COUR D'APPEL DE BASSE - TERRE
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SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
RG 24/775
N° PORTALIS DBV7-V-B7I-DW3P
ORDONNANCE SUR APPEL EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES SANS CONSENTEMENT
DU 14 AOUT 2024
Dans l'affaire entre d'une part :
M. [C] [G]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Actuellement hospitalisé à l'EPSM [3],
Appelant,
Et
M. Le Préfet de la région Guadeloupe,
ARS de la Guadeloupe
[Adresse 4]
[Localité 2],
En présence du ministère public
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Nous, Annabelle CLEDAT, conseillère à la cour d'appel de Basse-Terre, déléguée par le premier président de cette cour pour statuer en matière de soins psychiatriques sans consentement, assistée de Mme Prescillia ROUSSEAU, greffière,
Vu les dispositions de l'article L.3211-12-4 du code de la santé publique,
Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE en date du 09 février 2024 disant n'y avoir lieu à mainlevée de l'hospitalisation complète de M. [G],
Vu la requête adressée par M. Le Préfet de la région GUADELOUPE au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE le 23 juillet 2024 aux fins de statuer sur la poursuite de l'hospitalisation complète de M. [G],
Vu l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de POINTE-À-PITRE le 2 août 2024 disant n'y avoir lieu à la mainlevée de l'hospitalisation complète M. [G],
Vu l'appel interjeté par M. [G], par lettre reçue au greffe de la cour le 08 août 2024,
Vu l'audience publique qui s'est tenue le 14 août 2024 à 14 heures 00 au siège de la juridiction,
En présence de :
M. SCHUSTER, Substitut général, entendu en ses réquisitions,
Maître Nicolas FLORO, avocat représentant M. [G], entendu en sa plaidoirie, qui a eu la parole en dernier,
En l'absence de :
M. [C] [G], non comparant en vertu d'un certificat médical d'inaptitude à l'audition daté du 14 août 2024, établi par le Docteur [B], psychiatre à l'EPSM [3],
M. le représentant de l'Etat, pourtant régulièrement convoqué.
RAPPEL DE LA PROCEDURE :
Il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 31 janvier 2024, M. Le Maire de [Localité 5] a pris un arrêté portant admission provisoire de M. [G] en soins psychiatriques, après que ce dernier avait foncé en voiture sur la grille d'une gendarmerie.
A cette date, le Docteur [U] avait relevé que M. [G] présentait des troubles mentaux caractérisés par un syndrome de persécution avec un discours délirant, une rupture de soins et un déni de pathologie.
Par arrêté du 02 février 2024, M. Le Préfet de la région GUADELOUPE a décidé de la forme de la prise en charge en maintenant M. [G] en hospitalisation complète.
Par ordonnance du 09 février 2024, le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE a constaté la régularité de la procédure et ordonné la prolongation de l'hospitalisation complète.
Aux termes de certificats médicaux datés des 29 février 2024, 7 mars 2024, 25 avril 2024, 22 mai 2024, 31 mai 2024, 18 juin 2024 et 17 juillet 2024, la prolongation des soins psychiatriques sans consentement en hospitalisation complète a été préconisée.
Par arrêté du 08 juillet 2024, M. Le Préfet de la région GUADELOUPE a maintenu la mesure de soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète.
Par requête du 23 juillet 2024, M. Le Préfet de la région GUADELOUPE a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE afin qu'il se prononce sur la poursuite de l'hospitalisation complète.
Suivant avis motivé du 1er août 2024, le Docteur [J] a considéré que l'état clinique de M. [G] nécessitait la poursuite de la mesure selon les mêmes modalités.
Par ordonnance du 02 août 2024, le Juge des libertés et de la détention a dit n'y avoir lieu à mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.
Par courrier daté du 06 août 2024, reçu au greffe de la cour le 08 août 2024, M. [G] a manifesté son intention d'interjeter appel de la décision rendue le 02 août 2024.
Le 14 août 2024, l'EPSM [3] a adressé l'avis motivé établi par le Docteur [B], participant à la prise en charge de M. [G] au sein de l'EPSM, puis un certificat médical d'inaptitude à l'audition.
M. Le Préfet de la région GUADELPOUPE n'a pas adressé d'observations.
Lors de l'audience, le ministère public a requis la confirmation de la décision déférée.
Maître FLORO, avocat de M. [G], a indiqué s'en rapporter.
MOTIFS :
Sur la recevabilité de l'appel :
M. [G] a manifesté son intention d'interjeter appel de l'ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention le 02 août 2024 par courrier reçu au greffe de la cour le 08 août 2024.
Son appel est donc recevable.
Sur la régularité de la procédure tendant à la poursuite de l'hospitalisation complète :
L'article L.3211-12-1 du code de la santé publique dispose que l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le représentant de l'Etat dans le département lorsque l'hospitalisation a été prononcée en application du chapitre III du présent titre, de l'article L. 3214-3 du présent code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale, ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de six mois à compter de toute décision prise par le juge des libertés et de la détention en application du présent I ou des articles L. 3211-12, L. 3213-3, L. 3213-8 ou L. 3213-9-1 du présent code, lorsque le patient a été maintenu en hospitalisation complète de manière continue depuis cette décision. Le juge des libertés et de la détention est alors saisi quinze jours au moins avant l'expiration du délai de six mois.
Cet article précise que la saisine mentionnée au I du présent article est accompagnée de l'avis motivé d'un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.
En l'espèce, le représentant de l'Etat a saisi le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de BASSE-TERRE le 23 juillet 2024, afin de solliciter la poursuite de l'hospitalisation complète de M. [G], maintenue par ordonnance du juge des libertés et de la détention du même tribunal en date du 09 février 2024.
Cette demande était assortie du certificat médical du Docteur [Z], psychiatre de l'établissement d'accueil, qui se prononçait sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.
Etaient également joints à cette demande les certificats médicaux mensuels prévus par l'article L.3213-3 du code de la santé publique.
Enfin, le juge des libertés et de la détention a régulièrement statué le 02 août 2024, avant l'expiration du délai de six mois, et a dit n'y avoir lieu à ordonner la mainlevée de l'hospitalisation complète.
La procédure est donc régulière en la forme.
Sur la prolongation de la mesure d'hospitalisation complète :
L'article L.3211-2-1 du code de la santé publique dispose qu'une personne faisant l'objet de soins psychiatriques en application des chapitres II et III du présent titre ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale est dite en soins psychiatriques sans consentement.
La personne est prise en charge :
1° Soit sous la forme d'une hospitalisation complète dans un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 du présent code ;
2° Soit sous toute autre forme, pouvant comporter des soins ambulatoires, des soins à domicile dispensés par un établissement mentionné au même article L. 3222-1 des séjours à temps partiel ou des séjours de courte durée à temps complet effectués dans un établissement mentionné audit article L. 3222-1.
En l'espèce, aux termes du certificat médical du 17 juillet 2024, le Docteur [Z] indiquait qu'à cette date il persistait un délire paranoïaque de mécanisme interprétatif centré sur des bruits interprétés par M. [G] de manière délirante. Sur les autres sujets, le contact était bon et adapté. Le discours était intelligible et cohérent, avec des tendances de rationalisme des 'nuisances sonores' qu'il disait subir. M. [G] continuait d'affirmer que 'l'Etat français' était à l'origine des nuisance à son encontre. Le délire paranoïaque d'interprétation, d'intuition et de revendication était accompagné d'une anxiété de fond modérée et n'entraînait pas de conséquences majeures sur son comportement et ses relations avec les autres patients. Aucun problème de comportement au sein du service n'était relevé. Une visite à domicile, réalisée en présence de M. [G], s'était bien déroulée, son comportement était adapté, sans attitude pathologique ou hallucinatoire.
Le médecin précisait que M. [G] ne critiquait pas son comportement inadapté et grave, puisqu'il avait foncé avec sa voiture sur la barrière d'entrée de la gendarmerie, qui l'avait amené à être hospitalisé, puisqu'il rationalisait son geste en ayant un discours de revendication à l'encontre de la justice, qui aurait dû, selon lui, ouvrir une enquête par rapport aux nuisances sonores. Néanmoins, il semblait progressivement prendre conscience que la sphère judiciaire ne pourrait pas répondre à ses multiples demandes. Il n'évoquait pas spontanément de volonté de récidive d'un passage à l'acte, affirmant que ça lui causerait plus de conséquences négatives que positives. Il persistait une absence totale de prise de conscience de l'origine médicale des interprétations, avec pour conséquence un refus catégorique des traitements médicamenteux. Il acceptait néanmoins les entretiens infirmiers et médicaux, ainsi que la psychothérapie, qui ne semblait pourtant pas suffisante à elle seule.
En conclusion, le Docteur [Z] considérait que M. [G] nécessitait des soins en raison de ses troubles mentaux compromettant la sûreté des personnes et que la poursuite des soins psychiatriques sans consentement en hospitalisation complète était toujours justifiée.
Aux termes d'un certificat médical portant avis motivé daté du 1er août 2024, le Docteur [J] a relevé la persistance d'un délire de persécution en réseau interprétatif sur structure de personnalité paranoïaque avec adhésion totale, sans aucune conscience des troubles et refus catégorique des soins. Il considérait que l'état clinique de M. [G] justifiait la poursuite des soins psychiatriques sans consentement en hospitalisation complète
Le 14 août 2024, le Docteur [B] a adressé un certificat médical valant avis motivé faisant état de la persistance d'interprétations délirantes avec un vécu persécutif et d'une absence totale de critique. Au jour du certificat, M. [G] n'avait pas conscience des troubles et de la nécessité des soins. Le risque de fugue était qualifié de '++++', avec une imprévisibilité comportementale (risque de passage à l'acte hétéro-agressif).
En conclusion, le médecin indiquait que l'état clinique de M. [G], admis en soins psychiatriques sans consentement sur décision du représentant de l'Etat, nécessitait la poursuite de la prise en charge en hospitalisation complète.
Les mêmes éléments ont motivé le certificat médical d'inaptitude à l'audition.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que même si certains aspects de la personnalité de M. [G] peuvent ne pas être affectés par les délires de persécution relevés de manière unanimes par les psychiatres, ainsi que l'a indiqué le Docteur [Z] dans son certificat médical du 17 juillet 2024, les troubles mentaux qui l'ont amené à commettre les agissements à l'issue desquels il a été hospitalisé sont toujours présents et compromettent la sécurité des personnes. En outre, M. [G] refuse d'adhérer aux soins, notamment médicamenteux, qui pourraient apaiser ses troubles conduisant à des interprétations délirantes.
En conséquence, il convient de prolonger la mesure d'hospitalisation complète dont il fait l'objet.
L'ordonnance déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions.
PAR CES MOTIFS,
Nous, magistrat délégué par le premier président, statuant par ordonnance rendue en dernier ressort, par mise à disposition au greffe après avis donné aux parties,
Déclarons recevable l'appel interjeté par M. [C] [G],
Confirmons l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions ;
Disons que les dépens resteront à la charge de l'Etat.
Fait à Basse-Terre le 14 août 2024 à 15h15.
Le greffier Le magistrat délégué