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12/03/2024 | FRANCE | N°24/00258

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre étrangers / ho, 12 mars 2024, 24/00258


COUR D'APPEL DE BASSE - TERRE

RETENTION ADMINISTRATIVE

RG 24/00258





ORDONNANCE DU 12 MARS 2024



Dans l'affaire entre d'une part :



M. X se disant [F] [Y]

né le 5 Août 1987 à [Localité 3] (Haiti)

de nationalité haïtienne

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]



Appelant de l'ordonnance rendue le11 mars 2024 à 9h20 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre ordonnant la prolongation du maintien de l'intéressé dans les locaux ne relevant de

l'administration pénitentiaire pour un durée maximale de 28 jours,



Comparant,

Assisté de Me Laurent Hatchi, avocat au barreau de la Guadeloupe,...

COUR D'APPEL DE BASSE - TERRE

RETENTION ADMINISTRATIVE

RG 24/00258

ORDONNANCE DU 12 MARS 2024

Dans l'affaire entre d'une part :

M. X se disant [F] [Y]

né le 5 Août 1987 à [Localité 3] (Haiti)

de nationalité haïtienne

Demeurant [Adresse 1]

[Localité 2]

Appelant de l'ordonnance rendue le11 mars 2024 à 9h20 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre ordonnant la prolongation du maintien de l'intéressé dans les locaux ne relevant de l'administration pénitentiaire pour un durée maximale de 28 jours,

Comparant,

Assisté de Me Laurent Hatchi, avocat au barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy,

En présence de Mme [O] [T] dit [V], interprète en langue créole inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Basse-Terre,

et d'autre part :

Monsieur le Préfet de la région Guadeloupe,

dont mémoire envoyé au greffe de la cour le 12 mars 2024 à 8h17 tendant à la confirmation de la décision entreprise,

Non représenté à l'audience,

et

Le ministère Public

dont réquisitions écrites communiquées de Mme Héléne Morton, avocate générale tendant à l'assignation à résidence de l'intéressé,

Non représenté à l'audience,

*************

Nous, Valérie Marie-Gabrielle, conseillère à la cour d'appel de Basse-Terre, déléguée par ordonnance du Premier Président pour statuer en matière de rétention administrative, assistée de Mme Sonia Vicino greffière,

Vu l'arrêté du préfet de la région Guadeloupe du 08 mars 2024 prononçant l'obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour à l'encontre de M. X se disant [F] [Y] pendant une durée de 2 ans,

Vu la décision de placement en rétention administrative de M. X se disant [F] [Y] prise par le préfet de la région Guadeloupe le 8 mars 2024 à lui notifiée le même jour à 15H06,

Vu l'ordonnance du 11 mars 2024 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre notifiée à M. [F] [Y] le même jour ordonnant la prolongation de son maintien dans les locaux ne relevant de l'administration pénitentiaire pour une durée maximale de 28 jours,

Vu l'appel interjeté le 11 mars 2024 à14h49 par M.[F] [Y] Guadeloupe de l'ordonnance précitée,

Vu les débats à l'audience du 12 mars 2024 à compter de 8 heures 30,

MOTIFS

Sur la régularité de la procédure

Les articles 71 à 74 du code de procédure civile définissent 'les moyens de défense' et 'les exceptions de procédure', les premiers pouvant être proposés en tout état de cause, les secondes devant, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non recevoir.

Au soutien de son appel tendant à l'annulation de l'ordonnance querellée, M. [F] [Y], au visa de l'article L. 741-6 du Ceseda, fait valoir l'irrégularité de la procédure au motif que la décision de placement en rétention administrative prise par le Préfet ne satisfait pas à l'obligation de motivation car elle ne caractérise pas le risque de fuite et le fait qu'une assignation à résidence n'est pas possible, vivant en Guadeloupe depuis plus de dix ans, étant père de famille et ayant une adresse stable.

Le Préfet conclut à l'irrecevabilité des moyens soulevés pour la première fois en cause d'appel compris celui relatif à l'absence de perpectives d'éloignement vers Haiti en raison de la situation politique y existante.

Etant admis que toutes les contestations portant sur la décision de placement en rétention constituent une défense au fond, non une exception de procédure (1ère civ 20/11/2019 - n°1825107), il y a lieu de déclarer recevable celle présentée par M. [F] [Y] sur la régularité de la décision de placement en rétention prise le 8 mars 2024 à son encontre.

Cependant, contrairement à ce qui est soutenu, ladite décision, faisant mention de la situation administrative et personnelle de M. [F] [Y] est valablement motivée au visa des articles L. 611-1 et L. 612-2 du Ceseda. Dés lors, le moyen soulevé est inopérant.

Par ailleurs, outre le fait que le moyen tiré de l'instabilité politique en Haiti ne peut être considéré comme une exception de procédure, il ressort du procès-verbal d'audition de l'intéressé devant le juge des libertés et de la détention que celui-ci l'avait déjà invoqué en première instance pour solliciter une assignation à résidence de sorte que l'argumentaire de l'administration sur ce point sera écarté.

Dans tous les cas, la procédure de rétention administrative engagée à l'encontre de M. [F] [Y] est régulière et ne saurait être annulée pour les motifs ci-dessus invoqués.

Sur le bien fondé de la mesure de prolongation de rétention administrative

L'article L. 611-1 du Ceseda prévoit les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français notamment si ce dernier ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ou s'y être maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, ou sous couvert d'un visa désormais expiré, ou n'étant pas soumis à l'obligation du visa, est entré en France plus de trois mois auparavant et s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour, ou le cas échéant sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré, ou sans avoir obtenu la reconnaissance de la qualité de réfugié, ou dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public.

Selon les dispositions de l'article L.743-13 du Ceseda, le juge des libertés et de la détention peut ordonner l'assignation à résidence de l'étranger lorsque celui-ci dispose de garanties de représentation effectives. L'assignation à résidence ne peut être ordonnée par le juge qu'après remise à un service de police ou à une unité de gendarmerie de l'original du passeport et de tout document justificatif de son identité, en échange d'un récépissé valant justification de l'identité et sur lequel est portée la mention de la décision d'éloignement en instance d'exécution. Lorsque l'étranger s'est préalablement soustrait à l'exécution d'une décision mentionnée à l'article L. 700-1, à l'exception de son 4°, l'assignation à résidence fait l'objet d'une motivation spéciale.

M. [F] [Y] soutient disposer de garanties de représentations sérieuses (un hébergement, une famille dont un jeune enfant, une installation en Guadeloupe depuis 2013) excluant tout risque de fuite alors qu'au visa de l'article L.741-3 du Ceseda, ses perpectives d'éloignement sont faibles au regard de la situation actuelle en Haiti où l'aéroport est fermé.

Faisant valoir le comportement délictuel et l'absence de garanties de M. [F] [Y] qui ne dispose pas d'un passeport valide, ne justifie pas de sa résidence et a déjà fait l'objet en 2019 et 2021 d'une obligation de quitter le territoire national, certaines liaisons aériennes avec Haiti étant maintenues, l'autorité administrative conclut à la confirmation de la décision rendue.

Le Ministére public a requis l'assignation à résidence de l'intéressé aux motifs de la justification par M. [F] [Y], père d'un jeune enfant, d'un domicile à Gosier ainsi que de 'la situation quasi insurrectionnelle en Haiti'.

Au cas présent, le juge doit rechercher si les garanties de représentation de l'intéressé sont de nature à éviter qu'il se soustrait à la mesure d'éloignement prise à son encontre et à permettre à l'autorité administrative de mettre en toute hypothèse la mesure d'éloignement à exécution.

En l'espèce, il est constant que M. [F] [Y] ne disposant pas à ce jour d'un titre pour séjourner sur le territoire français, s'est vu notifier le 8 mars 2024, après un contrôle routier relevant une conduite sans permis, un défaut d'assurance et de contrôle technique, un refus d'obtempérer dont il a fait l'objet, l'obligation de quitter le territoire national sans délai. Pour autant, bien que l'on puisse reprocher à M. [F] [Y] ces infractions routières, il n'est pas démontré qu'il constitue une menace pour l'ordre public.

A l'audience, les autorités de police ont présenté le passeport haïtien de [F] [Y] justifiant de son identité et ce dernier a produit un bail en date du 21 juin 2023 dont il est co-titulaire avec Mme [E] [P] présentée comme sa compagne avec laquelle il aurait un bébé de sept mois démontrant un hébergement stable.

Aussi, au cas présent, en dépit de la situation administrative irrégulière de M.[F] [Y], les garanties de représentation de ce dernier (famille, logement) paraissent suffisantes pour éviter qu'en ordonnant une mesure d'assignation à résidence -requise au surplus par le ministère public-, il ne se soustraie à la mesure d'éloignement prise le 8 mars 2024 à son endroit avant son éloignement pour Haiti.

Dés lors, l'ordonnance querellée sera infirmée et M. [F] [Y] sera assigné à résidence jusqu'à son éloignement du territoire national, étant rappelé qu'il est contraint à une présentation quotidienne au commissariat de police ou à la brigade de gendarmerie dont dépend son lieu assignation, ce jusqu'à son départ pour le pays de renvoi.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons régulière la procédure de rétention administrative concernant M.X se disant [F] [Y] ;

Infirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre du 11 mars 2024 ;

Disons n'y avoir lieu à la prolongation de la rétention administrative de M. [F] [Y] ;

Ordonnons I'assignation à résidence de M. [F] [Y] à l'adresse suivante [Adresse 1] ;

Disons que pendant la durée de l'assignation à résidence M. [F] [Y] sera astreint à résider dans le lieu mentionné ci dessus ;

Disons que M. [F] [Y] est tenu de se présenter quotidiennement aux services de police en l'occurrence à l'Unité d'éloignement de la direction départementale de la Police de l'Air et des Frontières (DDPAF) jusqu'à son éloignement à destination de son pays d'origine à savoir Haiti ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée aux parties intéressées par tout moyen par le greffe de la cour d'appel et sera transmise à M. Le Procureur Général ;

Fait à Basse -Terre, au palais de justice, le 12 mars 2024 à 17 heures 15;

La greffière La magistrate déléguée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre étrangers / ho
Numéro d'arrêt : 24/00258
Date de la décision : 12/03/2024

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2024-03-12;24.00258 ?
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