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22/02/2021 | FRANCE | N°17/00862

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 22 février 2021, 17/00862


RLG/VS
























COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE


CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 93 DU VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN


AFFAIRE No : No RG 17/00862 - No Portalis DBV7-V-B7B-C2WE


Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Social de la Guadeloupe du 8 novembre 2011.


APPELANT


Monsieur [Q] [Y]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Maître Claudel DELUMEAU de la SELARL JUDEXIS (Toque 44), avocat au barrea

u de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART




INTIMÉS


CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPE, représentée par Mme [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Mme [Z] [B] ...

RLG/VS

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT No 93 DU VINGT DEUX FEVRIER DEUX MILLE VINGT ET UN

AFFAIRE No : No RG 17/00862 - No Portalis DBV7-V-B7B-C2WE

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal des Affaires de Sécurité Social de la Guadeloupe du 8 novembre 2011.

APPELANT

Monsieur [Q] [Y]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Maître Claudel DELUMEAU de la SELARL JUDEXIS (Toque 44), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉS

CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA GUADELOUPE, représentée par Mme [S]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Mme [Z] [B] en vertu d'un pouvoir général

ASSOCIATION AGS CGEA DE [Localité 1]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Maître Frederic FANFANT de la SELARL EXCELEGIS (Toque 67), avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

Maître [G] [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la société FRANCE ANTILLES GUADELOUPE
[Adresse 3]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représenté par Maître BERTEde la SCP BERTE et Associés substitué par Maître SUVIERI, avocat au barreau de MARTINIQUE

INTERVENANT FORCE

S.A. ALLIANZ
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Maître Isabelle WERTER-FILLOIS (Toque 8) substitué par Maître MORELLI, avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 4 janvier 2021, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Rozenn Le Goff, conseiller, présidente,
Mme Gaëlle Buseine, conseiller,
Mme Annabelle Clédat, conseiller,

Les parties ont été avisées à l'issue des débats de ce que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour le 22 février 2021

GREFFIER Lors des débats : Mme Lucile POMMIER, greffier principal.

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées conformément à l'article 450 al 2 du CPC. Signé par Mme Rozenn Le Goff, conseiller, présidente, et par Mme Souriant Valérie, greffier, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

*******

FAITS ET PROCÉDURE

Le 28 septembre 2006, M. [Q] [Y], salarié de la société France Antilles Guadeloupe, a été victime d'un accident du travail : sa main droite a été happée par la machine sur laquelle il travaillait.

Le 22 avril 2009, M. [Y] adressait une requête au tribunal des affaires de sécurité sociale de la Guadeloupe en faisant valoir que la société France Antilles Guadeloupe s'était rendue coupable d'une faute inexcusable et sollicitait une expertise aux fins d'évaluation du préjudice corporel qu'il avait subi.

Par jugement du 8 novembre 2011, la juridiction saisie constatait que M. [Y] ne rapportait pas la preuve de la faute inexcusable de son employeur, voire du lien de causalité entre la faute et le préjudice, et rejetait les demandes de M. [Y].

Par déclaration du 14 février 2012, l'avocat de M. [Y] interjetait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 10 février 2012.

Par arrêt du 1er décembre 2014, la cour a :
- Rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription et soulevée par la société France Antilles Guadeloupe,
- Déclaré recevables les demandes de M. [Y],
- Dit que la faute inexcusable de l'employeur est à l'origine de l'accident subi par M. [Y],
- Sursis à statuer sur l'indemnisation des préjudices qui en sont résultés, et qui ne sont pas couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale,
- Ordonné l'expertise médicale de M. [Y] et désigné pour y procéder le docteur [J] [Q],
- Ordonné le versement par M. [Y], entre les mains du régisseur d'avances et de recettes du greffe de la cour d'appel, d'une consignation d'un montant de 700 euros à valoir sur la rémunération de l'expert, et ce dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt sous peine de caducité de la désignation de l'expert,
- Dit qu'en cas d'empêchement de l'expert commis, il sera pourvu à son remplacement d'office ou sur simple requête de la partie la plus diligence par ordonnance du magistrat chargé de l'instruction de l'affaire,
- Condamné la société en France Antilles Guadeloupe à payer à M. [Y] la somme de 8 000 euros à titre d'indemnité provisionnelle à valoir sur la réparation définitive de ses préjudices, et celle de 2 500 euros à titre d'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure, pour les frais irrépétibles exposés à la date de l'arrêt.

Par jugement du tribunal mixte de commerce de Pointe-à-Pitre du 30 avril 2015, la société France Antilles Guadeloupe a été placée en redressement judiciaire, puis en liquidation judiciaire par jugement du 11 mai 2017.

Le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) de [Localité 1], unité déconcentrée de l'UNEDIC et Me [G] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la société France Antilles Guadeloupe, sont intervenus à la procédure.

Par ordonnance du 22 mai 2017, le magistrat chargé d'instruire l'affaire a :
- ordonné la radiation de l'affaire du rôle de la cour,
- dit que l'affaire ne pourra être rétablie au rôle à la demande d'une partie, que si celle-ci justifie avoir notifié ses pièces et conclusions à la partie adverse, en vue de l'audience des débats à laquelle il sera statué sur l'appel de M. [Y],
- dit que le docteur [J] [Q] devra procéder à la communication de son rapport d'expertise à la Caisse Générale de Sécurité sociale de la Guadeloupe,
- dit que, conformément aux dispositions de l'article 381 alinéa 3 du code de procédure civile, cette ordonnance sera notifiée par lettre simple aux parties ainsi qu'à leurs représentants.

L'affaire a été réinscrite au rôle de la cour le 23 juin 2017.

Par arrêt du 30 septembre 2019, la cour a :
- Mis hors de cause le Centre de Gestion et d'Etude AGS (CGEA) de [Localité 1], unité déconcentrée de l'UNEDIC,
- Ordonné la réouverture des débats,
- Enjoint à Me [H], ès-qualité de liquidateur judiciaire de la Société France Antilles Guadeloupe de communiquer à la Caisse le nom et les coordonnées de son assureur dans les huit jours de la notification du présent arrêt, en vue de sa mise en cause,
- Invité les parties à actualiser leurs conclusions en tenant compte du rapport définitif d'expertise du 2 août 2016, de la procédure collective affectant la société France Antilles Guadeloupe et de l'éventuelle mise en cause de l'assureur de celle-ci, ainsi qu'à échanger leurs pièces et conclusions y afférentes,
- Réservé toutes autres demandes ainsi que les dépens.

La compagnie d'assurances Allianz IARD est intervenue à la procédure, ès qualités d'assureur de la société France Antilles Guadeloupe.

Les parties ont conclu et l'affaire a été retenue à l'audience du 4 janvier 2021.

Lors de cette audience, Me [G] [H] est intervenu volontairement en qualité de mandataire de
la société France Antilles, celle-ci ayant fait l'objet d'une reprise.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 16 octobre 2020, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, M. [Q] [Y] demande à la cour de :
- CONDAMNER la SNC France Antilles Guadeloupe à lui payer les sommes suivantes :
Au titre des Frais Divers : 55 643,21 euros
Au titre du déficit fonctionnel temporaire : 13 300,00 euros
Au titre du préjudice esthétique temporaire : 3 500,00 euros
Au titre des souffrances endurées : 30 000,00 euros
Au titre du préjudice esthétique permanent :5 000,00 euros
Au titre du déficit fonctionnel permanent : 36 000,00 euros
Au titre de l'Incidence Professionnelle : 190 000,00 euros
Au titre du préjudice d'agrément : 15 000,00 euros
Au titre des Dépenses de santé futures :1 000,00 euros
- CONDAMNER la SNC France Antilles Guadeloupe à lui payer la somme de 3500,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL JUDEXIS.
- DIRE ET JUGER que l'arrêt à intervenir sera opposable à la Société BR ASSOCIES ès qualité de liquidateur judiciaire de la SNC France Antilles Guadeloupe et à la Caisse Générale de Sécurité Sociale de la Guadeloupe.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 décembre 2020, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la compagnie d'assurances Allianz IARD demande à la cour de :
A titre principal
DECLARER irrecevable sa mise en cause ;
A titre infiniment subsidiaire
FIXER de la façon suivante les indemnités allouées à M. [Y] :
Préjudices patrimoniaux
Dépenses de santé actuelles : néant
Frais divers :48.944,00 euros
Dépenses de santé futures : rejet
Incidence Professionnelle : rejet
Préjudices extra patrimoniaux
Déficit fonctionnel temporaire : 10.756,00 euros
Préjudice esthétique temporaire : 500,00 euros
Souffrances endurées : 10.000,00 euros
Déficit fonctionnel permanent : rejet
Préjudice esthétique permanent : 3500 euros
Préjudice d'agrément : rejet
STATUER ce que de droit sur les dépens.

Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 24 juillet 2018, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la société France Antilles Guadeloupe représentée par son mandataire Me [G] [H], demande à la cour de :
- réduire à de plus justes proportions les demandes de M. [Q] [Y] au titre des frais divers, du déficit fonctionnel temporaire, du préjudice esthétique temporaire, des souffrances endurées, du préjudice esthétique permanent, de l'incidence professionnelle, du préjudice fonctionnel permanent ;
- dire que M. [Q] [Y] ne justifie d'aucun préjudice d'agrément et le débouter de sa demande de ce chef ;
- débouter M. [Q] [Y] de l'ensemble de ses fins et prétentions contraires ainsi que de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon ses dernières conclusions notifiées le 15 octobre 2020, auxquelles il a été fait référence lors de l'audience des débats, la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe demande à la cour de :
- réduire à de plus justes proportions l'indemnisation des souffrances endurées, du préjudice esthétique permanent, de l'incidence professionnelle et de façon plus générale l'indemnisation du préjudice subi par M. [Q] [Y] ;
- débouter M. [Q] [Y] de ses demandes indemnitaires de frais divers, du préjudice esthétique temporaire, du déficit temporaire et du préjudice d'agrément ;
- condamner l'assureur de la société France Antilles Guadeloupe à lui rembourser la somme qu'elle sera amenée à verser à M. [Q] [Y].

En application de l'article 455 du Code de Procédure Civile, il convient de se référer aux conclusions des parties pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions.

MOTIFS DE LA DECISION

I / Sur la demande de mise hors de cause de la compagnie d'assurances Allianz IARD

En vertu de l'article 555 du code de procédure civile, les personnes qui n'ont été ni parties ni représentées en première instance peuvent être appelées devant la cour, même aux fins de condamnation, quand l'évolution du litige implique leur mise en cause.

En l'espèce, le litige a évolué puisque par arrêt du 1er décembre 2014, la cour a reconnu que l'accident du travail dont a été victime M. [Q] [Y] le 28 septembre 2006 était dû à une faute inexcusable de son employeur, la société France Antilles Guadeloupe.

Dès lors, c'est à juste titre, que la compagnie d'assurances Allianz IARD s'est vue signifier, à l'initiative de la caisse générale de sécurité sociale le 3 avril 2020, l'arrêt rendu en la cause le 30 septembre 2019.

Il ressort des pièces du dossier qu'au vu de cette signification, la compagnie d'assurances Allianz IARD est intervenue volontairement la procédure.

Elle ne peut donc demander à présent sa mise hors de cause.

II /sur la réparation du préjudice subi par M. [Q] [Y]

L'article L.452-1 du Code de la Sécurité Sociale dispose que lorsque l'accident est dû à la faute inexcusable de l'employeur ou de ceux qu'il s'est substitué dans la direction, la victime ou ses ayants droits ont droit à une indemnisation complémentaire.

Selon l'article L.452-3 du Code de sécurité sociale, « Indépendamment de la majoration de rente qu'elle reçoit en vertu de l'article précédent, la victime a le droit de demander à l'employeur devant la juridiction de sécurité sociale la réparation du préjudice causé par les souffrances physiques et morales par elle endurées, de ses préjudices esthétiques et d'agrément ainsi que celle du préjudice résultant de la perte ou de la diminution de ses possibilités de promotion professionnelle. Si la victime est atteinte d'un taux d'incapacité permanente de 100 %, il lui est alloué, en outre, une indemnité forfaitaire égale au montant du salaire minimum légal en vigueur à la date de consolidation.
De même, en cas d'accident suivi de mort, les ayants droit de la victime mentionnés aux articles L. 434-7 et suivants ainsi que les ascendants et descendants qui n'ont pas droit à une rente en vertu desdits articles, peuvent demander à l'employeur réparation du préjudice moral devant la juridiction précitée.
La réparation de ces préjudices est versée directement aux bénéficiaires par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur. »

Afin de déterminer l'importance des préjudices non couverts par le livre IV du code de la sécurité sociale, et de fixer les indemnités correspondantes, la cour a ordonné une expertise médicale confiée au docteur [J] [Q].

Il ressort du rapport d'expertise déposé le 2 août 2016 que l'accident du travail dont il a été victime le 28 septembre 2006 a occasionné à M. [Q] [Y] un « dégantage complet de l'index droit » et des « plaies délabrantes des 3ème et 4ème doigts droits » ; que M. [Q] [Y] a subi le 3 novembre 2006, une greffe de peau sur l'index droit avec prise de greffon à l'avant-bras droit et le 6 juin 2008, une nouvelle greffe de peau sur le même doigt, puis, le patient ne supportant plus les douleurs permanentes de son index blessé, une amputation de ce doigt à la partie moyenne de la phalange proximale, réalisée le 5 septembre 2008 ; M. [Q] [Y] encore été hospitalisé le 17 avril 2009 pour l'ablation d'un névrome au niveau du moignon de l'amputation avec une neurolyse des nerfs collatéraux et le 7 juin 2010, pour l'ablation d'un névrome récidivant au niveau du moignon.

L'expert a fixé la consolidation de M. [Q] [Y] au 28 décembre 2011 et retenu les préjudices suivants :
- dépenses de santé engagées du 28 septembre 2006 au 10 mars 2015 avec dépassement d'honoraires,
- frais divers :
*du 7 octobre 2006 au 5 novembre 2009 : aide personnelle d'une heure par jour tous les jours pour la réalisation des activités personnelles nécessitant l'usage impératif et concomitant des deux mains, et aide ménagère de deux heures par jour, tous les jours pour la réalisation des activités domestiques empêchées,
*du 8 juin 2010 au 8 juillet 2010 : aide personnelle d'une heure par jour tous les jours et aide ménagère d'une heure par jour les jours ouvrables
- perte de gains professionnels actuelle : diminution des revenus
- déficit fonctionnel temporaire :
*total : hospitalisations
du 28/09/2006 au 06/10/2009
du 03/11/2006 au 04/11/2006
les 04/04/2007, 19/05/2008, 06/06/2008, 05/09/2008, 17/04/2009, 07/06/2010
* partiel à 60 % :
du 07/10/06 au 02/11/2006
du 05/11/2006 au 03/04/2007
*partiel à 40%
du 05/04/2007 au 18/05/2008
du 20/05/2008 au 05/06/2008
du 07/06/2008 au 04/09/2008
du 06/09/2008 au 16/04/2009
du 18/04/2009 au 05/11/2009
*partiel à 30%
du 06/11/2009 au 06/06/2010
du 08/06/2010 au 08/07/2010
* partiel à 20%
du 09/07/2010 au 27/12/2011
- souffrances endurées : 5/7
- préjudice esthétique temporaire : 3/7
- dépenses de santé futures : 20 séances de suivi neuropsychologique pour un montant global de 1000 euros
- déficit fonctionnel permanent : 18 %
- incidence professionnelle : constituée
- préjudice d'agrément : constitué
- préjudice esthétique permanent : 2/7

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par M. [Q] [Y], né le [Date naissance 1] 1982 , exerçant la profession de manutentionnaire lors des faits, sera réparé ainsi que suit étant observé qu'en vertu de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, les recours subrogatoires des caisses contre les tiers s'exercent poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'elles ont pris en charge, à l'exclusion des préjudices à caractère personnel ; que cependant, si le tiers payeur établit qu'il a effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un poste de préjudice personnel, son recours peut s'exercer sur ce poste de préjudice.

Préjudices patrimoniaux

A/ Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

1) Dépenses de santé actuelles

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime.

La caisse générale de sécurité sociale a exposé la somme de 3360,11 euros pour les frais hospitaliers et la somme de 4518, 67 euros pour les frais médicaux.

M. [Q] [Y] ne demande pas le remboursement de frais médicaux qui seraient restés à sa charge.

2) Frais divers ( assistance tierce personne)

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l'indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

L'expert judiciaire retient dans son rapport que Mr [Q] [Y] a dû faire appel à une tierce personne avant consolidation à raison de :
- 1h par jour tous les jours pour l'aide personnelle
- 2h par jour tous les jours pour l'aide-ménagère
Soit un total de 3h par tour et de 21h par semaine pour les périodes suivantes:
- 07/10/2006 au 02/11/2006 soit 3 semaines et 4 jours
- 05/11/2006 au 03/04/2007 soit 5 mois (20 semaines)
- 05/04/2007 au 18/05/2008 soit 1 an 1 mois et 13 jours (58 semaines)
- 20/05/2008 au 05/06/2008 soit 2 semaines et 1 jour
- 07/06/2008 au 04/09/2008 soit 2 mois et 27 jours (12 semaines)
- 06/09/2008 au 16/04/2009 soit 6 mois et 10 jours (25 semaines et 3 jours)
- 18/04/2009 au 05/11/2009 soit 5 mois et 2 semaines (22 semaines)
Soit un total de 143 semaines et de :
-1h par jour tous les jours pour l'aide personnelle et 1h par jour les jours ouvrables pour l'aide-ménagère
Soit un total de 2h par jour et de 14h par semaine pour la période suivante :
- 08/06/2010 au 08/07/2010 soit 4 semaines.

M. [Q] [Y] demande à la cour de fixer à 18,19 euros le coût horaire de la tierce personne.

Dès lors qu'il ne produit pas de facture, le préjudice sera calculé sur la base d'un taux horaire de 16 euros, s'agissant d'une aide n'ayant pas donné lieu au paiement de charges sociales.

Il sera donc alloué de ce chef à M. [Q] [Y] la somme de 48 944 euros.

3) Pertes de gains professionnels actuelles

Elles concernent le préjudice économique subi par la victime pendant la durée de son incapacité
temporaire totale ou partielle de travail fixée par l'expertise.

Il résulte des pièces produites que pendant les périodes d'arrêt de travail, M. [Q] [Y] a perçu des indemnités journalières à hauteur de 3925,76 euros de la caisse générale de sécurité sociale.

M. [Q] [Y] ne demande rien au titre de ce poste de préjudice.

B/ Préjudices patrimoniaux permanents :

1) Dépenses de santé futures

La caisse générale de sécurité sociale ne prévoit aucun débours de ce chef.

M. [Q] [Y] demande l'allocation d'une indemnité de 1000 euros correspondant au coût de 20 séances de suivi neuropsychologique préconisées par l'expert.

Il sera fait droit à la demande.

2) Pertes de gains professionnels futures

Elles correspondent à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente à compter de la date de consolidation.

M. [Q] [Y] ne formule aucune demande ce titre.

3) Incidence professionnelle

Ce poste de préjudice a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi en raison de la dévalorisation sur le marché du travail, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi occupé imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à l' obligation de devoir abandonner la profession exercée avant le dommage au profit d'une autre choisie en raison de la survenance du handicap ; que ce poste de préjudice permet également d'indemniser le risque de perte d'emploi qui pèse sur une personne atteinte d'un handicap, la perte de chance de bénéficier d'une promotion, la perte de gains espérés à l'issue d'une formation scolaire ou professionnelle, les frais nécessaires à un retour à la vie professionnelle.

Me [H], ès qualités de mandataire de la société France-Antilles Guadeloupe, fait valoir, sans être contredit sur ce point, que M. [Q] [Y] n'a pas été déclaré inapte à son poste de travail et a continué à travailler avec le même salaire après son accident ; que son licenciement est intervenu 10 ans après cet accident, par lettre du 31 décembre 2015, pour motif économique dans le cadre de la restructuration du groupe France-Antilles.

M. [Q] [Y] ne justifie pas de sa situation professionnelle depuis son licenciement.

Quoi qu'il en soit, l'expert a retenu une incidence professionnelle en raison de la pénibilité d'une activité professionnelle, en lien avec les séquelles de l'accident.

Ces séquelles entraînent aussi manifestement une dévalorisation du salarié sur le marché du travail.

Le préjudice de M. [Q] [Y] sera évalué à 20 000 euros.

Il ressort des débours définitifs de la caisse générale de sécurité sociale qu'elle verse à M. [Q] [Y] une rente depuis le 29 décembre 2011, capitalisée à 80 824,54 euros.

Cette rente ayant vocation à indemniser l'incidence professionnelle, M. [Q] [Y] ne recevra de ce chef aucune indemnisation complémentaire.

Préjudices extra-patrimoniaux

A/ Préjudice extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

1) Déficit fonctionnel temporaire

Ce préjudice inclut, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

L'expert a retenu les périodes suivantes :
Déficit fonctionnel temporaire total : hospitalisations
- du 28/09/2006 au 06/10/2009 soit 9 jours
- 03/11/2006 au 04/11/2006 soit 2 jours
- 04/04/2007, 19/05/2008, 06/06/2008, 05/09/2008, 17/04/2009, 07/06/2010 soit 6 jours.
Soit un total de 17 jours.
Déficit fonctionnel temporaire partiel à 60 % :
- du 07/10/06 au 02/11/2006 soit 25 jours
- du 05/11/2006 au 03/04/2007 soit 4 mois et 27 jours donc 147 jours
Soit un total de 172 jours.
Déficit fonctionnel temporaire partiel à 40%
- du 05/04/2007 au 18/05/2008 soit 408 jours
- du 20/05/2008 au 05/06/2008 soit 16 jours
- du 07/06/2008 au 04/09/2008 soit 87 jours
- du 06/09/2008 au 16/04/2009 soit 190 jours
- du 18/04/2009 au 05/11/2009 soit 163 jours
Soit un total de 864 jours.
Déficit fonctionnel temporaire partiel à 30%
- 06/11/2009 au 06/06/2010 soit 210 jours
- 08/06/2010 au 08/07/2010 soit 30 jours
Soit un total de 240 jours.
Déficit fonctionnel temporaire partiel à 20%
- 09/07/2010 au 27/12/2011 soit 533 jours.

Sur la base d'une indemnisation de 20 euros par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par M. [Q] [Y] jusqu'à la consolidation, justifient l'octroi des sommes suivantes :
340 euros pour le déficit fonctionnel temporaire total,
2054 euros pour le déficit fonctionnel temporaire à 60 %
6 048 euros pour le déficit fonctionnel temporaire à 40 %
1440 euros pour le déficit fonctionnel temporaire à 30 %
2132 euros pour le déficit fonctionnel temporaire à 20 %
soit au total 12 014 euros

2) Souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser ici les souffrances tant physiques que morales endurées du fait des atteintes à l'intégrité, la dignité et l'intimité et des traitements, interventions, hospitalisations subies depuis l'accident jusqu'à la consolidation.

L'expert a évalué les souffrances endurées par M. [Q] [Y] à 5/7.

Il convient de fixer la réparation de ce préjudice à la somme de 30 000 euros, comme demandé.

3) Préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers.

L'expert a retenu un préjudice esthétique temporaire de 3/7.

La réparation de ce préjudice sera fixée à la somme de 2000 euros.

B/ Préjudice extra-patrimoniaux permanents

1) Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de préjudice tend à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales) dont la victime continue à souffrir postérieurement à la consolidation du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.

En l'espèce, il convient de fixer la réparation de ce préjudice, évalué par l'expert à 18 %, à la somme de 36 000 euros comme demandé, au regard du référentiel indicatif des cours d'appel pour 2020.

Toutefois, la rente versée par la caisse générale de sécurité sociale indemnise aussi le poste de préjudice personnel du déficit fonctionnel permanent.

Il s'ensuit que M. [Q] [Y] ne peut prétendre à aucune indemnité complémentaire de ce chef.

2) Préjudice d'agrément

Ce poste de préjudice répare l'impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs.

L'appréciation s'en fait in concreto, au vu des justificatifs produits, de l'âge et du niveau sportif de la victime.

En l'espèce, M. [Q] [Y] ne produit pas le moindre justificatif susceptible d'établir qu'avant le 28 septembre 2006 il exerçait un sport ou avait des loisirs auxquels il aurait dû renoncer en raison des séquelles de l'accident.

Il n'y a donc pas lieu de faire droit à la demande.

3) Préjudice esthétique permanent

Ce poste indemnise les éléments de nature à altérer l'apparence ou l'expression de la victime.

L'expert a retenu un préjudice esthétique permanent de 2/7 en lien avec l'amputation du deuxième doigt de la main droite, des raideurs résiduelles des troisième et quatrième doigts de la même main et des cicatrices cutanées.

La réparation de ce préjudice sera évaluée à la somme de 3000 euros.

Récapitulatif

M. [Q] [Y] recevra en réparation de son préjudice corporel, la somme de 96 958 euros, en deniers ou quittances, provisions non déduites et la rente versée par la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe.

Les débours définitifs de la caisse générale de sécurité sociale pour M. [Q] [Y] s'élèvent à la somme totale de 92 629,08 euros.

L'employeur ne peut être condamné à verser directement à la victime les sommes dues en réparation de son préjudice corporel, la réparation des préjudices étant versée au bénéficiaire par la caisse générale de sécurité sociale.

III / Sur l'action récursoire de la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe

En vertu de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale, la réparation des préjudices subis par le salarié victime d'un accident du travail dû à une faute inexcusable de l'employeur, est versée directement au bénéficiaire par la caisse qui en récupère le montant auprès de l'employeur.

C'est donc à bon droit que la caisse générale de sécurité sociale demande à la cour de condamner la compagnie d'assurances Allianz IARD, ès qualités d'assureur de la société France-Antilles Guadeloupe, à lui rembourser les sommes qu'elle doit verser à M. [Q] [Y].

IV / Sur l'application de 700 du code de procédure civile

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. [Q] [Y] la totalité des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ; la cour lui a alloué de ce chef la somme de 2500 euros pour les frais irrépétibles qu'il avait déjà engagés avant l'expertise.

Il convient d'y ajouter, compte tenu de la longueur de la procédure, la somme de 1000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

Vu l'arrêt rendu en la cause le 1er décembre 2014,

Vu le rapport d'expertise déposé le 2 août 2016 par le docteur [J] [Q],

Vu l'arrêt rendu en la cause le 30 septembre 2019,

Reçoit Me [G] [H], ès qualités de mandataire de la société France-Antilles Guadeloupe, en son intervention volontaire ;

Rejette la demande de mise hors de cause de la compagnie d'assurances Allianz IARD ;

Dit que la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe devra payer à M. [Q] [Y] la somme de 96 958 euros en réparation de son préjudice corporel ;

Condamne la compagnie d'assurances Allianz IARD, ès qualités d'assureur de la société France-Antilles Guadeloupe, à rembourser cette somme à la caisse générale de sécurité sociale de la Guadeloupe ;

Condamne la société France-Antilles Guadeloupe à payer à M. [Q] [Y] la somme supplémentaire de 1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société France-Antilles Guadeloupe, représentée par son mandataire, aux entiers dépens, comprenant les frais d'expertise ;

Rejette le surplus des demandes plus amples ou contraires.

Le greffier,La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 17/00862
Date de la décision : 22/02/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-02-22;17.00862 ?
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