La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/02/2023 | FRANCE | N°23/00150

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre étrangers / ho, 13 février 2023, 23/00150


COUR D'APPEL DE BASSE - TERRE

RETENTION ADMINISTRATIVE



ORDONNANCE DU 13 FÉVRIER 2023





RG 23/00150

N° Portalis :DBV7-V-B7H-DRES



Dans l'affaire entre d'une part :



Monsieur le Préfet de la région [Localité 1],

non représenté, bien que régulièrement convoqué par mail,

ayant fait valoir ses observations suivant écritures du 13 février 2023 aux fins de confirmation de l'ordonnance rendue le 10 février 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pit

re



Et d'autre part



M. X se disant [U] [L]

né le 20 juillet 1997 à [Localité 3] (Haïti)

de nationalité haïtienne

Demeurant [Adress...

COUR D'APPEL DE BASSE - TERRE

RETENTION ADMINISTRATIVE

ORDONNANCE DU 13 FÉVRIER 2023

RG 23/00150

N° Portalis :DBV7-V-B7H-DRES

Dans l'affaire entre d'une part :

Monsieur le Préfet de la région [Localité 1],

non représenté, bien que régulièrement convoqué par mail,

ayant fait valoir ses observations suivant écritures du 13 février 2023 aux fins de confirmation de l'ordonnance rendue le 10 février 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre

Et d'autre part

M. X se disant [U] [L]

né le 20 juillet 1997 à [Localité 3] (Haïti)

de nationalité haïtienne

Demeurant [Adresse 2]

Comparant

Assisté par Maître Nicole Cotellon, avocat au Barreau de la Guadeloupe

En présence du ministère Public

Représenté à l'audience par François Schuster, vice-procureur placé auprès du procureur général prés la cour d'appel de Basse-Terre, entendu en ses observations tendant à la confirmation de la décision rendue le 10 février 2023 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre

*************

Nous, Valérie Marie-Gabrielle, conseillère à la cour d'appel de Basse-Terre, déléguée par ordonnance du Premier Président pour statuer en matière de rétention administrative, assistée de Mme Armélida RAYAPIN greffière,

Vu la décision de placement en rétention de l'autorité administrative prise le 7 Février 2023 par le Préfet de la Région [Localité 1] concernant M. [U] [L],

Vu la requête de l'autorité administrative en date du 09 février 2023 tendant à la prolongation de la rétention de M. [U] [L] dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire pour une durée de vingt-huit jours,

Vu l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du 10 février 2023 rendue à 11h10, notifiée au Procureur de la République à 12h05 statuant sur une première demande de prolongation d'une mesure de rétention administrative, rejetant les moyens de nullité soulevés et ordonnant la prolongation de la rétention administrative de M. [U] [L] ,

Vu la déclaration d'appel formalisée le 10 février 2023 à 17h11 par M. [U] [L], reçue par la voie électronique au greffe de la cour,

Vu les débats à l'audience du 13 février 2023 en présence de Mme [V] épouse [S] Dit [N] [K] interprète en langue créole inscrit sur la liste des experts de la cour d'appel de Basse-Terre,

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la régularité de la procédure

L'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) prévoit les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français notamment si ce dernier ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ou s'y être maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité, ou sous couvert d'un visa désormais expiré, ou n'étant pas soumis à l'obligation du visa, est entré en France plus de trois mois auparavant et s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour, ou le cas échéant sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré, ou sans avoir obtenu la reconnaissance de la qualité de réfugié, ou dont le comportement constitue une menace pour l'ordre public.

Sur les conditions de l'interpellation

L'article L.741-6 du Ceseda dispose que la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée.

Précisément, aux termes de l'article 78-2, alinéas 12 et 13 du code de procédure pénale, sont autorisés sur le territoire de la [Localité 1], les contrôles d'identité de toute personne en vue de vérifier le respect des obligations de détention, de port et de présentation des titres et documents prévus par la loi, ce dans une zone comprise entre le littoral et une ligne tracée à un kilomètre en deçà ainsi que sur le territoire des communes que traversent les routes nationales 1,2, 4, 5, 6, 9, 10 et 11.

A l'audience, le conseil de M. [U] [L] reprenant ce moyen développé en première instance, fait valoir la nullité de la procédure aux motifs de l'irrégularité du procès-verbal de son interpellation lequel ne mentionne aucun élément sur l'objectivité de l'extranéité exigée par la loi dans ce cas.

En l'espèce, il y a lieu de souligner que le procès-verbal de police 2023/00133 retrace les circonstances du contrôle d'identité de M. [U] [L] opéré le 6 février 2023 à 17H25 aux Abymes par M. [R] [A] agent de police judiciaire agissant sous la direction d'officiers de police judiciaire, l'intéressé ayant été interpellé à [Localité 4], commune traversée par la RN1, alors que les policiers de l'air et des frontières procédaient, en application des dispositions de l'article 78-2 alinéas 12 et 13 du code de procédure pénale précitées, à un contrôle d'identité aléatoire, ainsi que visé expressément dans ledit acte.

Ce faisant, il y a lieu de considérer que les conditions de l'interpellation de M. [U] [L] ont été faites dans les formes de la loi.

Sur la notification des droits

L'article L. 743-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda), prévoit qu'en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le juge des libertés et de la détention saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger.

Sur ce fondement, il est admis que l'irrégularité affectant la procédure ne conduit à une mainlevée de la rétention qu'à la condition d'avoir eu pour effet de porter atteinte aux droits de l'étranger, le juge devant rechercher en quoi cette irrégularité constatée fait grief à l'interessé. Aucune nullité ne pouvant être formelle, l'atteinte aux droits de l'étranger doit être avérée et non hypothétique car ce n'est pas le risque d'atteinte qui est sanctionné mais l'atteinte constituée donc dûment caractérisée par les circonstances de l'espèce, le lien devant être établi entre l'irrégularité soutenue et l'atteinte aux droits alléguée.

En l'espèce, M. [U] [L] fait valoir l'absence de notification effective de ses droits puisque pas moins de trois documents (l'OQTF, les décisions fixant le pays de renvoi et de placement au centre de rétention administrative) lui ont été notifiées à la même heure, en moins d'une minute, soit à 11h40, tel que cela apparaît des pièces du dossier.

S'il est exact qu'il ressort de la procédure que la notification de ces décisions administratives a été effectuée le 07 février 2023 à 11h40 à M. [U] [L], il est constant que lors de l'établissement de ces actes, ce dernier était assisté d'une interprète en langue créole dûment désignée, Mme [H] [O], laquelle -tout comme l'intéressé et l'agent notifiant- les a signés. De la même manière, c'est en présence de cette interpréte que M. [U] [L] a indiqué ne pas formuler d'observations sur l'interdiction de retour sur le territoire national pendant un an prise par le préfet de la Région [Localité 1] et à lui notifié.

Aussi, la seule mention d'une heure identique (11h40) pour la notification des décisions portant obligation de quitter le territoire national, fixant le pays de renvoi et le plaçant au centre de rétention administrative ne démontre pas que M. [U] [L], assisté d'un interpréte en langue créole, pour le déroulement et l'établissement de ces actes, n'ait pas eu valablement connaissance de la portée de ces décisions et de ses droits.

De plus, il convient de souligner que la notification des droits en rétention (assistance d'un interpréte, d'un médecin, d'un conseil, de communiquer avec son consulat ou une personne de son choix, de déposer une demande d'asile) de M. [U] [L] fait l'objet d'un procès-verbal dressé le 7 février 2023 à 12h05 en présence également d'un interpréte en langue créole, dont signature des intéressés.

Dés lors, M. [U] [L] ayant bénéficié de la présence d'un interpréte dans la langue qu'il parle et comprend en application des dispositions de l'article L141-3 du Ceseda, il n'est pas établi que les conditions d'établissement des actes de la procédure ont porté atteinte à ses droits de sorte que ces moyens portant sur la régularité de la procédure sont inopérants et seront écartés.

En conséquence, c'est à raison que le premier juge a déclaré la procédure régulière.

Sur la contestation de la décision de placement en rétention administrative

Selon les dispositions de l'article L. 721-4 du CESEDA, l'autorité administrative peut désigner comme pays de renvoi :
1° Le pays dont l'étranger a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu la qualité de réfugié ou lui a accordé le bénéfice de la protection subsidiaire ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ;
2° Un autre pays pour lequel un document de voyage en cours de validité a été délivré en application d'un accord ou arrangement de réadmission européen ou bilatéral ;
3° Ou, avec l'accord de l'étranger, tout autre pays dans lequel il est légalement admissible.
Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950.

En l'espèce, M. [U] [L] soutient que la situation de violence généralisée et extrême existant actuellement en Haiti ne permet pas de l'éloigner vers son pays d'origine et donc de le maintenir au centre de rétention sauf à enfreindre les dispositions précitées.

Par le biais de ce moyen, M. [U] [L] entend critiquer les décisions de quitter le territoire national et fixant le pays de renvoi prises à son encontre le 7 février 2023 par l'autorité administrative.

Cependant, vu la loi des 16 et 24 août 1790 sur l'organisation du pouvoir judiciaire portant séparation des autorités administrative et judiciaire et ensemble les dispositions de l'article L.614-1 du CESEDA, la juridiction de l'ordre judiciaire n'a pas compétence pour examiner la légalité de ces décisions administratives, seul le juge administratif étant compétent pour connaître de la légalité des décisions relatives au séjour et à l'éloignement quand bien même leur illégalité serait invoquée par voie d'exception à l'occasion de la contestation, devant le juge judiciaire de la décision de placement en rétention.

Ainsi, sauf à commettre un excès de pouvoir, il est admis que l'opportunité d'un renvoi d'un étranger vers le pays dont il a nationalité relève de la juridiction administrative (1ère ch civ 5 décembre 2018).

Ce faisant, le contentieux des actes administratifs d'éloignement étant susceptibles de recours devant le tribunal administratif -au demeurant dans des délais brefs et identiques à ceux applicables à la saisine du juge judiciaire-, il appartenait à M. [U] [L] d'exercer cette voie de recours devant la juridiction compétente.

Dés lors, vu le champ de compétences des juges judiciaire et administratif en cette matière, c'est à raison que le premier juge a rejeté ce moyen, la décision querellée devant être également confirmée sur ce point.

Sur le bien fondé de la prolongation de la mesure de rétention administrative

L'article L. 611-1 du CESEDA prévoit les conditions dans lesquelles l'autorité administrative peut obliger un étranger non ressortissant de l'Union européenne à quitter le territoire français notamment si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français.

Il est constant que M. [U] [L] s'est vu notifier le 7 février 2023 l'obligation de quitter le territoire national sans délai.

Si l'intéressé indique travailler régulièrement en qualité de carreleur, il est démuni de toute pièce d'identité, reconnaissant avoir un passeport périmé qu'il n'a pas été, du reste, en mesure de présenter aux autorités de police et ne justifie pas au surplus d'un hébergement stable, plusieurs adresses apparaissant en procédure.

En outre, il convient de souligner que par décision du 10 mai 2022 à lui notifiée le 7 juin 2022, l'OFPRA a rejeté la demande d'asile formée par M. [U] [L] lequel faisait déjà le 22 septembre 2022 d'une décision portant obligation de quitter le territoire national avec départ volontaire dans un délai de trente jours, ce à quoi il ne s'est pas astreint.

Aussi, il y a lieu de considérer que M. [U] [L], non détenteur d'un passeport en cours de validité, ne justifie d'aucune garantie de représentation qui pourrait assurer de l'effectivité volontaire de la mesure d'éloignement en cours.

En conséquence, il est de juste appréciation de confirmer en toutes ses dispositions la décision du juge des libertés et de la détention en date du 10 février 2023.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, en dernier ressort, après débats en audience publique,

Confirmons l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre du 10 février 2023 rejetant les moyens de nullité soulevés et ordonnant la prolongation de la rétention administrative de M. [U] [L] ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée aux parties intéressées par tout moyen par le greffe de la cour d'appel et sera transmise à M. Le Procureur Général ;

Fait à Basse -Terre, au palais de justice, le 13 février 2023 à 15 heures 40;

La greffière La magistrate déléguée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre étrangers / ho
Numéro d'arrêt : 23/00150
Date de la décision : 13/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-13;23.00150 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award