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11/07/2022 | FRANCE | N°22/00711

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre étrangers / ho, 11 juillet 2022, 22/00711


COUR D'APPEL

DE

BASSE - TERRE



N° RG 22/711

N° Portalis DVB7-V-B7G-DOZT





ORDONNANCE DU 11 JUILLET 2022



Dans l'affaire entre d'une part :



Monsieur le Préfet de Saint Barthélémy et Saint-Martin,

non comparant et non représenté,



Appelant le 10 juillet 2022 à 12h15 d'une ordonnance rendue le 9 juillet 2022 à 12h20 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre ;



et d'autre part,



Monsieur [S] [V] [D]

n

é le 26 juillet 1994 à Villa Clarala (Cuba)

de nationalité cubaine (numéro de passeport L824567)

sans adresse sur le territoire national



non comparant, représenté par Maître La...

COUR D'APPEL

DE

BASSE - TERRE

N° RG 22/711

N° Portalis DVB7-V-B7G-DOZT

ORDONNANCE DU 11 JUILLET 2022

Dans l'affaire entre d'une part :

Monsieur le Préfet de Saint Barthélémy et Saint-Martin,

non comparant et non représenté,

Appelant le 10 juillet 2022 à 12h15 d'une ordonnance rendue le 9 juillet 2022 à 12h20 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre ;

et d'autre part,

Monsieur [S] [V] [D]

né le 26 juillet 1994 à Villa Clarala (Cuba)

de nationalité cubaine (numéro de passeport L824567)

sans adresse sur le territoire national

non comparant, représenté par Maître Laurent HATCHI, avocat au Barreau de la Guadeloupe,

Le ministère Public

Représenté par Monsieur Eric RAVENET, substitut général,

comparant,

*************

Nous, Emmanuel PLANQUE, conseiller à la Cour d'appel de Basse-Terre, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président pour statuer en matière de rétention administrative, assistée de Monsieur Armélida RAYAPIN, greffier,

Vu le procès-verbal d'interpellation de Monsieur [N] [Z] le 4 juillet 2022 à 21h30 ;

Vu le procès-verbal de notification du placement en mesure de retenue de l'intéressée le 4 juillet 2022 à 23h00 ;

Vu l'arrêté du préfet de Saint-Barthélémy et Saint-Martin n°97822140SM du 5 juillet 2022 prononçant l'obligation de quitter sans délai le territoire français de Monsieur [N] [Z], avec interdiction de retour pendant une durée d'un an ;

Vu la décision du préfet de Saint-Barthélémy et Saint-Martin n°97822140SM de placement au centre de rétention administrative de l'intéressé en date du 5 juillet 2022 ;

Vu le procès-verbal de notification de ses droits en rétention en date du 5 juillet 2022 à 17h30 ;

Vu l'ordonnance du 9 juillet 2022 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre déclarant la procédure diligentée à l'encontre de Monsieur [S] [V] irrégulière, disant n'y avoir lieu en conséquence à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative de l'intéressé et ordonnant sa remise en liberté ;

Vu l'appel interjeté à l'encontre de cette ordonnance suivant requête du 10 juillet 2022 à 12 heures 15 par Monsieur le préfet de Saint-Barthélémy et Saint-Martin ;

A l'audience qui s'est tenue en audience publique au palais de justice de BASSE-TERRE le lundi 11 juillet 2022 à 14 heures 30, ont été entendus Monsieur l'avocat général et Maître Laurent HATCHI, représentant Monsieur [X].

MOYENS

Suivant requête valant déclaration d'appel, Monsieur le préfet de Saint-Barthélémy et Saint-Martin soutient avoir effectivement pris en compte la demande d'asile de Monsieur [S] [V], laquelle n'est toutefois intervenue que le 8 juillet 2022, soit après son placement en rétention administrative.

Il en déduit que la procédure administrative est parfaitement régulière et sollicite la prolongation de la rétention administrative de l'intéressé, au regard de la décision de rejet de sa demande d'asile qui est intervenue le 8 juillet 2022.

Monsieur l'avocat général a requis la confirmation de la décision querellée.

Monsieur [X], représenté par son conseil, a rappelé que sa demande d'asile a été effectuée le 7 juillet 2022 à 19h01, qu'elle est dès lors antérieure à l'audience du juge des libertés et de la détention et que le préfet de Saint-Barthélémy et Saint-Martin aurait dû en informer celui-ci dès lors qu'elle a nécessairement une incidence sur la procédure de rétention administrative.

MOTIFS

1/ Sur la recevabilité de l'appel,

Conformément aux dispositions de l'article R743-10 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui statue sur une demande relative à la rétention d'un étranger est susceptible d'appel dans les 24 heures de son prononcé par déclaration motivée.

Le délai prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du Code de procédure civile.

L'appel de Monsieur le préfet de la Guadeloupe à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de POINTE-À-PITRE rendue le 9 juillet 2022 à 12h20 ayant été formé le lendemain à 12h15 est donc recevable.

2/ Sur la mesure de rétention administrative,

Aux termes du premier alinéa de l'article L612-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), « L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. »

L'article L612-2 du même Code dispose que « par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire (notamment s'il) existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ».

L'article L612-3 précise que :

« Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. »

L'article L731-1 dispose quant à lui que :

« L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :

1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;

5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.

L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article. »

L'article L740-1 explique que « l'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, placer en rétention un étranger pour l'exécution de la décision d'éloignement dont il fait l'objet. »

L'article L741-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que :

« L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3. »

L'article L741-3 du même Code précise que « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet. »

Aux termes de l'article L521-1 du CESEDA, « tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente qui enregistre sa demande et procède, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement. »

L'article L521-7 prévoit quant à lui que « lorsque l'enregistrement de sa demande d'asile a été effectué, l'étranger se voit remettre une attestation de demande d'asile dont les conditions de délivrance et de renouvellement sont fixées par décret en Conseil d'Etat. La durée de validité de l'attestation est fixée par arrêté du ministre chargé de l'asile.

La délivrance de cette attestation ne peut être refusée au motif que l'étranger est démuni des documents et visas mentionnés à l'article L. 311-1. Elle ne peut être refusée que dans les cas prévus aux c ou d du 2° de l'article L. 542-2.

Cette attestation n'est pas délivrée à l'étranger qui demande l'asile à la frontière ou en rétention. »

Il ressort de la procédure que Monsieur [N] [B] [X] est de nationalité cubaine et, selon ses déclarations, avait pour projet de se rendre à Porto Rico ou une des îles vierges américaines, via l'île de Saint-Martin où il a été interpellé le 4 juillet 2022 alors qu'il s'apprêtait à quitter ce territoire par la mer.

Il admet qu'il ne bénéficie d'aucun document l'autorisant à séjourner sur le territoire guadeloupéen et qu'il n'a pas de famille en Guadeloupe ou sur l'île de Saint-Martin, ayant expliqué qu'il a quitté Cuba par crainte pour sa vie afin de se rendre in fine aux États-Unis.

Lors de la notification de ses droits au moment de son placement en rétention administrative à Saint-Martin, Monsieur [N] [Z] a indiqué expressément que « il ne désirait pas déposer de demande d'asile ».

L'autorité administrative n'ayant pas pu organiser le retour de l'intéressé à La Havane (Cuba) avant le 12 juillet 2022, par transport aérien, celui-ci a été transféré le 6 juillet 2022 au Centre de rétention administrative de la Guadeloupe où ses droits en rétention lui ont à nouveau été notifiés.

Le 7 juillet 2022 à 16h35, Monsieur [N] [Z] déposait une requête en contestation de son placement en rétention administrative, principalement sur le fondement des articles L521-1 et suivants du CESEDA.

Il y expose en effet avoir déposé une demande d'asile le 7 juillet 2022 au Centre de rétention administrative des Abymes, laquelle toutefois ne figure pas au dossier initial.

Suivant mémoire en date du 10 juillet 2022, Monsieur le préfet de Saint-Barthélémy et Saint-Martin confirme que l'intéressé a effectivement formé cette demande d'asile qui a été enregistrée le 8 juillet 2022 et que celle-ci a bien été prise en considération, qu'elle a conduit à un examen attentif de sa situation qui a amené l'autorité administrative à considérer cette demande comme dilatoire, n'ayant été formée que dans le but de faire échec à la mesure d'éloignement dont il faisait appel, suivant arrêté n°DR/ETR/RF/97822140SM en date du 8 juillet 2022.

Il apparaît que Monsieur [N] [Z] est arrivé sur le territoire de Saint-Martin le 30 juin 2022 dans l'attente d'émigrer vers Porto Rico ou une île britannique et qu'il n'a formulé sa demande d'asile que près de huit jours plus tard, alors qu'il faisait déjà l'objet d'une mesure portant obligation de quitter le territoire français et d'un arrêté de rétention administrative.

La procédure initiale de rétention administrative est donc parfaitement régulière.

En revanche, la décision portant refus d'admission au séjour au titre de l'asile datée du 8 juillet 2022 aurait dû être portée à la connaissance du juge des libertés et de la détention, ce d'autant qu'il n'apparaît pas à la lecture de la copie versée aux débats de cette décision qu'elle a été notifiée à l'intéressé.

En l'état du dossier, la demande d'asile de Monsieur [S] [V] devait être prise en considération par le premier juge, comme constituant une obstacle à la mesure d'éloignement précitée et corrélativement, à son placement en rétention administrative.

Il y a lieu dès lors de confirmer la décision querellée, uniquement en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative.

PAR CES MOTIFS,

Nous, Emmanuel PLANQUE, conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président, assistée de Armélida RAYAPIN, greffier,

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et rendue en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel de Monsieur le préfet de la Guadeloupe formé à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Pointe-à-Pitre en date du 9 juillet 2022 ;

Infirmons l'ordonnance déférée du juge des libertés et de la détention de Pointe-à-Pitre en date du 9 juillet 2022 en ce qu'elle a déclaré la procédure irrégulière ;

Confirmons l'ordonnance déférée du juge des libertés et de la détention de Pointe-à-Pitre en date du 9 juillet 2022 en ce qu'elle a dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative de Monsieur [S] [V] [N] [B] et ordonné sa remise en liberté ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée aux parties intéressées par tout moyen par le greffe de la cour d'appel et sera transmise à Monsieur le procureur général ;

Fait à BASSE-TERRE le 11 juillet 2022 à 15 heures 50

La greffière Le magistrat délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre étrangers / ho
Numéro d'arrêt : 22/00711
Date de la décision : 11/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-11;22.00711 ?
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