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23/11/2022 | FRANCE | N°22/01176

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre étrangers / ho, 23 novembre 2022, 22/01176


COUR D'APPEL DE BASSE - TERRE

RETENTION 22/1176





ORDONNANCE DU 23 NOVEMBRE 2022





Dans l'affaire entre d'une part :



M. [B] [Z]

né le 15 mai 1991 à [Localité 2] (HAITI)

de nationalité haïtienne

demeurant : [Adresse 1] -Guadeloupe





Comparant - Assisté de Maître Vérité DJIMI, avocate choisie du Barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy, entendue en sa plaidoirie,



Appelant le 22 novembre 2022 d'une ordonnance de prolongation d'une mesure de rétentio

n administrative rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre le 21 novembre 2022,



et d'autre part :



Monsi...

COUR D'APPEL DE BASSE - TERRE

RETENTION 22/1176

ORDONNANCE DU 23 NOVEMBRE 2022

Dans l'affaire entre d'une part :

M. [B] [Z]

né le 15 mai 1991 à [Localité 2] (HAITI)

de nationalité haïtienne

demeurant : [Adresse 1] -Guadeloupe

Comparant - Assisté de Maître Vérité DJIMI, avocate choisie du Barreau de Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Barthélémy, entendue en sa plaidoirie,

Appelant le 22 novembre 2022 d'une ordonnance de prolongation d'une mesure de rétention administrative rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre le 21 novembre 2022,

et d'autre part :

Monsieur le Préfet de la région Guadeloupe,

non représenté, bien que régulièrement convoqué, ayant fait valoir des observations écrites aux fins de confirmation de l'ordonnance querellée,

Le ministère Public

Représenté à l'audience par M. Eric MAUREL, procureur général près la cours d'appel de Basse-Terre, entendu en ses observations, lesquelles tendent également à la confirmation de ladite ordonnance;

*************

Nous, Mme Claudine FOURCADE, présidente de chambre de la cour d'appel de Basse-Terre, déléguée par ordonnance du premier président pour statuer en matière de rétention administrative, assistée de Mme Sonia VICINO, greffière,

Vu l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 18 novembre 2022 prononçant l'obligation de quitter le territoire français sans délai avec interdiction de retour à l'encontre de M.[Z] pendant une durée de 3 ans, notifié le même jour à 18 h 30,

Vu l'arrêté de placement en rétention de M.[Z] pris par le préfet de la Guadeloupe le 18 novembre 2022, notifié le même jour à 18 h 35,

Vu l'ordonnance de prolongation d'une mesure de rétention administrative rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe à Pitre le 21 novembre 2022 à 10 h 29,

Vu l'appel interjeté par M.[Z] le 22 novembre 2022 à 9 h 44 à l'encontre de ladite ordonnance, ;

Vu les débats à l'audience du 23 novembre 2022 en présence de Mme [P] [E], interprète en langue créole inscrite sur la liste des experts de la cour d'appel de Basse-Terre ;

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'appel :

Attendu que l'appel, formé par une déclaration motivée, est recevable comme ayant été formé dans les 24 heures de la notification de l'ordonnance entreprise ;

Sur la régularité de la procédure :

Attendu que l'article 62 du code de procédure pénale dispose:

'Les personnes à l'encontre desquelles il n'existe aucune raison plausible de soupçonner qu'elles ont commis ou tenté de commettre une infraction sont entendues par les enquêteurs sans faire l'objet d'une mesure de contrainte.

Toutefois, si les nécessités de l'enquête le justifient, ces personnes peuvent être retenues sous contrainte le temps strictement nécessaire à leur audition, sans que cette durée puisse excéder quatre heures.

Si, au cours de l'audition d'une personne entendue librement en application du premier alinéa du présent article, il apparaît qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, cette personne doit être entendue en application de l'article 61-1 et les informations prévues aux 1° à 6° du même article lui sont alors notifiées sans délai, sauf si son placement en garde à vue est nécessité en application de l'article 62-2.

Si, au cours de l'audition d'une personne retenue en application du deuxième alinéa du présent article, il apparaît qu'il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement, elle ne peut être maintenue sous contrainte à la disposition des enquêteurs que sous le régime de la garde à vue. Son placement en garde à vue lui est alors notifié dans les conditions prévues à l'article 63-1.';

Qu'aux termes de l'article 62-2 du code de procédure pénale, la garde à vue est une mesure de contrainte décidée par un officier de police judiciaire, sous le contrôle de l'autorité judiciaire, par laquelle une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d'une peine d'emprisonnement est maintenue à la disposition des enquêteurs.

Cette mesure doit constituer l'unique moyen de parvenir à l'un au moins des objectifs suivants :

1° Permettre l'exécution des investigations impliquant la présence ou la participation de la personne ;

2° Garantir la présentation de la personne devant le procureur de la République afin que ce magistrat puisse apprécier la suite à donner à l'enquête ;

3° Empêcher que la personne ne modifie les preuves ou indices matériels ;

4° Empêcher que la personne ne fasse pression sur les témoins ou les victimes ainsi que sur leur famille ou leurs proches ;

5° Empêcher que la personne ne se concerte avec d'autres personnes susceptibles d'être ses coauteurs ou complices ;

6° Garantir la mise en 'uvre des mesures destinées à faire cesser le crime ou le délit. ';

Que par ailleurs, selon l'article L741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), la décision de placement en rétention est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention; qu'elle est écrite et motivée et prend effet à compter de sa notification ;

Attendu qu'en l'espèce, il ressort des procès-verbaux produits à l'appui de la demande de prolongation de rétention, que le 18 novembre 2022 à 9 h 20, le contrôle du véhicule conduit par M.[Z] était effectué; que ce dernier conduisait un véhicule automobile sans être titulaire d'un permis de conduire, avait effectué un changement de direction sans avertissement préalable et avait refusé la priorité à un autre véhicule ; que sans entrave et sans contrainte - ce qui n'est pas discuté -, il a accepté de se rendre dans les locaux des services de gendarmerie pour y être entendue en audition libre ; que notification de ses droits ayant été assurée, M. [Z] y a été entendu de 10 h 29 à 11 h 15, outre sur les premières infractions constatées, sur celles de conduite d'un véhicule sans permis de conduire, sans assurance, sans certificat d'immatriculation au nom du nouveau propriétaire, circulation d'un véhicule sans contrôle technique et munis de pneus lisses; qu'il a, au cours de cette audition, bénéficié de l'assistance d'un interprète, M.[T] [O], requis à 10 heures et qui a signé le procès-verbal à 11 h 15 ; qu'à 11 h 20, après attache avec le procureur de la République, il a été placé en garde à vue au regard des infractions routières relevées et sur le fondement des alinéas 1, 2 et 6 de l'article 62-2; que le début de la garde à vue a été rétroactivement fixé à 9 h 20; qu'au cours de la garde à vue, assisté d'un autre interprète, M. [H] [G] requis à 14 h 50 et ayant signé le procès-verbal, il a fait l'objet d'une nouvelle audition de 15 h 15 à 15 h 50 sur ces mêmes infractions, ainsi que sur sa situation personnelle ; que parallèlement, de nationalité haïtienne et dépourvu de titre régulier pour séjourner sur le sol français, l'autorité préfectorale a été parallèlement saisie de sa situation; que la mesure de garde à vue a pris fin à 18 h 30, sur décision du procureur de la République et immédiatement, également avec l'assistance d'un interprète, M.[I] [N], requis à 17 h 35 et ayant signé les procès-verbaux, lui ont été notifiés à 18 h 30 : un arrêté prononçant l'obligation de quitter le territoire français sans délai et à 18 h 35 un arrêté de placement en rétention;

Que de ces éléments, il résulte en premier lieu qu'au cours de ses différentes auditions et notifications, il a bénéficié de l'assistance d'interprètes : M.[T] [O], M, M.[H] [G] et M.[I] [N], lesquels ont été requis avant chacune de ces auditions et ont tous signé chacun des procès-verbaux concernés ; que l'insincérité alléguée n'est pas établie ;

Qu'en second lieu, le placement en garde à vue de M.[Z], qui s'était initialement présenté sans contrainte et avait été entendu librement dans un premier temps, est régulier ; qu'au regard de la limite horaire de l'audition libre et l'absence de justificatifs de l'identité et d'adresse d'une personne en situation irrégulière, ledit placement est régulièrement fondé sur la poursuite des investigations au titre infractions routières dont l'une permettait le placement en garde à vue - investigations au demeurant démontrées par l'audition reprise sur ces chefs ; qu'il n'est ici démontré aucune manoeuvre déloyale à l'égard d' une personne auteur de plusieurs infractions au code de la route dont une de nature délictuelle est sanctionnée par une année d'emprisonnement; que par ailleurs, la saisine parallèle de l'autorité préfectorale est sans incidence sur la procédure judiciaire, l'information de cette dernière devant lui permettre de prendre toute décision à l'expiration de la garde à vue en application de l'article L.741-6 du CESEDA; qu'ainsi, au regard de la chronologie de la mesure de garde à vue et des auditions de M.[Z], avec l'assistance d'un interprète tout le long de la procédure, n'est pas plus déloyale la décision intervenue dans un délai rapide du procureur de la République, lequel avait été informé à 18 h 15 de ce que le préfet entendait mettre en oeuvre une mesure d'éloignement avec placement en rétention , de mettre fin à la garde à vue, ce qui relèvent de ses pouvoirs;

Que dès lors, contrairement à ce qu'y a été soutenu par M.[Z], en étant entendu conformément aux dispositions de l'article 62 susvisé, puis placé régulièrement en garde à vue dans le cadre d'une enquête se déroulant sous le contrôle de l'autorité judiciaire puis en rétention administrative suivant décision du préfet de la région Guadeloupe, il n'est établi une quelconque pratique insincère voire déloyale de nature à porter atteinte aux droits de l'intéressé ;

Que dès lors, en l'absence d'irrégularité de la procédure, les exceptions et fin de non recevoir soulevées ont été à bon droit écartées par le juge des libertés et de la détention ;

Sur le fond :

Attendu que l'article L741-1 du CESEDA dispose :

« L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3. » ;

Que selon l'article L.612-3 de ce même code, le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ;

Attendu qu'en l'espèce, M. [Z] n'est détenteur d'aucun document justificatif de son identité en cours de validité; que lors de son audition, il a indiqué avoir pénétré sur le sol de la Guadeloupe, après avoir transité par la voie maritime depuis la Dominique, sans se soumettre aux formalités d'entrée en France; qu'il reconnaît ne pas avoir entrepris de démarches pour régulariser sa situation ; que devant le juge des libertés et de la détention, il a expliqué n'avoir aucune famille en Guadeloupe et ne pas actuellement travailler ;

Que dès lors, il ressort de l'ensemble de ces éléments que M. [Z], qui ne justifie pas être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour et est dépourvu de tout document d'identité en cours de validité, ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement, aucune autre mesure n'apparaissant suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision ;

Que c'est à juste titre que le premier juge, relevant qu'aucune demande d'assignation à résidence n'avait été présentée par M.[Z], a ordonné la prolongation du maintien en rétention de ce dernier dans les locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée maximale de 28 jours ; que sa décision ne peut qu'être confirmée ;

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, contradictoirement, après débats en audience publique;

Confirmons en toutes ses dispositions l'ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe à Pitre en date du 21 novembre 2022 ayant ordonné la prolongation du maintien en rétention de M.[Z] ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée aux parties intéressées par tout moyen par le greffe de la cour d'appel et sera transmise à M. le procureur général;

Fait à Basse -Terre, au palais de justice, le 23 novembre 2022 à 16 heures 00.

La greffière La magistrate déléguée


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre étrangers / ho
Numéro d'arrêt : 22/01176
Date de la décision : 23/11/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-11-23;22.01176 ?
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