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07/05/2024 | FRANCE | N°24/00456

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre étrangers / ho, 07 mai 2024, 24/00456


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE







RG : 24/00456

N° Portalis : DBV7-V-B71-DVYQ







ORDONNANCE DU 07 MAI 2024

Rendue en application de l'Article L.3211-12-1 du Code de la Santé Publique



Nous, Pascale BERTO, vice-présidente placée affectée à la cour d'appel en qualité de conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, dans le cadre des dispositions des articles L.3211-12-4 et suivants du code de la santé publique



Assistée de Murielle LOYSON, greff

ière.



Vu la procédure concernant

Mme [Z] [N],

Née le 21 septembre 1953 à [Localité 2],

[Adresse 1]

admise, le 21 avril 2024, admis en...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

RG : 24/00456

N° Portalis : DBV7-V-B71-DVYQ

ORDONNANCE DU 07 MAI 2024

Rendue en application de l'Article L.3211-12-1 du Code de la Santé Publique

Nous, Pascale BERTO, vice-présidente placée affectée à la cour d'appel en qualité de conseiller, agissant sur délégation du premier président de la cour d'appel de Basse-Terre, dans le cadre des dispositions des articles L.3211-12-4 et suivants du code de la santé publique

Assistée de Murielle LOYSON, greffière.

Vu la procédure concernant

Mme [Z] [N],

Née le 21 septembre 1953 à [Localité 2],

[Adresse 1]

admise, le 21 avril 2024, admis en soins sous hospitalisation complète à l'Établissement Public de Santé Mentale de la Guadeloupe sur demande d'un tiers, comparante

Représentée / assistée par Me Antoine LE SCOLAN, au barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy,

Vu l'ordonnance rendue le 26 avril 2024 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Basse-Terre, disant n'y avoir lieu à mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

Vu la déclaration d'appel de [Z] [N], par l'intermédiaire de son avocat et reçue au secrétariat- greffe de la cour d'appel le 30 avril 2024 à 17h00,

Vu les convocations à l'audience tenue le 06 mai 2024 à 15 heures au siège de la cour d'appel en chambre du conseil, en application de l'article L 3211-12-2 du code de la santé publique,

En présence de Mme [Z] [N], assistée de Maître Antoine LE SCOLAN,

En présence de M. [K] [O], infirmier et M. [M][G], aide soignant de l'Établissement Public de Santé Mentale de Guadeloupe (Nord Basse-Terre), régulièrement convoquée, non représentée,

En l'absence du Ministère Public, régulièrement convoqué, non représenté.

L'audience s'est tenue le 06 mai 2024 à 15h00 au siège de la juridiction, en audience publique conformément à l'article L3211-12-2 du code de la santé publique.

FAITS ET PROCEDURE :

Par décision du 21 avril 2024, Mme [T] [I], administrateur de garde de l'Etablissement public de santé mentale de la Guadeloupe a ordonné l'admission en soins psychiatriques sous la forme initiale d'une hospitalisation complète de Mme [Z] [N] à la demande de M. [Y], fils de la patiente.

Le 24 avril 2024, Mme [C] [R], attachée d'administration hospitalière, par délégation de la Directrice de l'EPSM a saisi le juge des libertés et de la détention en vue du contrôle de cette mesure d'hospitalisation complète.

Par ordonnance rendue le 26 avril 2024, le juge de la liberté et de la détention du tribunal judiciaire de Basse-Terre a dit n'y avoir lieu à mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète.

Mme [Z] [N] a régulièrement interjeté appel de cette décision par mail reçu au greffe de la cour le 30 avril 2024 à 17h00. Aux termes de son mémoire d'appel, elle sollicite l'infirmation de l'ordonnance déférée.

Me Antoine LE SCOLAN, aux termes de son mémoire et en sa plaidoirie a sollicité l'infirmation de l'ordonnance querellée, estimant irrégulière le maintien de la mesure d'hospitalisation complète en soins psychiatriques de Mme [Z] [N] à défaut de non consentement aux soins ; à défaut de notification des décisions au patient et de ses droits ; qu'il n'est pas rapporté la preuve des délégations de signature aux auteurs des décisions contestées ; à défaut de signature de la décision de maintien en hospitalisation complète ; à défaut d'avis motivé fondant la décision de mise à l'isolement du patient en violation de l'article 5§1 de la CEDH ; à défaut de prise en compte de la contestation à l'audience des mesures de contention ou d'isolement.

Mme [Z] [N] a eu la parole en dernier.

A l'issue des débats, les parties présentes ont été informées que la décision était mise en délibéré au 07 mai 2024 dans la matinée, par mise à disposition au greffe.

MOTIFS :

Aux termes de l'article L.3212-1 du code de la santé publique, une personne atteinte de troubles mentaux ne peut faire l'objet de soins psychiatriques sur la décision du directeur d'un établissement mentionné à l'article L. 3222-1 que lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :

1° Ses troubles mentaux rendent impossible son consentement ;

2° Son état mental impose des soins immédiats assortis soit d'une surveillance médicale constante justifiant une hospitalisation complète, soit d'une surveillance médicale régulière justifiant une prise en charge sous la forme mentionnée au 2° du I de l'article L. 3211-2-1.

L'article L.3211- 12-1- 3° du même code dispose que l'hospitalisation complète d'un patient ne peut se poursuivre sans que le juge des libertés et de la détention, préalablement saisi par le directeur de l'établissement, n'ait statué sur cette mesure avant l'expiration d'un délai de douze jours à compter de l'admission. La saisine est accompagnée de l'avis motivé d'un psychiatre de l'établissement d'accueil se prononçant sur la nécessité de poursuivre l'hospitalisation complète.

En l'espèce, selon le certificat médical du 21 avril 2024 du docteur [L], médecin au CHU de la Guadeloupe, Mme [Z] [N] présentait les troubles mentaux suivants : « patiente psy en rupture de traitement ' hallucination visuelle ' adhésion au délire mystique ». Il concluait que son état de santé imposait « des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier et en conséquence son admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers, conformément aux dispositions de l'article L 3212-1 du Code de la Santé Publique ».

Selon le certificat médical d'admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers établi le 21 avril 2024 à 11h46 par le Dr [E] [J], médecin psychiatre, Mme [Z] [N] présentait les troubles mentaux suivants :

« délire ' hallucination ' errance pathologique - un déni des troubles. »

Le médecin concluait que l'état de santé de Mme [Z] [N] imposait « des soins immédiats assortis d'une surveillance constante en milieu hospitalier et nécessitant en conséquence son admission en soins psychiatriques à la demande d'un tiers, conformément aux dispositions de l'article L 3212-1 du Code de la Santé Publique ».

Par décision du 21 avril 2024, Mme [T] [I], administrateur de garde de l'Etablissement public de santé mentale de la Guadeloupe a ordonné l'admission en soins psychiatriques sous la forme initiale d'une hospitalisation complète de Mme [Z] [N] à la demande de M. [P] [Y], fils de la patiente.

Aux termes du certificat de situation de 24h, établi le 22 avril 2024 à 12h29 par le Dr [A] [F], praticien à l'EPSM de la Guadeloupe, Mme [Z] [N] a été admise en soins psychiatriques sans consentement le 21 avril 2024, la patiente présentait « Nouvelle hospitalisation pour recrudescence délirante chez une patiente souffrant d'une psychose hallucinatoire chronique, avec errance au volant de sa voiture et mise en danger. Long monologue, empreint d'hosti1ité, de revendications et de sthénicité, d'idées délirantes de persécution alimentées par des hallucinations auditives et cénesthésiques, convictions délirantes inébranlables générant des angoisses massives. Aucune critique, refus de soins. »

Il concluait que « les soins psychiatriques sans consentement sont justifiés et la mesure doit être maintenue, sous la forme d'une hospitalisation complète, conformément aux dispositions de l'article L 3211-2-2 du Code de la Santé Publique.

Selon le certificat de situation de 72 heures établi le 24 avril 2024 par le Dr [X] [W], praticien hospitalier, Mme [Z] [N] a été admis en soins psychiatriques sans consentement le 21 avril 2024, le médecin notait que la patiente présentait « une psychose hallucinatoire chronique en rupture de soins depuis 2 ans, avec recrudescence délirante importante, notamment sur des thématiques de persécution, intrusion à son domicile, vol de ses affaires.

Nombreux mécanismes, interprétatifs, imaginatifs et hallucinatoires avec des hallucinations auditive et cénesthésiques et des injonctions auxquelles elle obéit, en se mettant en danger, notamment en errance au volant de sa voiture. En parallèle, adhésion à une secte dangereuse. Conviction inébranlable sans aucune critique. »

Il concluait que « les soins psychiatriques sans consentement sont justifiés et la mesure doit être maintenue en hospitalisation complète, conformément aux dispositions de 1'article L.3211-2-2 du Code de la Santé Publique ».

Par décision du 24 avril 2024 à 18h00, [C] [R], attachée d'administration hospitalière, par délégation de la Directrice de l'Etablissement public de santé mentale de la Guadeloupe, a ordonné le maintien en soins psychiatriques sous la forme d'une hospitalisation complète de Mme [Z] [N]. Mme [Z] [N] a refusé de signer la notification de la présente décision.

Le 24 avril 2024 à 18h05, [C] [R], attachée d'administration hospitalière, par délégation de la Directrice de l'Etablissement public de santé mentale de la Guadeloupe, a saisi le juge des libertés et de la détention en vue du contrôle de cette mesure d'hospitalisation complète.

Aux termes d'un avis motivé du 25 avril 2024 à 11H44, le Dr [A] [F], psychiatre, a indiqué que la patiente « toujours très délirante, délire systématisé auquel l'adhésion est totale. Calme en service, semble plus coopérante pour les soins. L'objectif de cette hospitalisation est d'obtenir une mise à distance des idées délirantes, travailler l'alliance thérapeutique et remettre en place un traitement au long cours. »

Il concluait que l'état clinique de la patiente nécessitait la poursuite de la prise en charge en hospitalisation complète.

MOTIFS :

Sur la recevabilité de l'appel :

Formé dans les formes et les délais prescrits par la loi, l'appel de Mme [Z] [N] est recevable.

Sur la procédure :

Sur les exceptions de procédure

Selon l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions de procédure doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond.

En l'espèce il résulte de l'ordonnance dont appel les exceptions nouvelles tirées de l'absence et de l'irrégularité des notifications des décisions, des droits et voies de recours soulevées pour la première fois en cause d'appel, sera déclarée irrecevable. En outre, il émane des pièces de la procédure qu'aux termes des certificats de situation 24h et 72h des 22 et 24 avril 2024, que respectivement, l'état clinique du patient ses observations sous la forme de la prise en charge n'ont pu être recueillies, que celle-ci a été informée « des modalités de soins, de ses droits, voies de recours et garanties et ses observations ont pu être recueillies ». Le moyen est donc en tout état de cause, infondé.

Sur la fin de non-recevoir

Selon l'article 117 du code de procédure civile, constituent des irrégularités de fond affectant la validité de l'acte le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale, soit d'une personne atteinte d'une incapacité d'exercice.

Le régime des fins de non-recevoir diffère de celui des exceptions de procédure en ce qu'elles peuvent être invoquées en tout état de cause et ne nécessitent pas la preuve d'un grief.

En application des dispositions de l'article L 3212 - 1 du code de la santé publique, la décision d'admission en soins psychiatriques en cas de péril imminent doit en principe être prononcée par le directeur de l'établissement.

Toutefois, il lui est possible en application des dispositions de l'article D.143 - 33 du code de la santé publique de déléguer ses compétences en cette matière.

De plus, l'article D.6143 - 34 du même code, s'agissant des exigences conditionnant la régularité de cette délégation, dispose :

« Toute délégation doit mentionner :

1°/le nom et la fonction de l'agent auquel la délégation a été donnée,

2 °/la nature des actes délégués.

3 °/ Eventuellement, les conditions ou réserves dont le directeur juge opportun d'assortir la délégation. »

Par ailleurs l'article D.6143 - 35 du même code prévoit que ces délégations doivent être notifiées aux intéressés et publiées par tous moyens les rendant consultables.

En l'espèce, il est contesté que les auteurs de la saisine et des décisions d'admission et de maintien ont fait l'objet d'une délégation l'ayant habilité à la prendre.

Cependant, l'article L.6147-7du CSP prévoit que le directeur d'un établissement public peut déléguer sa signature.

Il appartient au juge judiciaire de vérifier la régularité de l'acte qui le saisit, y compris au regard de la qualité du signataire de la requête.

Il résulte de la décision DG/EPSM-G/2023-09 du 24 avril 2023 portant délégation permanente de signature à compter du 1er avril 2023 que Mesdames [R], [D], [S] et [V], AAH pour toutes décisions relevant de leur garde. Il résulte de la décision DG/EPSM-G/2023-08 du 24 avril 2023 portant délégation de signature à Mesdames [R] pour la gestion des soins sans consentement, les demandes de saisine pour contrôle et des demandes de saisine de main levée, délégation temporaire pour l'admission en soins sans tiers.

Force est de constater qu'il n'est pas produit de délégation de signature pour Mme [T] [I], administrateur de garde de l'Etablissement public de santé mentale de la Guadeloupe, qui est signataire de la décision du 21 avril 2024.

L'irrespect de ces exigences formelles n'ont ainsi pas mis en mesure le patient de vérifier immédiatement que l'auteur de l'acte administratif d'hospitalisation sous contrainte avait juridiquement compétence et qualité pour prendre cette décision.

Le moyen est donc fondé et donc sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres moyens, il convient d'infirmer la décision querellée et d'ordonner la mainlevée.

Sur la nécessité de différer les effets de l'infirmation de l'ordonnance :

L'article L3211-12-1 du code de la santé publique prévoit la possibilité pour le juge des libertés et de la détention au vu des éléments du dossier et par décision motivée, de décider que la mainlevée prenne effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin qu'un programme de soins puisse, le cas échéant, être établi, la mesure d'hospitalisation complète prenant fin dès l'établissement de ce programme ou à l'expiration du délai.

Il résulte des pièces du dossier, et notamment de l'avis motivé du 25 avril 2024 du Dr [A] [F], psychiatre, que la patiente est « toujours très délirante, délire systématisé auquel l'adhésion est totale. Calme en service, semble plus coopérante pour les soins. L'objectif de cette hospitalisation est d'obtenir une mise à distance des idées délirantes, travailler l'alliance thérapeutique et remettre en place un traitement au long cours. »

En l'espèce, compte tenu de la gravité des troubles psychiatriques constatés durant l'hospitalisation, de la nécessaire poursuite des soins et de l'adhésion précaire de Mme [Z] [N] aux soins, il y a lieu de retarder de 24 heures maximum les effets de cette ordonnance de mainlevée des soins en hospitalisation complète afin de laisser la possibilité de mise en place d'un programme de soins.

La cour, en équité, rejette la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Nous, magistrat délégué par le premier président, statuant publiquement, par ordonnance réputée contradictoire et en dernier ressort, par mise à disposition au greffe après avis donné aux parties,

Infirmons la décision déférée, et statuant à nouveau,

Faisons droit à la fin de non-recevoir tirée de l'absence de délégation de signature ;

Donnons mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète de Mme [Z] [N] ;

Disons que la mainlevée prendra effet dans un délai maximal de vingt-quatre heures afin que l'établissement puisse, le cas échéant, établir un programme de soins, l'hospitalisation complète prenant fin dès l'établissement de ce programme ou à l'expiration de ce délai.

Laissons les dépens à la charge du trésor public,

Rejetons la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Rappelons que la présente décision est communiquée au ministère public, au directeur d'établissement et à monsieur le préfet.

Fait à Basse-Terre le 07 mai 2024.

Le greffier Le conseiller délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre étrangers / ho
Numéro d'arrêt : 24/00456
Date de la décision : 07/05/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 21/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-05-07;24.00456 ?
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