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12/11/2002 | FRANCE | N°2002/00730

France | France, Cour d'appel de Bastia, 12 novembre 2002, 2002/00730


ARRET N° du 12 NOVEMBRE 2002 R.G : 01/00093 R-BR 99/652 04 décembre 2000 CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE LA CORSE C/ LECA TEYSSIER COUR D'APPEL DE BASTIA CHAMBRE CIVILE ARRET DU DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE DEUX APPELANTE : CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE LA CORSE Prise en la personne de son représentant légal en exercice 1 Avenue Napoléon III 20193 AJACCIO représentée par la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN, avoués à la Cour assistée de la SCP MORELLI-MAUREL-SANTELLI-PINNA-RECCHI, avocats au barreau d'AJACCIO INTIMES : Monsieur X... 20160 ARBORI représenté par Me Antoine-Paul

ALBERTINI, avoué à la Cour ayant pour avocat Me Dominique R...

ARRET N° du 12 NOVEMBRE 2002 R.G : 01/00093 R-BR 99/652 04 décembre 2000 CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE LA CORSE C/ LECA TEYSSIER COUR D'APPEL DE BASTIA CHAMBRE CIVILE ARRET DU DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE DEUX APPELANTE : CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE LA CORSE Prise en la personne de son représentant légal en exercice 1 Avenue Napoléon III 20193 AJACCIO représentée par la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN, avoués à la Cour assistée de la SCP MORELLI-MAUREL-SANTELLI-PINNA-RECCHI, avocats au barreau d'AJACCIO INTIMES : Monsieur X... 20160 ARBORI représenté par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour ayant pour avocat Me Dominique REMITI, avocat au barreau d'AJACCIO (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 01/457 du 13/03/2001 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA) Madame Y... épouse X... 20160 ARBORI représentée par Me Antoine-Paul ALBERTINI, avoué à la Cour ayant pour avocat Me Dominique REMITI, avocat au barreau d'AJACCIO (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 01/457 du 13/03/2001 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA) COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :

Madame Marie-Colette BRENOT, Président de Chambre Monsieur Bernard ROUSSEAU, Conseiller Monsieur Pierre CALLOCH, Conseiller GREFFIER :

Madame Martine Z..., Greffier, lors des débats et du prononcé, DEBATS : A l'audience publique du 01 octobre 2002, ARRET : Contradictoire, signé par Madame Marie-Colette BRENOT, Président de Chambre, l'ayant prononcé à l'audience publique du 12 novembre 2002, date indiquée à l'issue des débats, et par Madame Martine Z..., Greffier. * * *

Par jugement du 4 décembre 2000, le Tribunal de Grande Instance d'AJACCIO a dit que la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE avait commis une faute en octroyant un prêt aux époux X... alors que leurs capacités de remboursement étaient manifestement insuffisantes, et dit que cette faute avait un lien direct avec le

préjudice invoqué par les demandeurs. Le Tribunal a en conséquence condamné la CAISSE DE CREDIT AGRICOLE à payer aux époux X... la somme de 400.000 francs en réparation de leur préjudice matériel, et la somme de 10.000 francs au titre de leur préjudice moral. Une indemnité d'un montant de 5.000 francs était allouée aux requérants sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Le 15 janvier 2001, la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE interjetait appel de cette décision.

Par conclusions du 27 novembre 2000, auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens invoqués par la CAISSE DE CREDIT AGRICOLE, celle-ci soulève l'irrecevabilité de l'action engagée à son égard, en invoquant en premier lieu les dispositions des articles 727 et 728 du Code de Procédure Civile (ancien), et en second lieu l'autorité de la chose jugée attachée au jugement de surendettement qui a fixé la créance de la banque.

A... fond, elle entend voir juger qu'elle n'a commis aucune faute dans la mise en place des prêts consentis et conclut au rejet des demandes des époux X... B... sollicite paiement de la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile.

Par conclusions du 31 août 2001, auxquelles la Cour se réfère expressément pour l'exposé des moyens soutenus par les époux X..., ceux-ci entendent voir confirmer le jugement entrepris sauf en ce qui concerne l'indemnisation du préjudice moral qu'il demande de porter à 100.000 francs. Il réclame en outre paiement de la somme de 15.000 francs au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. * * *

MOTIFS DE LA DECISION :

Les poursuites exercées par la banque aux fins de saisie immobilière des biens de leurs débiteurs, ont un fondement et un objet différents de l'action en responsabilité engagée par ces ceux-ci à l'égard de celle-là. C... conséquence les dispositions des articles 727 et 728 du Code de Procédure Civile (ancien) ne sauraient faire obstacle à l'exercice de l'action introduite par les époux X..., sur laquelle il a été statué par le jugement déféré.

De même, la fixation du montant de la créance de la banque par le juge de l'Exécution dans le cadre d'une procédure de surendettement des particuliers, ne peut non plus avoir autorité de la chose jugée à l'égard de l'action tout à fait distincte engagée à l'encontre de la banque et tendant à rechercher la responsabilité de celle-ci.

Les fins de non-recevoir soulevées par la CAISSE DE CREDIT AGRICOLE doivent donc être rejetées.

Pour permettre l'acquisition à hauteur de 150.000 francs d'un fonds de commerce à usage de journaux, papeterie, librairie, distributeur de gaz, la CAISSE DE CREDIT AGRICOLE DE LA CORSE a consenti, par acte du 2 juin 1992, à la Société A... dont la gérante était Madame X..., un prêt d'un montant de 360.000 francs au taux de 12,25 % sur une durée de 84 mois, un nantissement étant pris par la banque sur le fonds de commerce.

Par acte notarié du 11 octobre 1994 la CAISSE DE CREDIT AGRICOLE accordait aux époux X... un prêt immobilier d'un montant de 310.000 francs. L'objet du prêt, tel que précisé dans le contrat, était "l'amélioration d'un appartement à usage de résidence principale des emprunteurs".

Il ressort de l'examen des relevés du compte bancaire des époux X...

que ce prêt a été réalisé le 12 octobre 1994 par versement de la somme de 306.500 francs sur le compte des époux X..., que 17 octobre 1994 il a été viré de ce compte les sommes de 190.000 francs et 60.000 francs sur les comptes de la Société A..., et que le 19 décembre 1994 le reliquat du prêt, soit la somme de 56.500 francs, était remboursé à la CAISSE DE CREDIT AGRICOLE.

La CAISSE DE CREDIT AGRICOLE est dans l'incapacité de produire les pièces qui ont justifié l'octroi du prêt immobilier (marché ou devis de travaux), ni les pièces qui ont justifié le déblocage des sommes prêtées (situations de travaux, factures de travaux), étant observé que dans le contrat de prêt, d'une part il était précisé que "le prêt est destiné à l'amélioration d'un appartement à usage de résidence principale des emprunteurs " et d'autre part il était stipulé que "la réalisation du prêt se fera en fonction de l'avancement des travaux, sous réserve de la réception par le prêteur des pièces justificatives des dépenses".

C... réalité les seules sommes qui ont été effectivement prêtées par la Caisse de Crédit Agricole, à savoir la somme de 60.000 francs et celle de 190.000 francs, ont permis, pour la première, de résorber temporairement le découvert du compte numéro 13148532010 de la SARL A..., qui s'élevait au 15 octobre 1994 à 59.408,04 francs, et pour la seconde de résorber temporairement le découvert du compte numéro 13148532111 de la même société, lequel s'élevait à la somme 188.883,71 francs au 15 octobre 1994.

On constate que les sommes réellement prêtées par la banque ont permis en fait de résorber les soldes débiteurs des comptes ouverts dans ses livres au nom de la SARL A....

D'ailleurs, comme les soldes de ces comptes ont continué à présenter un solde débiteur, la Caisse de Crédit Agricole a dès le 20 octobre 1994 adressé à la Société A... une lettre lui notifiant

l'interdiction d'émettre des chèques en raison de l'émission d'un chèque sans provision.

L'offre de prêt immobilier proposée aux époux X... par la CAISSE DE CREDIT AGRICOLE constitue donc une manoeuvre permettant à cette dernière de réduire sa créance à l'égard de la Société A..., contre laquelle elle avait peu de garantie, ne bénéficiant que d'un nantissement sur son fonds de commerce, celui-ci étant de peu de valeur comme il va être démontré ci-après. Ce pseudo prêt immobilier avait en outre l'avantage considérable pour la banque de substituer à cette créance douteuse, une créance à l'égard des époux X..., lesquels, étant propriétaires de leur habitation principale, présentaient l'intérêt d'être solvables.

La CAISSE DE CREDIT AGRICOLE a agi dans son seul intérêt, puisque après avoir débloqué un prêt d'un montant effectif de 250.000 francs au nom des époux X..., elle a réussi à résorber les découverts bancaires de la Société A... qui s'élevaient au total à 248.191,75 francs au 15 octobre 1994, puis elle a entendu refuser tout nouveau découvert en adressant sa lettre d'interdiction d'émettre des chèques.

Lors de la conclusion de l'offre du prêt immobilier en octobre 1994, la CAISSE DE CREDIT AGRICOLE, qui était la banque qui finançait la Société A... depuis 1992, ne pouvait ignorer la situation fortement obérée de cette société. L'exercice 1992 de celle-ci se soldait par une perte de 137.195 francs. La perte de l'exercice 1993 atteignait 254.469 francs. Le bilan 1994 présentait encore une perte de 315.320 francs. La CAISSE DE CREDIT AGRICOLE avait bien conscience que la situation de la Société A... était irrémédiablement compromise, puisqu'en l'état de ces résultats, elle a cherché à résorber ses découverts bancaires et refusé de prendre tout nouveau risque en notifiant l'interdiction d'émettre des chèques.

La CAISSE DE CREDIT AGRICOLE s'est montrée d'une particulière mauvaise foi, en faisant financer, dans ces conditions, l'apurement du découvert bancaire par un prêt immobilier dont le remboursement était mis à la charge des époux X... A... surplus cette charge de remboursement était incompatible avec la situation de ressources des époux X... C... effet, Monsieur X... était titulaire d'une pension d'invalidité complétée par l'allocation complémentaire du Fonds National de Solidarité lui procurant un revenu de 5.414 francs par mois en 1994. Monsieur X... percevait en outre le produit d'un placement Plan Epargne Populaire d'un montant trimestriel de 1.758 francs, soit 586 francs par mois. Disposant en conséquence d'un revenu mensuel total de 6.000 francs, les époux X... ne pouvaient faire face, compte tenu des dépenses courantes du ménage, à des échéances mensuelles de remboursement de 3.835,27 francs, lesquelles représentaient 63 % des ressources. Il ne peut être tenu compte de revenus que Madame X... pouvait tirer de son activité au sein de la Société A..., car contrairement à ce qu'indique la CAISSE DE CREDIT AGRICOLE dans ses conclusions, aucun bulletin de salaire n'est versé au débat. C... outre, l'examen des relevés bancaires ne fait apparaître aucun autre revenu régulier que ceux mentionnés ci-avant et en tout état de cause, compte tenu de la situation financière de la Société A..., qui allait se voir interdire d'émettre des chèques et qui était ainsi en quasi état de cessation des paiements, les époux X... ne pouvaient sérieusement espérer, à moyen terme, tirer un quelconque revenu de l'activité de cette société. La banque n'a donc tenu aucun compte des capacités réelles de remboursement des emprunteurs.

La faute de la banque est donc caractérisée et les conséquences qui en ont résulté pour les époux X..., ont été particulièrement lourdes pour eux. C'est en effet en exécution de l'acte authentique de prêt immobilier du 11 octobre 1994 que la vente de l'habitation principale

des époux X... a été poursuivie. Ces poursuites ont été converties en vente amiable, laquelle a été réalisée moyennant le prix de 400.000 francs. Ce montant a été d'ailleurs insuffisant pour apurer le prêt consenti aux époux X..., ledit prêt n'ayant cependant été effectif qu'à concurrence de 250.000 francs.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont pu allouer aux époux X... la somme de 400.000 francs en réparation de leur préjudice matériel et celle de 10.000 francs en réparation de leur préjudice moral.

Le jugement entrepris sera donc confirmé.

Par ailleurs, comme il paraît inéquitable de laisser à la charge des époux X... les frais irrépétibles qu'ils ont exposés tant en première instance qu'en cause d'appel, il leur sera alloué sur le fondement de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, la somme de 760 euros en sus de celle allouée par les premiers juges.

* * * PAR CES MOTIFS, LA COUR :

Après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant publiquement, contradictoirement,

Rejette les fins de non recevoir soulevées par la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE,

Confirme le jugement entrepris,

Y... ajoutant,

Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE à payer aux époux X... la somme de SEPT CENT SOIXANTE EUROS (760 euros) au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile,

Déboute les parties de toute conclusion plus ample ou contraire,

Condamne la CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL DE LA CORSE aux entiers dépens. LE GREFFIER, LE PRESIDENT, FEUILLE DE SUIVI APRES ARRET 01/00093 Confirmation arrêt du DOUZE NOVEMBRE DEUX MILLE DEUX

CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE DE LA CORSE Rep/assistant : la SCP R. JOBIN ET PH. JOBIN (avoués à la Cour) Rep/assistant : la SCP MORELLI-MAUREL-SANTELLI-PINNA-RECCHI (avocats au barreau d'AJACCIO) C/ X... (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 01/457 du 13/03/2001 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de BASTIA) Rep/assistant : Me Antoine-Paul ALBERTINI (avoué à la Cour) Rep/assistant : Me Dominique REMITI (avocat au barreau d'AJACCIO) TEYSSIER Rep/assistant : Me Antoine-Paul ALBERTINI (avoué à la Cour) Rep/assistant : Me Dominique REMITI (avocat au barreau d'AJACCIO) DOSSIERS AVOUES MANQUANTS : NON

RENDRE LES DOSSIERS AUX AVOUES DOSSIERS RENDUS LE NOMBRE DE PHOTOCOPIES :

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Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Bastia
Numéro d'arrêt : 2002/00730
Date de la décision : 12/11/2002

Analyses

BANQUE - Responsabilité - Prêt - Constitution d'une sûreté

Est caractérisée la faute de la banque, dès lors que celle-ci, pour résorber les découverts bancaires d'une société contre laquelle elle avait peu de garantie, propose à la gérante de cette société et à son mari, un prêt prétendument immobilier assorti d'une hypothèque sur l'habilitation des souscripteurs, les revenus de ceux-ci étant incompatibles avec le remboursement du prêt dont le montant a servi en réalité à réduire les découverts bancaires de la société


Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.bastia;arret;2002-11-12;2002.00730 ?
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