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21/06/2021 | FRANCE | N°19/00083

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 21 juin 2021, 19/00083


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE


CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 270 DU VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT ET UN


AFFAIRE No : No RG 19/00083 - No Portalis DBV7-V-B7D-DBSN


Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 20 décembre 2018-Section Industrie.


APPELANT :


Monsieur [E] [O]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Maître Frédérique LAHAUT de la SELARL FILAO AVOCATS (Toque 127), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART




INTIMEE :


S.A.R.L. SAINT FRA

NÇOIS CONSTRUCTION
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Maître Jean-Marc DERAINE de la SELARL DERAINE & ASSOCIES (Toque 23), avocat au ba...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 270 DU VINGT ET UN JUIN DEUX MILLE VINGT ET UN

AFFAIRE No : No RG 19/00083 - No Portalis DBV7-V-B7D-DBSN

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 20 décembre 2018-Section Industrie.

APPELANT :

Monsieur [E] [O]
[Adresse 1]
[Localité 1]
Représenté par Maître Frédérique LAHAUT de la SELARL FILAO AVOCATS (Toque 127), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMEE :

S.A.R.L. SAINT FRANÇOIS CONSTRUCTION
[Adresse 2]
[Localité 2]
Représentée par Maître Jean-Marc DERAINE de la SELARL DERAINE & ASSOCIES (Toque 23), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 avril 2021, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Gaëlle Buseine, conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseillère,
Mme Annabelle Clédat, conseillère,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 21 juin 2021.

GREFFIER

Lors des débats : Mme Valérie Souriant, greffier.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseillère, présidente, et par Mme Valérie Souriant, greffierr, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [E] [O] a été engagé par la SARL Saint François Construction par contrat à durée indéterminée nouvelles embauches à compter du 3 octobre 2005, en qualité de chef d'équipe.

La relation de travail était régie par la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment et travaux publics (Guadeloupe) du 24 juillet 2008.

Monsieur [E] [O] a été placé en arrêt de travail avec prolongations du 30 juillet 2014 au 29 mai 2016.

Le 2 septembre 2014, la Caisse Générale de Sécurité Sociale (CGSS) de la Guadeloupe a notifié à Monsieur [E] [O] la prise en charge de sa maladie datée du 16 décembre 2013, au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Le 28 mars 2017, lors de la visite médicale, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude temporaire, et a pris les conclusions suivantes : « A revoir à la reprise effective du travail. Prévoir une évolution vers une incapacité à son poste de travail. »

Le 9 mai 2017, lors de la visite de reprise après maladie ou accident non professionnel, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude à l'égard de Monsieur [E] [O] : « Inapte à tous les postes : le maintien du salarié dans son emploi serait gravement préjudiciable à sa santé qui fait obstacle à tout reclassement. »

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 29 mai 2017, Monsieur [E] [O] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 6 juin 2017.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 6 juin 2017, Monsieur [E] [O] a été convoqué à un nouvel entretien préalable à un éventuel licenciement fixé au 9 juin 2017.

Par courrier remis en main propre le 16 juin 2017, Monsieur [E] [O] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.

Contestant son licenciement pour inaptitude, Monsieur [E] [O] a saisi par requête réceptionnée au greffe le 25 septembre 2017, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de voir requalifier la rupture de son contrat de travail en licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de versement de diverses indemnités liées à la rupture de son contrat de travail.

Par jugement rendu contradictoirement le 20 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :

- fixé la moyenne des trois derniers mois de salaire à la somme de 2 275,05 euros,
- dit que l'inaptitude de Monsieur [O] est d'origine non professionnelle,
En conséquence,
- débouté Monsieur [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- débouté la SARL Saint François Construction en la personne de son représentant légal, de ses demandes,
- condamné Monsieur [O] aux entiers dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 17 janvier 2019, Monsieur [E] [O] a formé appel dudit jugement, qui lui a été notifié le 27 décembre 2018.

Par avis du 18 février 2019, Monsieur [E] [O] a été invité par le greffe à procéder à la signification de la déclaration d'appel à l'intimée, cette dernière n'ayant pas constitué avocat dans le délai d'un mois à compter de la lettre de notification de la déclaration d'appel.

Le 28 février 2019, Maître Deraine s'est constitué dans la défense des intérêts de la société Saint François Construction.

Par ordonnance du 15 avril 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction, et renvoyé la cause à l'audience du 17 mai 2021 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 6 avril 2021 à la société Saint François Construction, Monsieur [E] [O] demande à la cour de :

- dire et juger que l'exception de procédure soulevée in limine litis pour la première fois en appel par la SARL Saint François Construction est irrecevable,
- infirmer le jugement en date du 20 décembre 2018 rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en ce qu'il l'a :
- débouté de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
- condamné aux entiers dépens,
Statuant à nouveau,
- dire et juger que la SARL Saint François Construction a méconnu les dispositions de l'article L.1226-4 du code du travail,
- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
En conséquence,
- condamner la SARL Saint François Construction à lui verser les sommes suivantes :
- 530,84 euros à titre de rappel de salaire du 9 au 16 juin 2017, outre 53,08 euros au titre des congés payés afférents,
- 27 300,60 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 27 300,60 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,
- 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi en raison du manquement de l'employeur à la transmission du certificat de congés payés à la caisse du BTP,
- 26 552,88 euros à titre de rappel de salaire en raison du non respect de la classification réelle, outre 2 655,29 euros au titre des indemnités de congés payés afférents,
- 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Monsieur [E] [O] soutient que :

- les exceptions de procédure doivent être soulevées in limine litis, avant toute défense au fond,
- l'exception de procédure soulevée pour la première fois en appel est irrecevable, ce qui est le cas en l'espèce,
- il a été victime d'une maladie professionnelle en raison des manquements de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat, dès lors, la rupture de son contrat de travail est imputable à la société Saint François Construction,
- la cour de céans est donc compétente pour statuer sur la réparation du préjudice qu'il a subi du fait de son licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,
- la société n'a pas respecté son obligation de reprendre le versement de ses salaires à l'issue du délai d'un mois suivant la constatation de l'inaptitude,
- l'employeur a reconnu devoir la somme de 530,84 à ce titre mais n'a pas effectué de versement,
- la société a manqué à son obligation de sécurité de résultat,
- la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse n'est pas une demande nouvelle mais un moyen nouveau,
- elle est la conséquence de sa maladie professionnelle, elle même consécutive au manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat,
- son emploi ne relevait pas de la classification C mais de la classification G correspondant à une rémunération de 2 608,84 euros bruts par mois, dès lors, il sollicite un rappel de salaire sur les trois dernières années.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 14 avril 2021 à Monsieur [E] [O], la société Saint François Construction demande à la cour de :

- statuer ce que de droit sur la recevabilité de l'appel,
In limine litis,
- dire et juger la cour d'appel de Basse-Terre incompétente pour statuer sur un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat du fait de la prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [E] [O] suite à son syndrome du canal carpien gauche, au profit du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, pôle social,
- se déclarer incompétente et renvoyer Monsieur [E] [O] à mieux se pourvoir,
- constater que l'inaptitude de Monsieur [E] [O] a été prononcée le 9 mai 2017 pour maladie non professionnelle,
En conséquence,
- dire et juger qu'aucun manquement à son obligation de sécurité ne peut lui être imputé,
- dire et juger que le licenciement notifié à Monsieur [E] [O] le 16 juin 2017 est fondé sur une cause réelle et sérieuse,
- dire et juger que la demande en paiement de Monsieur [E] [O] de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non perception de son indemnité compensatrice de congés payés est irrecevable, celle-ci étant formulée pour la première fois en cause d'appel,
- dire et juger la demande en paiement de Monsieur [E] [O] de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non perception de son indemnité compensatrice de congés payés infondée en droit,
En conséquence,
- débouter Monsieur [E] [O] de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non perception de son indemnité compensatrice de congés payés,
Au surplus,
- dire et juger que Monsieur [E] [O] occupait les fonctions de chef d'équipe position CE2, coefficient 242 de la convention collective des ouvriers du bâtiment et travaux publics de la Guadeloupe,
En conséquence,
- confirmer le jugement en date du 20 décembre 2018 du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre en toutes ses dispositions,
En conséquence,
- débouter Monsieur [E] [O] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions et notamment de sa demande en paiement de la somme de 13 650,30 euros à titre de dommages et intérêts pour méconnaissance des dispositions de l'article L.1226-4 du code du travail relative à la reprise du paiement des salaires, mais aussi de ses demandes en paiement de la somme de 27 300,60 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de résultat, de la somme de 27 300 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et de la somme de 26 552,88 euros à titre de rappel de salaire en raison du non respect de la classification réelle de Monsieur [E] [O] ou bien encore de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non perception de son indemnité compensatrice de congés payés,
- donner acte de ce qu'elle s'est d'ores et déjà libérée de la somme de 530,84 euros au titre des salaires dus à Monsieur [E] [O] au titre de la période du 9 au 16 juin 2017,
- dire qu'il serait profondément inéquitable qu'elle supporte les frais irrépétibles de la présente instance non compris dans les dépens,
- condamner Monsieur [E] [O] à lui payer la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Saint François Construction expose que :

- la chambre sociale de la cour d'appel de céans est incompétente pour statuer sur un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité de résultat du fait de la prise en charge de la maladie professionnelle de Monsieur [E] [O],
- le contrat de travail de Monsieur [E] [O] a été rompu pour inaptitude non professionnelle, il n'y a donc pas eu de manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur,
- la nouvelle demande du salarié visant un paiement de la somme de 27 300 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est irrecevable et infondée puisque son inaptitude a été prononcée pour une cause non professionnelle,
- la demande en paiement de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non perception de son indemnité compensatrice de congés payés qui est formulée pour la première fois en cause d'appel est irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile,
- Monsieur [E] [O] ne saurait affirmer avoir occupé les fonctions de chef de chantier et demander des rappels de salaire à ce titre,
- sa demande en paiement de la somme de 27 300 euros à titre de dommages et intérêts pour méconnaissance des dispositions de l'article L.1226-4 du code du travail n'est pas fondée.

MOTIFS

Sur l'exception d'incompétence

Selon l'article 74 du code de procédure civile, les exceptions doivent, à peine d'irrecevabilité, être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir. Il en est ainsi alors même que les règles invoquées au soutien de l'exception seraient d'ordre public.

Il est constant que le moyen pris de l'incompétence d'une juridiction doit, même si cette incompétence est d'ordre public, être soulevé à peine d'irrecevabilité avant toute défense au fond et ne peut être présenté pour la première fois devant la cour d'appel.

En l'espèce, la société Saint François Construction fait valoir que la demande de Monsieur [E] [O] tendant au paiement de la somme de 27 300 euros à titre de dommages et intérêts pour un manquement de l'employeur à son obligation de sécurité consécutivement à une maladie professionnelle, relève de la compétence exclusive du tribunal judiciaire, pôle social.

Il apparaît cependant que Monsieur [E] [O] sollicitait d'ores et déjà en première instance le versement de la somme de 27 300 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de sécurité, sans que la société Saint François Construction qui avait pourtant conclu au fond, n'ait soulevé devant le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre une exception d'incompétence de la juridiction prud'homale.

Par jugement du 20 décembre 2018, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre statuait sur le fond du litige.

En phase d'appel la société Saint François Construction soulève donc pour la première fois et après défense au fond, une exception d'incompétence au profit du tribunal judiciaire de Pointe-à-Pitre, pôle social, eu égard au manquement reproché par Monsieur [E] [O] à son employeur, à son obligation de sécurité du fait de la prise en charge de la maladie professionnelle suite à son syndrome du canal carpien gauche.

En conséquence, l'exception d'incompétence soulevée par l'intimée est irrecevable.

Sur la recevabilité de la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Enfin, selon l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Il est constant qu'une prétention ne peut être considérée comme l'accessoire, la conséquence et le complément d'une demande soumise aux premiers juges lorsque, devant ces derniers, l'appelant s'était désisté de cette demande.

En l'espèce, Monsieur [E] [O] sollicite la condamnation de la société Saint François Construction à lui payer la somme de 27 300 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La société Saint François Construction fait valoir que la demande du salarié présentée pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile.

Il résulte de la lecture de la requête introductive d'instance réceptionnée par le greffe du conseil de prud'hommes le 22 septembre 2017, que Monsieur [E] [O] sollicitait la somme de 58241,28 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cependant, force est de constater que cette demande était abandonnée par Monsieur [E] [O] en cours d'instance, puisque ni ses écritures présentées devant le conseil de prud'hommes, ni le jugement, ne faisaient mention de ladite prétention.

La cour considère dès lors que la demande de Monsieur [E] [O] tendant à l'obtention de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse abandonnée devant le premier juge, est nouvelle en cause d'appel.

En conséquence, c'est à bon droit que la société Saint François Construction soulève l'irrecevabilité de la demande de Monsieur [E] [O] tendant à l'obtention de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

En ce qui concerne la recevabilité de la demande

Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité soulevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

L'article 565 du même code dispose que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.

Enfin, selon l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce, Monsieur [E] [O] sollicite le versement de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du manquement de son employeur dans la transmission du certificat de congés payés à la caisse du BTP.

La société Saint François Construction fait valoir que la demande du salarié présentée pour la première fois en cause d'appel, est irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile.

Il résulte de la lecture de la requête introductive d'instance réceptionnée par le greffe du conseil de prud'hommes le 22 septembre 2017, que Monsieur [E] [O] ne sollicitait aucune demande à ce titre.

Force est de constater que selon ses conclusions no2 présentées devant le conseil de prud'hommes, Monsieur [E] [O] demandait l'allocation d'une somme de 4 144 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

Le jugement qui reprenait les demandes du salarié, faisait également mention d'une prétention à hauteur de 4144 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés.

La cour considère que si les fondements juridiques des demandes de Monsieur [E] [O] tendant à l'obtention soit de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du manquement de son employeur dans la transmission du certificat de congés payés à la caisse du BTP, soit de la somme de 4 144 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, sont différents, elles tendent en revanche aux mêmes fins à savoir, l'obtention de la compensation du solde de ses congés acquis au jour de la rupture de son contrat de travail.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts de Monsieur [E] [O] à hauteur de 4000 euros en raison du manquement de son employeur dans la transmission du certificat de congés payés à la caisse du BTP est recevable.

En ce qui concerne le bien fondé de la demande

Selon l'article D.3141-12 du code du travail, dans les entreprises exerçant une ou plusieurs activités entrant dans le champ d'application des conventions collectives nationales étendues du bâtiment et des travaux publics, le service des congés est assuré, sur la base de celles-ci, par des caisses constituées à cet effet.

L'article D.3141-34 du même code dispose que l'employeur remet au salarié à la date de rupture de son contrat, un certificat en double exemplaire qui permet à ce dernier de justifier de ses droits à congé envers la caisse d'affiliation du dernier employeur.

Monsieur [E] [O] sollicite le versement de la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts en raison du manquement de son employeur dans la transmission du certificat de congés payés à la caisse du BTP.

Il fait valoir que la société Saint François Construction ne lui a pas transmis de certificat de congés payés, l'empêchant ainsi de faire valoir ses droits auprès de la caisse.

Il résulte du bulletin de paie du mois de juin 2017, que Monsieur [E] [O] disposait d'un solde de 37 jours de congés.

La société Saint François Construction a pour activité principale la construction de maisons individuelles. La relation de travail était régie par la convention collective du bâtiment et travaux publics de la Guadeloupe.

Force est de constater que la société Saint François Construction ne produit aucun certificat qui aurait été remis à Monsieur [E] [O] lors de la cessation des relations contractuelles.

Si l'employeur est déchargé de toute obligation quant au paiement de l'indemnité de congés payés au profit de la caisse d'affiliation, le salarié est cependant bien fondé a solliciter des dommages et intérêts évalués par lui à la somme de 4 000 euros sur la base des 37 jours de congés acquis, en raison du manquement de la société Saint François Construction à son obligation de transmission d'un certificat permettant de justifier de ses droits à congés.

En conséquence, la société Saint François Construction sera condamnée à verser à Monsieur [E] [O] la somme de 4 000 euros à titre de dommages et intérêts.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire fondée sur le repositionnement conventionnel au niveau G

Il appartient au salarié qui prétend exercer une autre profession que celle indiquée dans son contrat de travail, d'en rapporter la preuve.

De jurisprudence constante, le juge doit prendre en compte les fonctions réellement exercées au regard de la convention collective applicable.

Selon la convention collective des employés, techniciens et agents de maîtrise du bâtiment et travaux publics (Guadeloupe) du 24 juillet 2008, au niveau C, la nature des travaux se diversifie. A ce niveau, apparaît la notion de résolution de problèmes mais à ce stade les problèmes résolus sont simples. Le salarié de niveau C est responsable de la qualité du travail fourni et du respect des échéances et par différence des précédents niveaux, il intègre la notion d'objectifs à atteindre, sous l'autorité de sa hiérarchie. Le salarié de niveau C exerce ses fonctions en suivant des instructions définies mais moins précises qu'au niveau B. Outre la part d'initiative visée au niveau B, il peut en plus être amené à prendre une part de responsabilités relatives à la réalisation des travaux qui lui sont confiés. En matière de sécurité, son approche est plus globale puisqu'il met en ?uvre la démarche de prévention. Ce niveau demande une technicité courante. Là encore, le salarié a acquis ses compétences en niveau B ou par formation ; ce niveau accueille les titulaires de diplômes de niveau BP, BT, bac professionnel, bac STI.

Le salarié de niveau G exerce des fonctions de plus grande amplitude que celui du niveau F. Si la nature des travaux est identique à ceux effectués par le technicien de niveau F, ils portent sur un projet important ou complexe ou sur plusieurs projets.
Parallèlement, l'agent de maîtrise exerce un commandement sur plusieurs équipes de salariés affectés à un projet important ou complexe ou à plusieurs projets.
Ce salarié résout des problèmes variés pour lesquels la solution apportée doit être la plus adaptée et tenir compte des données et contraintes d'ordre économique, technique, administratif et commercial.
Dans son rôle d'encadrement, il sait et doit transmettre effectivement ses connaissances.
A ce niveau, il agit par délégation mais celle-ci reste encadrée par les instructions reçues de sa hiérarchie. Les relations qu'il développe avec des interlocuteurs externes sont désormais régulières par différence avec le niveau F. Ce niveau requiert une haute technicité dans la spécialité du salarié qui possède également des connaissances de base de techniques connexes. Dans ces deux domaines, il tient à jour ses connaissances.
L'ETAM de niveau G peut être promu cadre sans avoir à valider son expérience en tant qu'ETAM de niveau H, c'est-à-dire sans avoir à passer nécessairement par le niveau H de la grille ETAM.
Le niveau H est le niveau de confirmation des salariés de niveau G. C'est un niveau nouvellement créé qui marque le sommet de la classification des ETAM. C'est pourquoi le contenu d'activité est uniquement défini par l'expérience confirmée qui donne au salarié la complète maîtrise des fonctions de niveau G. Cette approche permet également de marquer la différence entre la maîtrise et les cadres.

Il résulte de l'article 1 de son contrat de travail, que Monsieur [E] [O] était embauché en qualité de chef d'équipe CE1. L'article 3 de ce même contrat fixait sa rémunération mensuelle à 1871,26 euros.

La dernière fiche de paie du salarié fait apparaître un emploi de chef d'équipe CE2.

Monsieur [E] [O] fait valoir qu'il exerçait ses fonctions en toute autonomie concernant des travaux d'exécution, d'organisation, d'études, de gestion portant sur des projets importants ou complexes. Il fait également valoir qu'il était en mesure de prendre des initiatives et qu'il jouait un rôle d'animateur tout en transmettant ses connaissances aux autres salariés. Il veillait à faire respecter l'application des règles de sécurité.

Pour justifier ses allégations, le salarié verse uniquement aux débats la convention collective applicable. Il n'apporte cependant pas la preuve de ses fonctions réellement exercées au regard de la convention collective.

En conséquence, Monsieur [E] [O] sera débouté de sa demande de rappel de salaire pour repositionnement au niveau G.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur l'obligation de sécurité de l'employeur

Selon l'article L.4121-1 du code du travail dans sa version applicable, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1º Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ;
2º Des actions d'information et de formation ;
3º La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

Tout employeur de droit privé veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Il convient de rappeler que l'employeur, tenu d'une obligation de sécurité aux termes des dispositions précitées, doit en assurer l'effectivité et qu'il lui incombe, en cas de litige, de justifier qu'il a pris les mesures suffisantes pour s'acquitter de l'obligation mise à sa charge par les dispositions précitées, peu important que l'inaptitude du salarié soit d'origine professionnelle ou non.

Monsieur [E] [O] fait valoir que malgré la pathologie dont il souffrait à savoir, une maladie chronique neurologique responsable d'une impotence fonctionnelle des deux mains, la société Saint François Construction n'a pris aucune mesure pour améliorer ses conditions de travail et préserver sa santé.

Il ressort des pièces versées aux débats que le 2 septembre 2014, alors qu'il était au service de la société Saint François Construction, la CGSS de la Guadeloupe a notifié à Monsieur [E] [O] la prise en charge de sa maladie « poignet main doigts : syndrome du canal carpien gauche inscrite au tableau no57 : affections périarticulaires provoquées par certains gestes et postures de travail » du 16 décembre 2013, au titre de la législation relative aux risques professionnels.

Selon les éléments versés aux débats, Monsieur [E] [O] a été placé en arrêt de travail du 30 juillet 2014 au 29 mai 2016 consécutivement à une maladie professionnelle constatée pour la première fois en 2008, pour des douleurs et engourdissements liés à un syndrome du canal carpien droit.

L'avis d'inaptitude temporaire de la médecine du travail du 28 mars 2017, comportait une restriction de nature à modifier le poste de travail de Monsieur [E] [O] qui bénéficiait alors d'une surveillance médicale renforcée : « A revoir à la reprise effective du travail. Prévoir une évolution vers une incapacité à son poste de travail. »

Le 9 mai 2017, lors de la visite de reprise après maladie ou accident non professionnel, le médecin du travail a rendu un avis d'inaptitude à l'égard de Monsieur [E] [O] : « Inapte à tous les postes : le maintien du salarié dans son emploi serait gravement préjudiciable à sa santé qui fait obstacle à tout reclassement. »

Il en résultait l'impossibilité pour le salarié d'exercer toutes les missions attachées à son poste.

Il apparaît que son employeur n'a pas sollicité de précisions auprès de la médecine du travail sur les capacités résiduelles de Monsieur [E] [O].

Les éléments versés aux débats par l'employeur sont insuffisants. Ils ne permettent pas d'apporter la preuve de la mise en place de mesures concrètes.

Par courrier remis en main propre le 16 juin 2017, Monsieur [E] [O] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement suite à l'avis d'inaptitude après maladie ou accident non professionnel.

L'ensemble de ces éléments ne permet pas d'établir que pendant la période allant du 2 septembre 2014 (date de la prise en charge de la maladie au titre de la législation relative aux risques professionnels) au 9 mai 2017 (date de l'avis d'inaptitude suite à un maladie d'origine non professionnelle), la société a mis en place des mesures telles que des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail, des actions d'information et de formation, la mise en place d'une organisation et de moyens adaptés, afin de protéger la santé de Monsieur [E] [O].

En conséquence, la société ne justifie pas avoir pris les mesures suffisantes pour s'acquitter de l'obligation mise à sa charge d'assurer la sécurité et protéger la santé physique de Monsieur [E] [O]. La société Saint François Construction sera condamnée à verser à Monsieur [E] [O] la somme de 7 000 euros à titre de dommages et intérêts, qui consistue une juste réparation de son préjudice.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur la demande de rappel de salaire pour la période du 9 au 16 juin 2017

Selon l'article L.1226-4 du code du travail, lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail.
Ces dispositions s'appliquent également en cas d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise constatée par le médecin du travail.

En l'espèce, Monsieur [E] [O] sollicite la somme de 530,84 euros à titre de rappel de salaire pour la période allant du 9 au 16 juin 2017, outre 53,08 euros au titre des congés payés afférents.

Contrairement à ce qu'indique la société Saint François Construction dans ses écritures, la cour constate que le salarié ne sollicite aucune somme à titre de dommages et intérêts pour méconnaissance des dispositions de l'article L.1226-4 du code du travail.

La société Saint François Construction, sans pour autant justifier de la régularisation du paiement, reconnaît dans ses écritures que le prestataire externe établissant la paie a omis de faire procéder au paiement du salaire de Monsieur [E] [O] du 9 au 16 juin 2017, soit la somme de 530,84 euros.

En conséquence, il sera fait droit à la demande de rappel de salaire de Monsieur [E] [O] à hauteur de 530,84 euros pour la période allant du 9 au 16 juin 2017, outre 53,08 euros au titre des congés payés afférents.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Nonobstant les demandes de Monsieur [E] [O] formulées en première instance au titre de la fixation de la moyenne des trois derniers mois de salaire, de l'origine professionnelle de son inaptitude, de dommages et intérêts pour méconnaissance des dispositions de l'article L.1226-11 du code du travail, de l'indemnité spéciale de licenciement non versée, et de l'indemnité compensatrice de préavis, ces prétentions ne sont pas étayées en cause d'appel, de sorte que la cour n'est saisie d'aucune demande à ce titre.

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, il convient de débouter la société Saint François Construction de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable que Monsieur [E] [O] supporte l'intégralité de ses frais irrépétibles. En conséquence, la société Saint François Construction sera condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens sont mis à la charge de la société Saint François Construction.

Le jugement est infirmé sur ces points.

En outre, les dépens de l'instance d'appel sont mis à la charge de la société Saint François Construction.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Déclare irrecevable l'exception d'incompétence soulevée par l'intimée,

Déclare irrecevable la demande de Monsieur [E] [O] tendant à l'obtention de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 20 décembre 2018 en ce qu'il a débouté Monsieur [E] [O] de sa demande de rappel de salaire pour repositionnement au niveau G,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne la SARL Saint François Construction à verser à Monsieur [E] [O] les sommes suivantes :

- 7 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de l'obligation de sécurité,
- 530,84 euros à titre de rappel de salaire pour la période allant du 9 au 16 juin 2017, outre 53,08 euros au titre des congés payés afférents,
- 4 000 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de transmission du certificat de congés payés à la caisse du BTP,
- 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de première instance sont à la charge de la SARL Saint François Construction,

Y ajoutant,

Dit que les dépens de l'instance d'appel sont à la charge de la SARL Saint François Construction,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 19/00083
Date de la décision : 21/06/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-06-21;19.00083 ?
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