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24/06/2021 | FRANCE | N°18/014631

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 01, 24 juin 2021, 18/014631


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 472 DU 24 JUIN 2021

No RG 18/01463 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7C-DA3I

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 21 juin 2018, enregistrée sous le no 18/00334

APPELANTE :

Compagnie d'assurance NORWAY ENERGY ET MARIN INSURANCE (NEMI)
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Représentée par Me Nicolas MOLLET de la SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET, (toque 48) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/

ST BART

INTIMÉ :

Monsieur [K] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Représenté par Me Claudel DELUMEAU de la SELARL JU...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT No 472 DU 24 JUIN 2021

No RG 18/01463 - VMG/EK
No Portalis DBV7-V-B7C-DA3I

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 21 juin 2018, enregistrée sous le no 18/00334

APPELANTE :

Compagnie d'assurance NORWAY ENERGY ET MARIN INSURANCE (NEMI)
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Représentée par Me Nicolas MOLLET de la SELARL DERUSSY-FUSENIG-MOLLET, (toque 48) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉ :

Monsieur [K] [F]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Représenté par Me Claudel DELUMEAU de la SELARL JUDEXIS, (toque 44) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉES NON REPRÉSENTÉES - DÉFAILLANTES :

CAISSE DE SÉCURITÉ SOCIALE DE LA GUADELOUPE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
signification à personne morale habilitée

S.A.R.L. ANTILLES JET
[Adresse 4]
[Adresse 4]
signification selon procès-verbal prévu à l'article 659 du code de procédure civile

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 03 mai 2021, en audience publique,devant la cour composée en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile de Mme Claudine FOURCADE, présidente de chambre, magistrate chargée du rapport, en présence de Mme Valérie MARIE-GABRIELLE, conseillère, ont entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés. Elles en ont rendu compte à la cour dans son délibéré composée :

Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 24 juin 2021.

GREFFIER :

Lors des débats : Mme Esther KLOCK, greffière

ARRÊT :

Par défaut, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre, et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 18 juillet 2007, alors qu'il participait à un stage d'initiation au jet-ski organisé par la société Antilles-Jet, laquelle est assurée auprès de la Compagnie d'assurance Normay Energy et Marine Insurance (la société NEMI), M. [K] [F] né le [Date naissance 1] 1993, a été victime d'un accident de scooter des mers.

Suite à une première ordonnance de référé en date du 26 février 2010 ordonnant une expertise médicale confiée à Mme [D] [D], dont le rapport a été rendu le 03 décembre 2010 et aux termes duquel M. [F] n'était pas considéré comme consolidé, ce dernier a obtenu le 15 avril 2016 du juge des référés du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, l'organisation d'une expertise médicale confiée à M. [P] [L], expert inscrit prés la cour d'appel de Cayenne.

L'expert [L] a déposé son rapport en date du 24 mai 2017.

Saisi en réparation des préjudices subis, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, a, par jugement réputé contradictoire du 21 juin 2018 :
-déclaré la société Antilles Jet entièrement responsable du préjudice subi par M. [F],
-sur les postes non soumis à recours, fixé à la somme de 110 955,12 euros le préjudice subi par M. [F], condamné la société NEMI à payer à M. [F], en deniers ou quittances valables, la somme de 69 468,46 euros, déduction faite de la provision de 5 000 euros pour les postes suivants : frais divers avant consolidation, aide par tierce personne après consolidation, déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudices esthétiques temporaire et permanent, préjudice d'agrément et préjudice sexuel,
-sur les postes de préjudices soumis à recours, sursis à statuer dans l'attente de la production par M. [F] du décompte des débours définitifs passés et futurs de l'organisme de sécurité sociale auprès duquel il était affilié au moment de la survenance de son accident sur les postes : dépenses de santé actuelles, dépenses de santé futures, perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels
futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent,
-ordonné la radiation de l'affaire du rang des affaires en cours,
-dit que l'affaire sera réinscrite au rang des affaires en cours sur simple présentation par M. [F] du décompte des débours définitifs passés et futurs de l'organisme de sécurité sociale auprés duquel il était affilié au moment de la survenance de son accident,
-déclaré le jugement commun à la CGSS de la Guadeloupe,
-ordonné l'exécution provisoire de la présente décision,
-condamné la société NEMI à payer à M. [F] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
-débouté pour le surplus des demandes,
-condamné la société NEMI aux entiers dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 12 novembre 2018, la société NEMI a relevé appel de cette décision (enregistrée sous le numéro RG 18/00334).

M. [F] a constitué avocat le 26 novembre 2018.
Par actes d'huissier de justice des 15 janvier et 26 mars 2019 délivré à personne morale, la société NEMI a fait signifier sa déclaration d'appel et ses conclusions à la CGSS de Guadeloupe laquelle n'a pas constitué avocat.

La déclaration d'appel a été signifiée le 21 janvier 2019 à la société Antilles Jet dans les formes de l'article 659 du code de procédure civile.

Suivant ordonnance du 17 juin 2019, le conseiller de la mise en état a constaté la signification des conclusions de la société NEMI à la Sarl Antilles Jet le 03 avril 2019 dans le délai de la loi (selon les formes de l'article 659 du code de procédure civile), dit n'y avoir lieu à caducité partielle de la déclaration d'appel à l'égard de la Sarl Antilles Jet et dit que les dépens suivront le sort de ceux de l'instance sur le fond.

Par arrêt avant dire droit du 03 février 2020, la cour de céans, a :
-débouté la société NEMI de sa demande en nullité de l'assignation du 22 août 2018,
-annulé le jugement RG 18/00334 rendu le 21 juin 2018 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre à l'égard de la société NEMI,
-statuant à nouveau, ordonné la réouverture des débats, invité la société NEMI à conclure sur le fond du litige,
-réservé à M. [K] [F] le droit de répliquer,
-renvoyé l'affaire à la mise en état du virtuelle du 25 mai 2020,
-réservé le surplus des demandes,
-et réservé les dépens.

La société NEMI et M. [F] ont conclu au fond et l'ordonnance de clôture a été rendue le 25 janvier 2021.

L'affaire a été retenue à l'audience de plaidoiries du 03 mai 2021 puis mise en délibéré au 24 juin 2021,date de son prononcé par mise à disposition au greffe.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

Vu les ultimes conclusions remises au greffe le 21 janvier 2021 par la société NEMI, auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé sur les moyens et prétentions développés,

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 21 octobre 2020 par M. [F], auxquelles il est renvoyé pour plus ample informé sur les moyens et prétentions développés,

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le montant de l'indemnisation

Pour rappel, la société NEMI, laquelle a formalisé un appel sur l'ensemble des chefs du dispositif du jugement querellé, ne conteste pas la responsabilité de son assurée la société Antilles Jet et sa garantie envers cette dernière.

Il ressort du rapport d'expertise de M. [P] [L] en date du 24 mai 2017 que suite à l'accident de scooter dont a été victime le 18 juillet 2007 M. [F], alors âgé de 14 ans, ce dernier a souffert d'une fracture supra et intercondylienne de la palette humérale droite et subi au CHRU de [Localité 1], deux opérations aux fins de mise en place de 2 broches avec immobilisation jusqu'au 09 septembre 2007.

Le suivi radiologique ayant fait apparaître une pseudarthrose au niveau du foyer fracturaire, le 23 juin 2009, M. [F] était à nouveau opéré, à l'hôpital [Établissement 1].

Selon l'expert, l'évolution va se caractériser par une pseudarthrose chronicisée dont le diagnostic de certitude est établi, les lésions et la symptomatologie étant imputables à l'accident (limitation fonctionnelle importante à l'extension du coude droit et à moindre degré en flexion avec une limitation relative de la pronation du membre supérieur droit) sans incidence d'un état antérieur.

L'expert a fixé la date de consolidation au 04 janvier 2011 (à l'âge de 17 ans et 11 mois pour la victime) et évalué les postes de préjudices de la façon suivante :
-déficit fonctionnel temporaire total - 100% du 18 juillet 2007 au 30 juillet 2007 puis le 11 septembre 2007 puis du 22 juin 2009 au 26 juin 2009,
-déficit fonctionnel temporaire partiel - du 31/07/2007 au 10/09/2007, classe III ou 50%, -du 12/9/2007 au 21/06/2007, classe II ou 25% - du 25/06/2009 au 13 août 2009, classe III ou 50% - du 14/08/2009 au 04/01/2011, classe II ou 25% -
-déficit fonctionnel permanent 20% (notamment pour une limitation fonctionnelle importante à l'extension du coude droit, un déficit de force pour les mouvements de préhension dans le port de charges lourdes),
-tierce personne - du 31/07/2007 au 10/09/2007 et du 27/06/2007 au 13/08/2009, 02 heures par jour, du 12/9/2007 au 21/06/2007 puis du 14/08/2009 au 04/01/2011, 05 heures par semaine,
-tierce personne à titre viager après consolidation 02 heures par semaine,
-perte de gains professionnels actuels - néant,
-frais futurs - néant,
-souffrances endurées - 3/7,
-préjudice esthétique temporaire - 3/7,
-préjudice esthétique permanent - 2,5/7,
-préjudice sexuel - néant mais gêne positionnelle,
-préjudice d'agrément - impossibilité de se livrer à la pratique du motocyclisme, limitation dans les pratiques de jardinage, de bricolage et de cyclisme.

I - Les préjudices patrimoniaux

A - Les préjudices patrimoniaux temporaires

- les dépenses de santés actuelles

En cause d'appel, M. [F] a produit les débours définitifs de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe (la CGSSG) constitués uniquement de frais hospitaliers à hauteur de la somme de 21 280,74 euros selon état en date du 08 août 2017. Aucune demande n'est présentée par les parties sur ce poste de préjudice.

- les frais divers

Il s'agit des dépenses liées à la réduction d'autonomie, qui peuvent être temporaires entre le dommage et la consolidation. L'évaluation doit se faire au regard de l'expertise médicale et de la justification des besoins et non au regard de la justification de la dépense, afin d'indemniser la solidarité familiale.

L'expert a considéré que M. [F] nécessitait l'assistance d'une tierce personne du 31/07/2007 au 10/09/2007 et du 27/06/2007 au 13/08/2009 pendant 02 heures par jour puis du 12/9/2007 au 21/06/2007 et du 14/08/2009 au 04/01/2011 durant 05 heures par semaine, ce pour l'aide à la toilette et l'accomplissement des taches ménagères usuelles et le port de charges lourdes.

Pour la période du 16 septembre 2010 au 04 janvier 2011 (15 semaines), M. [F] réclame, sur la base de 18,19 euros de l'heure (tenant compte du SMIC horaire augmenté des charges patronales, des congés payés, de l'indemnité de précarité, de l'accord local Bino étendu par arrêté du 03 avril 2009), la somme de 1364,25 euros au titre de la tierce personne temporaire, ce dernier précisant déjà avoir été indemnisé pour la période du 18 juillet 2007 au 15 septembre 2010.

La société NEMI propose à ce titre la somme de 1 110,20 euros sur la base d'un coût horaire de 14 euros retenu par le premier juge (15,86 semainesx5hx14?), la victime ayant déjà été indemnisé de ce poste suivant jugement ayant autorité de la chose jugée rendu le 03 avril 2014 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre.

Pour ce poste, la rémunération de la tierce personne est calculée sur la base du taux horaire moyen, selon le besoin, la gravité du handicap, la spécialisation de la tierce personne et le lieu de domicile de la victime. L'indemnisation d'effectue selon le nombre d'heures d'assistance et le type d'aide nécessaires.

Vu les séquelles de M. [F] et la nature du besoin pour la période du 16 septembre 2010 au 04 janvier 2011, s'agissant d'une aide non spécialisée (5 heures par semaine),à dire d'expert, le tarif horaire de 14 euros sera justement retenu.

Ce faisant, l'offre de la société NEMI sera déclarée satisfactoire en réparation de la tierce personne temporaire et le jugement querellé infirmé sur ce point.

Par ailleurs, il sera fait droit à la demande en remboursement des frais de traduction en norvégien des actes de procédure nécessités par la présente procédure et justifiés par M. [F] au titre des frais divers à hauteur de la somme de 1 128,64 euros.

En revanche, c'est à raison que la société NEMI fait valoir que les frais d'expertise engagés par M. [F] (1000 euros) seront compris dans les dépens de sorte que la demande tendant à les inclure dans ce poste de préjudice sera écartée.

Aussi, il est de juste appréciation d'allouer à M. [F] la somme totale de 2 238,84 euros au titre des frais divers.

B - les préjudices patrimoniaux permanents

- la perte de gains professionnels futurs

Il s'agit d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à son incapacité permanente à laquelle elle est confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage.

M. [F] demande à ce titre, sur la base du SMIC net en cours en 2011 (1072,07?), la somme à titre principal de 456 933,38 euros (soit 12 864,84 euros x 35.518 prix de l'euro de rente jusqu'à 65 ans pour un homme de 18 ans), et à titre subsidiaire celle de 342 700,04 euros en retenant une perte de chance de retrouver un emploi à hauteur de 75% (12 864,84x35.518x75%).

La société Nemi a conclu au rejet de cette demande au motif que l'on ignore tout de la formation de M. [F] lequel âgé de 14 ans et 6 mois au moment de l'accident était scolarisé et a pu choisir une profession ne faisant pas appel à la force physique.

Au soutien de cette demande, M. [F] n'expose, ni ne justifie du déroulement de sa scolarité après l'accident, ni de la formation qu'il a pu suivre, ni de sa situation professionnelle actuelle.

Or, si l'expert [L] fait état d'un déficit fonctionnel permanent -déjà indemnisé- induisant l'impossibilité de se livrer à des activités professionnelles nécessitant une amplitude de mobilité totale des membres supérieurs, il n'est aucunement question, ni justifié, de l'impossibilité pour M. [F] depuis 10 ans et dans les années à venir (il avait 18 ans à la date de la consolidation - il en a aujourd'hui 28 ans), d'exercer une activité professionnelle.

Aussi, quand bien même lorsque la victime est étudiante, la perte de gains professionnels futurs est évaluée en prenant en compte le salaire moyen auquel elle pouvait raisonnablement prétendre, en l'espèce, au regard du taux de déficit fonctionnel retenu par l'expert M. [F] peut exercer un emploi et en outre il ne produit aucun justificatif de sa situation économique et par suite de la preuve qu'il ne perçoit pas le salaire médian en vigueur en France.

Aussi, au regard du principe de la réparation intégrale, sans perte, ni profit, en l'absence de justificatifs sur la situation professionnelle de M. [F], il y a lieu de considérer que ce dernier ne rapporte pas la preuve d'un préjudice économique certain né de cet l'accident et par suite de la perte alléguée de ses gains professionnelles futurs.

Dés lors, cette demande sera rejetée.

- l'incidence professionnelle

Même en l'absence de perte immédiate de revenu, la victime peut subir une dévalorisation sur le marché du travail, une perte de chance professionnelle ou une augmentation de la pénibilité de l'emploi.
M. [F] demande à ce titre la somme de 100 000 euros au regard de sa dévalorisation sur le marché du travail et de l'impossibilité de réaliser son souhait d'être mécanicien.

La société NEMI propose la somme de 40 000 euros pour ce poste de préjudice.

Compte tenu des séquelles observées (impossibilité de port de charges lourdes ou de mouvements en forces et/ou contre-résistance) et d'une pénibilité accrue dans son activité et une dévalorisation sur le marché du travail, l'expert [L] conclut à l'existence d'une incidence professionnelle.

Pour évaluer ce poste de préjudice, il convient de prendre en compte la catégorie d'emploi exercée (manuel, sédentaire, fonctionnaire, etc.), la nature et l'ampleur de l'incidence (interdiction de port de charge, station debout prohibée, difficultés de déplacement, pénibilité, fatigabilité etc.), les perspectives professionnelles et l'âge de la victime (durée de l'incidence professionnelle).

En l'espèce, vu le jeune âge de la victime et les séquelles subies du fait de l'accident du 18 juillet 2007, il est certain que quelque soit le métier exercé, M. [F] subira une dévalorisation sur le marché du travail.

Ce faisant, vu les éléments de la cause, ce préjudice sera justement réparé par l'allocation d'une indemnité de 80 000 euros.

-la tierce personne après consolidation

La tierce personne est la personne qui apporte l'aide à la victime incapable d'accomplir seule certains actes essentiels de la vie courante.

L'expert [L] a évalué le besoin de M. [F] en tierce personne à titre viager à raison de 02 heures par semaine pour les tâches domestiques difficiles.

A ce titre, M. [F] réclame, sur la base de 16,99 euros de l'heure et un coût annuel de 96 heures, la somme capitalisée de 71 012,01 euros (soit 1 631,71 eurosx43.520 euros de rente viager pour un homme de 18 ans)

La société NEMI propose à ce titre la somme de 58 490,88 euros sur la base d'un coût horaire de 14 euros, l'argumentaire de l'intimé sur la législation du travail étant inopérante, faute de justifier du paiement d'une telle prestation.

Il a été rappelé que la rémunération de la tierce personne est calculée sur la base du taux horaire moyen, selon le besoin, la gravité du handicap, la spécialisation de la tierce personne et le lieu de domicile de la victime. L'indemnisation d'effectue selon le nombre d'heures d'assistance et le type d'aide nécessaires.

Vu la nature du besoin, s'agissant d'une aide non spécialisée (2 heures par semaine) nécessitée à titre viager, à dire d'expert, pour un jeune homme de 18 ans au jour de la consolidation, le tarif horaire de 16 euros sera justement retenu pour le calcul de la tierce personne définitive.

Ce faisant, il est de juste appréciation d'allouer à M. [F] la somme de 66 846.72 euros à ce titre (16?x96h=1536?x43.520)

-les frais de logement adapté

M. [F] demande la mise en mémoire de ce poste de préjudice, non préconisés par l'expert et dont la preuve n'est pas établie. Aussi, cette demande sera rejetée.

En conséquence, au total, la créance de la CGSS s'élève à la somme de 21 280,74 euros et la somme de 149 085.56 euros revient à M. [F] au titre de la réparation de son préjudice patrimonial.

II - Les préjudices extra patrimoniaux

A - les préjudices extra patrimoniaux temporaires

- le déficit fonctionnel temporaire

Il s'agit ici d'indemniser l'aspect non économique de l'incapacité temporaire. C'est l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle que va subir la victime jusqu'à sa consolidation. Cela correspond au préjudice résultant de la gêne dans les actes de la vie courante que rencontre la victime pendant la maladie traumatique (séparation familiale pendant l'hospitalisation et privation temporaire de qualité de vie).

Aux termes du rapport d'expertise de M. [L], le déficit fonctionnel temporaire de M. [F] a été évalué à 25% ou classe II du 14/08/2009 au 04/01/2011.

La société NEMI a offert la somme de 584 euros à ce titre pour cette période du 14 août 2009 au 04 janvier 2011 faisant remarquer que M. [F] a déjà été indemnisé de ce poste de préjudice par le jugement du 03 avril 2014 rendu par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre.

M. [F] accepte cette proposition reconnaissant avoir déjà été indemnisé pour la période du 18 juillet 2007 au 15 septembre 2010, date du premier rapport d'expertise réalisé par le Docteur [D].

Il est de juste appréciation de reprendre la base de calcul de la moitié du SMIC déjà retenue par le premier juge et d'accueillir l'offre de l'assureur à ce titre.

- le préjudice esthétique temporaire

Aucune demande n'est faite à ce titre, les parties reconnaissant que ce poste a déjà été indemnisé par jugement du 03 avril 2014.

Aussi, vu l'accord des parties sur ce point, il conviendra d'infirmer le jugement querellé lequel avait accordé à ce titre la somme de 4 000 euros à M. [F] alors que ce poste avait déjà été définitivement indemnisé.

- les souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser ici toutes les souffrances tant physiques que morales subies par la victime pendant la maladie traumatique et jusqu'à la consolidation. Il est admis de tenir compte notamment des circonstances du dommage, des hospitalisations, des interventions chirurgicales ou de l'âge de la victime.

La société NEMI sollicite l'infirmation du jugement entrepris en offrant la somme de 6 000 euros pour ce poste de préjudice.

M. [F] réclame la somme de 9 000 euros à ce titre au regard des douleurs liées aux suites de cet accident.

L'expert a quantifié ce préjudice à 3/7 au regard de la violence du traumatisme initial des contraintes thérapeutiques chirurgicales, de kinésithérapie, de soins infirmiers, médicamenteuses et des douleurs prolongées.

Vu les conclusions expertales, l'appréciation faite par le premier juge tient compte des éléments de la cause et ce préjudice est justement réparé par l'allocation d'une indemnité de 7 000 euros. La décision entreprise sera donc confirmée en ce sens.

B - les préjudices extra patrimoniaux permanents

- le déficit fonctionnel permanent

Il s'agit du préjudice non économique lié à la réduction du potentiel physique, psychosensoriel ou intellectuel.

Aucune demande n'est faite à ce titre, les parties reconnaissant que ce poste a déjà été indemnisé par jugement du 03 avril 2014.

- le préjudice esthétique permanent

La victime peut subir, à cause de la maladie traumatique une altération de son apparence physique, justifiant une indemnisation.

M. [F] sollicite la somme de 10 000 euros à ce titre au regard du caractère disgracieux de sa posture et des cicatrices associées, la société NEMI proposant la confirmation de l'évaluation faite par le tribunal à hauteur de la somme de 3 500 euros.

En l'espèce, l'expert a quantifié ce préjudice à 2.5/7 et c'est par une exacte appréciation des faits de la cause que le premier juge a fixé l'indemnisation de ce poste de préjudice à la somme précitée.

Dés lors, la demande de M. [F] faite à ce titre sera rejetée et le jugement critiqué sera confirmé de ce chef.

-le préjudice d'agrément

Il s'agit de réparer le préjudice lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité sportive ou de loisirs.

A ce titre, M. [F] demande la somme de 20 000 euros en raison de sa privation de pouvoir se livrer à la pratique du motocyclisme, de sa limitation pour le cyclisme, le bricolage ou le jardinage.

La société NEMI conclut au rejet de cette demande injustifiée.

L'expert [L] retient l'existence d'un préjudice d'agrément et si M. [F] ne verse aucune pièce établissant la preuve d'une activité sportive ou de loisirs antérieure, il est certain que l'accident à l'origine de ses blessures a eu lieu lors d'une sortie de scooter des mers alors qu'il était âgé de 14 ans.

Aussi, en l'espèce, vu les circonstances de cet accident, il y a lieu de considérer que M. [F] était sportif et subit depuis un préjudice d'agrément suite à l'accident dont s'agit.

A ce titre, la somme de 10 000 euros allouée par le premier juge sera confirmée en indemnisation de ce dommage.

-le préjudice sexuel

Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement partiellement ou totalement : l'aspect morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l'acte sexuel (libido, perte de capacité physique) et la fertilité ( fonction de reproduction).

M. [F] demande à ce titre la somme de 15 000 euros en raison de son jeune âge et de la gêne positionnelle retenue par l'expert.

La société NEMI sollicite la confirmation du jugement entrepris ayant évalué à la somme de 200 euros ce poste de préjudice.

L'expert [L] écarte tout préjudice sexuel direct mais retient aux termes de son rapport d'expertise une gêne positionnelle.

Vu les séquelles décrites par l'expert et l'âge de la victime, ce dommage sera justement indemnisé par l'allocation de la somme de 1 500 euros.

Dés lors, le jugement entrepris sera infirmé de ce chef.

En conséquence, au total, le préjudice extra patrimonial de M. [F] est évalué en cause d'appel au montant de 22 584 euros.

Il convient de préciser que la société NEMI justifie le paiement non contesté de la somme de 8 000 euros à titre de provision.

Sur les demandes accessoires

Les circonstances de la cause commandent l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, l'intimé ayant été contraint d'exposer des frais irrépétibles devant la cour.

La société NEMI supportera également les dépens de l'instance qui comprendront les frais d'expertise, dont distraction au profit de la SELARL Judexis.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe ;

Confirme le jugement querellé sauf en ce qu'il a :
-alloué à M. [K] [F] les sommes de 16 030 euros au titre de l'assistance tierce personne temporaire, 6 860 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et 4 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,
-alloué la somme de 200 euros au titre du préjudice sexuel,
-sursis à statuer sur les postes soumis à recours dans l'attente de la production par M. [F] du décompte des débours définitifs passés et futurs de l'organisme de sécurité sociale auprès duquel il était affilié au moment de la survenance de son accident sur les postes : dépenses de santé actuelles, dépenses de santé futures, perte de gains professionnels actuels, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle et déficit fonctionnel permanent,

Statuant des chefs infirmés et y ajoutant,

-Alloue à M. [K] [F] les sommes de 1 110, 20 euros au titre de la tierce personne temporaire pour la période du 16 septembre 2010 au 04 janvier 2011 et de 584 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire pour la période du 14 août 2009 au 04 janvier 2011 ;

-Dit que le déficit fonctionnel permanent et le préjudice esthétique temporaire de M. [K] [F] ont déja été réparés par jugement rendu le 03 avril 2014 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre et qu'il n'y a plus lieu à paiement de ces chefs ;

-Alloue à M. [K] [F] la somme de 1 500 euros en indemnisation de son préjudice sexuel;

-Condamne la Compagnie d'assurance Normay Energy et Marine Insurance (la société NEMI) à payer à M. [K] [F] la somme totale de 171 669,56 euros en indemnisation des préjudices subis sous réserve des provisions déjà versées (FD 2 238,84? - TPD 66 846,72? - IP 80 000? - DFT 584? - SE 7000? - PEP 3500? - PA 10 000? - PS 1 500?);

-Rejette la demande présentée au titre de la perte de gains professionnels futurs ;

-Dit que le présent arrêt est commun à la CGSSG dont la créance est fixée à la somme de 21 280 74 euros ;

-Ecarte toute autre demande plus ample ou contraire ;

-Condamne la société NEMI à payer à M. [K] [F] la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

-Condamne la société NEMI aux entiers dépens de l'instance lesquels comprendront les frais d'expertise dont distraction au profit de la SELARL Judexis, avocat au barreau de la Guadeloupe ;

Signé par Claudine FOURCADE, président et par Esther KLOCK, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire ;

La greffièreLa présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Formation : 01
Numéro d'arrêt : 18/014631
Date de la décision : 24/06/2021
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.basse-terre;arret;2021-06-24;18.014631 ?
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