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28/01/2021 | FRANCE | N°17/00329

France | France, Cour d'appel de Basse-Terre, 28 janvier 2021, 17/00329


COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE


1ère CHAMBRE CIVILE


ARRET No 69 DU 28 JANVIER 2021




No RG 17/00329 - CF/EK
No Portalis DBV7-V-B7B-CZJU


Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 12 janvier 2017, enregistrée sous le no 15/01126




APPELANT :


Monsieur [D] [V]
28. [Adresse 1]
[Localité 1]


Représenté par Me Jeanne-hortense LOUIS, (TOQUE 62) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART




I

NTIMÉS :


Monsieur [K] [R]
[Adresse 2]
[Localité 2]


Madame [B] [R]
[Adresse 2]
[Localité 2]


Représentés tous deux par Me Dominique DEPORCQ, (TOQUE 63) av...

COUR D'APPEL DE BASSE-TERRE

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRET No 69 DU 28 JANVIER 2021

No RG 17/00329 - CF/EK
No Portalis DBV7-V-B7B-CZJU

Décision déférée à la Cour : jugement au fond, origine tribunal de grande instance de BASSE-TERRE, décision attaquée en date du 12 janvier 2017, enregistrée sous le no 15/01126

APPELANT :

Monsieur [D] [V]
28. [Adresse 1]
[Localité 1]

Représenté par Me Jeanne-hortense LOUIS, (TOQUE 62) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

INTIMÉS :

Monsieur [K] [R]
[Adresse 2]
[Localité 2]

Madame [B] [R]
[Adresse 2]
[Localité 2]

Représentés tous deux par Me Dominique DEPORCQ, (TOQUE 63) avocat au barreau de GUADELOUPE/ST MARTIN/ST BART

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions de l'article 799-3 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état, à la demande des parties, a autorisé les avocats à déposer leur dossier au greffe de la chambre civile avant le 07 décembre 2020.

Par avis du 07 décembre 2020, le président a informé les parties que l'affaire était mise en délibéré devant la chambre civile de la cour composée de :

Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre,
Mme Valérie MARIE GABRIELLE, conseillère,
Madame Christine DEFOY, conseillère,
qui en ont délibéré.

Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la Cour le 28 janvier 2021.

GREFFIER

Lors du dépôt des dossiers : Mme Esther KLOCK, greffière.

ARRET :

Contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées. Signé par Madame Claudine FOURCADE, présidente de chambre et par Mme Esther KLOCK, greffière, à laquelle la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par arrêtés en date des 5 décembre 1986 et 10 novembre 1987, le terrain appartenant à la société civile agricole de Grand Camp, situé commune de [Localité 3] (Guadeloupe) d'une contenance de 61 hectares 34 ares 63 centiares, a fait l'objet d'un lotissement avec division en 46 lots;

Selon acte authentique en date des 17 et 19 juillet 1990 reçu par [R] [E], notaire associé de la société civile professionnelle [E], notaires associés, la société civile agricole de Grand Camp a vendu aux époux [K] [R] et [B] [G] le lot no1 du lotissement dit Grand Camp, situé commune de [Localité 3] (Guadeloupe), cadastré AD [Cadastre 1] d'une contenance de 11 ares et 10 centiares.

Par acte authentique reçu par le même office notarial les 21 et 22 mai 1992, la société civile agricole de Grand Camp a vendu aux époux [D] [V] et [Z] [X] le lot no2 de ce même lotissement figurant au cadastre à la section AD [Cadastre 2] d'une contenance de 10 ares et 95 centiares.

Diverses échanges sont intervenus entre les époux [R] [G] et les époux [V] [X] quant à l'implantation de la villa de ceux-ci.

A la suite de l'élaboration d'un plan de partage des lots signés le 18 décembre 1992 par le lotisseur, la SCA GRAND CAMP, [H] [V], représentant les époux [V] [X] et les époux [R], un document intitulé "PROTOCOLE D'ACCORD" intervenait le 9 février 1993 , actant la modification des lots 1 et 2, outre divers travaux d'adduction d'eau et réseaux électrique et téléphonique sur 22 mètres et d'un mur de soutènement sur 30 mètres. Ces travaux ont donné lieu à facturation au nom des consorts [R] pour un montant total de 86 268 francs (contre-valeur de 14 675,96 euros).

Par acte d'huissier du 18 septembre 2015, [D] [V] a assigné [K] [R] et [B] [G] devant le tribunal de grande instance de Basse-Terre aux fins de voir :
- constater l'empiétement non contesté commis par les époux [R] sur sa parcelle constituant le lot no2 du lotissement de [Localité 4] à [Localité 3],
- constater l'impossibilité pour lui du fait des époux [R], de n'avoir pas pu réaliser son projet initial de construction d'une villa sur son lot,
- lui donner acte qu'en l'état un échange de terrains est intervenu entre les parties, et de ce qu'il a dû acquérir une parcelle de terre supplémentaire pour remplir les conditions d'obtention d'un nouveau permis de construire.
Selon jugement rendu le 12 janvier 2017, le tribunal de grande instance de Basse-Terre a :
- débouté [D] [V] de l'ensemble de ses demandes,
- condamné [D] [V] à payer à [K] [R] et [B] [G] la somme de 500 euros en vertu des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné [D] [V] au paiement des entiers dépens de la première instance.

Par déclaration en date du 9 mars 2017, [D] [V] a interjeté appel de ce jugement.

Les parties ont conclu. L'ordonnance de clôture est intervenue le 22 octobre 2018.

Par arrêt en date du 21 janvier 2019, la cour d'appel de Basse-Terre a:
- ordonné une expertise des lieux en litige afin de déterminer si la construction des époux [R] empiète sur la parcelle de [D] [V],
- sursis à statuer sur les autres demandes.

L'expert judiciaire a achevé les opérations expertales par un rapport daté du 4 juin 2019.

A la suite du dépôt du rapport expertal, l'appelant a conclu le 20 septembre 2020, les intimés n'ayant pas quant à eux, en dépit du calendrier de procédures les y invitant, déposer de nouvelles écritures.

L'ordonnance de clôture, qui est intervenue le 23 novembre 2020 a fixé, en application de l'alinéa 3 de l'article 799 du code de procédure civile, le dépôt des dossiers des avocats à la cour le 7 décembre 2020, date à laquelle l'affaire a été mise en délibéré jusqu'au 28 janvier 2021, pour son prononcé par mise à disposition au greffe.

PRÉTENTIONS DES PARTIES
- L'APPELANT:

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 20 septembre 2020 aux termes desquelles [D] [V] demande à la cour de :
- le déclarer recevable et bien fondé en son appel,
* à titre principal :
- homologuer le rapport de l'expert en ce qu'il a constaté l'empiétement des époux [R] sur une superficie de 510m2,
- constater l'impossibilité pour lui, du fait des Epoux [R], d'avoir pu réaliser son projet initial de construction d'une villa sur son lot, qu'un échange de terrains entre les parties a été proposé et acquiescé par les époux [R], que Maître [T], notaire en charge de la régularisation de l'échange s'est heurté au refus des époux [R] et à leur volonté de ne pas payer une quelconque soulte, et dire abusive la résistance des époux [R],
- ordonner la cession du lot B aux époux [R] au prix de 73 000 euros,
- désigner l'étude BRUMIER aux fins d'établissement de l'acte notarié formalisant la vente du lot B de 510m2 entre Monsieur [V] et les époux [R],

- enjoindre aux époux [R] de régulariser I'acte de vente sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision,
- condamner les époux [R] in solidum à payer à [D] [V] la somme de 73 000 euros représentant la valeur vénale du lot B constituée par l'empiétement,
- condamner les époux [R] in solidum à réparer le préjudice qu'il a subi du fait de l'empiétement de sa parcelle la rendant impropre à recevoir la construction initialement prévue, ainsi que celui résultant de la privation de jouissance des 510 m2 durant plus de 20 ans,
- les condamner solidairement à ce titre à lui payer la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts sur Ie fondement de I'article 1382 du code civil,
* en tout état de cause,
- condamner les époux [R] à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- les condamner aux entiers dépens, y compris le coût de l'expertise,

- LES INTIMES:

Vu les dernières conclusions remises au greffe le 7 septembre 2017 par lesquelles les époux [R] sollicitent de voir :
- débouter [D] [V] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, comme étant infondées et injustifiées ;
- condamner [D] [V] à leur verser la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement des entiers dépens,

MOTIFS DE LA DÉCISION
Attendu'en application de l'article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu'on n'en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements ; que selon l'article 545 du code civil, nul ne peut être contraint de céder sa propriété, si ce n'est pour cause d'utilité publique, et moyennant une juste et préalable indemnité ;

Attendu qu'il est incontesté qu'aux termes de leurs titres respectifs, les parties sont propriétaires des lots numéro 1 et numéro 2 du lotissement de [Localité 4];

Qu'il ressort du rapport expertal, qu'après application du plan d'origine du lotissement de [Localité 4], une importante partie des constructions des consorts [R] [G] a été implantée sur le lot numéro 2 appartenant à [D] [V]; qu'ainsi, la maison d'habitation est en majorité construite sur ce dernier lot, tout comme le trottoir en béton la contournant, ainsi qu' une petite partie du parking et la totalité du mur de soutènement en façade de voirie ;

Que les constats et conclusions de l'expert judiciaire, qui ne donne pas lieu à critique, rejoignent les constats du cabinet SIMON, lequel est intervenu dans le cadre d'une perspective d'échanges de parcelle et géomètre; que sur le plan dressé par ce dernier, comportant les signatures des consorts [R] [G], du représentant des époux [V] et de celle du lotisseur, il ressort également que la construction [R] est à cheval sur le lot 1 et sur le lot 2 ;

Qu'ainsi, [D] [V] justifie ainsi que diverses constructions réalisées par les époux [R] [G] empiètent sur le lot no2, figurant au cadastre à la section AD [Cadastre 2] propriété des consorts [V] [X] ; que l'empiétement sur le terrain d'autrui suffit à caractériser la faute visée à l'article 1382 du code civil devenu 1240 du code civil ;

Attendu qu'aux fins de réparation de l'atteinte à ses droits de propriétaire, [D] [V] sollicite non la démolition des constructions érigées sur le lot lui appartenant, mais au vu du plan d'échange établi par l'expert judiciaire, propose la cession du lot B aux époux [R], sans pour autant en contrepartie l'acquisition du lot D, et ce moyennant le prix de 73 000 euros ;

Que l'expert, qui en avait reçu mission, a effectivement établi un plan de partage en créant quatre lots: un lot A issu de la propriété [V], pour 585 m², un lot B issu de la propriété [V] pour 510 m², un lot C issu de la propriété [R] pour 752 m² et un lot D issu de la propriété [R] pour 359 m²; qu'étaient ensuite attribués à [D] [V] et aux héritiers [V] [X] les lots A et D et aux époux [R] les lots B et C ; qu'enfin, en ce qui concerne leur valeur, le lot D s'élevait à la somme de 43 000 euros et le lot B à celle de 73 000 euros ;

Que pour autant, dans ses dernières conclusions, [D] [V] ne sollicite plus un échange de terrains, mais revendique que les époux [R] soient contraints d'acquérir, sous astreinte, le lot B, avec fixation du prix de cession à 73 000 euros, sans acquisition corrélative pour lui d'acheter le lot D pour un montant de 43 000 euros;

Que si la victime de l'empiétement peut en effet préférer à la démolition, l'octroi de dommages et intérêts, il ne peut, dès lors qu'aucun accord n'est intervenu avec l'auteur de l'empiétement revendiquer la cession d'une parcelle moyennant fixation d'un prix de vente, tout en réclamant de surcroît sur le même fondement l'octroi de dommages-intérêts supplémentaires ;

Que [D] [V] ne peut soutenir en l'espèce qu'existe un acquiescement des époux [R] à un échange de terrains; qu'en effet, quand bien même, sont communiqués aux débats, un plan de partage des lots du 18 décembre 1992 suivi le 9 février 1993 d'un protocole d'accord signés par les époux [R] et le lotisseur, le projet d'échange tel qu'il avait été alors envisagé, lequel au demeurant ne correspond pas aux délimitations des nouveaux lots telles que déterminés par l'expert judiciaire, n'a pu être authentifié par devant le notaire, ce dernier informant [D] [V] le 2 mars 2015 que selon les époux [R], la différence de valeur avait été réglée par le protocole signé entre les parties et le lotisseur; qu'en l'absence d'accord des parties sur les modalités de l'échange lesquelles étaient encore en discussion, n'est donc pas subséquemment établi la résistance de ces derniers à régulariser le dit échange; que ce dernier n'est en tout état de cause, au vu des dernières demandes postérieures au dépôt du rapport de l'appelant, ;

Que faute de démontrer l'accord des parties sur les modalités d'un échange, les demandes tendant à voir ordonner la cession du lot B aux époux [R] au prix de 73 000 euros, avec régularisation par acte authentique sous astreinte, et leur condamnation au paiement de la somme de 73 000 euros seront rejetées ;

Qu'il n'en demeure pas moins, que les époux [R] [G] ont construit sur la parcelle d'autrui depuis près de 27 ans, ce qui a entraîné la perte de jouissance du bien acquis par les époux [V] [X] ; que ce préjudice sera réparé par l'allocation d'une somme de 20 000 euros à la charge de ceux-ci ;

Sur les mesures accessoires

Attendu qu'en application de l'article 696 du code de procédure civile, [K] [R] et [B] [G], qui succombent, seront condamnée aux entiers dépens, lesquels comportent de plein droit le coût de l'expertise judiciairement ordonnée;

Qu'ils seront également condamnés à payer à [D] la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement par mise à disposition au greffe :

Infirme le jugement du tribunal de grande instance de Basse-Terre en date du 12 janvier 2017 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant:

Dit que les constructions des époux [R] [G] empiètent pour partie sur le lot no2, figurant au cadastre à la section AD [Cadastre 2] de la commune de [Localité 3], propriété des consorts [V] [X] ,

Condamne in solidum [K] [R] et [B] [G] à payer à [D] [V] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice lié à la perte de jouissance ,

Les condamne également à lui payer la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette le surplus des demandes de [D] [V],

Condamne [K] [R] et [B] [G] aux entiers dépens ;

Et ont signé le présent arrêt.

Le greffierLe président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Basse-Terre
Numéro d'arrêt : 17/00329
Date de la décision : 28/01/2021

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2021-01-28;17.00329 ?
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