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22/02/2021 | FRANCE | N°18/01512

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 22 février 2021, 18/01512


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE


CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 95 DU VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN


AFFAIRE No : No RG 18/01512 - No Portalis DBV7-V-B7C-DBAJ


Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 23 octobre 2018-Section Encadrement.


APPELANT


Monsieur [T] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Maître Chantal BEAUBOIS (Toque 3), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART


INTIMÉE


ASSOCIATION POUR L'AIDE A L'ENFANCE ET A L'ADOLESCENCE AAEA>[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Maître Jérôme NIBERON de la SCP MORTON & ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau ...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 95 DU VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN

AFFAIRE No : No RG 18/01512 - No Portalis DBV7-V-B7C-DBAJ

Décision déférée à la Cour : Jugement du Conseil de Prud'hommes de POINTE A PITRE du 23 octobre 2018-Section Encadrement.

APPELANT

Monsieur [T] [L]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Maître Chantal BEAUBOIS (Toque 3), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉE

ASSOCIATION POUR L'AIDE A L'ENFANCE ET A L'ADOLESCENCE AAEA
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par Maître Jérôme NIBERON de la SCP MORTON & ASSOCIES (Toque 104), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 4 janvier 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseiller, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,
Mme Annabelle Clédat, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 22 février 2021

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile Pommier, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff,conseiller, présidente et par Mme Souriant Valérie, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [T] [L] a été engagé par l'association d'aide à l'enfance et à l'adolescence par contrat à durée indéterminée à temps complet à compter du 1er novembre 1985, en qualité d'éducateur spécialisé, puis à compter du 1er octobre 1997 en qualité de chef de service, et enfin à compter du 1er mars 2010 en qualité de directeur.

Par courrier en date du 4 novembre 2014, Monsieur [T] [L] a sollicité auprès de son employeur, la régularisation de ses cotisations sociales pour l'année 1993 et de retraite complémentaire pour les années 1997, 1998, 1999 et 2010.

Dans le cadre de son départ volontaire à la retraite, le contrat de travail de Monsieur [T] [L] a été rompu le 30 septembre 2015.

Par courrier du 25 avril 2016, Monsieur [T] [L] a de nouveau sollicité auprès de l'association d'aide à l'enfance et à l'adolescence, le rétablissement de ses droits au régime général de la sécurité sociale, et au régime de retraite complémentaire de l'AGIRC.

Estimant que son employeur n'a pas cotisé au régime général de la sécurité sociale au titre de l'année 1993, et au régime de retraite complémentaire au titre des années 1997, 1998 et 1999, Monsieur [T] [L] a saisi par requête réceptionnée au greffe le 7 juillet 2017, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre aux fins de versement de dommages et intérêts et de rappels de salaire.

Par jugement rendu contradictoirement le 23 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre a :

- déclaré recevable la demande de Monsieur [T] [L],
- débouté Monsieur [T] [L] de sa demande de dommages et intérêts,
- débouté les deux parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné les deux parties aux entiers dépens.

Selon déclaration reçue au greffe de la cour le 21 novembre 2018, Monsieur [T] [L] a formé appel dudit jugement, qui lui a été notifié le 29 octobre 2018.

Par ordonnance du 8 octobre 2020, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction, et renvoyé la cause à l'audience du 4 janvier 2021 à 14h30.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 septembre 2019 à l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence, Monsieur [T] [L] demande à la cour de :

- confirmer la recevabilité de son action,
- infirmer le jugement du conseil de prud'hommes du 23 octobre 2018 en ce qu'il l'a débouté de sa demande formée à titre de dommages et intérêts, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et au titre de l'exécution provisoire,
En conséquence,
- déclarer sa demande recevable,
- constater que l'association n'a pas cotisé au régime de retraite complémentaire de l'AGIRC pour les années 1997 à 1999,
- dire et juger que cette absence de cotisations lui cause nécessairement un préjudice qu'il appartient à l'association de réparer intégralement,
- condamner l'association à lui verser les sommes suivantes :
- 18 000 euros à titre de dommages et intérêts,
- 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [T] [L] soutient que :

- son action n'est pas prescrite dans la mesure où il a saisi le conseil de prud'hommes moins de deux ans après la rupture de son contrat de travail,
- de plus, le délai de prescription n'a commencé à courir qu'au moment où il a liquidé sa pension de retraite, date à laquelle il a eu connaissance du préjudice résultant de l'absence de cotisation par son employeur au régime général et au régime de retraite complémentaire des cadres,
- le délai de prescription de deux ans n'est donc pas atteint,
- cette absence de cotisation lui a nécessairement causé un préjudice,
- l'association ne conteste ni l'absence de cotisation, ni son statut de cadre.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 25 février 2019 à Monsieur [T] [L], l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
- déclarer Monsieur [T] [L] irrecevable en son action pour cause de prescription,
- débouter Monsieur [T] [L] de toutes ses demandes,
- condamner Monsieur [T] [L] au paiement de la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence expose que :

- l'action de Monsieur [T] [L] est prescrite,
- le point de départ du délai de prescription de deux ans court au moins à compter du 13 juin 2014 et au plus tard le 4 novembre 2014, dates auxquelles Monsieur [T] [L] a connu les faits lui permettant d'exercer son droit,
- les demandes indemnitaires du salarié sont infondées et excessives.

MOTIFS

Sur la prescription de l'action de Monsieur [T] [L]

Aux termes de l'article 2224 du code civil dans sa version applicable, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Il est constant que l'obligation de l'employeur d'affilier ses salariés au régime général de la sécurité sociale et d'acquitter les cotisations sociales correspondantes est soumise à la prescription de droit commun.

En application des dispositions légales précitées, le délai de prescription de l'action fondée sur l'obligation pour l'employeur d'affilier son personnel à un régime de retraite complémentaire et de régler les cotisations qui en découlent ne court qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite, jour où le salarié titulaire de la créance à ce titre a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer son action. En effet, en présence d'une créance dépendant d'éléments qui ne sont pas connus du créancier et qui résultent de déclarations que le débiteur est tenu de faire, la prescription ne court qu'à compter de la liquidation par le salarié de ses droits à la retraite.

En l'espèce, les bulletins de paie de Monsieur [T] [L] pour la période concernée ne sont pas produits, ce qui place la cour dans l'impossibilité de vérifier si la lecture de ces documents permettait, à la date de leur délivrance, de constater l'insuffisance des cotisations.

Il résulte des éléments versés au dossier que dans le cadre d'un départ volontaire à la retraite, Monsieur [T] [L] a quitté ses fonctions de directeur au sein de l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence le 30 septembre 2015.

Il ressort du courrier en date du 25 avril 2016 adressé à l'association, que Monsieur [T] [L] a sollicité la liquidation de ses droits à la retraite lors de son départ de l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence, soit le 30 septembre 2015.

Dès lors, le délai de prescription d'une durée de cinq ans prévu par les dispositions de l'article 2224 du code civil a commencé à courir le 30 septembre 2015.

Lors de sa saisine du conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 7 juillet 2017, l'action de Monsieur [T] [L] fondée sur l'obligation pour l'employeur d'affiliation à un régime de retraite complémentaire et de règlement des cotisations qui en découlent, n'était pas prescrite.

En conséquence, Monsieur [T] [L] est recevable en son action.

Le jugement est confirmé sur ce point.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de cotisation au régime de retraite complémentaire des cadres

Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, aux termes de ses écritures, Monsieur [T] [L] sollicite le versement de dommages et intérêts à hauteur de 18 000 euros au titre de l'absence de cotisation par l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence au régime de retraite complémentaire de l'AGIRC pour les années 1997, 1998 et 1999.

Il apparaît à la lecture des éléments contractuels produits que Monsieur [T] [L] occupait à compter du 1er octobre 1997 le poste de chef de service, statut cadre, puis à compter du 1er juillet 2002, le poste de directeur, statut cadre.

L'association ne conteste pas qu'au cours de la relation contractuelle, Monsieur [T] [L] occupait la position de cadre en qualité de chef de service puis de directeur.

Force est de constater également que l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence ne conteste pas l'absence de cotisation au régime de retraite complémentaire de l'AGIRC pour les années 1997 à 1999. L'ancien employeur de Monsieur [T] [L] se contente d'affirmer que « le doute qui entoure cette demande ne pourra que conduire à son rejet ».

La cour constate que selon le relevé de retraite complémentaire communiqué par Monsieur [T] [L], aucun point AGIRC n'a été comptabilisé pour les années 1997, 1998 et 1999.

En outre, par courrier du 4 novembre 2014, Monsieur [T] [L] sollicitait auprès de l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence la régularisation de ses cotisations au régime de retraite complémentaire dans les termes suivants :

« Monsieur le directeur,

Je réitère ma demande du 13 juin 2014 en vous faisant parvenir ce nouveau courrier. Je vous saurai gré de bien vouloir procéder à la régularisation de ma situation concernant d'une part, les cotisations salariales de l'année 1993 auprès de la caisse générale de sécurité sociale ; et d'autre part, les cotisations à la caisse de retraite des cadres pour les années 1997, 1998, 1999 et 2010.

Tel que le stipule la loi du 21 août 2003, l'assurance retraite m'a fait parvenir les éléments détaillés en l'état des informations qu'ils détiennent. Il apparaît des absences de cotisations pour les années citées ci-dessus. Je précise que pour les années 1997 à 1999 mon salaire est traité sur le compte du SCEP actuellement SCEPSI, et que par un avenant à mon contrat de travail, je fus nommé chef de service en 1997. Durant cette période, mes feuilles de paye ne laissent apparaître aucune cotisation à la caisse des cadres. Il en est de même pour l'an 2010, d'où un manque de points pour ma carrière. Cette démarche est un préalable à ma demande de départ à la retraite. (...) »

Par courrier du 25 avril 2016, l'avocat de Monsieur [T] [L] réitérait la demande de celui-ci auprès de son ancien employeur dans les termes suivants :

« (…) A son départ, Monsieur [L] a eu la désagréable surprise de constater que l'association avait omis de cotiser pour son compte :

- pour l'année 1993, au régime général de la sécurité sociale,
- et pour les années 1997 à 1999 au régime de retraite complémentaire de l'AGIRC, alors qu'il bénéficiait du statut de cadre depuis le 1er octobre 1997.

Il résulte de cette omission, outre la perte des points de retraite au régime général, une minoration de 5 % de la retraite complémentaire AGIRC.

Monsieur [L] m'a indiqué vous avoir sollicité à plusieurs reprises afin que vous procédiez à la régularisation de ces cotisations, en vain. (...) »

Il se déduit de l'ensemble de ces éléments que c'est à tort que l'association n'a pas cotisé pour le compte de Monsieur [T] [L] qui possédait en tant que chef de service un statut cadre, au régime de retraite complémentaire de l'AGIRC pour les années 1997, 1998 et 1999.

Cependant, Monsieur [T] [L] n'apporte aucun élément afin de justifier le préjudice moral qu'il allègue.

En conséquence, l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence sera condamnée à verser à Monsieur [T] [L] la somme de 16 100 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice financier du fait de l'absence de cotisation au régime de retraite complémentaire des cadres pour les années 1997, 1998 et 1999.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur les autres demandes

Au regard de la solution apportée au règlement du litige, il convient de débouter l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence de sa demande formée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable que Monsieur [T] [L] supporte l'intégralité de ses frais irrépétibles. En conséquence, l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence sera condamnée à lui verser la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens sont mis à la charge de l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,

Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Pointe-à-Pitre le 23 octobre 2018 en ce qu'il a dit que l'action de Monsieur [T] [L] n'est pas prescrite,

L'infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau,

Condamne l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence à verser à Monsieur [T] [L] la somme de 16 100 euros à titre de dommages et intérêts pour absence de cotisation au régime de retraite complémentaire des cadres pour les années 1997, 1998 et 1999,

Y ajoutant,

Condamne l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence à verser à Monsieur [T] [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Dit que les dépens de l'instance d'appel sont à la charge de l'association pour l'aide à l'enfance et à l'adolescence,

Déboute les parties du surplus de leurs demandes.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 18/01512
Date de la décision : 22/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-22;18.01512 ?
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