La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/12/2007 | FRANCE | N°06/00362

France | France, Cour d'appel de Bastia, 19 décembre 2007, 06/00362


S. C. P. DOMINICI- MAYMARD
C /
Evelyne X...

---------------------- Décision déférée à la Cour du :
23 novembre 2006
Conseil de Prud'hommes de BASTIA
04-256
------------------
MH



CHAMBRE SOCIALE



APPELANTE :

S. C. P. DOMINICI- MAYMARD
Immeuble Napoléon
20200 VILLE DI PIETRABUGNO
Représentée par la SCP RETALI- VIALE, avocats au barreau de BASTIA, la SCP LEFEVRE- PELLETIER- ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame Evelyne X...


...

20200 BASTIA
Représen

tée par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 07-2939 du 13 / 12 / 2007 accordée par le...

S. C. P. DOMINICI- MAYMARD
C /
Evelyne X...

---------------------- Décision déférée à la Cour du :
23 novembre 2006
Conseil de Prud'hommes de BASTIA
04-256
------------------
MH

CHAMBRE SOCIALE

APPELANTE :

S. C. P. DOMINICI- MAYMARD
Immeuble Napoléon
20200 VILLE DI PIETRABUGNO
Représentée par la SCP RETALI- VIALE, avocats au barreau de BASTIA, la SCP LEFEVRE- PELLETIER- ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS

INTIMEE :

Madame Evelyne X...

...

20200 BASTIA
Représentée par Me Pasquale VITTORI, avocat au barreau de BASTIA
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 07-2939 du 13 / 12 / 2007 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Bastia)

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :

L'affaire a été débattue le 23 Octobre 2007 en audience publique devant la Cour composée de :

Monsieur MUCCHIELLI, Président de Chambre
Monsieur HUYETTE, Conseiller,
Mme DEZANDRE, Conseiller

qui en ont délibéré.

GREFFIER :

Monsieur DALESSIO, lors des débats.

Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aura lieu par mise à disposition au greffe le 19 Décembre 2007
ARRET No page 2

ARRET

Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe.
Signé par Monsieur MUCCHIELLI, Président de Chambre et par Monsieur DALESSIO, greffier présent lors de la mise à disposition de la décision.

***

Madame X... a été embauchée le 6 novembre 1989 par la SCP DOMINICI MAYMARD FOUQUET (la SCP), comme dactylo notariale coefficient 204.

Elle a été convoquée à un entretien préalable puis licenciée par lettre du 20 octobre 2005, en ces termes :

" Le 19 septembre dernier le docteur Y... de B..., médecin du travail, vous a déclaré inapte au poste de secrétaire que vous occupiez précédemment, aux termes de deux examens médicaux, et a conclu que votre reclassement était impossible au sein de notre étude nous avons néanmoins tenté de vous reclasser, toutefois nous vous informons que nous ne disposons d'aucun poste disponible à l'étude et que nous sommes donc dans l'impossibilité de vous reclasser compte tenu des conclusions du médecin du travail. Nous sommes donc dans l'obligation de vous licencier (..). "

Madame X... a saisi le conseil de prud'hommes de Bastia afin de faire juger son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'obtenir des indemnités à ce titre, sa requalification au poste de technicien T3 coefficient 195 à compter de l'année 1992, des rappels de salaire.

Par jugement du 23 novembre 2006, le Conseil a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, fait droit à la demande de requalification, et alloué à la salariée les sommes mentionnées dans le dispositif.

Devant la Cour, la SCP soutient qu'en application de la nouvelle convention collective du notariat de juin 2001 Madame X... a été classée employée niveau E3 coefficient 125, que les fonctions exercées ne justifient pas la classification demandée au regard de la convention collective, qu'il n'y a jamais eu de harcèlement moral, Madame X... affirmant avoir été victime sans rien démontrer, qu'elle a été déclarée

ARRET No page 3

inapte à tous postes de l'étude et qu'il a été impossible de la reclasser, qu'en plus sa demande indemnitaire n'est pas argumentée, que la preuve n'est pas rapportée de l'existence d'heures supplémentaires, qu'il lui a été versé 1. 588, 63 euros correspondant à l'indemnité différentielle, le 13ème mois 2003 et 29 jours de congés payés moins la part salariale de la cotisation MGEN.

Elle sollicite 1. 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile (frais de procédure).

Madame X... soutient de son côté que son ancienneté dans l'entreprise remonte au 29 mai 1989 date de début de son stage d'insertion de 6 mois, qu'à compter de septembre 1992 son ancienneté et son expérience correspondaient au poste clerc formaliste coefficient 375 et à compter de 2001 au poste de technicien T3 coefficient 195 d'où un droit à rappel de salaire de 29. 037, 75 euros, qu'alors que le temps de travail a été réduit à 35 heures le 16 octobre 2000 elle a continué à travailler 39 heures jusqu'au 26 septembre 2001 d'où un droit à rappel de salaire de 2. 477, 23 euros, qu'elle a droit à un reliquat de congés payés de 2. 253, 68 euros, à une prime différentielle de 405, 30 euros, à 627, 56 euros solde de treizième mois, que la situation s'est dégradée à compter de 1992, qu'elle a subi un harcèlement moral et que son préjudice doit être indemnisé, que le médecin du travail ne l'a déclarée inapte qu'à son poste de secrétaire, que l'employeur n'a pas sollicité d'autres propositions du médecin du travail, que l'impossibilité totale de la reclasser n'est pas démontrée, que l'attestation ASSEDIC doit être rectifiée de même que les bulletins de paie depuis 1992, que sa situation doit être régularisée auprès des organismes sociaux et de retraite.

Elle demande 2. 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile (frais de procédure).

MOTIFS DE LA DÉCISION :

1 : La qualification

Madame X... a été embauchée comme dactylographe notariale coefficient 204 en application de la convention collective alors applicable.

ARRET No page 4

Ce poste fait partie du groupe des " personnel qualifié 1er degré, personnel exécutant des travaux nécessitant de bonnes connaissances professionnelles (notariat ou hors notariat) demandant une formation de plus longue durée, éventuellement sanctionnée par la possession d'un CAP ou d'un diplôme équivalent.

a) La qualification à compter de 1992

Madame X... revendique à compter de l'année 1992 et jusqu'en 2001 la qualité de clerc formalité coefficient 375.

Cela correspond aux " techniciens ", se composant " du personnel exécutant des travaux nécessitant une connaissance approfondie d'une technique professionnelle (notariat ou hors notariat), éventuellement sanctionnée par la possession d'un BTS ou d'un diplôme équivalent ".

A l'intérieur du groupe des techniciens, le clerc est un employé ayant de sérieuses connaissances juridiques et une bonne pratique notariale, capable d'effectuer sur de simples directives des règlements de succession, à l'exception des règlements compliqués, sachant rédiger des actes courants, et recevant la clientèle des affaires qu'il est chargé de régler.

Et le " clerc aux formalités ", de niveau supérieur au simple clerc, est un " clerc ayant pour fonction principale de déterminer et d'assurer les formalités de tous les actes et connaissant les mesures d'application pratique de la publicité foncière et de la formalité unique ". Classé coefficient 375, il correspond à l'avant dernière des sept catégories de techniciens dont les coefficients vont de 278 à 445.

La cour relève que Madame X..., à l'appui de sa demande, fournit une liste de " formalités " accomplies par elles (page 10 des conclusions). Elle y énonce un certain nombre de " formalités préalables " exécutées par elle, par exemple demande de pièces d'identité, demande d'extrait d'acte de mariage, demande de renseignements cadastraux, demande de certificat d'urbanisme, notification de questionnaire au syndic.

Toutefois, ces démarches, qui consistent essentiellement à demander des documents à des tiers puis a en recopier le contenu sur des formulaires pré- établis tels qu'en produit la SCP, ne peuvent pas être considérées comme nécessitant une connaissance approfondie d'une technique professionnelle, et

ARRET No page 5

elles ne correspondent à la définition des missions du clerc aux formalités ni même du clerc de premier niveau puisque Madame X... ne prétend pas avoir été chargée d'effectuer des règlements de succession ou de rédiger elle- même des actes courants.

De la même façon, pour ce qui concerne les formalités après signature des actes notariés, il ressort des exemplaires produits par la SCP que Madame X... effectuait des copies de documents, apposait des tampons et réalisait les copies exécutoires, ce qui ne correspond pas plus à la classification revendiquée.

b) La qualification à compter de 2001

Madame X... revendique la classification de technicien T3 coefficient 195. Selon les termes de la nouvelle convention collective du notariat alors applicable, cela suppose une " gestion de dossiers complexes avec mise en œ uvre, par lui- même ou par délégation, des moyens nécessaires à cette gestion, notamment la rédaction des actes ou autres documents juridiques ou économiques ou comptables qu'ils comportent ", une " autonomie de gestion des dossiers sous l'autorité d'un cadre ou d'un notaire, à charge de rendre compte ", un " contrôle de l'exécution des tâches délégués ", la " réception de la clientèle des dossiers qui lui sont confiés " ainsi que la " réception exceptionnelle de la clientèle pendant une absence de courte durée d'un cadre ou d'un notaire ".

La définition des missions accomplies par Madame X..., rappelée plus haut, ne correspond pas plus à la seconde qualification revendiquée, puisque rien ne démontre qu'elle ait " géré " et de façon " autonome " des dossiers " complexes ", ni qu'elle ait eu le pouvoir de " déléguer " des tâches, ni qu'elle ait eu la charge de remplacer ponctuellement les cadres ou les notaires eux- mêmes.

Pour toutes ces raisons la cour considère que les demandes de requalification présentées par Madame X... ne peuvent être admises.

2 : La rupture du contrat de travail

A l'issue des visites de reprise des 1er et 19 septembre 2005, le médecin du travail a écrit :

ARRET No page 6

" Inaptitude (1ère visite) au poste de secrétaire, pas de reclassement envisageable dans l'entreprise, à revoir dans 15 jours pour 2nde visite "

puis " inaptitude (2nde visite) au poste de secrétaire, pas de reclassement possible au sein de l'entreprise ".

Le médecin a constaté l'inaptitude de Madame X... au poste de secrétaire. Parce que ce n'était pas les aptitudes intellectuelles de Madame X... qui étaient en cause, cela signifiait, sans qu'il soit besoin de solliciter du médecin des explications complémentaires, qu'elle était inapte à tout poste assis consistant en un travail de bureau.

Le médecin a précisé qu'aucun reclassement n'était envisageable dans l'entreprise.

Par ailleurs la SCP soutient, sans être contredite sur ce point, que l'étude comportait à la date du licenciement un comptable, 3 notaires stagiaires, 3 clercs, une secrétaire et un employé d'entretien.

A part ce dernier poste ne correspondant en rien aux compétences de la salariée, tous les autres sont des activités de bureau interdites à Madame
X...
par le médecin du travail.

Au demeurant, Madame X... n'indique à aucun moment dans ses conclusions à quel poste elle aurait pu être reclassée malgré son inaptitude à un poste de secrétariat.

En plus, à la date du licenciement, tous les autres postes étaient pourvus ce qui signifie qu'aucun n'était disponible.

Enfin c'est à tort que Madame X... soutient que son employeur aurait dû solliciter les autres études notariales de Corse, celles- ci ne faisant pas partie d'un " groupe " au sens des règles du droit de travail applicables en matière de reclassement des employés inaptes.

Dès lors, la SCP a pu constater que Madame X... était inapte à tout poste de secrétariat et donc à tout poste d'emploi de bureau, qu'il n'existait en plus aucun autre poste disponible, et dès lors conclure à l'impossibilité de la reclasser dans l'entreprise.

ARRET No page 7

La rupture du contrat de travail était donc justifiée.

3 : Le harcèlement moral

Selon les termes de l'article L. 122-49 du code du travail, constituent un harcèlement moral les agissements répétés qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

A l'appui de ces allégations, Madame X... verse quatre certificats médicaux émanant d'un psychiatre, et rédigés entre novembre 2005 et octobre 2007.

Toutefois, s'il est écrit dans le premier (novembre 2005) qu'elle présente un syndrome dépressif et qu'elle " s'épuise dans la constitution de son dossier prud'homal ", dans le plus récent (octobre 2007) qu'elle est suivis pour une " intense souffrance psychologique ", ces documents n'apportent aucun élément quant aux comportements de l'employeur susceptible de lui être reprochés.

Et s'il est écrit dans le deuxième (mars 2003) qu'elle soutient avoir victime d'une agression par jet d'objet au visage et qu'elle présente un " état de stress ", dans le troisième, outre le rappel de l'incident mentionné dans le deuxième, qu'elle bénéficie d'une psychothérapie, ici encore cela ne peut suffire à prouver l'existence d'un harcèlement au sens du texte précité, étant relevé qu'u médecin psychiatre ne peut que recueillir les propos de son patient et non en vérifier l'exactitude.

Madame X... produit aussi quelques attestations d'amis et de membres de sa famille, faisant valoir qu'elle leur parlait de " mauvaises conditions de travail " (Mme Z...), qu'ele était " totalement résignée " et " ressassait " son " mal être au travail " (Mme X... Henriette), qu'elle exprimait des " blessures morales liées au travail " (Mr A...), que son état moral " se dégradait " (Mme Yolande X...), mais outre le fait que ces témoignages proviennent de personnes extérieures au milieu de travail de la salariée, ils ne contiennent la description d'aucun fait précis imputable à l'employeur et pouvant caractériser une faute de sa part.

ARRET No page 8

Madame X... affirme ensuite qu'elle n'a bénéficié que d'un stage en 14 ans. Toutefois, aucun des documents qu'elle produit ne vient démontrer qu'elle ait souhaité bénéficier de certaines formations ni qu'une réponse anormalement négative y ait été apportée.

Enfin, le fait que en mars 2003 un incident l'ait opposée à son employeur à propos d'une erreur de rédaction d'un document, étant relevé que la nature exacte des faits reste inconnue, ne peut être retenu comme caractérisant à lui seul un harcèlement.

Dès lors, Madame X... ne produisant aucun autre élément, la cour ne peut que constater que rien ne vient démontrer l'existence d'actes de harcèlement imputables à la SCP.

Les demandes présentées à ce titre doivent donc être rejetées.

4 : Les heures supplémentaires

A compter du 16 octobre 2000, la durée du travail à l'intérieur de la SCP est passée de 39 h à 35 h, avec attribution d'une indemnité différentielle pour éviter toute baisse de rémunération. Les nouveaux horaires ont été définis et le document récapitulant les nouvelles modalités diffusé dans l'entreprise.

Madame X... soutient qu'elle a continué à travailler au- delà des 35 heures hebdomadaires, soit 39 heures.

Mais au- delà d'attestations rédigées par des " amies " extérieures à la SCP et qui affirment que Madame X... leur indiquait travailler 39 heures, rien dans le dossier remis par la salariée ni dans ses conclusions ne vient étayer l'affirmation de l'existence d'heures supplémentaires non rémunérées.

Sa demande ne peut donc qu'être rejetée.

5 : Les congés payés, l'indemnité différentielle et le treizième mois

Les deux parties s'accordent sur le principe du paiement d'une indemnité correspondant à 29 jours de congés payés, d'un solde d'indemnité différentielle et d''un solde de treizième mois.
ARRET No page 9

Par contre, la demande de requalification ayant été rejetée, le calcul des sommes dues doit être effectué à partir du salaire réellement versé et non comme le demande la salariée du salaire obtenu en cas de requalification.

Madame X... avait droit à 1. 340, 27 euros brut d'indemnité compensatrice de congés payés, à 365, 70 euros bruts d'indemnité différentielle, ainsi qu'à 982, 10 euros bruts de treizième mois.

Une fois les cotisations de mutuelle soustraites, le solde restant dû en net est de 1. 588, 63 euros.

6 : les frais de procédure

Par équité chacune des parties conservera la charge de ses frais de procédure.

PAR CES MOTIFS

L A C O U R

Statuant publiquement, par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,

INFIRME le jugement contesté.

ET STATUANT A NOUVEAU,

DIT justifié le licenciement de Madame X....

CONDAMNE la SCP DOMINICI MAYMARD FOUQUET à payer à Madame X... en deniers ou quittance 1. 588, 63 euros nets de rappel de salaire.

CONDAMNE Madame X... à rembourser à la SCP DOMINICI MAYMARD FOUQUET les sommes obtenues en exécution de la décision de première instance.

REJETTE toutes les autres demandes.

CONDAMNE Madame X... aux dépens.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Numéro d'arrêt : 06/00362
Date de la décision : 19/12/2007
Sens de l'arrêt : Autre

Références :

Décision attaquée : Conseil de prud'hommes de Bastia


Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2007-12-19;06.00362 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award