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25/02/2021 | FRANCE | N°18/00495

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 25 février 2021, 18/00495


COUR D'APPEL DE [Localité 1]


1ère CHAMBRE CIVILE


ARRET No 145 DU 25 FEVRIER 2021






No RG 18/00495 - CF/EK
No Portalis DBV7-V-B7C-C6JJ


Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 09 mars 2018, enregistrée sous le no 16/02016




APPELANTS :


Monsieur [B] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]


Représenté par Me Gérard PLUMASSEAU, (TOQUE 16) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART


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Monsieur [F] [O] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUADELOUPE)


Monsieur [Q] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUADELOUPE)


Madame [R] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUA...

COUR D'APPEL DE [Localité 1]

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRET No 145 DU 25 FEVRIER 2021

No RG 18/00495 - CF/EK
No Portalis DBV7-V-B7C-C6JJ

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, décision attaquée en date du 09 mars 2018, enregistrée sous le no 16/02016

APPELANTS :

Monsieur [B] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Représenté par Me Gérard PLUMASSEAU, (TOQUE 16) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Monsieur [F] [O] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUADELOUPE)

Monsieur [Q] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUADELOUPE)

Madame [R] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUADELOUPE)

Madame [H] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUADELOUPE)

Monsieur [U] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUADELOUPE)

Représentés tous deux par Me Pascal BICHARA-JABOUR, (TOQUE 14) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMES :

Monsieur [F] [O] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUADELOUPE)

Monsieur [V] [F]
[Localité 4]
[Localité 2]

Madame [R] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUADELOUPE)

Monsieur [H] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUADELOUPE)

Monsieur [U] [L]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUADELOUPE)

Monsieur [Q] [F]
[Adresse 2]
[Localité 3] (GUADELOUPE)

Représentés tous par Me Pascal BICHARA-JABOUR, (TOQUE 14) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

SOCIÉTÉ COMMUNALE DE SAINT-MARTIN "SEMSAMAR"
[Adresse 3]
[Localité 5]

Représentée par Me Michel PRADINES de la SCP BALADDA GOURANTON & PRADINES, (TOQUE 75) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 799-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 23 novembre 2020.

Par avis du 23 novembre 2020, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :

Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
Mme Joëlle SAUVAGE, conseillère,
qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 28 janvier 2021, lequel a été prorogé le 25 février 2021 pour des raisons de service.

GREFFIER

Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du code de procédure civile.Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Diverses actions en justice ont opposé [I] [Q] épouse [F], puis les consorts [F], aux consorts [E] et [J] [P], ce dernier, institué légataire universel de [T] [V] veuve [Q] de ses biens portant notamment sur la parcelle située commune du [Localité 3] (Guadeloupe) lieudit [Localité 4] cadastrée [Localité 1] [Cadastre 1] dont est issue après division la parcelle [Localité 1] [Cadastre 2]; puis à la suite de la vente de cette parcelle le 8 novembre 2005 à la société dénommée SOCIETE POINTOISE D'HLM DE LA GUADELOUPE, le tribunal d'instance de Pointe à Pitre a par décision en date du 23 mars 2012 après avoir écarté l'existence d'une indivision entre les parties, a homologué le rapport d'expertise judiciaire et fixé les limites.

Antérieurement le 29 mai 2006, la SOCIETE POINTOISE d'HLM DE LA GUADELOUPE avait obtenu un permis de construire numéro 9711130531192022 pour l'édification de 10 immeubles comprenant 90 logements sur cette parcelle, lequel a été transféré le 20 novembre 2008 à la SOCIETE COMMUNALE DE SAINT-MARTIN SAEML (SEMSAMAR) avec prorogation jusqu'au 29 mai 2009.

Par acte authentique en date du 28 octobre 2015, la société SEMSAMAR a acquis de la société d'hlm la parcelle située à [Localité 3], lieudit [Localité 4], cadastrée [Localité 1] no933 d'une contenance de 1 ha 50 a 85 ca, laquelle est bornée au Nord par les parcelles [Localité 1] no[Cadastre 3], [Cadastre 4], [Cadastre 5], [Cadastre 6] et [Cadastre 7], à l'Est par les parcelles [Localité 1] [Cadastre 8], à l'Ouest par la voirie communale et la parcelle [Localité 1] [Cadastre 9], et au Sud par les parcelles [Localité 1] [Cadastre 10] et [Cadastre 11].

Le 2 février 2016, le tribunal administratif a déclaré caduc le permis délivré le 20 novembre 2008, sous le numéro 9711130531192022 au bénéfice de la société SEMSAMAR.

Le 24 février 2016, la société EVDCEMA se prévalant de l'ordonnance du 2 février 2016 et notamment du constat de la caducité du permis de conduire numéro 9711130531192022 du 20 novembre 2018, a fait sommation à la société SEMSAMAR de cesser les travaux.

A compter du 11 mars 2016, la société SEMSAMAR a fait procéder par huissier à divers constats de l'obstruction de l'entrée du chantier au moyen de chaînes, cadenas et palettes par plusieurs individus du chantier.

Le 15 mars 2016, un permis de construire numéro 97111316G0050 pour la construction d'un ensemble immobilier d'habitations de 90 logements sur la parcelle [Localité 1] [Cadastre 2] a été accordée à la société SEMSAMAR par la commune du Gosier, lequel mentionnait au titre du terrassement et du gros oeuvre la société D.C.T DODIN GUADELOUPE.

Le 31 mars 2016, le tribunal administratif de Guadeloupe a déclaré non avenue son ordonnance du 2 février 2016.

Les 2, 9 et 21 juin 2016, les consorts [O] [F], [Q] [F], [P] [F] et [D] [L] ont saisi le tribunal administratif de la Guadeloupe, en annulation du permis de construire du 15 mars 2016 et en constat de la caducité des précédents permis des 29 mai 2006 et 28 mars 2016. Ce dernier a, le 31 janvier 2017, rejeté leur requête.

*****

Par acte d'huissier en date du 21 septembre 2016, la société SEMSAMAR a assigné [B] [Z], [F] [O] [F], [V] [F], [R] [L], [H] [L] et [U] [L] devant le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre aux fins de les voir, selon ses dernières conclusions du 14 septembre 2017, condamner in solidum, outre aux entiers dépens sous la même solidarité, aux sommes suivantes:
- au titre du blocage du chantier et de la réclamation des entreprises : 388 370,93 euros TTC,
- au titre des pertes locatives et financières : 41 770,03 euros,
- au titre des frais de gardiennage : 55 360,97 euros,
- au titre des frais de procès-verbaux de constat d'huissier : 6 356,27 euros,
- au titre des interventions et réclamations complémentaires du maître d'oeuvre et de l'assistant maître d'ouvrage : mémoire,
- au titre de l'atteinte de l'image de marque : 15 000 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile : 10 000 euros.

En réponse, [B] [Z] a conclu au rejet des demandes de la société SEMSAMAR et au paiement d'une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

[F] [O] [F], [V] [F], [R] [L], [H] [L] et [U] [L] ont également conclu à ce que la société SEMSAMAR soit déboutée de ses demandes et condamné à leur payer une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et celle de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Par jugement contradictoire du 9 mars 2018, le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre a, avec le bénéfice de l'exécution provisoire :
- jugé qu'[B] [Z], [F] [O] [F], [V] [F], [R] [L], [H] [L] et [U] [L] ont commis des fautes en arguant, faussement détenir un droit de propriété sur la parcelle numérotée [Cadastre 2] et en bloquant le chantier de construction de logements sociaux entrepris par la SEMSAMAR,
- débouté qu'[B] [Z], [F] [O] [F], [V] [F], [R] [L], [H] [L] et [U] [L] de leurs demandes reconventionnelles sur le fondement de l'article 32-1 du code de procédure civile et sur le versement de dommages et intérêts ;
- condamné in solidum qu'[B] [Z], [F] [O] [F], [V] [F], [R] [L], [H] [L] et [U] [L] à payer à la société communale de Saint Martin SEMSAMAR les sommes de :
. au titre du blocage du chantier et de la réclamation des entreprises : 388 370,93 euros,
. au titre des pertes locatives et financières : 41 770,03 euros,
. au titre des frais de gardiennage : 55 360,97 euros,
. au titre des frais de procès-verbaux de constat d'huissier : 6 356,27 euros,
. au titre des interventions et réclamations complémentaires du maître d'oeuvre et de l'assistant maître d'ouvrage : mémoire,
. au titre de l'atteinte de l'image de marque : 5 000 euros,
.en application de l'article 700 du code de procédure civile : 7 000 euros,
- rejeté le surplus des demandes des parties,
- condamné qu'[B] [Z], [F] [O] [F], [V] [F], [R] [L], [H] [L] et [U] [L] sous la même solidarité aux entiers dépens.

Par déclaration en date du 13 avril 2018, [B] [Z] a interjeté appel de ce jugement, affaire qui a été enregistré au répertoire général de la cour sous le numéro 18/0495.

Par déclaration en date du 30 mai 2018, [F] [O] [F], [V] [F], [R] [L], [H] [L] et [U] [L] ont interjeté appel de ce décision, laquelle a donné lieu à enregistrement sous le numéro 18/0697.

Par ordonnance en date du 31 octobre 2018, le premier président, saisi le 5 octobre 2018 par [L] [B] [Z], a ordonné l'arrêt de l'exécution provisoire prononcée dans le jugement du 9 mars 2018

Par ordonnance du 25 mars 2019, le conseiller de la mise en état, saisi par la société SEMSAMAR le 15 septembre 2018, a dit n'y avoir lieu à radiation de l'instance sur le fondement de l'article 526 du code de procédure civile et ordonné la jonction de la procédure inscrite sous le no18/0697 à l'instance inscrite sous le no18/0495, l'instance se poursuivant sous ce dernier numéro.

Les parties intimées ont constitué avocat et toutes ont conclu.

L'ordonnance de clôture, qui est intervenue le 23 septembre 2020 a fixé, en application de l'alinéa 3 de l'article 799 du code de procédure civile, le dépôt des dossiers des avocats à la cour le 23 novembre 2020, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré jusqu'au 28 janvier 2021. A cette date, compte tenu de la surcharge de la cour, le délibéré de l'affaire a été prorogé jusqu'au 25 février 2021 pour son prononcé par mise à disposition au greffe.

PRÉTENTIONS ET MOYENS

- LES APPELANTS :

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 9 juillet 2018 aux termes desquelles [B] [Z] demande à la cour de :
- réformer la décision querellée en ce qu'elle a retenu sa responsabilité délictuelle, voire quasi délictuelle en le condamnant in solidum à telle somme de dommages intérêts au profit de la SEMSAMAR,
- juger qu'il n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité vis à vis de la SEMSAMAR ;
- reconventionnellement, dire que l'action initiée à son encontre par la SEMSAMAR constitue un abus manifeste d'agir en justice, empreint de malveillance, de malice et de mauvaise foi ;
En conséquence :

- condamner la SEMSAMAR à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages intérêts pour son préjudice moral,
- condamner la même à lui payer la somme de 10 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens distraits au profit de Me Gérard PLUMASSEAU,

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 25 novembre 2019 par [R] [L], [H] [L], [U] [L], [F] [O] [F] et [V] [F] en vertu desquelles ils demandent de :
- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :
- débouter la SEMSAMAR de toutes ses demandes qui ne sont pas fondées,
- la condamner à payer aux concluants la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens,

- L'INTIMEE:

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 27 avril 2020 par lesquelles la SOCIETE COMMUNALE DE SAINT-MARTIN sollicite de voir:
- confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre le 9 mars 2018 en toutes ses dispositions, et débouter [B] [Z] et les consorts [F] [L] en toutes leurs demandes,
- condamner in solidum [B] [Z], [B] [Z], [F] [O] [F], [V] [F], [R] [L], [H] [L] et [U] [L] à lui payer la somme de 7 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens d'appel,

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le fond

Attendu qu'aux termes de l'article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ;

Qu'en vertu de l'article susvisé régissant la responsabilité extra-contractuelle, il incombe à celui qui sollicite réparation d'établir l'existence d'un fait dommageable, le préjudice et le lien de causalité entre ce dernier et la faute ou le fait allégué ;

Que la société SEMSAMAR, qui s'appuie, pour établir l'existence des faits dommageables, sur les divers constats de blocage du chantier ainsi que de diverses actions judiciaires et d'un article de presse, soutient que les consorts [F] sont identifiés et qu'ils n'ont pas hésité à recourir à des menaces et des violences physiques pour empêcher la réalisation du chantier, des riverains ayant apporté un concours effectif à leurs agissements illicites ; qu'elle met en exergue également que les faits constatés postérieurement démontrent que les consorts [F] sont bien les auteurs des troubles et des dommages qu'elle a subis ; qu'elle sollicite à la suite la réparation de préjudices découlant de ces actions de blocage et de l'atteinte à son image; qu'elle produit à cet effet, un devis daté du 6 juin 2016 de l'entreprise DODIN GUADELOUPE, en charge des travaux de terrassement et de gros oeuvre pour le préjudice qu'elle aurait subi du fait du blocage du chantier du 11 mars 2016 au 7 avril 2016, des factures de la société SCELLMENT PROTECTION, chargée de la surveillance du chantier du 1er avril au 8 mai 2016 et un récapitulatif des rais d'huissier pour l'établissement des constats ;

Que l'appelant, [B] [Z] fait valoir qu'il n'est pas concerné par les actions judiciaires et conteste tout agissement dans les faits de blocage du chantier de construction des logements sociaux et sollicite le rejet des demandes de la société SEMSAMAR; qu'il précise que s'il a été amené à se rendre à une réunion organisée en mairie [Localité 6] le 8 avril 2016, située à proximité du site du chantier, c'est dans le cadre d'un débat avec les élus sur les conséquences de la construction de l'ensemble immobilier sur d'éventuels risques de pollution de la nappe phréatique

Que les consorts [F] [L], qui se prévalent de la propriété opposent quant à eux que la société SEMSAMAR ne prouve pas leurs participations à des faits d'entrave durant la période du 11 mars au 7 avril 2016, cette dernière ne pouvant en outre entreprendre aucun travaux du fait de l'ordonnance du tribunal administratif du 2 février 2016 ayant déclaré caduc le permis de construire ; que le 11 mars 2016, alors que la société SEMSAMAR avait en dépit de cette décision, entendu poursuivre les travaux, aucun des appelants n'a été identifié par l'huissier lequel s'est contenté de noter la présence de 80 personnes; que s'agissant des constats datés de 2012 et 2013, la société SEMSAMAR ne peut s'en prévaloir; qu'outre l'absence de faute de leurs parts, ils invoquent pour la même raison l'absence de démonstration d'un préjudice subi par la société SEMSAMAR, cette dernière ne pouvant poursuivre l'exécution du chantier qu'après l'ordonnance du 31 mars 2016; qu'ils concluent, faute de telles démonstrations, au rejet de ses demandes ;

Que le fait d'interdire l'accès à un site privé, en l'espèce un chantier de construction au moyen de chaînes, cadenas et divers encombrants, en violation des droits du propriétaire de la parcelle, est constitutif d'un fait d'entrave portant atteinte au droit de propriété et est ainsi susceptible d'engager la responsabilité de son auteur, si le titulaire du droit démontre un préjudice en lien avec le fait illicite ;

Que ceci étant, en l'espèce, l'insuccès des actions judiciaires antérieures tendant à voir reconnaître le droit de propriété des consorts [F] à l'égard de [J] [P] ainsi que de la société d'HLM, tout comme les divers constats, ont été réalisés avant l'acquisition le 28 octobre 2015 de la parcelle BTE [Cadastre 2] par la société SEMSAMAR et sont ainsi inopérants pour caractériser des agissements fautifs en lien avec le préjudice dont la société SEMSAMAR demande réparation pour la période du 11 mars 2016 au 8 mai 2016 ; qu'au demeurant jusqu'à cette acquisition, elle ne pouvait se prévaloir que de la seule qualité de maître d'oeuvre de la construction de cet ensemble immobilier; que cependant, elle n'argue pas, ni au demeurant ne justifie, de ce qu'elle aurait subi en raison de cette qualité un préjudice distinct de celui du propriétaire de la parcelle ;

Que s'agissant de la période litigieuse, la société SEMSAMAR communique trois procès verbaux des 11, 16, 17 et 18 mars 2016 réalisés à l'entrée du chantier de construction, deux récépissés de plainte, ainsi qu'un article du journal FRANCE ANTILLES du 5 avril 2016 ;

Que si les 11, 16, 17 et 18 mars 2016, l'huissier a constaté la présence de chaînes, cadenas lesquels ferment les portails d'accès à la parcelle, ainsi que des palettes positionnées devant les grilles, il a relevé également sur les portails des pancartes cartonnées mentionnant notamment "NON RESPECT DE L'ORDONNANCE DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF DU 02/02/2016", "LES RIVERAINS EN COLERE", "PERMIS CADUC=ARRET DES TRAVAUX IMMEDIAT", "LE MAIRE A OBLIGATION D'EXIGER L'ARRET DES TRAVAUX SELON L'ORDONNANCE DU 02/02/2016", "QUE FAIT LE MAIRE AVEC L'ARGENT DES CONTRIBUABLES??"; qu' il a aussi observé les présences d'environ 80 personnes le 11 mars 2016, celles de [F] [F] et [V] [F] et de "quatre autres individus présents devant le chantier"les 16 et 17 mars 2016, et enfin uniquement celles de [F] [F] et [V] [F] le 18 mars 2016 ; qu'Olivier [A] et [W] [R], salariés de la société DODIN, en charge du terrassement et du gros oeuvre, ont attesté pour le premier des présences, outre de [F] [F], [Q] [F] et [Z] [F] de "10 à 15 personnes devant le chantier" dont le portail, entravé par des palettes et poubelles, était cadenassé le 11 mars 2016 et pour le second le 14 mars 2016 de 10 à 15 riverains, les battants du portail ayant été soudés; qu'Olivier [A] a également précisé qu'alors qu'il avait pris une pince monseigneur pour ouvrir le portail, il avait été pris à partie par [F] [F], [Q] [F] et [Z] [F] lesquels l'avait menacé de lui faire avaler la pince, de déposer la pince "s'il tenait à sa femme et ses enfants", et de le "shooter" ; qu'enfin, selon l'article de presse du 5 avril 2016, à la suite du communiqué du maire informant la population de la reprise des travaux le 4 avril 2016 du fait de la décision administrative du 31 mars 2016, les travaux n'avaient pas été repris la veille ; que [H] [U], entendue par l'organe de presse, avait expliqué que si les riverains n'avaient aucun problème avec la création de logements sociaux, ils s'érigeaient contre les "méthodes d'intimidation qui consistent à déposséder les Guadeloupéens de leurs terres" ; que la SEMSAMAR, quant à elle, souhaitait privilégier le dialogue, tout en précisant que le "problème d'évacuation des eaux usées" n'était pas réel du fait de la construction d'une station d'épuration ;

Que ces pièces font indéniablement foi de l'existence d'un conflit entre les riverains de la parcelle appartenant à la SEMSAMAR et cette dernière ; que l'existence de ce conflit est au demeurant attestée par [S] [H], élu de la municipalité de [Localité 3] ayant assisté à une réunion le 8 avril 2016 entre "la ville et les administrés de [Localité 4]" au cours de laquelle est intervenu [B] [Z] pour poser le débat sur le risque de pollution de la proximité de la nappe phréatique et de la capacité d'accueil des logements en cours de construction; que pour autant, si ces mêmes pièces établissent les manifestations devant le site du chantier, elles ne démontrent cependant pas, aux dates des constats et plaintes, les présences d'[B] [Z], [H] [L], [R] [L] et d'[U] [L] ; que faute d'établir leur concours à des agissements illicites, la société SEMSAMAR est infondée à généraliser son action à l'encontre des "riverains", lesquels ont le droit de manifester leur opposition dès lors que celle ci est réalisée de manière pacifique ; qu'en revanche, ces documents prouvent celles de [F] [F] et [V] [F], lesquels ne sont pas bornés à participer à la manifestation, et , même s'il n'est pas établi qu'ils aient eux-mêmes cadenassés le portail ou l'ai soudé, y ont joué un rôle actif dans l'entrave apportée au déroulement du chantier, en menaçant un employé de l'entreprise de construction ; que de telles menaces sont constitutives de pressions illicites pour interdire l'accès aux salariés du chantier et outrepassent ainsi la liberté d'expression et de manifestation reconnu à tout citoyen; que les propos délictueux de [F] [F] et [V] [F] ne peuvent être justifiés, comme ils le soutiennent par les dispositions de l'ordonnance du 2 février 2016, laquelle a déclaré caduc le permis de construire du 20 novembre 2008 et ordonné la cessation des travaux entrepris sur les parcelles portant numéros [Localité 1] [Cadastre 12], [Cadastre 9] et [Cadastre 3] et non au demeurant [Cadastre 2] ; qu'aucune disposition légale n'autorisent ceux-ci d'user de telles modalités pour assurer l'exécution d'une décision administrative ou judiciaire ; qu'elles ne s'inscrivent manifestement pas dans le cadre des droits de [F] [F] et [V] [F], lesquels par ce comportement illicite, portent atteintes aux droits de propriétaire de la société SEMSAMAR ;

Que cependant, pour les quatre jours où les pressions de [F] [F] et [V] [F] sont avérées, la société SEMSAMAR ne justifie pas par la lettre de réclamation portant un simple devis de l'entreprise DODIN, l'existence d'un retard dans le déroulement des opérations de construction induisant un surcoût ; qu'il ressort de ce devis que cette société lui impute "des frais complémentaires consécutifs à la prolongation du chantier de 1 mois" notamment des frais généraux et des intérêts moratoires pour un montant total de 289 091, 23 euros; que la société SEMSAMAR ne communique pas le contrat conclu avec cette entreprise permettant à la cour de vérifier ses stipulations au titre d'éventuels retards qui seraient imputables au maître de l'ouvrage, et toutes pièces révélant la date du commencement d'intervention de la société DODIN et de la réception des travaux ; que par conséquent, alors que les pressions des consorts [F] de nature à entraver le déroulement du chantier ne sont au demeurant établies que pour 4 journées et non un mois, la société SEMSAMAR ne prouve pas sur la base de ce seul devis de son préjudice économique intégrant le surcoût du chantier, des pertes locatives, ainsi que pour la période postérieure du 1er avril 2016 au 8 mai 2018, des frais de gardiennage non justifiés au demeurant par la démonstration de nouvelles interventions des consorts [F] ; qu'enfin, l'atteinte à son image ne peut se déduire du seul article de presse, qui ne relate que les positions de chacune des parties au conflit ;

Que dès lors, défaillante à démontrer de tels préjudices et leur lien de causalité avec les seuls agissements illicites limités dans le temps qu'elle démontre à l'égard des seuls consorts [F], la société SEMSAMAR sera déboutée de l'ensemble de ses demandes, le montant des frais de constats d'huissier qui est dépendant du succès de ses prétentions principales en réparation, lesquelles sont défaillies, ne pouvant qu'être écarté ;

Qu'en conséquence, la société SEMSAMAR sera déboutée de l'ensemble de ses demandes et à la suite la décision de premier ressort sera infirmée en toutes ses dispositions ;

Sur les mesures accessoires

Attendu qu'une action en justice constitue de principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à dommages et intérêts, qu'en cas de faute dûment établie dans son exercice ; que l'insuccès de l'action de la société SEMSAMAR ne caractérise en tant que tel aucune volonté de nuisance ou faute ou atteinte à la liberté d'expression ; que la demande indemnitaire présentée par [B] [Z], qui ne prouve pas les éléments démontrant une éventuelle malveillance de l'action introduite par celle-ci à son égard ne peut qu'être rejetée;

Attendu qu'en application de l'article 696 du code de procédure civile, la société SEMSAMAR, qui succombe, sera condamnée aux dépens de l'instance d'appel;

Que l'équité ne commande pas en l'espèce de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Que les dispositions de première instance seront également sur ces points infirmées ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe:

Infirme le jugement prononcé le 9 mars 2018 par le tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la SOCIETE COMMUNALE DE SAINT-MARTIN (SEMSAMAR) de toutes ses demandes,

Rejette les demandes d'[B] [Z] fondée sur les dispositions des articles 1240 et 32-1 du code de procédure civile et celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute [F] [O] [F], [V] [F], [R] [L], [H] [L], [U] [L] de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

Condamne la SOCIETE COMMUNALE DE SAINT-MARTIN aux entiers dépens, lesquels pourront être recouvrés par Gérard PLUMASSEAU, avocat du barreau de la Guadeloupe, Saint-Martin et Saint-Martin pour ceux dont il a fait avance sans avoir reçu provision ;

Signé par Claudine FOURCADE, président, et par Esther KLOCK, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 18/00495
Date de la décision : 25/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-25;18.00495 ?
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