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09/07/2022 | FRANCE | N°22/00709

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, Chambre étrangers / ho, 09 juillet 2022, 22/00709


COUR D'APPEL

DE

BASSE - TERRE



N° RG 22/709

N° Portalis DVB7-V-B7G-DOZR





ORDONNANCE DU 9 JUILLET 2022



Dans l'affaire entre d'une part :



Monsieur le Préfet de la région Guadeloupe,

non représenté, bien que régulièrement convoqué par courriel ;



Appelant le 8 juillet 2022 à 15h22 d'une ordonnance rendue le 8 juillet 2022 à 11h27 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre ;



et d'autre part,



Madame [F]



née le 7 novembre 1979 à San Cristobal (République Dominicaine)

père déclaré : [N] ; mère déclarée : [P] [Y]

de nationalité argentine (suivant passeport numéro AAB706550) ;

...

COUR D'APPEL

DE

BASSE - TERRE

N° RG 22/709

N° Portalis DVB7-V-B7G-DOZR

ORDONNANCE DU 9 JUILLET 2022

Dans l'affaire entre d'une part :

Monsieur le Préfet de la région Guadeloupe,

non représenté, bien que régulièrement convoqué par courriel ;

Appelant le 8 juillet 2022 à 15h22 d'une ordonnance rendue le 8 juillet 2022 à 11h27 par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre ;

et d'autre part,

Madame [F]

née le 7 novembre 1979 à San Cristobal (République Dominicaine)

père déclaré : [N] ; mère déclarée : [P] [Y]

de nationalité argentine (suivant passeport numéro AAB706550) ;

déclarant résider Quartier Carénage à Pointe-à-Pitre (97110)

non comparante, assistée de Maître Pierre-Yves CHICOT, avocat au Barreau de la Guadeloupe, non comparant

Le ministère Public

Représenté par Madame Elodie ROUCHOUSE, substitut général, qui a communiqué des observations écrites tendant à l'infirmation de la décision attaquée,

non comparante,

*************

Nous, Emmanuel PLANQUE, conseiller à la Cour d'appel de Basse-Terre, délégué par ordonnance de Monsieur le premier président pour statuer en matière de rétention administrative, assistée de Madame Armélida RAYAPIN, greffier,

Vu l'arrêté du préfet de la Guadeloupe n° 2015/304 du 21 septembre 2015 prononçant l'obligation de quitter le territoire français de Madame [E] [H] au plus tard le 10 octobre 2015 ;

Vu le procès-verbal de notification du placement en mesure de retenue de l'intéressée le 4 juillet 2022 à 19h30 ;

Vu l'arrêté du préfet de la Guadeloupe n° 2022/252 du 5 juillet 2022 prononçant l'obligation de quitter le territoire français sans délai de départ pris à l'encontre de Madame [E] [H], assortie d'une interdiction de retour pendant une durée de trois ans ;

Vu la décision de placement au centre de rétention administrative de l'intéressée du préfet de la Guadeloupe numéro 2022/165 en date du 5 juillet 2022 ;

Vu le procès-verbal de notification de ses droits en rétention en date du 5 juillet 2022 à 15h40 ;

Vu l'ordonnance du 8 juillet 2022 rendue par le juge des libertés et de la détention du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre déclarant la procédure diligentée à l'encontre de Madame [H] irrégulière, disant n'y avoir lieu en conséquence à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative de l'intéressée et ordonnant sa remise en liberté ;

Vu l'appel interjeté à l'encontre de cette ordonnance suivant requête du 8 juillet 2022 à 15 heures 22 par Monsieur le préfet de la Guadeloupe ;

A l'audience prévue en audience publique au palais de justice de BASSE-TERRE le samedi 9 juillet 2022 à 10 heures 30, aucune des parties a comparu.

MOYENS

Suivant requête valant déclaration d'appel, Monsieur le préfet de la Guadeloupe soutient, tout d'abord, que le juge des libertés et de la détention s'est trompé en alléguant que sa décision portant placement en rétention administrative était insuffisamment motivée, dès lors qu'il a fait valoir que l'intéressée ne bénéficiait pas de garanties de représentation effectives suffisantes au sens de l'article L612-3 du CESEDA, en l'absence de remise par celle-ci d'un passeport en cours de validité et d'une résidence effective et permanente à titre d'habitation principale.

Il affirme que la remise en liberté de Madame [H] est irrégulière en ce que le juge des libertés et de la détention aurait dû à tout le moins ordonner son assignation à résidence dans la mesure où son éloignement demeure une perspective raisonnable.

Il demande in fine de voir ordonner la prolongation de la rétention administrative de l'intéressée au regard du risque non négligeable qu'elle se maintienne irrégulièrement sur le territoire national.

Madame [E] [H] n'a fait valoir aucun moyen de défense.

Madame l'avocat général soutient, suivant mémoire reçu ce jour, les termes de l'appel interjeté par Monsieur le préfet de la Guadeloupe et demande en conséquence la prolongation de la rétention administrative de Madame [H].

MOTIFS

1/ Sur la recevabilité de l'appel,

Conformément aux dispositions de l'article R743-10 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ordonnance du juge des libertés et de la détention qui statue sur une demande relative à la rétention d'un étranger est susceptible d'appel dans les 24 heures de son prononcé par déclaration motivée.

Le délai prévu est calculé et prorogé conformément aux articles 640 et 642 du Code de procédure civile.

L'appel de Monsieur le préfet de la Guadeloupe à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de POINTE-À-PITRE rendue le 8 juillet 2022 à 11h27 ayant été formé le même jour à 15 h 22 est donc recevable.

2/ Sur la mesure de rétention administrative,

Aux termes du premier alinéa de l'article L612-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA), « L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. »

L'article L612-2 du même Code dispose que « par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire (notamment s'il) existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet ».

L'article L612-3 précise que :

« Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants :

1° L'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

2° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée en France, sans avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour ;

3° L'étranger s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après l'expiration de son titre de séjour, du document provisoire délivré à l'occasion d'une demande de titre de séjour ou de son autorisation provisoire de séjour, sans en avoir demandé le renouvellement ;

4° L'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français ;

5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ;

6° L'étranger, entré irrégulièrement sur le territoire de l'un des États avec lesquels s'applique l'acquis de Schengen, fait l'objet d'une décision d'éloignement exécutoire prise par l'un des États ou s'est maintenu sur le territoire d'un de ces États sans justifier d'un droit de séjour ;

7° L'étranger a contrefait, falsifié ou établi sous un autre nom que le sien un titre de séjour ou un document d'identité ou de voyage ou a fait usage d'un tel titre ou document ;

8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au 3° de l'article L. 142-1, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 721-6 à L. 721-8, L. 731-1, L. 731-3, L. 733-1 à L. 733-4, L. 733-6, L. 743-13 à L. 743-15 et L. 751-5. »

L'article L731-1 dispose quant à lui que :

« L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants :

1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé ;

2° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de retour sur le territoire français prise en application des articles L. 612-6, L. 612-7 et L. 612-8 ;

3° L'étranger doit être éloigné pour la mise en 'uvre d'une décision prise par un autre État, en application de l'article L. 615-1 ;

4° L'étranger doit être remis aux autorités d'un autre Etat en application de l'article L. 621-1 ;

5° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction de circulation sur le territoire français prise en application de l'article L. 622-1 ;

6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ;

7° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une peine d'interdiction judiciaire du territoire prononcée en application du deuxième alinéa de l'article 131-30 du code pénal ;

8° L'étranger doit être éloigné en exécution d'une interdiction administrative du territoire français.

L'étranger qui, ayant été assigné à résidence en application du présent article, ou placé en rétention administrative en application des articles L. 741-1 ou L. 741-2, n'a pas déféré à la décision dont il fait l'objet ou, y ayant déféré, est revenu en France alors que cette décision est toujours exécutoire, peut être assigné à résidence sur le fondement du présent article. »

L'article L740-1 explique que « l'autorité administrative peut, dans les conditions prévues au présent titre, placer en rétention un étranger pour l'exécution de la décision d'éloignement dont il fait l'objet. »

L'article L741-1 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que :

« L'autorité administrative peut placer en rétention, pour une durée de quarante-huit heures, l'étranger qui se trouve dans l'un des cas prévus à l'article L. 731-1 lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement et qu'aucune autre mesure n'apparaît suffisante à garantir efficacement l'exécution effective de cette décision.

Le risque mentionné au premier alinéa est apprécié selon les mêmes critères que ceux prévus à l'article L. 612-3. »

L'article L741-3 du même Code précise que « un étranger ne peut être placé ou maintenu en rétention que pour le temps strictement nécessaire à son départ. L'administration exerce toute diligence à cet effet. »

Il ressort de la procédure que Madame [E] [H] est née en République dominicaine et dispose de deux passeports argentin et dominicain en cours de validité, avec lesquels elle est arrivée en Guadeloupe le 18 mars 2022, depuis [Y] en République Dominicaine, par transport aérien.

Elle admet qu'elle ne bénéficie d'aucun document l'autorisant à séjourner sur le territoire guadeloupéen et a également reconnu lors de son placement sous le régime de la retenue le 4 juillet 2022 que ses parents et ses trois enfants résident en République Dominicaine et qu'elle n'a pas de famille en Guadeloupe.

Elle a d'ailleurs à cette occasion précisé que si elle avait une attestation d'hébergement en Guadeloupe, elle « ne savait pas où elle habitait », n'ayant donc, de fait, aucune résidence effective et permanente à titre d'habitation principale sur le territoire national.

Il sera rappelé qu'elle a déjà fait l'objet en 2015 d'un arrêté portant obligation de quitter le territoire français alors qu'elle se trouvait en situation irrégulière, ayant expliqué à cette époque qu'elle était venue en Guadeloupe pour y travailler, en tant que prostituée.

En tout état de cause, nonobstant le fait qu'elle a effectivement produit auprès des autorités préfectorales la copie d'un billet électronique de transport aérien de la Compagnie Air Antilles pour un retour vers la République Dominicaine le 24 juillet 2022 ainsi que la copie de son passeport dominicain, elle n'établit pas qu'elle se trouve dans les conditions d'une assignation en résidence.

En effet, elle ne dispose pas d'un logement susceptible d'offrir des garanties de représentation effectives propres à prévenir un risque de soustraction à l'exécution de la décision d'éloignement alors même qu'elle reconnaît ne pas avoir sollicité la délivrance d'un titre de séjour et s'être maintenue sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa.

Il sera relevé à cet égard que les autorités de Police ne sont pas parvenues à lui notifier la convocation pour l'audience de ce jour, compte-tenu de l'imprécision de l'adresse qu'elle a donnée lors de son audience devant le juge des libertés et de la détention.

Son placement en rétention administrative est donc la seule mesure de nature à garantir efficacement l'exécution effective de la décision portant obligation de quitter la Guadeloupe.

Il y a lieu dès lors d'infirmer la décision querellée en ce qu'elle a déclaré la procédure de placement en rétention irrégulière.

3/ Sur la prolongation de la mesure de rétention administrative,

L'article L742-1 du CESEDA dispose que :

« Le maintien en rétention au-delà de quarante-huit heures à compter de la notification de la décision de placement initiale peut être autorisé, dans les conditions prévues au présent titre, par le juge des libertés et de la détention saisie à cette fin par l'autorité administrative. »

Compte-tenu de ce qui précède, il est établi qu'il existe pour Madame [H] des perspectives raisonnables d'éloignement vers son pays d'origine, la République Dominicaine et que cette reconduite peut s'exécuter à bref délai, au plus tard le 24 juillet prochain.

Aussi, il convient de faire droit à la requête de Monsieur le préfet tendant à voir prolonger la mesure de rétention administrative dans les conditions prévues à l'article L742-3 du CESEDA, soit pour une période de vingt-huit jours à compter de l'expiration du délai initial de quarante-huit heures.

PAR CES MOTIFS,

Nous, Emmanuel PLANQUE, conseiller, magistrat délégué par ordonnance du Premier Président, assistée de Armélida RAYAPIN, greffier,

Statuant publiquement, par décision réputée contradictoire et rendue en dernier ressort, après débats en audience publique,

Déclarons recevable l'appel de Monsieur le préfet de la Guadeloupe formé à l'encontre de l'ordonnance du juge des libertés et de la détention de Pointe-à-Pitre en date du 8 juillet 2022 ;

Infirmons l'ordonnance déférée du juge des libertés et de la détention de Pointe-à-Pitre en date du 8 juillet 2022 en ce qu'elle a déclaré la procédure irrégulière, dit n'y avoir lieu à statuer sur la demande de prolongation de la rétention administrative de Madame [F] et ordonné sa remise en liberté ;

Statuant à nouveau,

Rejetons la requête de Madame [F] en contestation de la régularité de son placement en rétention administrative ;

Confirmons en conséquence le placement en rétention administrative de Madame [F] à compter du 5 juillet 2022 pour une durée de quarante-huit heures ;

Ordonnons la prolongation de la rétention administrative de Madame [F] pour une durée maximale de vingt-huit jours à compter de l'expiration des effets de la décision de placement en rétention administrative datée du 5 juillet 2022 ;

Disons que la présente ordonnance sera notifiée aux parties intéressées par tout moyen par le greffe de la cour d'appel et sera transmise à Madame le procureur général ;

Fait à BASSE-TERRE le 9 juillet 2022 à 10 heures 30

La greffière Le magistrat délégué


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : Chambre étrangers / ho
Numéro d'arrêt : 22/00709
Date de la décision : 09/07/2022

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2022-07-09;22.00709 ?
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