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13/06/2023 | FRANCE | N°23/00582

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre étrangers / ho, 13 juin 2023, 23/00582


COUR D'APPEL DE BASSE - TERRE



RETENTION



RG 23/582

N° PORTALIS DBV7-V-B7H-DSLE





ORDONNANCE SUR APPEL EN MATIERE DE RETENTION ADMINISTRATIVE DU 13 JUIN 2023



Dans l'affaire entre d'une part :



M. Le Préfet de la région Guadeloupe,



Appelant,



Et :



M. [X] [P]

né le 25 août 1964 à [Localité 9] (HAITI),

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]

de nationalité haïtienne,



Représenté par Maître ZOUZOUA, avocat au barreau de

la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy,



Le ministère public,





************



Nous, Annabelle CLEDAT, conseillère à la cour d'appel de Basse-Terre, déléguée par ordonnance du Premie...

COUR D'APPEL DE BASSE - TERRE

RETENTION

RG 23/582

N° PORTALIS DBV7-V-B7H-DSLE

ORDONNANCE SUR APPEL EN MATIERE DE RETENTION ADMINISTRATIVE DU 13 JUIN 2023

Dans l'affaire entre d'une part :

M. Le Préfet de la région Guadeloupe,

Appelant,

Et :

M. [X] [P]

né le 25 août 1964 à [Localité 9] (HAITI),

demeurant [Adresse 2]

[Localité 1]

de nationalité haïtienne,

Représenté par Maître ZOUZOUA, avocat au barreau de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélémy,

Le ministère public,

************

Nous, Annabelle CLEDAT, conseillère à la cour d'appel de Basse-Terre, déléguée par ordonnance du Premier Président de cette cour pour statuer en matière de rétention administrative, assistée de Prescillia ROUSSEAU, greffière,

Vu l'arrêté de M. Le préfet de la région GUADELOUPE en date du 05 juin 2023 prononçant à l'encontre de M. [X] [P] l'obligation de quitter le territoire français et portant interdiction de retour pour une durée de deux ans, notifié le même jour à 14h20,

Vu la décision de placement au centre de rétention administrative prise le 05 juin 2023 par M. Le préfet de la région Guadeloupe à l'encontre de M. [X] [P], notifiée le même jour à 14h23,

Vu la requête adressée le 07 juin 2023 à 11h57 par M. Le préfet de la région GUADELOUPE au juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de POINTE-À-PITRE tendant à voir prolonger la rétention administrative de M. [X] [P] pour une durée supplémentaire de vingt-huit jours,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de POINTE-À-PITRE du vendredi 09 juin 2023 à 10h43 déclarant la procédure irrégulière, rejetant la requête en prolongation de la rétention administrative, disant n'y avoir lieu à prolongation de la rétention administrative de M. [X] [P] et rappelant à ce dernier qu'il a l'obligation de quitter le territoire français,

Vu l'appel interjeté par M. Le Préfet de la région GUADELOUPE, réceptionné au greffe de la cour d'appel de BASSE-TERRE le lundi 12 juin 2023 à 08h14,

Vu l'audience publique qui s'est tenue le mardi 13 juin 2023 à 14 heures,

En l'absence de M. [X] [P], pourtant régulièrement convoqué, qui a signé la notification de la convocation le 12 juin 2023 à 15h53,

En l'absence de M. Le Préfet de la région Guadeloupe,

En présence du ministère public représenté par Mme ROUCHOUSE, substitut général, entendue en ses réquisitions,

En présence de Maître ZOUZOUA, avocate de M. [P], entendue sa plaidoirie et qui a eu la parole en dernier.

A l'issue des débats, les parties ont été informées que la décision était mise en délibéré et qu'elle serait rendue le même jour.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Le 04 juin 2023 à 15h40, M. [X] [P] était placé en garde à vue à la brigade de gendarmerie de [Localité 8] pour des faits de conduite sans permis commis le même jour à 14h40 sur cette commune.

Le fichier des personnes recherchées indiquait qu'il faisait l'objet d'une obligation de quitter le territoire remontant au 19 juillet 2020.

Lors de son audition en garde à vue, M. [P] reconnaissait qu'il n'était pas titulaire du permis de conduire français et que son permis de conduire haïtien avait expiré depuis longtemps. Il déclarait être de nationalité haïtienne et être en situation irrégulière, malgré de nombreuses tentatives pour régulariser sa situation.

Il expliquait qu'il était arrivé en 2004 d'HAITI via la DOMINIQUE, qu'il avait conclu un PACS en 2019 avec une guadeloupéenne, Mme [J], qui était actuellement sous traitement pour un cancer, que ses trois enfants majeurs vivaient en GUADELOUPE, qu'il faisait des jobs dans divers domaines et parvenait à gagner 1.500 euros par mois, sans être déclaré.

Les pièces de la procédure démontraient :

- qu'il avait fait l'objet le 18 janvier 2008 d'un arrêté de la sous-préfecture de [Localité 5] prononçant le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français,

- qu'il avait fait l'objet le 09 juillet 2020 d'un nouvel arrêté prononçant le refus de séjour et l'obligation de quitter le territoire français,

- que le recours exercé par M.[P] à l'encontre de cet arrêté avait été rejeté par jugement du tribunal administratif de la GUADELOUPE du 23 mars 2021.

Le Préfet de la région GUADELOUPE prenait à son encontre le 05 juin 2023 un arrêté portant l'obligation de quitter le territoire français sans délai assorti d'une interdiction de retour pendant deux ans.

Il ordonnait également son placement immédiat au centre de rétention administrative en vue de son éloignement vers HAITI, son pays d'origine.

A son arrivée au centre de rétention administrative, M. [P] formait une demande d'asile par l'intermédiaire de son avocat. Il se voyait refuser l'admission provisoire au séjour au titre de l'asile par la préfecture de GUADELOUPE par décision du 06 juin 2023.

Son départ, prévu le 19 juin 2023 par un vol au départ de [Localité 5] et à destination de [Localité 6], ne pouvant intervenir dans le délai de quarante-huit heures à compter de son placement en rétention, le Préfet de la région GUADELOUPE saisissait le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de POINTE-À-PITRE le 07 juin 2023 à 11h57 d'une demande de prolongation de la rétention pour une durée supplémentaire de 28 jours.

Par ordonnance rendue le 09 juin 2023 à 10h43, le juge des libertés et de la détention a :

- rejeté le moyen d'irrecevabilité,

- déclaré la requête en prolongation de la rétention administrative recevable,

- déclaré la procédure irrégulière,

- rejeté la demande en prolongation de la rétention administrative du préfet de la région GUADELOUPE,

- dit n'y avoir lieu à la prolongation de rétention administrative de M. [X] [P],

- rappelé à ce dernier qu'il avait l'obligation de quitter le territoire français.

Appel de cette décision a été interjeté le lundi 12 juin 2023 à 08h14 par M. Le préfet de la région GUADELOUPE.

PRETENTIONS ET MOYENS :

Aux termes de son acte d'appel motivé du 12 juin 2023, M. Le Préfet de la région GUADELOUPE a demandé au premier président de la cour d'appel :

- d'infirmer l'ordonnance déférée,

- d'ordonner la prolongation de la rétention administrative de M. [X] [P].

Lors de l'audience, le ministère public a également requis l'infirmation de l'ordonnance déférée et la prolongation de la rétention administrative de l'intéressé.

Maître ZOUZOUA a quant à elle sollicité la confirmation de l'ordonnance entreprise.

MOTIFS DE LA DECISION :

Sur la recevabilité de l'appel :

Conformément aux dispositions combinées de l'article R.743-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 642 du code de procédure civile, l'appel interjeté par M. Le Préfet de la région GUADELOUPE le lundi 12 juin 2023 à 08h14 à l'encontre d'une ordonnance rendue par le juge des libertés et de la détention le vendredi 09 juin 2023 à 10h43 est recevable.

Sur la nullité de la procédure :

M. Le Préfet de la région GUADELOUPE reproche au premier juge d'avoir retenu que l'absence de procès-verbal d'interpellation de M. [X] [P] constituait une irrégularité qui lui faisait grief.

Il indique :

- que conformément à l'article 537 du code procédure pénale, les procès-verbaux établis par les officiers et agents de police judiciaire font foi jusqu'à preuve contraire,

- que le procès-verbal d'enquête de flagrance détaille de manière explicite les conditions d'interpellation de M. [P] lors d'un contrôle réalisé par la gendarmerie [Localité 3] alors qu'il conduisait, téléphone à la main, à 14h40, dans la [Adresse 7] à [Localité 8],

- que ce procès-verbal indique de manière précise les faits ainsi que les noms des gendarmes ayant procédé à l'interpellation ; qu'il fait état de la transmission orale de la gendarmerie [Localité 3] à celle de [Localité 8] pour retranscription écrite,

- que M. [P] a été régulièrement interpellé dans le cadre d'un contrôle routier réalisé sur initiative des officiers ou agents de police judiciaire territorialement compétents,

- que le défaut de production d'un procès-verbal d'interpellation ne fait pas grief, en ce que les éléments du dossier, notamment le procès-verbal précité, suffit à apprécier la légalité des conditions d'interpellation,

- qu'en tout état de cause, le placement en rétention administrative de M. [P] et la demande de prolongation de la rétention sont bien fondés, dès lors qu'il ne dispose pas de garanties suffisantes pour permettre son assignation à résidence, qu'il a manifesté son souhait de se maintenir en GUADELOUPE où il est entré en 2004 et qu'il a déjà fait l'objet de deux refus de séjour.

Il est parfaitement constant que la procédure judiciaire produite par M. Le Préfet de la région GUADELOUPE au soutien de sa demande de prolongation de la rétention administrative de M. [P] ne contient aucun procès-verbal d'interpellation.

Seul le procès-verbal d'investigations établi par le maréchal des logis chef [E], officier de police judiciaire en résidence à [Localité 8], daté du 04 juin 2023, sans précision de l'heure, indique :

'Ce jour, nous sommes informés par le détachement de surveillance et d'intervention [Localité 3] qu'ils viennent de contrôler une personne d'origine haïtienne en défaut de permis de conduire et en situation irrégulière sur le territoire national.

Le DSI est composé des gendarmes [F] [U], [L] [R] et [K] [W]. Ils étaient en service de prévention de proximité sur la commune de [Localité 8] à bord de leur véhicule banalisé. A 14h40, [Adresse 7] à [Localité 8], ils constatent un conducteur à bord d'un véhicule KIA RIO immatriculé [Immatriculation 4], circulant téléphone en main. Ils décident de contrôler le véhicule.

Il s'agit de M. [P] [X], né le 25/08/1964 à [Localité 9] (HAITI) et demeurant à [Adresse 2]. Il reconnaît avoir utilisé son téléphone et déclare ne pas être titulaire du permis de conduire. Lors du passage de l'individu au FPR, il s'avère qu'il fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire [...]. L'individu est conduit sans la contrainte à la Brigade de gendarmerie de [Localité 8] pour effectuer les différentes vérifications'.

Ce procès-verbal se poursuit en indiquant : 'Ce jour à 15h30, nous prenons contact avec la permanence du tribunal judiciaire de POINTE-À-PITRE. Nous sommes mis en relation avec Mme ONFRAY. Cette dernière nous demande de placer l'individu en garde à vue'.

En conséquence, M. [P] n'a été placé en garde à vue qu'à 15h40, heure à laquelle lui ont été notifiés ses droits.

S'il est constant que le procès-verbal d'investigations fait foi jusqu'à preuve contraire, et qu'il n'est pas possible de remettre en cause le fait que l'officier de police judiciaire ait reçu de ses collègues l'information selon laquelle le contrôle de M. [P] aurait eu lieu à 14h40, il n'a pas personnellement procédé à ce contrôle et son procès-verbal ne suffit donc pas à rapporter la preuve de l'heure du contrôle, en l'absence de procès-verbal d'interpellation .

Ce procès-verbal d'investigations ne permet pas non plus de connaître les circonstances exactes du contrôle, dont seules pouvaient attester les gendarmes qui y ont procédé, en rédigeant un procès-verbal d'interpellation. Si M. [P] a reconnu durant sa garde à vue avoir téléphoné au volant alors qu'il n'est pas titulaire du permis de conduire, l'absence de procès-verbal d'interpellation ne permet pas au juge de s'assurer du bon déroulement de chacune des phases de la procédure.

En outre, ce procès-verbal d'investigations ne permet pas de s'assurer de l'absence de contrainte entre le contrôle et le placement en garde à vue, alors que le fait que M. [P] ait été 'conduit' à la brigade induit par nature l'absence de liberté d'aller et de venir durant au moins une heure à compter du contrôle. Or, conformément aux dispositions de l'article 63 du code procédure pénale, la personne qui, pour les nécessités de l'enquête, est, sous la contrainte, mise à la disposition de l'officier de police judiciaire, doit immédiatement être placée en garde à vue et recevoir notification des droits attachés à cette mesure. Tout retard dans la mise en oeuvre de cette obligation, non justifié par des circonstances insurmontables, porte nécessairement atteinte aux intérêts de la personne concernée.

Enfin, la cour de cassation a eu l'occasion de rappeler que la requête du préfet saisissant le juge d'une demande de prolongation du maintien en rétention d'un étranger, en cas d'interpellation de ce dernier, être accompagnée du procès-verbal d'interpellation (Cviv.2ème, 17 juin 1998, pourvoi n°97-50.022),

En conséquence, c'est donc à bon droit que le premier juge a constaté l'irrégularité de la procédure et rejeté la demande de prolongation de la rétention administrative de M. [P].

L'ordonnance déférée sera donc confirmée.

PAR CES MOTIFS,

Statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable en la forme l'appel interjeté,

Confirmons l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions,

Disons que la présente ordonnance sera notifiée aux parties intéressées par tout moyen par le greffe de la cour d'appel et sera transmise à M. le Procureur Général,

Fait au palais de justice de BASSE-TERRE le 13 juin 2023 à 14h40.

La Greffière Le magistrat délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre étrangers / ho
Numéro d'arrêt : 23/00582
Date de la décision : 13/06/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-06-13;23.00582 ?
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