...(titulaire de la moitié des droits) et à Monsieur Alexandre X...et Madame François X...(titulaires de l'autre moitié).
Ce n'est qu'un vertu d'une autorisation verbale que Monsieur D...a été autorisé par les coindivisaires à utiliser ces parcelles comme pâtures sans qu'il soit question du hangar et il bénéficie d'une autorisation de Monsieur E...d'utiliser un accès carrossable à travers ses terres qu'il utilise effectivement depuis plusieurs années. Dès lors la piste se trouvant sur les terres préemptées ne présenterait plus aucun intérêt pour Monsieur D....
L'intimé soutient donc que l'opération de préemption a pour unique finalité de privilégier l'exploitation des parcelles que Monsieur D...exploite ce qui doit entraîner son annulation.
Il convient cependant de relever d'une part que ces affirmation à les supposer démontrées, ne sont pas de nature à priver l'opération de toute utilité quant à l'accès des parcelles exploitées par Monsieur D...qui serait consolidé par un passage sur un terrain lui appartenant avec sortie sur la voie publique, d'autre part que Monsieur X...ne peut sans se contredire et manquer de cohérence affirmer que la décision ne permet pas, à défaut de précisions concrètes suffisantes, d'apprécier la réalité des objectifs et dans le même temps en discuter l'opportunité et invoquer un détournement de pouvoir au profit d'une personne déterminée et concrète, enfin que ce moyen ressortit en réalité du contentieux de la rétrocession éventuelle au bénéfice de Monsieur D....
*
* *
Il y a donc lieu de réformer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et de débouter Monsieur Don Joseph X...de ses demandes.
Il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge des frais exposés non compris dans les dépens.
Monsieur Don Joseph X...qui succombe supportera les entiers dépens.
*
* *

PAR CES MOTIFS,

LA COUR :

Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,
Déboute Monsieur Don Joseph X...de l'ensemble de ses demandes,
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Le condamne aux entiers dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Formation : Ch. civile b
Numéro d'arrêt : 08/00734
Date de la décision : 06/10/2010
Sens de l'arrêt : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Type d'affaire : Civile

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2010-10-06;08.00734 ?
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