COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE
1ère CHAMBRE CIVILE
ARRET No 342 DU 29 AVRIL 2021
No RG 19/01107
No Portalis DBV7-V-B7D-DEH6
Décision déférée à la cour : jugement du tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 20 juin 2019, enregistrée sous le no 18/01164
APPELANTE :
Mme [A] [J] [C]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représentée par Me Daniel Démocrite de la SELARL Jurisdem, avocats au barreau de Guadeloupe, St Martin et St Barthélémy
(Toque 46)
INTIMÉE :
S.A. Crédit logement
ayant son siège social [Adresse 2]
prise en la personne de son représentant légal pour ce domicilié au dit siège
Représentée par Me Daniel Werter, avocat au barreau de Guadeloupe, St Martin et St Barthélémy (Toque 08)
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions de l'article 799 alinéa 3 du Code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 1er février 2021.
Par avis du 1er février 2021, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :
Mme Claudine Fourcade, Présidente de chambre
Mme Valérie Marie-Gabrielle, conseiller,
Mme Christine Defoy, conseiller
qui en ont délibéré.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 31 mars 2021, lequel a été prorogé le 29 avril 2021 pour des raisons de service.
GREFFIER
Lors du dépôt des dossiers : Mme Rachel Fresse, Greffier Placé
Lors du prononcé : Mme Esther KLOCK, Greffier,
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. Signé par Mme Claudine Fourcade, présidente de chambre, et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Selon offre préalable acceptée le 10 septembre 2009, la SOCIETE GENERALE DE BANQUE AUX ANTILLES (SGBA) a consenti à Mme [A] [C] un prêt immobilier d'un montant de 61 000 euros remboursable en 144 mensualités de 565,71 euros.
Selon accord de cautionnement du 28 août 2009, la société LE CREDIT LOGEMENT s'est portée caution en faveur de la SGBA pour le remboursement de ce prêt.
Selon offre préalable acceptée le 26 avril 2010, la SOCIETE GENERALE DE BANQUE AUX ANTILLES (SGBA) a consenti à Mme [A] [C] un prêt immobilier d'un montant de 127 000 euros remboursable en 300 mensualités de 757,30 euros.
Selon accord de cautionnement du 9 mars 2010, la société LE CREDIT LOGEMENT s'est portée caution en faveur de la SGBA pour le remboursement de ce prêt.
Selon offre préalable acceptée le 22 décembre 2012, la SOCIETE GENERALE DE BANQUE AUX ANTILLES a consenti à Mme [A] [C] un prêt immobilier d'un montant de 40 000 euros remboursable en 180 mensualités de 331,32 euros.
Selon accord de cautionnement du 10 septembre 2012, la société LE CREDIT LOGEMENT s'est portée caution en faveur de la SGBA pour le remboursement de ce prêt.
Suite à des incidents de paiement, la SOCIETE GENERALE DE BANQUE AUX ANTILLES a prononcé la déchéance des termes desdits crédits.
La société LE CREDIT LOGEMENT a honoré ses engagements de caution en versant à la SGBA les sommes de 32 718,51 euros au titre du prêt de 61 000 euros, de 121 058,85 euros au titre du prêt de 127 000 euros et de 34 323,79 euros au titre du prêt de 40 000 euors.
Par acte d'huissier du 4 mai 2018, la société LE CREDIT LOGEMENT a fait assigner Mme [A] [C] devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre aux fins de voir :
- condamner Mme [C] à lui verser la somme de 188 825,61 euros augmentée d'un intérêt au taux légal à compter du 22 mars 2018 ;
- débouter Mme [C] de l'intégralité de ses demandes ;
- ordonner la capitalisation annuelle des intérêts à compter de la date de l'assignation ;
- ordonner l'exécution provisoire ;
- condamner Mme [C] à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.
Selon jugement rendu le 20 juin 2019, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a :
- condamné Mme [C] à verser à la société LE CREDIT LOGEMENT la somme de 188 825,61 euros augmentée d'un intérêt au taux légal à compter du 22 mars 2018 ;
- débouté Mme [C] de l'intégralité de ses demandes ;
- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts à compter de la date de l'assignation ;
- ordonné l'exécution provisoire ;
- condamné Mme [C] à verser à la société LE CREDIT LOGEMENT la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens ;
- rejeté le surplus des demandes des parties.
Par déclaration en date du 20 juin 2019, Mme [A] [C] a interjeté appel de ce jugement.
Par acte d'huissier remis à personne morale le 30 septembre 2019, elle a signifié sa déclaration d'appel à la société LE CREDIT LOGEMENT et l'a assignée à comparaître devant la cour.
La société LE CREDIT LOGEMENT, intimée, a constitué avocat le 3 octobre 2019.
Les parties ont conclu. L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 janvier 2021.
PRÉTENTIONS ET MOYENS
Les dernières conclusions déposées les 29 octobre 2019 par l'appelante, 19 décembre 2019 par l'intimée, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé de leurs moyens et prétentions, peuvent se résumer ainsi qu'il suit.
Mme [A] [J] [C] demande d'infirmer le jugement rendu le 20 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre en ce qu'il a :
- débouté Mme [C] de l'intégralité de ses demandes, en ce qu'elle demandait au tribunal de prendre acte de sa proposition et de son invitation à conciliation des parties sur la base d'un versement d'une somme de 40 000 euros puis celle de 1 772 euros jusqu'à complet règlement et à titre subsidiaire, un paiement échelonné des sommes dues sur 24 mois ;
- ordonné la capitalisation annuelle des intérêts à compter de la date de l'assignation ;
- condamné Mme [C] à verser à la société CREDIT LOGEMENT la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens dont distraction sera faite au profit de Me WERTER.
Mme [A] [J] [C] demande à la cour, statuant à nouveau, à titre principal, de :
- lui donner acte de son versement d'une somme de 60 000 euros à valoir sur la créance de la société LE CREDIT LOGEMENT ;
- fixer la créance de la société LE CREDIT LOGEMENT à la somme de 188 825,61 euros ;
- rejeter la demande de capitalisation des intérêts à compter de l'assignation ;
- enjoindre aux parties de rencontrer le conciliateur de justice en vue d'une conciliation.
A titre subsidiaire, Mme [C] demande de :
- suspendre l'exécution de ses obligations contractuelles pendant une durée de deux années ;
- dire et juger qu'au terme de ce délai de suspension, le paiement de la dette, en principal, frais et accessoires d'un montant de 188 825,61 euros, doit être réglé en totalité ;
- dire et juger que la somme reportée portera intérêt à un taux réduit au moins égal au taux légal et que le paiement s'imputera d'abord sur le capital ;
- rejeter la demande de capitalisation des intérêts à compter de l'assignation.
En tout état de cause, Mme [C] demande de :
- débouter la société LE CREDIT LOGEMENT de sa demande de condamnation de Mme [C] au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel ;
- condamner la société LE CREDIT LOGEMENT à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SELARL JURISDEM.
La société LE CREDIT LOGEMENT demande de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions et, y ajoutant, de :
- condamner Mme [C] à lui verser une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens dont distraction sera faite au profit de Me WERTER.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la conciliation
Attendu qu'aux termes de l'article 128 du code de procédure civile, les parties peuvent se concilier, d'elles-mêmes ou à l'initiative du juge, tout au long de l'instance ;
Que Mme [C], qui ne conteste pas le principe de la créance, sollicite de voir enjoindre aux parties de rencontrer un conciliateur ;
Que la société LE CREDIT LOGEMENT sollicite le rejet de la demande de conciliation au motif qu'elle serait dilatoire ;
Qu'en l'espèce la demande concerne une action en paiement exercée par la caution à l'encontre du débiteur principal pour un montant de 188 825,61 euros ;
Que la présente procédure n'est pas soumise au préliminaire obligatoire de conciliation d'une part et d'autre part, que Mme [C] ne s'est jamais rapprochée de la caution qui l'y a invité avant l'engagement de la présente procédure;
Que dès lors, la demande de tentative de conciliation, à laquelle l'intimée ne s'est pas associée, apparaît tardive et sera rejetée ;
Sur le montant de la créance
Attendu que l'appelante, qui ne conteste pas le principe de la créance, fait valoir qu'elle a effectué un versement d'une somme de 60 000 euros auprès de la CARPA à valoir sur la créance de la société LE CREDIT LOGEMENT ;
Que pour appuyer sa demande, Mme [A] [C] produit un ordre de virement émis par Mme [F] [C] le 29 octobre 2019 en faveur de la CARPA d'un montant de 60 000 euros, un courrier de la CARPA en date du 31 octobre 2019 confirmant avoir affecté la somme de 60 000 euros au crédit du sous compte affaire "[C] [A] [J] /SA LE CREDIT LOGEMENT" et un bordereau de demande de mouvement de la somme de 60 000 euros déposée à la CARPA le 20 décembre 2019 au bénéfice de Me Daniel WERTER, avocat de la société LE CREDIT LOGEMENT ; qu'elle justifie ainsi d'un règlement partiel, lequel est intervenu postérieurement au jugement l'ayant condamné au paiement de la somme de 188 825,61 euros, montant total non contesté acquitté par la caution au prêteur ;
Attendu que l'appelante demande d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la capitalisation annuelle des intérêts à compter de la date de l'assignation ;
Que selon l'article 1343-2 du code civil, les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise ;
Que si la règle édictée par l'article L 312-23 du code de la consommation, selon lequel aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 du code de la consommation ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévue par ces articles, fait obstacle à l'application de la capitalisation des intérêts, il n'en demeure pas moins que ces dispositions ne sont pas applicables à la caution qui exerce son recours sur le fondement des articles 2305 et 2306 du code civil ;
Que par suite, la demande tendant à voir infirmer le jugement déféré en ce qu'il a ordonné la capitalisation annuelle des intérêts à compter de la date de l'assignation sera rejetée ;
Attendu qu'en conséquence, il n'y a lieu d'infirmer le jugement déféré que sur le seul montant de la condamnation et, statuant à nouveau, de condamner Mme [C], après déduction de la somme de 60 000 euros déjà versée, à payer à la société LE CREDIT LOGEMENT la somme de 128 825,61 euros ; qu'il convient de préciser néanmoins que les intérêts au taux légal courront sur la créance initiale de 188 825,61 euros à compter du 22 mars 2018 et jusqu'au paiement acté par la CARPA le 31 octobre 2019 et à la suite sur la somme 128 825,61 euros ;
Sur le délai de grâce
Attendu que l'appelante, ne niant pas sa qualité de débitrice, sollicite de se voir octroyer un délai de grâce de deux années ;
Qu'en application des dispositions du premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues ;
Que pour appuyer sa demande de délai de grâce, l'appelante prétend avoir donné à une agence immobilière un mandat exclusif de vente d'un bien immobilier situé au [Localité 1] au prix de 327 000 euros dans le but de régler la totalité de sa dette ; que pour appuyer ses propos, Mme [C] produit un document intitulé "Mandat de vente réussite +" lequel ne constitue manifestement qu'un projet de mandat de vente dès lors que ce document est dépourvu de toute signature tant de la part du mandant que du mandataire ;
Que par ailleurs, l'appelante indique également disposer de revenus locatifs pour un montant mensuel total de 2 300 euros et en justifie en produisant deux contrats de location ;
Que l'indication d'un revenu foncier brut non accompagné des charges y afférentes tant fiscales que personnelles ne permet pas à la cour d'en déduire que Mme [C] est en mesure de régler sa dette d'un montant de 188 825,61 euros dans un délai de 24 mois ;
Que de surcroît, Mme [C] a déjà bénéficié de fait d'un long délai de près de 4 ans, ayant été assignée devant le tribunal de grande instance le 4 mai 2018 ;
Que par voie de conséquence, la demande formulée par l'appelante en ce sens sera rejetée ;
Sur les mesures accessoires
Attendu que l'appelante qui succombe sera condamnée au paiement des dépens d'appel ;
Attendu que l'équité, en cause d'appel, ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Qu'en revanche, les dispositions du jugement de première instance seront sur ces deux points confirmées ;
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement par arrêt prononcé par mise à disposition au greffe ;
Confirme le jugement rendu le 20 juin 2019 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre sauf en ce qu'il a condamné Mme [A] [C] à verser à la société LE CREDIT LOGEMENT la somme de 188 825,61 euros ;
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant,
Condamne Mme [A] [J] [C] à verser à la société LE CREDIT LOGEMENT la somme de 128 825,61 euros,
Dit que les intérêts au taux légal courront sur la somme de 188 825,61 euros du 22 mars 2018 au 31 octobre 2019 et à la suite sur la somme de 128 825,61 euros ;
Rejette en cause d'appel la demande indemnitaire du CREDIT LOGEMENT fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [A] [J] [C] au paiement des dépens d'appel lesquels pourront être recouvrés par Me WERTER, avocat, pour ceux dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Signé par Claudine FOURCADE, président, et par Esther KLOCK, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier Le président