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17/07/2024 | FRANCE | N°24/00689

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre étrangers / ho, 17 juillet 2024, 24/00689


COUR D'APPEL

DE

BASSE TERRE







ORDONNANCE DU MAGISTRAT DELEGUE PAR LE PREMIER PRESIDENT

DU 17 JUILLET 2024







RG : 24/00689

N° Portalis : DBV7-V-B7I-DWS5





Nous, Frank ROBAIL, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, assisté de Mme Yolande MODESTE, greffière.



Vu la procédure concernant :



Monsieur [F] [M]

né le 19 décembre 1978 à [Localité 1] (La Dominique)

de nationalité d

ominicaise

actuellement maintenu en rétention administrative



Comparant



Ayant pour avocat Maître Laurent HATCHI, avocat au barreau de la Guadeloupe/St Martin/St Barthélémy, absent ...

COUR D'APPEL

DE

BASSE TERRE

ORDONNANCE DU MAGISTRAT DELEGUE PAR LE PREMIER PRESIDENT

DU 17 JUILLET 2024

RG : 24/00689

N° Portalis : DBV7-V-B7I-DWS5

Nous, Frank ROBAIL, président de chambre, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, assisté de Mme Yolande MODESTE, greffière.

Vu la procédure concernant :

Monsieur [F] [M]

né le 19 décembre 1978 à [Localité 1] (La Dominique)

de nationalité dominicaise

actuellement maintenu en rétention administrative

Comparant

Ayant pour avocat Maître Laurent HATCHI, avocat au barreau de la Guadeloupe/St Martin/St Barthélémy, absent ;

D'autre part,

L'autorité administrative (M. Le Préfet de la région Guadeloupe), ni présente, ni représentée mais qui a transmis ses observations écrites ;

Le Ministère public, représenté par Mme Hélène MORTON, avocate générale près la cour d'appel de Basse-Terre, absente, mais qui a pris des réquisitions écrites;

*

* *

EXPOSE DU LITIGE

Par un arrêté n° 2024/220 en date du 11 juillet 2024, notifié le 12 juillet suivant à 9 heures, le préfet de la région Guadeloupe, par son mandataire régulièrement délégué à cette fin, a obligé M. [F] [M], né le 19 décembre 1978 à [Localité 1] (DOMINIQUE), de nationalité dominicaise, à quitter le territoire français ('OQTF') sans délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur ce territoire pendant une durée de 5 ans à compter de l'exécution de ladite obligation ;

Par décision n° 2024/221 en date du 11 juillet 2024, notifiée en même temps que l'OQTF, le même préfet de région a dit que M. [M] serait éloigné à destination de son pays d'origine, savoir la DOMINIQUE ou tout autre pays où il serait légalement admissible ;

Par décision n° 2024/225 du 11 juillet 2024, notifiée le 12 juillet suivant à 8 h54, le même préfet de région a maintenu M. [M] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pendant une durée de 48 heures à compter de la notification de cette décision, dans l'attente de l'exécution d'office de son obligation de quitter le territoire français ;

Par requête parvenue au greffe du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE le 14 juillet 2024 à 6 h 57, le préfet de région a demandé l'autorisation de prolonger la rétention administrative de M. [M] pour une durée maximale de 28 jours en l'attente de son départ pour la DOMINIQUE , exposant à cette fin n'avoir pu mettre en oeuvre le rapatriement de l'intéressé dans les 48 heures de sa décision de placement en rétention, le départ de l'intéressé n'ayant pu être prévu que pour le 17 juillet 2024 par l'Express des Iles ;

Par ordonnance du 15 juillet 2024 à 11 h 07, le juge des libertés et de la détention, au visa notamment de l'extrait individualisé du registre prévu à l'article L 744-2 du CESEDA, a déclaré cette requête en prolongation recevable, a déclaré la procédure régulière au vu des pièces communiquées, et a ordonné la prolongation du maintien de M. [F] [M] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 28 jours ;

Par déclaration parvenue au greffe de la cour par courriel du mardi 16 juillet 2024 à 9 h 04, M. [M], par son avocat, Me Laurent HATCHI, a relevé appel de cette ordonnance, demandant plus précisément son annulation 'en ce qu'elle a ordonné la prolongation de M. [F] [M]' et que soit ordonnée son assignation à résidence, exposant en ce sens qu'il vit en GUADELOUPE depuis l'âge d'un an, a été confié à l'aide sociale à l'enfance dès son plus jeune âge, ne connaît donc que la GUADELOUPE et y a deux enfants, ajoutant qu'a été remis aux autorités de police son passeport dominicais et qu'il justifie d'un domicile chez Mme [R] [L], à [Localité 2] ;

Toutes les parties intéressées ont été invitées à comparaître à l'audience du mercredi 17 juillet 2024 à 10 heures ;

Le préfet de la Région GUADELOUPE a déposé un mémoire le 16 juillet 2024 à 17 h 56, lequel a été communiqué par courriel au conseil de M. [M] ;

Aux termes de ce mémoire, il demande la confirmation de l'ordonnance querellée et expose en ce sens, pour l'essentiel, que le risque que M. [M] se soustraire à l'obligation qui lui a été notifiée de quitter le territoire français, résulte de ce que de précédentes obligations de cette sorte lui avaient déjà été notifiées entre 2017 et 203 et qu'il ne les a jamais exécutées ; que si en juin 2022 il a pu bénéficier d'un avis défavorable à son expulsion, de la COMEX, la loi du 26 janvier 2024 lui a retiré son statut d'étranger protégé; et que, depuis, 2017, M. [M] commet de nombreux délits qui lui ont valu une dernière condamnation du 12 janvier 2024 à une peine d'emprisonnement ferme de 12 mois, outre 6 mois de sursis probatoire, si bien qu'il est sorti de prison le 12 juillet dernier et que son maintien en rétention administrative est indispensable pour s'assurer de son retour à la Dominique ;

Le dossier de l'affaire a été communiqué au ministère public, dont le représentant a pris des réquisitions écrites par lesquelles il demande la confirmation de l'ordonnance entreprise au moyens que M. [M] ne remplit pas les conditions d'une assignation à résidence, ne fournit pas de garanties de représentation effective, a été condamné à plusieurs reprises par une juridiction correctionnelle et est sorti de prison le 12 juillet 2024 ;

A l'audience de ce jour, M. [M] a comparu seul, sans son avocat, absent et non-excusé; le droit au silence lui a été notifié oralement ; il indique qu'il n'entend pas quitter la GUADELOUPE où il vit depuis l'âge d'un an et où il a une compagne et deux enfants; qu'il n'a aucune famille à la DOMINIQUE ; et que s'il est tombé dans la drogue et la délinquance à partir de 2017, c'est qu'il a perdu brutalement sa mère et l'un de ses six enfants ;

Aucun mémoire n'a été déposé par le conseil de M. [M] ;

M. [F] [M] a eu la parole en dernier ;

A l'issue de l'audience de ce jour, le délibéré a été fixé au même jour à 17 heures ;

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur la recevabilité

Attendu qu'aux termes de l'article R 743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), l'ordonnance du juge des libertés et de la détention est susceptible d'appel devant le premier président de la cour d'appel, dans les vingt-quatre heures de son prononcé, par l'étranger, le préfet de département et, à Paris, le préfet de police ;

Attendu que la décision querellée a été rendue le lundi 15 juillet 2024 à 11 h 16 et la déclaration d'appel du conseil de l'appelant est parvenue au greffe du premier président de la cour de ce siège le lendemain 16 juillet 2024 à 9 h 04, soit dans les 24 heures de ladite ordonnance ; qu'il y a donc lieu de dire M. [F] [M] recevable en son appel ;

II- Sur le fond

Attendu que la saisine du premier juge et, subséquemment, celle de la juridiction d'appel ont trait à la demande du préfet tendant à une première prolongation, pour 28 jours, de la rétention administrative de M. [M] après que celui-ci eut été placé pour 48 heures dans un centre de rétention le 14 juillet 2024 ;

Attendu qu'en application des articles L 742-1 et L 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), le préfet est habilité à demander au juge des libertés et de la détention la prolongation d'une telle rétention administrative pour une durée de 28 jours à compter de l'expiration des 48 heures sus-visés, s'il justifie des circonstances qui l'empêchent de faire exécuter la reconduite de l'intéressé dans son pays d'origine dans ces 48 heures ;

Attendu qu'en application des articles L 741-1 et suivants du même code, dans leur version applicable jusqu'au 15 juillet 2024, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L 731-1 peut être placé en rétention administrative lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure, notamment l'assignation à résidence, n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision ;

Attendu qu'aux termes de l'article L 743-13 du même code, le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives, mais ce à la condition première qu'ait été remis à un service de police ou à une unité de gendarmerie l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution ;

Attendu qu'il y a lieu de constater d'office en premier lieu, même en l'absence de moyens de ce chef de la part de l'appelant et de son conseil, que la requête du préfet au juge des libertés et de la détention est datée, signée d'une personne dont il est justifié de la délégation dont elle bénéficie, motivée et accompagnée de toutes les pièces justificatives exigées par la loi, tout spécialement, ainsi que constaté à juste titre par le premier juge, un extrait individualisé du registre prévu à l'article L 744-2 du CESEDA ;

Attendu que M. [M] ne conteste pas davantage ses conditions d'interpellation, lesquelles apparaissent de toute façon parfaitement régulières au vu des éléments produits à cet égard, ni que les droits que lui offre, nonobstant son extranéité, le droit français, lui aient été notifiés avant et au moment de son placement en rétention administrative dans la langue française qu'il dit parler, lire, écrire et comprendre ;

Attendu que, par ailleurs, le préfet démontre et n'est pas contesté en ce qu'il a été jusqu'ici empêché de mettre à exécution sa mesure d'éloignement en raison des circonstances de la cause, le transport de M. [M] vers son pays d'origine n'étant prévu que pour le jeudi 17 juillet 2024 ;

Attendu que si, au dispositif de sa déclaration d'appel, M. [M] demande en tout premier lieu l'annulation de la décision attaquée, force est de constater qu'il ne propose aucun moyen au soutien d'une telle demande et que, de toute façon, les conditions de forme dans lesquelles la décision du premier juge a été rendue apparaissent exemptes de toute critique et de tout grief ;

Attendu que, sur la question de l'assignation à résidence que sollicite l'appelant en second lieu, la juridiction de céans ne peut que constater que, si M. [M] remplit la première condition légale liée à la remise de son passeport aux autorités de police dès son interpellation, cette mesure n'est envisageable que lorsque l'intéressé présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement ;

Or, attendu qu'il est à constater, au vu des éléments du dossier que produit le préfet requérant et que ne conteste pas l'intéressé, que M. [M] s'était déjà vu notifier une première obligation de quitter le territoire français le 10 janvier 2017, laquelle n'a été exécutée le 21 janvier 2017 que provisoirement, puisqu'il y est manifestement revenu, à telle enseigne qu'une seconde obligation du même type lui a été notifiée le 5 novembre 2018 après deux condamnations pénales des 29 décembre 2017 et 2 février 2018, obligation à laquelle, cette fois, il s'est manifestement soustrait ; qu'en suite d'une 3ème condamnations pénalesdu 20 février 2019 pour des des vols avec destruction ou dégradations, une troisième obligation de quitter le territoire français lui a été notifiée le 14 octobre 2019, avec interdiction d'y revenir pendant 3 ans, laquelle a certes pu être exécutée, cependant que dès le 4 février 2022 il a été incarcéré en GUADELOUPE, et ce jusqu'au 7 juillet 2023, sans notification d'une nouvelle OQTF en raison d'une autre affaire pénale en cours à son égard; et que, s'il a bénéficié en 2022 d'un avis défavorable à son expulsion de la COMEX à raison dela durée de sa présence en France, il n'est pas contesté que, depuis, M. [M] ne bénéficie plus du statut d'étranger protégé en application de l'article 37 de la loi 2024-42 du 26 janvier 2024 qui modifie des articles L 611-3, L 613-1 et L 742-5 du CESEDA ;

Attendu que si la violation d'une OQTF antérieure n'est pas, légalement, un obstacle dirimant à une mesure d'assignation à résidence qui, en ce cas, ne nécessite, en vertu de l'article L 743-13 du CESEDA, qu'une motivation spéciale du juge, elle confirme au cas d'espèce, à l'aune au surplus des explications de l'intéressé pour justifier de son maintien sur le territoire français, que M. [M], conformément à ses propres affirmations dans le cadre de la procédure et des débats de ce jour, n'a nulle intention de repartir pour la DOMINIQUE où il dit n'avoir aucune attache, et que le risque est majeur de le voir violer à nouveau l'OQTF prononcée le 14 juillet dernier en cas de remise en liberté ou, même, d'assignation à résidence ; et que, plus encore, non content d'avoir violé délibérément les nombreuses obligations qui lui furent faites de quitter la France depuis 2017, il est tout récemment sorti de prison après exécution d'une peine de 18 mois d'emprisonnement dont 6 mois assortis d'un sursis probatoire de 2 ans, pour des faits de vols en récidive commis à [Localité 2] le 7 janvier 2024, de quoi il ressort que, nonobstant l'attestation d'hébergement de Mme [L] [R], toute autre mesure que son maintien dans un centre de rétention administrative entraînerait un risque majeur de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'ainsi, aucune autre mesure que ce maintien en rétention, notamment l'assignation à résidence, n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision ;

Attendu que, par suite, le maintien de M. [M] en rétention administrative s'impose pour le temps strictement nécessaire à son éloignement ; que c'est donc à juste titre que le premier juge en a ordonné la prolongation pour une durée maximale de 28 jours ; et qu'il convient en conséquence de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, après débats en audience publique et en dernier ressort,

- Disons recevable le recours formé par M. [F] [M] à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de POINTE-A-PITRE en date du 15 juillet 2024 à 11 h 07,

- Confirmons cette ordonnance en toutes ses dispositions,

- Disons que la présente ordonnance sera notifiée aux parties intéressées par tout moyen par le greffe de la cour d'appel et transmise à M. le procureur général près ladite cour.

Fait au Palais de justice de Basse-Terre le mercredi 17 juillet 2024 à 17 heures.

La greffière Le magistrat délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre étrangers / ho
Numéro d'arrêt : 24/00689
Date de la décision : 17/07/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 24/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-07-17;24.00689 ?
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